Yves Tchakounte

Pourquoi l’alimentation de l’enfant préoccupe tant les pédiatres au Cameroun ?

Assister à un débat sur la santé de l’enfant organisé par les pédiatres était considéré, pour moi, comme une curiosité. Pour la première fois, j’assistais à un débat animé par des femmes et des hommes de sciences. Mais, ce qui est tout de même intéressant, c’est justement le fait d’aborder un thème pour le moins problématique qu’est « la résistance aux antibiotiques » dans un contexte camerounais. A quoi cela renvoi-t-il ? Pourquoi et comment l’enfant serait-il résistant aux antibiotiques ? Bref quel est l’enjeu qui se cache derrière ce discours de médicaments et de résistance chez les enfants ?

Les pédiatres et la SOCAPED

Le 18 février 2020 à 16h s’est tenu à l’Hôtel Hilton de Yaoundé une cérémonie un peu particulière, à laquelle j’assistais pour la première fois, disais-je. La SOCAPED (Société Camerounaise de Pédiatrie), accueillait ce qu’on appelle dans le jargon du milieu les nouveaux « résidents ». Il s’agit de 16 pédiatres nouvellement sortis des facultés de médecine du pays et également nouvelles recrues de cette société savante. Cette cérémonie avait donc pour objectif principal d’accueillir les nouveaux pédiatres admis à faire valoir leurs droits dans cette communauté savante qu’est la SOCAPED.

La Société Camerounaise de Pédiatrie est une sorte de communauté de partage, « du donner et du recevoir », d’expérience sur le développement et la santé de l’enfant. C’est la raison pour laquelle on y trouve toutes les catégories de métiers qui prennent en charge ce bien-être de l’enfant : en dehors des pédiatres, les médecins, les paramédicaux, les psychologues, les sociologues, les anthropologues, etc. sont concernés.

Ce 18 février était donc consacré à ce que je peux appeler « l’intronisation des nouveaux pédiatres » dans cette communauté aujourd’hui vaste de 120 pédiatres qui exercent au Cameroun. Selon l’aveu du Pr David Chelo, Secrétaire Général de la SOCAPED, seuls 90 parmi eux sont actuellement actifs au Cameroun. Bien entendu, plusieurs Camerounais pédiatres exercent actuellement à l’étranger. La SOCAPED avance un chiffre de 50 pédiatres environ.

Cette cérémonie avait comme plat de résistance l’accueil des nouveaux « résidents ». Mais, c’est le menu d’entrée, constitué d’exposés et de débats, qui m’a le plus séduit. Le Cameroun est un pays qui compte, dans les projections statistiques, presque 43% de la population âgée de moins de 15 ans (RGPH 1976, 1987, 2005 et projections ; EDS-MICS 2011). Pour la Banque Mondiale, les statistiques indiquent que le Cameroun comptait 0,08 médecins pour 1000 habitants en 2010.

Les pédiatres et la santé infantile

Au vue de ces statistiques, je vous épargne des détails liés à l’accès à un pédiatre (pauvreté, éloignement des centres de santé, etc.), il devient évident que l’enfant Camerounais est très vulnérable. Dans un tel contexte, comment réussir à assurer efficacement la santé et le bien-être de l’enfant ? Comment contourner ces limites d’accès à la médecine pour ceux qui sont considérés à tort ou à raison comme des êtres très fragiles ?

C’est dans ce contexte que les problématiques sur la prévention deviennent alors intéressantes en Afrique et au Cameroun en particulier. A défaut d’avoir un pédiatre, ce qui représente encore un luxe au Cameroun, il faut développer les moyens de prévention. Le débat du jour concernait « la résistance aux antibiotiques » animé par des biologistes, en particulier. Débat articulé sur trois thématiques : « Profil de résistance aux antibiotiques chez les enfants » (Dr Laure Ngando du Centre Pasteur du Cameroun), « Stratégies du plan mondial OMS dans notre contexte » (Dr Nelly Kamgaing, du CHU de Yaoundé), et « Microbiote et antibiothérapie » (Dr Isabelle Mekone Nkwelle, de l’Hôpital Général de Yaoundé).

Les antibiotiques, selon l’OMS, « sont des médicaments utilisés pour traiter et prévenir les infections bactériennes ». L’aspect de la prévention, pour les pédiatres, est très important dans la mesure où elle permet de contourner les limites. La résistance est donc cette faculté qu’ont les milliards de bactéries du corps, à muter, à contourner l’efficacité des médicaments, et donc, à survivre. Ce sont les bactéries qui résistent aux médicaments, et non l’enfant.

C’est une situation peu confortable à la fois pour le malade et pour le médecin pour la simple raison que l’enfant ne recouvre pas sa santé conformément aux prescriptions médicales. Par conséquent, cela imputera des dépenses supplémentaires. Il va donc se poser plusieurs hypothèses que je formule ici sur la forme de questionnement : est-ce que le diagnostic a été bien fait ? Est-ce que l’analyse en laboratoire a-t-elle été bien menée ? Enfin, la question lancinante, est-ce que le médicament, bien que ce soit le bon choix du pédiatre, est-il de meilleure qualité ?

La résistance vue sous trois angles

Malgré cette capacité des antibiotiques à jouer également le rôle de la prévention, il peut arriver qu’il y ait des défaillances face à cette résistance des bactéries. Le questionnement précédent issu des débats entre les pédiatres et les biologistes a conduit sur quelques pistes de réflexion :

  • Les diagnostics :

Les questions sur les diagnostics sont nettement en rapport avec la qualité des médecins, pour ne pas dire les compétences. La majorité des 16 pédiatres admis au résidanat se sont formés au Cameroun. Il ne fait donc l’ombre d’aucun doute que les facultés de médecines camerounaises, sont reconnues pour la qualité de leurs enseignements. D’ailleurs, quelques enseignants de ces facultés présents ce jour-là sont membres de la COCAPED. Le débats sur la qualité des pédiatres exerçant au Cameroun ne se sont d’ailleurs pas posés.

  • Les analyses :

Les débats les plus fructueux et les plus enrichissants qui préoccupaient plus les pédiatres ont été posés sur les relations entre les médecins/pédiatres et les biologistes. Il a été constaté que ces relations n’étaient généralement pas fructueuses pour deux raisons au moins. La première raison est la non disponibilité des pédiatres. Trop sollicités, ils n’ont pas du tout le temps de s’entretenir avec le laboratoire pour se concerter sur les difficultés éventuelles face à ces résistances. Parfois un simple dialogue entre les deux acteurs peut aboutir à un dénouement heureux. La deuxième raison est le choix de bons laboratoires. Ont-ils les équipements nécessaires pour des analyses efficaces ? La prolifération des aventuriers dans ce domaine n’est pas de nature à garantir de bons résultats des analyses. Il appartient donc aux pédiatres de faire le bon choix qu’il faut.

  • Les médicaments :

Les antibiotiques efficaces et de bonnes qualités ont été également au centre des débats. La résistance des bactéries est due en grande partie à la mauvaise qualité des médicaments. Comme je l’ai dit précédemment pour les biologistes, les relations entre les pédiatres et les délégués médicaux sont extrêmement importantes. Il a été surtout question d’interpeller les nouveaux résidents à se méfier des pressions parfois embarrassantes du marketing médicamenteux pour la simple raison qu’ils sont toujours audacieux. L’appât du gain est souvent le premier défaut. Le pédiatre se laisse facilement prendre au dépourvu de la mauvaise qualité du médicament prescrit à l’enfant.

Ici, on retrouve la question fondamentale du business qui est en fait un très grand enjeu économique. L’industrie du médicament, après celle de l’armement, domine les intérêts, qu’ils soit politiques ou socioéconomiques, dans le monde. Comment va faire le modeste pédiatre face à ce dumping du marché des médicaments ? Va-t-il jouer le jeu des intérêts ou se limiter à la santé de l’enfant ? Dans l’incapacité de trouver une solution efficace, il a été recommandé aux nouvelles recrues de ne faire confiance qu’à leur bonne foi et à leur compétence. Difficile à vivre, mais nécessaire face aux défis de la santé publique dans le contexte camerounais.

La bonne alimentation comme solution efficace

Les résistances aux antibiotiques deviennent de plus en plus fréquentes face à toutes ces limites. En somme, à la fois le bon diagnostic, le bon laboratoire et le bon médicament ne peuvent être à cent pour cent efficaces. Pire encore, malgré l’évolution de la recherche, même les nouveaux antibiotiques ne sont pas du tout rassurants. Ce qui reste le plus conseillé c’est le changement de comportements. Selon Dr Kamgaing Nelly, les recommandations de l’OMS sont les plus efficaces à savoir « la vaccination, le lavage des mains, et une bonne hygiène alimentaire ».

L’alimentation de l’enfant, surtout la bonne, est considérée comme le premier antibiotique le plus efficace. C’est alors à ce niveau qu’intervient la problématique de l’alimentation des enfants où les industries alimentaires jouent un rôle important. Nestlé se positionne, en cette occasion, comme un partenaire efficace des pédiatres. Ce partenaire mesure-t-il les enjeux de ce challenge ?

Depuis 2003 que Nestlé Cameroun soutient la SOCAPED à travers son Institut Nestlé Nutrition, les nouveaux résidents pédiatres reçoivent « l’information et la formation de premier choix en matière de nutrition infantile. C’est dire que les nouveaux résidents pourront bénéficier de l’offre de formation de l’Institut Nestlé Nutrition et, compléter ainsi la qualité des soins et des conseils nutritionnels aux parents et à leurs enfants. Ce qui devrait permettre d’améliorer à moyen et à long terme, les indicateurs de santé publique au Cameroun ».


Handicap et droit de vote au Cameroun

Le 9 février 2020 s’est tenu, au Cameroun, les élections législatives et municipales. Comme d’habitude, c’était l’occasion, pour des associations et des ONG de promotion des droits de l’homme, de participer au processus électoral à travers le déploiement des observateurs sur l’étendue du territoire. Mais, certaines ONG se sont fait remarquer par leur particularité. C’est le cas de l’ONG américaine Sightsavers.

Pour Sightsavers, par le canal de la « Plateforme Nationale des Organisations de Promotion de l’Inclusion des Personnes Handicapées du Cameroun », le moment est venu de miser sur une catégorie sociale presque oubliée : les personnes vivant avec un handicap. Ce qui fait la particularité de cette ONG, c’est qu’elle souhaite faire des personnes handicapées des acteurs de la vie démocratique, et ce à trois niveaux : il s’agit d’impliquer les personnes handicapées à la fois comme observateurs électoraux, comme électeurs, et comme candidats.

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Elections législatives et municipales au Cameroun le 9 février 2020. Un aveugle se fait aider pendant le vote à Yaoundé. Crédit photo : Sightsavers.

Sightsavers a joué un rôle prépondérant dans l’implication des personnes handicapées dans le processus électoral au Cameroun au cours de l’élection présidentielle (7 octobre 2018), Législatives et Municipales (9 février 2020). Son rôle a consisté à servir de facilitatrice en termes de formation (rôle d’un député, d’un conseiller municipal, et les techniques d’observation électorale). Elle a été d’un apport considérable dans l’organisation des campagnes électorales des candidats handicapés. Même si le bilan est jugé mitigé par beaucoup pour ce qui concerne le soutien des candidats handicapés, cet apport ne peut tout de même pas être oublié. Par contre, son bilan pour l’observation électorale est encourageant. Je vous livre ici quelques images rapportées par les observateurs électoraux handicapés recrutés pour la circonstance.

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Élections législatives et municipales au Cameroun le 9 février 2020. Une électrice et observatrice handicapée (malentendante) en train de voter à dans un bureau de vote à Yaoundé. Crédit photo : Sightsavers.

En tant qu’observateurs électoraux, les personnes handicapées sont allées sur le terrain en sillonnant les villes cibles comme Yaoundé, Douala, Garoua, Figuil, Yagoua, Maroua, Bertoua, Abong-Bang, Dschang, Bafoussam, Ngaoundéré, Meiganga, Ebolowa, Sangmélima, pour constater de leurs propres yeux les conditions environnementales et psychologiques auxquelles les personnes handicapées doivent faire face lors des scrutins au Cameroun. Et en tant qu’électeurs, elles ont, à travers leurs points de vue, exprimé leur ressenti et leur vécu face à ces conditions dont elles viennent de faire l’expérience sur le terrain après avoir accompli leur devoir de vote.

J’ai donc eu ce privilège d’être sélectionné, ainsi d’une quarantaine d’autres, comme observateur électoral pour les élections législatives et municipales du 9 février dernier. Pour la première fois, depuis que je me bats pour la promotion et le respect des droits des minorités, j’ai été confronté à l’immensité de la souffrance de cette catégorie sociale. J’ai moi-même vu et vécu les conditions dans lesquelles les personnes handicapées se battent pour exercer leurs droits de vote. Après avoir vécu cette expérience et reçu également quelques clichés de mes collègues, je ne me ferai pas l’injure de ne pas partager cela à l’attention du monde. Le Cameroun n’étant pas une exception en la matière, elle fait cependant partie de l’exception.

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Elections législatives et municipales au Cameroun le 9 février 2020. Les urnes dans un bureau de vote à Yaoundé. Crédit photo : Sightsavers.

Les obstacles liés à l’environnement

Les obstacles à l’accessibilité des personnes handicapées dans le cadre de l’expression de leurs droits de vote se présente sous deux formes liées à l’environnement physique et communicationnel d’une part et à leur ressenti d’autre part. Ces types d’obstacles environnementaux concernent généralement les conditions physiques d’accès d’une part au centre de vote, et d’autre part au bureau de vote.

L’entrée des centres de vote 

Certains centres de vote sont particulièrement réputés d’être situés en retrait de la voie routière principale. La conséquence est que ces centres sont généralement difficile d’accès à cause des voies réputées pour leur particularité « accidentogènes ». Les voies d’accès sont parsemés d’embuches et de crevasses qui rendent impossibles la circulation des personnes possédant n’importe quel type de handicap : les fauteuils roulant, les béquilles, les cannes, etc. C’est véritablement un parcours de combattant que ces personnes mènent pour parcourir une distance qui va de la voie principale bitumée jusqu’à l’entrée du centre de vote. Si elles décident d’emprunter un taxi-moto pour ce parcours, cela impliquera inévitablement des frais supplémentaires de transport.

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Elections législatives et municipales au Cameroun le 9 février 2020. Une électrice et observatrice affrontant la traversée d’un caniveau à Yaoundé. Crédit photo : Sightsavers.

Le prochain obstacle à affronter est la distance qui sépare l’entrée du centre de vote jusqu’au bureau de vote. Généralement les centres de vote sont des établissements scolaires (écoles, collèges, lycées) et les bureaux de vote sont logés dans les salles de classes. La distance entre ces deux périphéries n’est pas une partie de plaisir pour des personnes handicapées moteur qui ne sont pas habituées à faire de longues distances à pieds.

L’entrée des bureaux de vote 

Après avoir parcouru cette longue distance, variable selon les centres de vote, les personnes handicapées, électeurs, doivent affronter un autre obstacle qui est presque régulier dans tous les bureaux de vote : les escaliers. Il n’existe aucune rampe en dehors d’un seul que mes collègues ont heureusement aperçu dans un lycée à Douala. Les escaliers font office de mode d’accès, mais les difficultés rencontrées sont de degré différents. Tandis que pour les uns, on peut rencontrer des escaliers de deux à trois marches, pour les autres c’est plutôt au-delà d’une dizaine, voire d’une vingtaine de marches.

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Elections législatives et municipales au Cameroun le 9 février 2020. L’état de l’entrée d’un centre de vote à Douala. Crédit photo : Sightsavers.

Ce qui m’horripile cependant c’est que ces escaliers ne sont pas dotés de garde-fous. Conséquence, les personnes handicapées ne peuvent pas s’y aventurer seules sans avoir besoin d’un soutien quelconque au risque de trébucher au moindre faux-pas. Ce n’est d’ailleurs pas le seul défaut. Les escaliers présentent particulièrement des risques énormes de chutes pour la simple raison qu’ils ont été conçus avec légèreté. Les dimensions des marches et des contremarches sont variables aux normes non conformes. Généralement, ces dimensions sont supérieures aux normes internationales.  

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Elections législatives et municipales au Cameroun le 9 février 2020. Une électrice affrontant les escaliers pour se rendre à son bureau de vote à Douala. Crédit photo : Sightsavers.

A l’intérieur des bureaux de vote 

Les bureaux de vote, qui sont généralement les salles de classe, ont la particularité d’être dans un état vétuste. Pour 80 à 90 % pour cas, ce sont des salles sans électricité, et avec des sols dégradés. La conséquence est qu’un isoloir placé en retrait dans un coin reculé de la salle, peut empêcher la lumière du jour d’y arriver et perturber la visibilité des électeurs. Le sol dégradé peut empêcher les fauteuils roulants et les aveugles de pouvoir circuler aisément.

La disposition des urnes est aussi discutable. Elles sont posées sur une table dont la hauteur ne permet pas aux personnes de petites tailles d’y introduire leur enveloppe. Des isoloirs couverts entièrement par un tissu pagne d’ELECAM (organe chargé de l’organisation des élections au Cameroun) du haut vers le bas dans les bureaux de vote est une mesure visant à garantir le secret des votes pour des personnes de petite taille et celles possédant un fauteuil roulant. Un isoloir couvert à moitié, du haut vers le milieu, comme ça a été le cas pour plusieurs bureaux de vote, ne peut pas mettre l’électeur à l’abri des regards.

La disposition des listes des électeurs, affichée à l’entrée de chaque bureau de vote, n’est pas à une hauteur convenable pour des personnes de petite taille et pour des personnes possédant un fauteuil roulant. Dans l’impossibilité de lire pour chercher son nom dans la liste, une personnes de petite taille est toujours obligée de faire venir une tierce personne pour l’aider à retrouver son nom.

Les toilettes et l’accès à l’eau

Tous les centres de vote comportent les toilettes heureusement bien aménagées en termes de propreté. Cependant, non seulement elles ne sont pas adaptées aux normes pour des personnes handicapées moteurs (défaut de pot de cuvette de WC), mais leur accès n’est pas aisé pour la simple raison qu’il y a des escaliers sans rampes et sans garde-fous. L’accès ici n’est d’ailleurs pas différent de ce qui a été décrit plus haut concernant les l’accès dans les bureaux de vote.

Des robinets fonctionnels également sont présents au sein des centres de vote. Comme les toilettes, ils sont situés à un coin du centre inaccessible aux personnes handicapées moteurs par la présence des escaliers sans rampes. Même s’il faut dire que ces lieux sont rarement utilisés par des personnes handicapées qui ne passent que quelques minutes pour voter et repartir sur le champ, il n’en demeure pas moins vrai que les toilettes et les point d’eau potable doivent être accessibles.

Je viens de décrire, dans les moindres détails possibles, ce que mes collègues et moi avons vécu comme expérience dans le cadre de l’exercice du droit de vote des personnes handicapées. Il s’agissait de montrer les conditions exécrables auxquelles nous sommes toujours confrontés.

Le ressenti des personnes handicapées

Le ressenti sur le vécu venant des personnes handicapées ayant participé au vote se mesure en deux phases : le regard de la personne handicapée par les autres et les conditions d’accueil.

Le regard des autres sur la personne handicapée 

Comme d’habitude, le regard des autres sur la personne handicapée est le même que celui observé dans la vie courante : mitigé. On remarque toujours une certaine gêne dans certains visages lorsqu’il faut céder le passage à une personne handicapée. La priorité de passage dévolue aux personnes handicapées pour le vote n’a pas toujours été compréhensible même s’il n’y avait pas eu de riposte. Les explications du personnel d’ELECAM chargé de l’accueil des électeurs en difficulté ont été nécessaires pour amener les autres électeurs à comprendre l’importance de cette priorité.

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Elections législatives et municipales au Cameroun le 9 février 2020. L’état du sol dans un bureau de vote à Douala. Crédit photo : Sightsavers.

Le processus de vote concernant les électeurs handicapés prend assez de temps parce que ce sont des personnes qui ont besoin d’une attention particulière. Cette attention rend certains un peu jaloux qui vocifèrent à voix basse. Cette situation peut paraître anodine, mais psychologiquement, elle est, à la longue déstabilisatrice.

Les conditions d’accueil 

Les conditions d’accueil réservées aux personnes handicapées et aux électeurs en général sont particulièrement au-dessus de la moyenne. Dans tous les centres de vote, quelques personnels d’ELECAM étaient chargés de l’accueil, de l’orientation et de l’explication de la procédure de vote. Leur priorité était particulièrement de s’occuper des électeurs ayant des difficultés quelconques : personnes handicapées, personnes de troisième âge, femmes enceintes ou personnes présentant une difficulté spécifique.

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Elections législatives et municipales au Cameroun le 9 février 2020. Les bulletins de vote dans un bureau de vote à Yaoundé. Crédit photo : Sightsavers.

La présence de ce personnel avait donc pour avantage de combler ce déficit de panneaux signalétiques, de panneaux d’explication du processus de vote, de signes handicap, des notices et des affiches. Les seules affiches présentes étaient des noms des bureaux de vote devant chaque entrée des bureaux de vote. Cette assistance des personnes handicapées était assurée tout au long du processus de vote jusqu’à la fin.

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Elections législatives et municipales au Cameroun le 9 février 2020. Un isoloir non conforme pour les personnes handicapées dans un bureau de vote à Yaoundé. Crédit photo : Sightsavers.

Cependant, ne faut-il pas mettre en place des conditions adéquates pour rendre les personnes handicapées autonomes malgré la présence du personnel d’accueil ? Cette question de l’autonomie des personnes handicapées est justement au centre des problématiques dans l’amélioration des conditions liées à l’intégration socioprofessionnelle de cette couche sociale. Pourquoi les personnes handicapées doivent toujours avoir recours à une aide alors qu’il est possible d’améliorer le cadre afin de le rendre accessible et de faire de ces handicapés des personnes autonomes ? Dans mon rapport d’audit, deux solutions m’ont semblé répondre à ces questions.

Recommandations d’amélioration

Il s’agit ici de donner quelques détails sur les précautions à prendre concernant le respect des droits des personnes handicapées dans le cadre des élections au Cameroun. Ces précautions sont présentées sur la forme de deux recommandations. Chacune d’elle est une solution à part entière. Autrement dit, les deux ne sont pas conciliables :

La première recommandation consiste à identifier les électeurs handicapés à partir de leur carte électorale : cela permettra à ELECAM de connaitre à l’avance les bureaux de vote où sont inscrits les personnes handicapées afin de prévoir leurs conditions d’accès et de vote en fonction du type de handicap précis. Cette recommandation a le défaut d’être trop exigeante et contraignante en matière de logistique et de budget à consacrer pour adapter les différents centres de vote aux normes requises.

A défaut de cela, il est également possible de créer un centre de vote par zone avec un maximum de 50 à 100 électeurs handicapés pour un bureau de vote de 300 à 500 inscrits. Le premier objectif ici est de faciliter l’aménagement d’un centre en le dotant des infrastructures aux normes internationales. Le deuxième objectif est de concentrer les moyens dans quelques centres de vote choisis à cet effet. Le problème posé par cette recommandation sera qu’elle pourrait éloigner le centre de vote choisi des domiciles des personnes handicapées par zone. Cela va nécessiter, pour certaines personnes, des moyens supplémentaires de transport. Mais, une solution de transport urbain gratuit ne peut-elle pas être envisagée ?


Pourquoi je m’engage pour le CHAN ?

J’ai été, avec 24 autres blogueurs de l’Association des Blogueurs du Cameroun (ABC), sélectionné pour être blogueur officiel du Championnat d’Afrique des Nations (CHAN), qui se déroule du 4 au 25 avril prochain au Cameroun. Cette nouvelle a fait des vagues à mon sujet parmi mes amis qui furent surpris de me voir dans cette cuvée. D’où leur vient cette surprise ? Et si celle-ci est légitime, pourquoi ai-je accepté de faire partie de cette aventure ?

Je dois commencer par préciser que, durant toute ma vie, pour ceux qui ont lu ma biographie, je n’ai cessé de m’approprier moi-même des situations difficiles, c’est-à-dire de me donner la peine d’être un acteur impliqué de près ou de loin dans certains événements qui portent en eux des enjeux socioéconomiques et politiques majeurs. En tant qu’anticonformiste, les erreurs que l’on m’attribue relèvent surtout du fait de la distance que j’ai vis à vis des faits que je critique. Cela a été le cas en politique avec mes engagements dans les activités associatives où j’ai joué et je continue toujours de jouer le rôle d’observateur électoral. Cela m’a permis de toucher du doigt les réalités et d’avoir une lecture assez précise des situations.

Pourquoi dois-je m’intéresser aux sports?

Cependant, cela n’a jamais été le cas dans le sport où je suis toujours resté en retrait dans mes analyses pour la simple raison que je ne maîtrise pas justement les enjeux. Le sport n’a jamais fait partie de mes choix de lectures en termes d’actualité sauf dans les cas où ont lieu des scandales. Ma position de chroniqueur m’oblige à être partie prenante pour vivre les réalités des événements sportifs que je ne connais pas. Donc, un chroniqueur qui est impliqué dans un fait est mieux placé pour en parler. Voilà pourquoi j’avais soif de faire partie, non pas en tant que spectateur, mais en tant que personne impliquée, de quelque manière que ce soit, dans un événement sportif.

Comme en politique dans les années 1990, mon intérêt pour le sport commence véritablement en 2014. En effet, le 14 septembre 2014, la Confédération Africaine de Football (CAF) attribue au Cameroun l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de 2019, après celle de 1972, donc 47 ans après ! L’occasion était donc venue pour moi de vivre la 32ème édition en chair et en os. J’avais toujours l’habitude de rédiger des billets pour des éditions précédentes et même pour la Coupe du Monde pour des appels à contribution à Mondoblog. Cette fois-ci ça allait être différent.

Le rêve de la CAN était permis

Au moment de l’attribution de l’organisation de la CAN au Cameroun, rien ne laissait présager sur la suite malheureuse des événements. La contestation a commencé à se faire ressentir dans l’opinion à travers principalement les réseaux sociaux. Pendant que les uns avaient des doutes sur les capacités du Cameroun à organiser la CAN, les autres s’inquiétaient plutôt sur les sommes faramineuses que le gouvernement avaient mis à la disposition pour la construction des infrastructures sportives en comparaison aux autres stades du même acabit dans d’autres pays africains. En fait, les polémiques en cours étaient simplement liées au fait que le président de la CAF, le Camerounais Issa Ayatou, était accusé de favoritisme dans l’attribution de la 32ème édition de la CAN.

La délégation camerounaise qui avait présenté le dossier du Cameroun à la CAF pour l’attribution de la CAN bénéficiait, non pas seulement des faveurs de Issa Ayatou, mais surtout d’un programme important de développement des infrastructures sportives. Il s’agit justement du programme dénommé PNDIS où figurait en bonne partie un projet de construction de dix stades à travers la république. Programme signé le 7 mai 2008 avec les partenaires Chinois, devrait doter le Cameroun des infrastructures sportives de dernière génération. A cette occasion, la construction du stade Olembé de Yaoundé, baptisé plus tard « Stade Paul Biya » avait été lancé en grand renfort de publicité en 2009. Le rêve était donc permis et rien ne présageait jusque-là quoi que ce soit de scandaleux.

Les rêves brisés de la CAN

Les doutes émis auparavant ont commencé à s’intensifier avec les crises sociopolitiques qui ont suivies : la guerre civile dans les deux régions anglophones qui a commencé en 2016 et la crise post-électorale de depuis 2018. Des campagnes de sabotages, de dénigrements de cet événement ont eu lieu surtout dans les réseaux sociaux. Pour des fins politiques, certains acteurs étaient engagés dans l’échec de cet événement à travers ne serait-ce que dans la propagande médiatique. Ajouté à cela les polémiques sur les propos du nouveau président de la CAF, Ahmad Amad, qui faisait état de la volonté cachée du nouveau patron du football africain, de retirer l’organisation de la CAN au Cameroun pour des raisons vindicatives ou de conflits d’intérêts avec l’ancien parton Camerounais. Une histoire de règlement de compte ? Je n’en sais trop rien. En tous les cas, tout allait dans tous les sens.

Puis un soir du 30 novembre 2018… Puff ! Ahmad Ahmad annonce le retrait de cette 32ème édition de la CAN au Cameroun pour des raisons, dit-on, d’insuffisance d’infrastructures. Les langues commencent à se délier. Pendant que les uns parlent des sommes colossales d’argent déjà dépensées par le Cameroun, d’autres s’offusquent plutôt sur l’incompétences qui n’est que le reflet de 38 ans de tyrannie. Cette situation m’exaspère et je commençais à déchanter. Du coup je me posais toujours cette lancinante question : comment les stades, surtout celui d’Olembé à Yaoundé, dont la construction a commencé en 2009 et n’a toujours été achevé en 2019, 10 ans après ? Incompréhensible. De quoi me donner mes tournis !

https://twitter.com/AllezLesLions/status/1216306946044841984

Le retour de la CAN

Mais, c’était sans compter la témérité des autorités Camerounaises soucieuses de laver cet honneur jadis vanté. Et du 13 au 15 janvier 2020, le président Ahmad Ahmad est annoncé au Cameroun. C’est donc à l’occasion de cette visite que le président de la CAF annonce finalement l’organisation du CHAN (du 4 au 25 avril 2020) et de la CAN (du 9 janvier au 6 février 2021). L’espoir peut-il renaître ?

Les questions me fusent de toutes parts : serait-il encore possible d’espérer jouer un rôle ne serait-ce que secondaire dans un tel événement ? Que va-t-il rester de ma crédibilité en tant que blogueurs critique pour un événement sabordé par les critiques du régimes de Yaoundé dont je fais partie ? En m’arrêtant à ce niveau, il devient évident que je ne pourrais être impliqué ni de près ni de loin à un tel événement au risque de perdre ma crédibilité d’anticonformiste ou de blogueur critique pour avoir participé à ce qui pourrait être considéré par les pourfendeurs du régime comme l’un des scandales les plus spectaculaires du régime vieillissant.

Puis, une vieille question lancinante me vint à l’esprit, celle que je m’étais toujours posée et qui m’échappait jusqu’alors : pourrais-je être crédible dans mes analyses si je continue à être spectateur, à écouter, regarder et lire ce que les autres chroniqueurs et journalistes surtout de par leur position privilégiée d’accès à l’information, continuent d’assommer mes méninges à coups de caquets sur ce qui se passe à côté de moi ? Dois-je toujours construire mes opinions sur la base des analyses des autres alors que j’ai la possibilité de la bâtir par moi-même ? Pourquoi devrait-on laisser aux seuls journalistes le droits d’avoir à éduquer des masses pour le simple prétexte qu’il est le seul à avoir accès à certaines sources ? Il est temps de changer la donne et d’ouvrir d’autres horizons, je pense.

https://twitter.com/BloggersCM/status/1222524638577725441

Le CHAN, quels enjeux pour le blogging camerounais ?

L’Association des Blogueurs du Cameroun (ABC) à laquelle j’appartiens a sollicité le président du comité d’organisation du CHAN 2020 et de la CAN 2021 (#CocanCmr2021) en la personne du ministre des Sports et de l’Education Physique Narcisse Mouelle Kombi, pour la couverture digitale du CHAN. L’association a reçu l’avis favorable. Une grande première au Cameroun. Ce succès, je le met au compte du Bureau de l’association conduit par mon compatriote Dania Ebongue.

L’association a donc engagé 25 blogueurs pour la circonstance. Evidemment, comme vous pouvez vous-même l’imaginer, cela représente pour moi une aubaine. Mais cela représente surtout une belle occasion pour les blogueurs de pouvoir démontrer enfin de quoi ils sont capables, car il n’est pas coutume de voir les autorités si réticentes à accorder du crédit aux professionnels de la communication digitale de crise où la frilosité du régime est de mise. Oubliés qu’ils sont des grands événements du pays, ce CHAN sera, pour les blogueurs, une première expérience camerounaise de couverture digitale événementielle après celle qu’ont vécu les blogueurs en Côte d’Ivoire lors des 8ème jeux de la Francophonie en juillet 2017.

Quoi de plus normal pour moi de faire partie de cette première aventure du blogging au Cameroun ! Je ne saurais cracher sur une si belle occasion qui fera partie d’une expérience importante dans le blogging, surtout que rien ne m’a été exigé sur le respect d’une ligne éditoriale quelconque. Je garderai toujours mon ton habituel et je ne changerai outre mesure. En somme, ça sera un événement historique, quoi !

En espérant que ma position ait été comprise, je vous invite à suivre les blogueurs de l’ABC sur leur blog respectif et sur les hashtags de Evènement : #TotalCHAN2020 et #CocanCmr2021 et mon hashtag : #tkcCHAN2020 sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter.


Stade Omnisports de Bépanda new-look : ma première visite

La 6ème édition du Championnat d’Afrique des nations de football (CHAN) baptisée TOTAL CHAN 2020 se jouera au Cameroun du 4 au 25 avril 2020. Pendant trois semaines, le pays va vibrer au rythme du ballon rond des joueurs locaux. La ville de Douala a été choisie comme le lieux du stage bloqué de l’équipe A’ des Lions Indomptables. L’opinion s’indigne depuis le retrait de l’organisation de la CAN au Cameroun pour défaut d’infrastructures. Qu’en est-il exactement ? A l’occasion de leur match amical contre une équipe locale, j’en ai profité pour franchir, pour la première fois, le portail du Stade Omnisports de Bépanda relooké, l’un des stades retenu pour les deux compétions.

Ce qui est prévu pour la CHAN 2020

Avant de décrire ma première visite du Stade Omnisport de Bépanda new-look, je présente ici un résumé du potentiel d’accueil et de capacité des stades camerounais prévu pour l’organisation de la CHAN 2020 et de la CAN 2021.

Pour l’organisation des deux compétitions, (la CHAN, 16 équipes et la CAN, 24 équipes) la CAF a formulé ses exigences ainsi qu’il suit : 6 stades -2 stades de 15.000 places, 2 stades de 20.000 places, 2 stades de 40.000 places ou plus), et 18 stades d’entraînement au minimum.

Le Cameroun a, quant à lui, mis à la disposition de la CAF ses capacité d’accueil ainsi qu’il suit : 7 stades (3 stades de 20.000 places (Stade de Kouekong à Bafoussam, Stade de Roundé Adja à Garoua et Stade de Limbé) ; 1 stade de 38.000 places (Stade Omnisport de Bépanda à Douala) ; 1 stade de 42.000 places (Stade Amadou Ahidjo de Mfandéna à Yaoundé) ; 1 stade de 50.000 places (Stade de Japoma à Douala) ; 1 stade de 60.000 places (Stade Paul Biya de Olembé à Yaoundé)), et 32 stades d’entrainement.

Ce mardi 21 janvier, les Lions Indomptables A’, en stage bloqué à Douala depuis le 19 novembre 2019, ont livré un match amical contre une équipe de 1ère Divison Bamboutos FC de Mbouda à 16h, heure locale. J’étais au Stade Omnisport de Bépanda pour deux raisons : admirer de près le joyeux architectural choisi pour la rencontre du CHAN 2020 et suivre le match.

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A 15h30 environ avant le match amical des Lions A’ contre Bamboutos Fc. Les supporters se voient refuser l’accès au Stade Omnisport de Bépanda. Crédit Photo : Tchakounte Kemayou

Les vigiles et les supporters à couteaux tirés

Avant de me rendre au Stade, je fais un tour au Stade Mbappe Lepe à Akwa, l’un des stades prévus pour les entraînements. Il est 14h30. Malheureusement, l’accès est interdit au public, comme tous les stades, d’ailleurs. Impossible de visiter, encore moins de prendre des photos. Après quelques minutes de répits, je prends une moto en direction de Bépanda, quartier situé à quelques 20km.

J’arrive à 15h30. Le conducteur de moto-taxi se dirige du côté de Bépanda Omnisport pour me déposer. Malheureusement, la longue clôture en béton nous fait penser que nous nous sommes trompé de la porte d’accès. Les riverains nous informent que la nouvelle entrée du stade a été transférée vers le carrefour « Trois morts ».

Le match se joue dans quelques minutes. À l’entrée du grand portail, quelques badauds et supporters camerounais attendent l’ouverture. En m’adressant aux vigiles, je suis refoulé manu militari pour la simple raison que le match amical se jouera à guichet fermé. Conséquence, il ne sera pas autorisé au public. Entre temps, le nombre de supporters ne cesse de s’agrandir et de s’agglutiner à l’entrée. La foule devient de plus en plus compacte. Les uns tentent de négocier leur entrée en vain, tandis les autres attendent, convaincus qu’il se présentera une occasion en or pour les laisser entrer. Les plus frustrés grondent, se fâchent, vocifèrent : « c’est quoi même ce pays ? Nous voulons voir les Lions jouer » ; « On ne peut pas organiser un match des Lions et empêcher aux Camerounais, aux ayants droit de voir ». Les véhiculent sortent et entre sans résistance.

Le ministre des Sports et de l’Éducation physique qui visitera les installations, arrive en trombe précédé par un motard qui faisait retentir sa sirène au loin. Dans le cortège de quelques vingtaines de véhicules, on peut voir les véhicules aux logos des médias invités : CRTV, Vision 4, Equinoxe TV, Nyanga, etc. Au passage du ministre, les supporters scandent à tue-tête et en cadence : « On veut entrer ! On veut entrer ! On veut entrer ! ». Mais rien n’y fait. Quelques minutes après, les supporters qui suivent le match en live sur Facebook à travers le compte d’un joueur dont j’oublie le nom, publient le score de la rencontre : Lions Indomptables A’, 1 et Bamboutos FC, 0.

Lassés d’attendre, des échauffourées entre les supporters et les vigiles à n’en plus finir manquent de créer un incident malgré la présence de la police et de la gendarmerie arrivées entre temps. La tension monte de plus en plus. Subitement, un véhicule qui entrait est une manne tombée du Ciel. La bousculade qui s’ensuit permet à quelques centaines de supporters de se retrouver à l’intérieur. Les vigiles, aidés par quelques bidasses, réussissent à refermer le portail en laissant encore une grande partie à l’extérieur. Les supporters n’en démordent pas et croient toujours dur comme fer qu’une autre occasion se présentera.

Cette fois-ci, ce n’est plus la bousculade. C’est un commissaire de police qui, arrivé au pas de course sur les lieux, il a l’air d’être surpris de voir une foule dehors. Il ordonne aux vigiles d’ouvrir le portail et de laisser le public entrer. Aussitôt dit, aussitôt fait. Le grand soulagement se lisait sur les visages. Curieusement, tout le monde est discipliné et entre en silence et à pas pressés. Vous imaginez justement que j’en ai profité moi aussi pour y accéder pour la première fois. Il est presque 17h10.

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Entrée du Stade Omnisports de Bépanda-Douala. Les supporters agglutinés veulent entrer et persistent après le premier but des Lions.. Quelques échauffourées.

Ma première visite au stade relooké

Le Stade Omnisport de Bépanda n’est pas jeune. Il a été constuit en 1970 et mis en service en 1972 à l’occasion de la CAN que le Cameroun avait abritée. Il est donc vieux de 48 ans. Pour l’organisation de la CAN 2021, il a été métamorphosé complètement par une entreprise canadienne. Ce match amical était pour moi l’occasion de voir, pour la première fois, cette sorte de joyau architectural.

Malheureusement pour moi, le match amical je joue dans un terrain secondaire servant de terrain d’entraînement. Il porte le nom de « Stade annexe de Bépanda ». Le stade principal est complètement achevé, en fait, je veux dire la plus grande œuvre est achevée. Ce qui manque justement, ce sont les « détails », me dit-on. Mais, de loin, je peux apercevoir des encombrements de matériaux au niveau des chemins d’accès vers les tribunes. Je ne m’y suis donc pas rendu pour des raisons évidentes.

Le Stade Annexe de Bépanda enfin prêt !

Tout à côté stade principal se trouve le Stade Annexe. Mais, avant d’y arriver, à partir du portail principal, il faut parcourir au minimum 2 ou 3 km de marche à pieds pour ceux qui n’ont pas d’autorisation à y accéder avec leur véhicule. Les parkings, il y en a. Contrairement au Stade principal, ce stade annexe est complétement achevé. Le seul bâtiment qui sert de tribune et de vestiaires des joueurs comporte, au bas mot, 1000 places assises.

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Match amical entre l’équipe A’ des Lions Indomptables et Bamboutos de Bouda au Stade Annexe de Bépanda. La tribune. Crédit photo : Rodrigue Djengoue

Au premier regard, le stade annexe ne semble pas approprié aux personnes à mobilité réduite. La seule entrée réservée au public pour accéder à la seule tribune est munie des escaliers. Perplexe, je me retourne vers un employé du chantier de rénovation du stade. Il me conduit vers l’entrée et la sortie des secours où était d’ailleurs garé un véhicule flambant neuf des ambulances. Ici, il n’existe pas de difficultés ou d’obstacles d’accès à la tribune pour personnes handicapées. Aux deux extrémités se trouvent les toilettes. Elles étaient fermées et impossible de les visiter pour apprécier leur commodité. Tout droit en face de la tribune, sur l’autre longueur de l’aire de jeu se trouve l’écran géant où l’on peut voir les noms des deux équipes, la durée en temps réel du match en minutes et le score de la rencontre. L’aire de jeu est entourée des grilles sécuritaires.

Au lieu de 90mn, temps réglementaires des compétitions, le staff technique de l’équipe A’ des Lions Indomptable conduit par Yves Clément Arroga a décidé de jouer en 100mn à raison de 50mn par mi-temps. J’arrive donc pour assister à la dernière mi-temps avec un score d’un but à zéro en faveur des Lions A’. Une pelouse comme on en trouve jamais au Cameroun. C’est une grande première. Une tribune avec des sièges jaunes et entièrement couverte. Je m’assois en contemplant toujours autour de moi. Tout est neuf et scintille de propreté. Mais, mon attention se fixe sur la pelouse bien tondue. En observant bien, les joueurs, habitués aux aires de jeu en terre battue, se frottent nonchalamment aux réalités de la pelouse verte.

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Matche amical Lions Indomptable A’ contre Bamboutos Fc. Score à la fin du match (2-0). Crédit photo : Rodrigue Djengoue

A la 94e minute, les Lions Indomptables marquent un deuxième but, score qui reste inchangé jusqu’à la fin de la partie.

A 18h52, à la fin du match, on peut déjà admirer à quoi ressemblera le stade à la tombée de la nuit. Les lampadaires brillent de mille feux. Une voix de speaker résonne au loin et donne les conseils de sécurité au public qui s’apprête à quitter les lieux. Les installations et les équipements sont encore neufs. Il faut donc en prendre soin. Je reste encore pour contempler les merveilles pendant que les lampions s’éteignent…


« Tchakou, tu gagnes quoi à être un subversif ? »

Je suis chaque jour confronté à cette interrogation des amis et personnes qui me connaissent : pourquoi es-tu contre le régime de Yaoundé ? Pourquoi aimes-tu t’exposer ? Ce ne sont pas des questions naïves. L’intention n’est pas qu’ils n’aiment pas ce que j’écris ou ce que je fais. Au contraire. Ceux qui me posent pareilles questions savent pertinemment que le Cameroun est un pays à risques pour des personnes qui s’expriment librement.

Il ne s’agit pas simplement de ceux qui donnent leur opinion sur l’actualité, mais surtout de ceux qui expriment leurs courroux contre le régime de Yaoundé. Les journalistes et les professionnels de la communication, par exemple, sont les premiers concernés. Le Cameroun est d’ailleurs le pays où les journalistes, selon RSF, sont le plus en danger. Les dernières actualités nous font part de ce que subit un web influenceur, Paul Chouta actuellement en prison et d’une journaliste, Mimi Mefo, en exil. Mes sorties virulentes sur Facebook et mon blog amènent chaque fois mes amis et mes lecteurs à voir en moi une personne bavarde qui risque sa vie « pour rien », car disent-ils « tu risques ta vie pour si peu ». Pourquoi dois-je « risquer ma vie pour si peu » au lieu de faire comme les autres en se taisant ? Pour bien comprendre ma posture, il devient important pour moi de décrire en quelques, en un long récit, ce qui a construit ma personnalité, mon identité depuis ma naissance jusqu’à ce jour.

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Tchakounte Kemayou à Bali, Douala. Crédit photo : Tchakounte Kemayou

Surpasser mon handicap

Je suis un enfant de New-Bell, quartier populaire et populeux de Douala, pour ne pas dire quartier chaud. Trois ans après ma naissance à l’Hôpital de District de Deido, situé dans un autre quartier plus proche, j’ai été victime d’une polio qui m’a rendu paraplégique. Je suis encore handicapé aujourd’hui Nous sommes en 1979. Le premier challenge de ma vie commence : surpasser mon handicap. En 1980, je suis interné au Centre National de Réhabilitation des personnes handicapées d’Etoug Ebe à Yaoundé où je fais 5 ans, élevé par les sœurs Canadiennes qui gèrent le Centre. J’ai vu passer Germaine Ahidjo et la feue Jeanne Irène Biya chaque décembre pour recevoir les cadeaux de Noël.

J’ai donc vécu le coup d’État d’avril 1984 à Yaoundé. Pour la première fois, j’entendais les coups de feu à l’extérieur du centre. Il me souvient encore que certains compatriotes handicapés originaires des régions septentrionales pleuraient leurs parents perdus. Pourquoi avaient-ils été tué ? Originaires de la même région que l’ex-chef d’Etat Amadou Ahidjo, ils étaient soupçonnés d’être impliqués dans le coup d’État manqué. J’avais à peine 8 ans, ces images des pleurs à n’en plus finir m’avaient bouleversé et continuent d’ailleurs de me hanter aujourd’hui. Ces compatriotes ont quitté le centre quelques jours après sans crier gare. Pourquoi ? Pour quelle destination ? Difficile de le savoir.

Ayant déjà appris à être autonome, c’est-à-dire à marcher tout seul avec mes béquilles, je quitte le Centre en 1985 en laissant beaucoup d’autres compatriotes que je ne reverrai plus jamais. Je ne me souviens même plus de leurs noms. Quelle tristesse !

Oui, vous avez bien lu, je suis un gros gaillard de 10 ans qui ne sais pas encore tenir un stylo à bille.

De retour à New-Bell, je passe un an à la maison. Ma famille réfléchit encore pour trouver une solution adéquate pour ce « colis encombrant » que j’étais. C’est comme ça que les personnes possédant un handicap sont considérées parce que les familles ne savaient pas quoi en faire. Je pense d’ailleurs que cette situation existe encore dans certaines familles même si elle a un peu changé. C’est finalement en 1986 que la décision est prise de m’inscrire dans une école catholique pas loin de la maison. J’ai alors 10 ans.

Je ne sais ni lire ni écrire. Oui, vous avez bien lu, je suis un gros gaillard de 10 ans qui ne sais pas encore tenir un stylo à bille. Mais je parle couramment et correctement français. Je suis inscrit, non pas en maternelle, mais en CE1, une classe tenue par ma première Maîtresse Brigitte Yvanna Ngomos qui m’a retrouvée sur facebook. Je n’étais pas seulement le seul vieillard de la classe, mais j’étais surtout le plus idiot. Pour tenir, je devais tout faire pour rattraper le temps perdu et être au même niveau que mes camarades qui ont commencé l’école à la maternelle. Ce challenge était important à surmonter pour prouver à ma famille que je n’étais pas un « colis encombrant ». Ici commence mon deuxième challenge : ne pas me laisser abattre et rattraper mon retard en un laps de temps. Il a fallu que je fasse tout mon possible pour respecter un des conseils de feue ma mère : « tu sais, Taba Nkui ? Utilise ton cerveau pour remplacer tes pieds qui ne te servent plus ».

J’ai fait le CM1 en début d’année scolaire 1987-1988 et j’ai achevé l’année au CM2 ans plus tard, en 1988, je fais un concours d’entrée en 6ème au Lycée de New-Bell où je réussi avec mention et bénéficie d’une bourse d’à peu près 26.000 Fcfa (je ne me rappelle plus du montant exact).

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Tchakounte Kemayou à Dakar, Sénégal. Crédit photo : Mondoblog

Mon divorce avec la Cameroon Radio-Television (CRTV)

En classe de 5ème, en mai 1990, j’ai également vécu dans la presse la naissance du Front Social-Démocrate (SDF) à Bamenda avec à la clé 6 manifestants tués par balles. Curieusement, c’est par la voix de Zachari Ngniman, au journal de 20h30 à la CRTV que les Camerounais apprennent que les 6 manifestants avaient été piétinés par la foule. Mon désamour avec la CRTV commence ce jour-là.

J’étais déjà un subversif avec le désir d’en découdre avec Florent Eli Etoga et Gervais Mendo Ze, les ex directeurs Généraux de la CRTV que j’ai connus. Du coup, mes émissions phares, Minutes By Minutes (animée par Joe Ndifor), Actualité Hebdo (animée par Didier Oti), Regard sur le Monde (animée par Dieudonné Tine Piguy), Tam-Tam Week-end (animée par Claire Ndingué et Remy Minko), Sport Parade (animée par Jean Lambert Nang), même si je regardais de temps en temps, ne m’enchantaient plus. Je mettais seulement la télé pour voir les téléfilms ou feuilletons camerounais célèbres de l’époque : « Le Retraité » et « L’Orphelin » et quelques feuilletons étrangers comme « Dallas », « Dynastie », « Catherine », « Racine ».

Ma passion pour la lecture, l’écriture et la politique

Déçu par la CRTV, mon amour pour la presse écrite naît. Et j’ai donc commencé à acheter les journaux privés (Le Messager, La Nouvelle Expression, Le Quotidien, Jeune Afrique Economie, Jeune Afrique Magazine, etc.) avec mon argent de poche. Oui, vous avez bien lu, c’est à partir de la classe de 5ème que j’ai commencé à acheter les journaux avec mon argent de poche. C’est donc à partir de là qu’est né ma passion pour l’écriture, car je lisais beaucoup. C’était comme une obsession. On dirait que j’avais soif de quelque chose.

En dehors des jouets de Germaine et de feue Jeanne Irène, je n’ai jamais connu d’autres distractions depuis 1985. A New-Bell, mes jouets étaient des journaux malgré les pianos que papa achetait. D’où mon petit nom d’enfance : « Capo ». Si vous venez dans mon quartier ou en famille, c’est comme ça que tout le monde m’appelle. J’étais un ado qui lisait les journaux, qui parlait de la politique, des choses des grands, des choses dont tout le monde avait peur de parler, mêmes les adultes. C’était donc là mon troisième challenge : parler des sujets qui font trembler, qui font fuir tout le monde, des sujets qui embêtent, quoi !

En 1991, je suis en classe de 4ème, et commence une crise sociopolitique dans le pays. C’est la période surnommée « période des années de braise ». En avril 1991, j’ai vécu les « villes mortes » en plein cœur de New-Bell, le centre névralgique de la crise. Je me rappelle un de ces jours mouvementés à la sortie des classes à avoir échappé à une balle perdue. A l’aide de mon tricycle, en fuyant, j’avais croisé un monsieur sur mon chemin qui fuyait aussi. C’est quelques années plus tard, en discutant avec Me Momo Jean de Dieu, aujourd’hui ministre délégué, qu’il m’a révélé que c’était lui et qu’il me reconnaissait. Pour désamorcer la crise, un dialogue fût convoqué par Paul Biya en octobre-novembre 1991 appelé « Tripartite ».

Mon engagement en politique commence véritablement à cette période avec ma passion des lectures des chroniques et reportages de l’actualité politique de mes journalistes préférés.

En 1992, le Cameroun traverse une période électorale intense (Présidentielle, Législatives et Municipales). En mars, les résultats des Législatives donnent 88 sièges sur 180 pour le parti au pouvoir, le RDPC. L’opposition a donc la majorité et une lueur d’espoir se dessine pour mener la vie difficile au RDPC à l’Assemblée nationale. Curieusement, un parti politique de l’opposition, le MRD de Dakolé Daïssala, réussit l’exploit machiavélique de s’associer au RDPC pour lui donner la majorité avec ses six députés. La Présidentielle d’octobre est assez douloureuse. Les 36% obtenus par le leader charismatique de l’opposition John Fru Ndi sont considérés comme les résultats de la fraude. La contestation des résultats a valu au leader d’être immobilisé en résidence surveillée pendant plusieurs jours.

C’était une période tumultueuse qui m’a presque rendu accro des journaux écrits que je ne quittais pas, même pour un instant. À 16 ans, j’apprenais à lire et à comprendre l’actualité politique même si je n’avais pas encore le droit de vote. Mon engagement en politique commence véritablement à cette période avec ma passion des lectures des chroniques et reportages de l’actualité politique de mes journalistes préférés Pius N. Njawé, Thomas Eyoum à Ntoh, Henriette Ekwé, Séverin Tchounkeu, Benjamin Zebaze, j’en oublie beaucoup. Ils m’ont formé dans l’écriture de la contestation, de l’anticonformisme, de la subversion. Curieusement, le métier de journalisme ne m’avait jamais fasciné.

Après avoir eu mon BEPC en juin 1992, j’interromps ma scolarité pour un problème de santé au niveau de ma colonne vertébrale. Je reste pendant un an à la maison parce qu’il m’était impossible de rester droit assis pendant longtemps. Voilà pourquoi j’ai un dos arrondi sur le côté droit. Ce mal n’est pas encore complètement fini. Cette pause sabbatique a donc renforcé mes lectures pendant la période électorale pour la présidentielle. En reprenant le chemin de l’école, je fais un an en 2nde, deux ans en Première et deux ans en Terminale et je décroche mon Bac après 13 ans, la durée d’études pour un élève qui a fait normalement les cycles primaire et secondaire. Mon deuxième challenge a donc réussi. Mes deux matières de prédilection au lycée c’était la philo et l’histoire. C’est elles qui me guideront dans mon choix pour une filière en fac.  

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Tchakounte Kemayou à Kribi, Cameroun. Crédit photo : Tchakounte Kemayou

De la lecture assidue à l’action citoyenne  

J’entre donc à l’Université de Douala en 1998 avec cette rage de faire de la politique mon cheval de bataille. Curieusement, je n’ai pas choisi la science politique, ni la science juridique qui me fascinaient pourtant. J’ai plutôt opté pour la sociologie qui répondait bien à mes convictions : chercher à comprendre pourquoi les gens se comportent comme ceci plutôt que comme cela. C’est la condition sine qua none pour les aider à changer et créer une société plus juste et plus humaine.

Ici, je n’étais plus un lecteur assidu des journaux, j’étais devenu un acteur de la contestation.

Dès ma première année, je suis approché par Innocent Sielahe, l’un de mes paires dans le leadership des personnes en situation de handicap. C’est grâce à lui que je fais la connaissance des autres étudiants en situation de handicap comme lui et inscrits à l’Université de Douala. Pendant tout mon cycle primaire et secondaire, je n’avais rencontré que deux ou trois, mais à l’université, nous étions une centaine. C’est donc ici que je me frotte à la revendication citoyenne : l’amélioration des condition d’étude des étudiants vivant avec un handicap dans les campus au Cameroun. Ici, je n’étais plus un lecteur assidu des journaux, j’étais devenu un acteur de la contestation. L’une des revendications les plus importantes chez tous les étudiants handicapés en particulier, c’était la suppression des frais de 50.000Fcfa imposés à chaque étudiant des universités d’Etat au Cameroun. La surdité des autorités universitaires face à cette revendication a abouti à une grève des étudiants en 2005

Après l’obtention de ma Maîtrise en 2002, mon parcours ne sera plus rectiligne. J’ai dû arrêter pour des raisons de financement de mes études. Malgré tout, après trois ans de villégiature au quartier, je reviens et je m’inscris en DEA en 2005, l’année de la grève. C’est en 2009, lors d’un discours à la nation que Paul Biya institue une « prime à l’excellence » de 50.000Fcfa pour les meilleurs étudiants et les personnes handicapées. Elle a pris effet à partir de 2010. En plus des entorses contenues dans cette mesure, il faut préciser que cette prime n’est pas systématique et que chaque année elle doit toujours faire l’objet des revendications bruyantes des étudiants.

Ma passion pour le blog

Les années 2000 marque l’avènement d’internet au Cameroun. Mais le coût exorbitant ne fait pas de lui un outil de communication de masse. Mais c’est à partir de 2005 que je m’y familiarise. Je commence à prendre mes habitudes dans un cybercafé où, je me rappelle bien, la connexion à l’heure me coûtait environ 2000Fcfa. Pour avoir accès à internet à moindre coût il fallait venir au cybercafé entre minuit et 5h. Je découvre à cette occasion, en ligne, une agence de communication qui recherche des rédacteurs web pour des articles destinés aux magasines de ventes sur internet. Ces revenus m’ont permis de financer mon DEA et de soutenir en 2011. La soutenance fut programmée un lundi 5 septembre après l’inhumation de ma feue mère le samedi 3 septembre.

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Tchakounte Kemayou à Kribi, Cameroun. Crédit photo : Tchakounte Kemayou

Mon contrat avec l’agence de communication se poursuit et me motive à continuer mes études. En 2012-2013, je m’inscris en Doctorat PhD de l’Université de Douala avec comme directrice de thèse la Professeure Margareth Savage Njikam.  

Il ne faut pas oublier que mes passions de la lecture de l’actualité politique demeurent. Mais, ce qui me manque cependant, c’est une tribune pour m’exprimer, moi aussi. Je dois me trouver un canal et une niche pour faire passer mes idées et mes combats. Je décide ainsi de me consacrer aux minorités (physiques, sexuelles, linguistiques, raciales, ethniques, etc.). Je choisis de m’engager dans les actions associatives des droits de l’Homme pour la défense des intérêts des minorités quelles qu’elles soient. Ici, mon premier challenge est donc réussi. Pour défendre les droits de la communauté à laquelle on appartient, il faut réussir à prendre conscience soi-même de la force et des capacités qu’on a.

Dans un pays où la tyrannie sévit depuis 60 ans, un pays qui a connu les guerres civiles, les Camerounais ne peuvent être habités que par la peur.

En lecteur assidu de RFI, je découvre, dans la newsletter, un projet éditorial qui parle d’une communauté de blogueurs francophones. Ça parait plus intéressant. Dur la plateforme, je découvre des billets de styles bizarres qui racontent des histoires d’amour, la beauté des pays, des paysages, etc. Je découvre des blogueurs qui me content comment la vie est sucrée et patati et patata… Je ne suis pas un fan des textes lyriques et poétiques sans ancrage sociopolitique, c’est-à-dire une sorte de l’art pour l’art à la manière de Birago Diop ou de Sedar Senghor. Je n’ai pas de temps à perdre pour des envolées littéraires et des belles lettres. J’ai choisi d’écrire au service d’une cause. Et mes modèles d’écriture, en dehors des journalistes politiques que j’ai connus, sont Mongo Beti et Wole Soyinka. Et mon livre de chevet, celui qui me sert de posture théorique, c’est The Origins of Totalitarianism de Hannah Arendt. Parmi toute la communauté Mondoblog, heureusement, un seul blogueur attire mon attention : David Kpelly. C’est comme ça que j’intègre la communauté en 2013 à travers un concours. Mon aventure avec l’écriture commence donc véritablement avec mon blog.

Le respect de la minorité est mon seul crédo. À Mondoblog, je suis inscris dans ce registre parce que j’en ai fait ma priorité. Mes activités professionnelles (en dehors de la rédaction web que je fais pour des sites de commerce en ligne) sont essentiellement orientées dans l’action associative en faveur des droits de l’homme. Comme à Mondoblog, je balance également mes coups de gueule, mes diatribes anticonformistes sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter, notamment. C’est d’ailleurs de là que les avertissements me sont transmis pour me rappeler à l’ordre. Dans un pays où la tyrannie sévit depuis 60 ans, un pays qui a connu la guerre civile entre 1948-1960 sur le territoire Bassa, et entre 1960-1970 sur le territoire Bamiléké, les Camerounais ne peuvent être habités que par la peur. Heureusement que les Anglophones, 25% de la population du Cameroun, à travers les Ambazoniens, ont vaincu cette peur. En prenant les armes contre l’ordre établi, ils ont réussi à déconstruire le mythe selon lequel seul l’État a le monopole de la violence légitime. En oubliant que l’autodéfense est aussi un droit.

Je ne désespère pas pour autant pour ce peuple camerounais. Je préfère croire au député anglophone Joseph Wirba en exil après ce discours à l’Assemblée Nationale en 2016 qu’il adressait au régime de Yaoundé, à Paul Biya soutenu par France : « Quand le peuple va se lever, même si vous avez pris l’ensemble de l’armée française et que vous l’avez ajoutée à vous-même, vous ne pourrez pas les abattre ».

Si après ce long récit de mon parcours, vous n’avez toujours pas compris pourquoi mon destin se trouve dans ce pourquoi je me bats, je ne peux plus rien pour vous.

Merci de m’avoir lu !


Le « Génocide » au Cameroun et le « silence » complice de la France : Le coup de semonce qui vient des Etats-Unis (2/4)

A la faveur du droit humanitaire, la communauté internationale se met en branle pour se mêler de la guerre. Les ravages humains et matériels de la guérilla en est la cause. Compte tenu du bilan assez lourd de cette guerre civile qui a lieu en ce moment au Cameroun, peut-on parlé du génocide ? En quoi la France, et le gouvernement camerounais avec, serait-elle responsable du génocide qui semble être le chemin vers lequel nous menons tous ? Quelques éléments factuels d’appréciation nous permettront de tirer cette conclusion. Je vous en propose quelques-uns.

Deuxième partie : Le coup de semonce qui vient des Etats-Unis

C’est à partir du 7 février 2018 que Cathérine Ray, le Spokesperson for Foreign Affairs and Security Policy, fait un communiqué au nom de l’Union Européenne (UE) pour attirer l’opinion et les autorité camerounaise sur « les nouveaux actes de violences au Nord-Ouest et Sud-Ouest ». Ce communiqué de l’UE fait partie de l’une des premiers alertes de la communauté internationale face aux multiples actes de violences déjà enregistrés.

La Démocrate Karen Bass à la manœuvre

Mais, l’alerte la plus sérieuse est celle des Etats-Unis qui date du 11 juillet 2019. Elle est celle qui déclenche en fait les hostilités américaines. C’est la congress-woman Karen Bass qui lance justement ces hostilités dans un discours en ces termes : « There is serious work to be done to determine whether or not genocide is taking place ». Traduction : « un travail sérieux doit être fait pour déterminer si oui ou non un génocide a lieu » au Cameroun. Quelques jours avant, les 2 et 3 juillet, ce parlementaire Américaine, qu’accompagnaient sept collègues, étaient au Cameroun pour s’enquérir de la situation. Curieusement, le gouvernement Camerounais a refusé, à sa délégation et elle, l’accès dans la zone du conflit, au NOSO.

Ce refus du gouvernement Camerounais de permettre à Karen Bass et son équipe d’aller dans les régions en guerre a irrité les parlementaires Américains. Incapables de déterminer avec exactitude ce qui s’y passe réellement, ils sont restés sur leur faim. Y a-t-il oui ou non génocide au NOSO. C’est l’interrogation qui hante les esprits actuellement chez les parlementaires Américains, Démocrates surtout.

Il faut, bien entendu, préciser que les parlementaires Américains n’ont pas été les seuls à avoir été interdits par le gouvernement camerounais d’accéder au NOSO. Avant, c’était Michelle Bachelet, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme. En visite du 1er au 4 mai 2019 au Cameroun, elle avait été empêchée de visiter la zone.

Et pourtant, le Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean Baptiste Lemoyne en visite au Cameroun les 28 et 29 juin 2019, a fait justement un tour à Buea, capitale de la région du Sud-Ouest, région en guerre. Alors, question : pourquoi seul une autorité Française peut visiter une zone en guerre et pas Karen Bass et Michelle Bachelet, pour ne citer que ces deux personnalités parmi tant d’autres ?

Un septembre plein de surprises

Dans la foulée, l’Assemblée Générale des Nations Unies se prépare et par la pression des Etats-Unis, le Cameroun risque d’être l’objet des curiosités. Le 7 septembre 2019, des rumeurs, sur une communication présidentielle, circulent. Les réseaux sociaux s’enflamment. Et c’est finalement un communiqué qui, le 9 septembre, annonce un discours de Paul Biya à la nation. Le 10 septembre, Paul Biya prononce le fameux discours tant attendu. Discours au cours duquel il convoque un « Grand dialogue national » (GDN) dont l’objectif principal sera de trouver des solutions pour mettre fin à la guerre dans le NOSO. Le GDN a lieu du 30 septembre au 4 octobre 2019.

Trois éléments majeurs présument déjà l’échec programmé du GDN. Premièrement, les acteurs majeurs de la crise, notamment les chefs commandos des Amba-Boys qui sont réfugiés dans la brousse n’y étaient pas, encore moins représentés. Deuxièmement, les membres de la société civile et la classe politique invités trouvent une occasion idoine de calmer la tension au NOSO. Paradoxalement, le leader du parti politique, le MRC, officiellement deuxième à la présidentielle d’octobre 2018 est incarcéré à la Prison de Kondengui à Yaoundé avec plus de 200 de ses partisans. Conséquence logique : il n’y participe pas. Troisièmement, le sujet central à l’ordre du jour qui fait d’ailleurs l’objet de ce GDN n’aborde pas la forme de l’Etat, le fédéralisme. Les vieilles revendications fédéralistes sont restées lettres mortes. Certains observateurs sont d’ailleurs persuadés que ce GDN était une esbroufe de Paul Biya pour tromper la vigilance des Nations Unies et montrer ainsi sa bonne volonté de la résolution de la crise.

La France tient-elle les manettes ?

Le 5 octobre 2019, un curieux communiqué de la Présidence de la République annonce la libération de Maurice Kamto, le leader du MRC et quelques-uns de ses partisans. C’est la liesse dans la capitale, Yaoundé ! Curieusement, cette libération intervient juste avant le départ de Paul Biya pour la France le 8 octobre 2019 à Lyon où il assiste à la sixième conférence de reconstruction des ressources du Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme les 9 et 10 octobre 2019.

Huit semaines après, le 4 décembre 2019, il retournera en France, cette fois-ci à Paris, pour participer au sommet de l’Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique prévu les 6 et 7 décembre 2019. Cette libération du leader Maurice Kamto et de ses partisans avait donc un objectif : répondre aux doléances d’Emmanuel Macron qui sollicitait, par la voix de Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, cette libération.

Tout le monde s’accorde à croire que, pour un vieil homme de la trempe de Biya, faire deux voyages en Europe avec un écart d’un mois, est une prouesse difficilement inimaginable. Pour les Camerounais qui connaissent les habitudes de voyages présidentiels, le coupe Paul et Chantal Biya n’a jamais été tenu à la culotte à ce rythme. Logiquement, pour un bon observateur, il se prépare quelque chose. De quoi s’agit-il ? C’est au retour de Biya à Yaoundé que les Camerounais vont être finalement fixés.  


Le « Génocide » au Cameroun et le « silence » complice de la France : de la décentralisation à la guerre d’indépendance (1/4)

Y a-t-il génocide au Cameroun ? Pourquoi la France choisit-elle la position de la stabilité, du statu-quo en faisant la sourde oreille depuis le début de le début de la guerre civile en région anglophone ? En octobre/novembre 2016, de ce qu’on avait appelé au départ « crise anglophone », est finalement devenue une guerre civile, une guérilla. De son côté, le gouvernement camerounais, après trois ans de guerre atroce avec au compteur plus de 12.000 morts, selon Tibor Nagy, n’a pas changé de position d’un iota. Il continue de tourner l’opinion nationale et internationale en bourrique malgré ce bilan lourd. Aujourd’hui, la pression internationale, et surtout américaine, ébranlée par les scandales humanitaires, oblige Paul Biya à sortir de sa réserve. Il a fini par brandir aux yeux du monde une solution qui n’est pas loin de celle de la France : la décentralisation.

Statistics on the Humanitarian situation in Cameroon are not #fakenews. Humanitarian aid is based on needs, it is…

Publiée par United Nations Cameroon sur Lundi 30 décembre 2019

Cet article fait partie d’une série qui traite du « silence » (dixit Sébastien Nadot) complice de la France face au « génocide » (dixit Karen Bass) qui a lieu au Cameroun. Vous vous posez sûrement la question en quoi la France serait-elle impliquée dans ce génocide ? Elle y est impliquée parce que c’est elle qui impose sa solution de la « décentralisation » au gouvernement de Yaoundé à la place d’une solution de consensus à l’issue d’un dialogue ou d’une discussion entre les parties. C’est elle qui dit connaitre ce que veulent les Camerounais en parlant de « stabilité » alors que ce même peuple, qui ne s’est jamais prononcé et qui, au regard des tendances de l’opinion, du moins la majorité, souhaitent plutôt un « changement ». Stabilité et changement sont bien deux visions différentes, voire opposées, qui mettent en conflit le peuple Camerounais, du moins la majorité, et ses gouvernants qui sont soutenus par la France. Il ne fait plus l’ombre d’aucun doute que, depuis le déclenchement de la guerre, c’est qui tient la manivelle.

Cet article a donc pour objectif de démontrer, point par point, les stratégies de la France pour faire passer ses idées à la place de celles du peuple Camerounais. Cette posture de la France suscite quand même des interrogations : pourquoi la France agit-elle ainsi contre la volonté des Camerounais ? Quel est l’intérêt de la France de soutenir la décentralisation ? Pourquoi soutient-elle une solution qui n’est qui n’est pas de nature à mettre fin à la guerre ? Bien malin qui s’aurait répondre efficacement à ces questions. Elles sont bien embarrassantes ! Des débats enflent sur un éventuel soutient apporté par la France à un tyran qui, visiblement, les Camerounais n’en veulent plus depuis qu’ils l’ont exprimé à la présidentielle d’octobre 2018. Je me contenterai tout simplement ici de relater les faits qui, pour moi, sont largement suffisants pour incriminer la France et qui la positionnent comme co-responsable de ce que les Etats-Unis considèrent déjà a priori comme un génocide.

Première partie : de la décentralisation à la guerre d’indépendance

La guerre dans les régions anglophones du Cameroun, Nord-Ouest et Sud-Ouest (NOSO), commence véritablement le 30 novembre 2017. Ce jour-là, c’est Paul Biya qui, après la mort de 4 soldats, accuse les indépendantistes, les « groupes armés », les « terroristes », de vouloir semer la terreur. Mais avant d’en arriver là, les deux régions étaient en proie à une crise terrible qui a secoué le pays à partir d’octobre/novembre 2016. Les enseignants et les avocats s’étaient mis en grève pour se plaindre de la stigmatisation dont ils sont victimes.

Décentralisation à la place du fédéralisme

Pendant leurs discussions avec quelques membres du gouvernement venus de Yaoundé, les leaders grévistes insistent sur la nécessité de passer à une République fédérale comme solution à la crise. Ce qui n’a pas été du goût du gouvernement qui, furieux, a mis fin au dialogue déjà amorcé et caractérisé par des coups fourrés. Le gouvernement a immédiatement senti une menace et a opté pour la force : les leaders grévistes sont interpellés et traduits devant le tribunal militaire de Yaoundé pour « acte de terrorisme ». Leur Consortium des organisations de la société civile anglophone a été interdit d’activité.Tout ça se déroule le 17 janvier 2017.

La libération de ces leaders n’interviendra que le 30 août 2017 par un communiqué du Secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, qui parle de « l’arrêt des poursuites pendantes devant le tribunal militaire de Yaoundé ».

La posture des leaders Anglophones était compréhensible. Ils exigeaient donc un changement de la forme de l’Etat qui leur permettrait de se rapprocher le plus près de leurs gouvernants. Pour eux, les autorités des Etats fédérés ayant les pouvoirs que leur conférait la Constitution, la République fédérale est mieux que la République décentralisée que proposait le gouvernement. Nous sommes en janvier 2017.

La déclaration de guerre de Paul Biya le 30 novembre 2017 intervenu douze mois plus tard est donc une confirmation de la position du gouvernement camerounais à ne pas lâcher du lest et à maintenir le statu-quo, du moins à s’engager sur cette forme de gouvernance qu’est la décentralisation. Cette position, contenue dans la constitution de 1996 issue de la Tripartite (du 30 octobre au 15 novembre 1991) à la suite d’une crise sociopolitique des années de braise (1990-1991) n’a jamais été appliquée jusqu’ici.

A cette Tripartite, il avait été décidé de revoir la Constitution du 2 juin 1972 qui instituait la République unie du Cameroun dominée par le mode de gouvernance jacobin à la française. Ce mode de gouvernance est caractérisé par une centralisation du pouvoir politico-administratif. La nouvelle démarche, revendiquée par la majorité des Camerounais, est de changement qui consiste à désengorger Yaoundé, la capital. Elle, par la force des choses, devenue une ville qui concentre tous les pouvoirs de décisions et de gestion des cités aux mains des fonctionnaires, de la présidence de la République et des ministères au détriment des élus locaux. Même pour la construction des points d’eau potable, les maires, élus par la population, doivent se référer à Yaoundé qui a le dernier mot pour le financement.

Pour la rédaction d’une nouvelle constitution qui répond à ces aspirations, une équipe est constituée et le Pr Joseph Owona, universitaire, en est le responsable. Il est notamment chargé de recueillir toutes les propositions des différentes corps socio-politiques et socio-professionnels qui le désire. C’est alors dans ces circonstances que les Anglophones, sous le label de « All Anglophone Conference » se réunissent à Buea les 2 et 3 avril 1993. Une Déclaration est publiée à l’issue de la rencontre. Et il est bel et bien mentionné que les Anglophones sont favorables pour une République Fédérale. Certains partis politiques de l’opposition issus de la partie Francophone du pays (les 8 régions sur les 10 que compte le Cameroun) en étaient également favorables.

Curieusement, la décentralisation a été adoptée comme une poire coupée en deux pour départager les tenants du jacobinisme, c’est-à-dire du statuquo et les tenants du fédéralisme, c’est-à-dire du changement radical. 

Échec de la décentralisation

Depuis la promulgation de la loi le 18 janvier 1996 sur l’adoption de la nouvelle Constitution, la fameuse décentralisation n’a jamais été mise en œuvre. Le gouvernement n’a jamais déposé à l’Assemblée nationale un projet de loi concernant ce mode de gouvernance. C’est bien en décembre 2019 qu’un texte sur la décentralisation est sorti de l’ornière ! Donc, 23 ans après !

Qu’a donc fait le gouvernement pendant ces 23 ans ? Effectivement, Paul Biya et son gouvernement ont promulgué des lois et signé des décrets sur la décentralisation appelés « Collectivités Territoriales Décentralisées » (CTD). Ces textes concernent la gestion des collectivités locales sans pouvoir de décision sur la réalisation et le financement des projets de développement local. Ils n’ont manifestement rien apporté en matières de réformes quant à la décentralisation effective des pouvoirs du centre vers les périphéries que sont les les mairies.

Je fais partie de ces observateurs qui constatent avec amertume que les fonctionnaires et tous les personnels au service de la République, à la présidence comme dans les ministères, détenteurs d’une quelconque parcelle de pouvoirs s’obstinent à s’en départir pour des raisons personnelles contre-productives. La corruption et les détournements en sont le Rempart. Ainsi, les statuts des collectivités territoriales que sont les régions, les mairies, etc., bien qu’ayant changés, ne donnent malheureusement aucuns pouvoirs aux élus locaux de disposer des ressources financières leurs permettant de prendre eux-mêmes en charge les besoins de leurs populations. Yaoundé reste durant 23 ans, le maître-chanteur qui décide, contre vent et marée, du sort de la population dont il ignore justement les besoins.   

Le déclenchement de la crise anglophone en octobre/novembre 2016 n’est qu’une suite logique de la demande anglophone depuis les années de braise qui a vu naître la All Anglophone Conference. L’échec de la décentralisation, il faut plutôt dire la non application de la décentralisation, conforte les anglophones sur le fédéralisme comme solution.

Pourquoi alors la sécession aujourd’hui

La sécession comme solution existe depuis la nuit des temps. En fait, c’est depuis 1993, à la création du groupe sécessionniste SCNC à Buea que cette idée fait des émules.

Pendant la All Anglophone Conference, deux camps se sont formés : le premier camp est celui des Anglophones favorables au fédéralisme, tandis que le deuxième était celui des Anglophones favorables à l’indépendance du NOSO. Celui-ci était restée jusqu’ici minoritaire. Le camp des fédéralistes, majoritaire, remporte la partie et rédige une Déclaration : All Anglophone Conference Declaration.

Mais, l’idée indépendantiste, bien que mise en minorité, grandissait au fur et à mesure des frustrations nourrie dans cette population anglophone qui en avait marre de subir des humiliations du fait de leur langue (l’anglais). Des frustrations qui ont mûri pour enfin s’éclorent en octobre/novembre 2016. Jusque-là, elle était en coude à coude avec le fédéralisme qui leur damait toujours le pion auprès de l’opinion nationale Anglophone, et même chez certains Francophones du pays. Malheureusement, c’est après la dissolution du Consortium syndicaliste anglophone et l’arrestation de ses leaders que l’idée de l’indépendance du NOSO a commencé à embraser l’opinion. Mais la cerise sur le gâteau est que, depuis en décembre 2017, les rumeurs couraient sur l’arrestation de Sissiku Ayuk Tabe, le président de la Federal Republic of Ambazonia, et ses camarades. C’est finalement le 1er novembre 2018 que ces leaders font leur première apparition publique après un long silence voulu par les autorités de Yaoundé. Ces leaders sont toujours en prison jusqu’à nos jours.

C’est donc à partir de 2018 que, subitement, les emblèmes comme l’hymne national, le drapeau et le nom de baptême du territoire (Ambazonia) commencent à envahir les espaces médiatiques à grande échelle comme les réseaux sociaux. C’est donc depuis le 30 novembre 2017 et surtout depuis l’arrestation des leaders anglophones favorables au fédéralisme, que les indépendantistes ont pris le dessus sur l’opinion nationale. Les groupes armées (les Amba-Boys) s’organisent et mènent une guérilla contre l’armée camerounaise que les indépendantistes appellent « l’armée de Biya » ou encore « l’armée de de la République » . Pourquoi la terminologie « armée de Biya » ? Parce que, pour les Amba-Boys que Paul Biya appelle « terroristes » ou « groupes armés », il n’existe pas de guerre entre Anglophones et Francophones. Les Amba-Boys se battent contre Biya et son gouvernement composé en majorité par les Francophones sous la houlette d’une tribu, celle de Paul Biya, les Bulu.   

Un bilan lourd de conséquen

A ce jour, des sources diverses nous indique un bilan de plus de 12.000 morts, plus de 50.000 réfugiés au Nigéria voisin, plus de 500.000 déplacés internes et quelques 400.000 maisons détruites et brûlées. Du côté de l’éducation, 855.000 enfants ne vont plus à l’école, 70 écoles détruites ou brûlées, 4.100 établissements primaires (90%), et 744 établissements secondaires (77%) sont déjà fermés.

A partir de ce lourd bilan et des exactions de part et d’autre rapportées par les ONG, de lourds soupçons pèsent sur l’hypothèse du génocide. Ce lourd bilan n’est pas de nature à rendre la communauté internationale indifférente malgré le retour annoncé en grande pompe de certains réfugiés par le Ministre Atanga Nji.

Au nom du droit humanitaire, les pays comme les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Angleterre et notamment l’Union Européenne, ont déjà discuté de cette question en séance plénière de l’assemblée nationale tandis que France ne s’est contenté que d’une question d’un député au ministre des affaires étrangères. Ces pays sont favorables au fédéralisme comme solution à la crise. Pourquoi la France adopte-t-elle une position solitaire et une solution non consensuelle face à une escouade de tueries que se livre « l’armée de Biya » et les Amba-Boys au NOSO ?


Les raisons du boycott des Législatives et Municipales au Cameroun

Le boycott des élections est-il une option efficace en politique en temps de guerre ? Ou encore, quelles sont véritablement les raisons d’un boycott des élections locales alors qu’on a, auparavant, participé à la présidentielle ? Voilà des questions qui soulèvent beaucoup de polémiques et de débats après la décision qu’a prise le parti de Maurice Kamto, le 25 novembre 2019, de boycotter les législatives et les municipales du 9 février 2020 prochain au Cameroun.

Depuis la présidentielle du 7 octobre 2018 où Maurice Kamto, officiellement arrivé en deuxième position après Paul Biya, le boycott des élections locales, longtemps discuté dans l’opinion, est annoncé au moment où celle-ci s’y attendait le moins. Pourquoi cette effervescence autour du boycott du challenger de Paul Biya à la présidentielle de 2018 ? Pourquoi cette décision qui a pourtant surpris désagréablement tous les adversaires du MRC, semble finalement être suivie à travers des subterfuges ?

Le calendrier électoral de l’année 2018 était bien chargé avec trois élections en vue : une présidentielle, des législatives et les municipales. Tous ces rendez-vous se pointaient à l’horizon. Mais la question que tout le monde se posait était celle de savoir comment et pourquoi organiser les élections dans un contexte de guerre civile ? Plusieurs observateurs et des partis politiques pensaient à juste titre qu’il ne saurait y avoir des élections crédibles dans un contexte de guerre où deux régions sont devenues presque invivables.

La marginalisation comme origine de la guerre

Pour rappel, régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NOSO), parties anglophones du pays, sont dans une situation d’insécurité grave. Les groupes armés y mènent une guerre de sécession contre l’armée camerounaise pour se retirer de la République du Cameroun, partie francophone. Cette guerre d’indépendance, prise dans le tourbillon de la guérilla, a commencé depuis le 30 novembre 2017, jour où Paul Biya, dans une brève déclaration à la presse, annonce l’existence d’une « bande de terroristes se réclamant d’un mouvement sécessionnistes ». Cette déclaration intervient surtout après la mort de quatre militaires et de deux policiers. Cette déclaration de Paul Biya avait pour objectif d’annoncer à tous les Camerounais qu’il s’engage à « mettre hors d’état de nuire ces criminels ». Ce qui est considéré comme une déclaration de guerre de Paul Biya aux indépendantistes.

Mais, avant cette déclaration, les deux régions étaient dans une sorte d’insécurité totale à la suite des mouvements de revendications des avocats et des enseignants qui avaient commencé en octobre-novembre 2016. Cette partie anglophone, minoritaire (20% de la population), justifiait son mécontentement en arguant de la marginalisation dont elle serait victime depuis au moins 1961.

Paul Biya choisit l’option de report de ces élections locales

Nous sommes début décembre 2019, donc à la veille d’une année électorale bien chargée. Il est donc incontestable que cette situation de guerre mettra à mal l’organisation des trois scrutins cumulés. Cependant, l’opinion nationale était donc divisée sur l’organisation des élections dans un contexte de guerre civile. Pire encore, il ne s’agit pas seulement d’une guerre de révolution, de contestation du pouvoir établi, mais d’une guerre d’indépendance des deux régions anglophones du Cameroun. Concrètement, cela signifie qu’une quelconque consultation électorale organisée dans cette situation de guerre exclurait automatiquement les régions anglophones. Autrement dit, les populations des deux régions anglophones et minoritaires ne voteront pas contrairement aux populations des huit régions francophones qui iront voter.   

Cependant, du côté du pouvoir, on pense à faire autrement. Organiser les trois élections dans ce contexte sera lourd en termes de contraintes budgétaires où l’Etat camerounais fait face, non seulement à cette guérilla, mais surtout à la lutte contre le terrorisme de Boko Haram qui met la région de l’Extrême-Nord dans une insécurité grandissante depuis 2014. Paul Biya, malgré le jusqu’auboutisme de plusieurs militants de son parti, le RDPC, choisit la solution de la prudence en prorogeant le mandat des députés et des conseillers municipaux. Cela lui a donc permis d’organiser la présidentielle d’octobre 2018 en renvoyant les Législatives et les Municipales pour février 2020.

Conformément à l’article 15 (4) de la Constitution, « en cas de crise grave » le mandat des députés peut être prorogé une infinité de fois… Le juge de la gravité de la crise est le Président de la République…

En revanche, même « en cas de nécessité » (article 170 du Code Electoral), la prorogation du mandat des Conseillers municipaux ne peut excéder 18 mois. Cependant, ce mandat des Conseillers a déjà été prorogé 2 fois : une première fois en 2018 (de 12 mois à compter du 15 octobre 2018) et une deuxième fois en 2019 jusqu’au 29 février 2019 (soit 4 mois et 14 jours), pour un total de 16 mois et demi.

Cabral Libii, Président du parti PCRN

Et le boycott alors ? En quoi est-il justifié pour les élections locales ?

Le 25 novembre 2019, Maurice Kamto appelle au boycott des Municipales et Législatives du 9 février 2020. Cette annonce de boycott intervient surtout après le communiqué du 10 novembre de Paul Biya convoquant le corps électoral pour le 9 février 2020, et surtout à la veille de la clôture des dépôts des dossiers des candidatures. Qu’est-ce qui peut motiver le MRC à prendre une telle décision ? Comme le dit son président national, le MRC obéit à sa fidélité de respect de certains principes au regard du contexte :

En prenant cette décision politique grave, le MRC reste fidèle à lui-même au regard de l’actualité et de la situation générale du pays :

– Fidélité d’abord, à l’idée qu’organiser des élections au Cameroun aujourd’hui, qui plus est des élections locales, sans avoir rétabli la paix dans les régions du NOSO et créé les conditions d’une participation effective des populations des deux régions au libre choix de leurs représentants à l’Assemblée nationale et dans les conseils municipaux, c’est donner le message selon lequel ces populations ne sont pas des Camerounais et, ce faisant, consacrer la partition de fait du pays.

– Fidélité ensuite, à notre exigence constante d’une réforme consensuelle du système électoral avant toutes nouvelles élections au Cameroun, après notre expérience amère du double scrutin de septembre 2013 et de l’élection Présidentielle d’octobre 2018, car avec le système électoral actuel, les mêmes causes produiront inévitablement les mêmes effets, à savoir : fraudes massives, vol des résultats et nouvelle crise post-électorale.

Maurice Kamto, Président du MRC

Curieusement, l’on se rappelle que trois semaines avant, le 30 octobre 2019 précisément, le leader du MRC annonçait en grande pompe la participation de son parti aux élections Législatives et Municipales prochaines.

Cette annonce de boycott est, jusqu’aujourd’hui, interprétée par tous les détracteurs comme une contradiction. Une contradiction liée d’abord au fait que le leader du MRC a été candidat à la présidentielle d’octobre 2018 au moment où la guerre se déroulait au Nord-Ouest et Sud-Ouest. Mieux encore, Maurice Kamto et le MRC avaient conscience que le système électoral, qui fait l’objet des récriminations après la présidentielle d’octobre 2018, n’avait pas changé. Que s’est-il passé entre-temps pour que le MRC change subitement de position et adopte le boycott ?

Le boycott est un acte politique

Quelles peuvent être les mobiles qui fondent l’acte politique ? Ou alors, quelles sont les mobiles qui fondent la décision de Maurice Kamto ? Par le fait que Maurice Kamto ait annoncé au départ sa participation aux élections de février 2020, et s’est rebiffé à la fin, montre bien l’énigme qualifiant cet acte. L’énigme est encore plus grand à partir du moment où on se rend compte que cette décision est lourde de conséquence pour le leader lui-même et son parti le MRC. En effet, la loi électorale en vigueur exige « que tout candidat à une telle élection soit présenté par une formation politique ayant au moins un élu, ou, à défaut, qu’il rassemble au moins 300 signatures de personnalités » pour reprendre Kamto lui-même. Quand on sait que réunir autant de signatures des personnes en majorité des caciques du RDPC, parti au pouvoir, relèverait d’une sinécure. Donc, choisir le boycott comme stratégie n’est rien d’autre qu’un « suicide », comme le disent ses adversaires.

Pour répondre donc à cette question, il faut réussir à dénicher l’énigme cachée derrière cet acte. Au-delà des raisons évoquées par Maurice Kamto lui-même, il est important de savoir que le leader du MRC est un homme politique. Il a, à coup sûr, des mobiles que personne ne saurait maîtriser à part lui-même.

Comprendre absolument la décision ou la démarche d’un acteur politique en jeu ou sur scène nécessite d’être au même niveau d’information que ce dernier. Ce qui n’est pas notre cas ici. Tous, nous ne faisons que supputer. Mais, là où l’analyste politique que je suis, trouve des passerelles d’analyse, c’est dans l’observation de l’attitude des adversaires de Kamto. C’est clair que le candidat RDPC à la Mairie de Douala 4ème peut boire du petit lait avec cette décision, mais les vrais adversaires (du changement) de M. Kamto qui comprennent mieux que nous « sa » décision sont presque tous monter au créneau pour dire que le MRC/Kamto s’est suicidé, il aurait dû rester en course etc. C’est à ce niveau que je relève toute l’intrigue, à savoir, depuis quand le sort politique du MRC/Kamto inquiète tant le régime ? C’est quand on voit cette réaction qu’on comprend que Maurice Kamto sait ce qu’il fait, et le régime aussi d’ailleurs le sait ou tout au moins le soupçonne, d’où sa réaction.

Brice Stéphan Ondigui Avele, politologue

C’est presque un secret de polichinelle de dire que la décision du boycott du MRC et annoncée par Maurice Kamto en a surpris plus d’un, notamment les militants et les sympathisants du parti. La frustration a vraiment été grande quand on sait que beaucoup s’étaient énormément investis dans le dépôt de leurs dossiers. Pendant ce temps et de l’autre côté, je veux dire, chez les adversaires, les militants et les partisans du RDPC, la joie qui semble se dessiner.

L’exemple des Législatives de 1992 où le RDPC, parti au pouvoir, a été mis en minorité après le boycott du SDF, principal parti de l’opposition, est fort révélateur. L’opposition perdait ainsi un contrepoids solide susceptible d’inquiéter le régime. Le MDR, avec ses 6 sièges, a fait alliance avec le RDPC qui n’avait que 88 sièges sur les 180, afin d’avoir une majorité confortable pour gouverner. Il reste fort à parier que le SDF qui avait opté pour le boycott à cette époque aurait fait l’affaire. Aujourd’hui, « les absents ont toujours tort » semble être la maxime, ou plutôt l’épé de Damoclès qui plâne sur les partis politiques à chaque élection. Ainsi, le boycott est considéré comme un acte de suicide, voire de folie.

Quelques spéculations sur les raisons du boycott

En dehors des raisons que le leader du MRC a donné pour justifier le boycott, à savoir la résolution de la crise anglophone et la révision du système électoral, des idées plus ou moins incongrues ont été évoquées et propagées dans l’opinion. Évoquons-en ici quelques-unes.

L’une des raisons évoquées par les détracteurs pour justifier le boycott du MRC est l’incapacité du parti de l’opposition à pouvoir trouver les 10 626 candidatures de conseillers municipaux et les 180 candidatures de députés sur toute l’étendue du territoire. D’autres arguments font prévaloir l’intention du MRC de tenter une insurrection en choisissant la voie de la rue et non celle des urnes. Il y en a même qui, à travers une certaine presse, affirment mordicus que Maurice Kamto a reçu un milliard de FCFA des dignitaires de la région de l’Ouest Bamiléké, région d’origine du leader, en échange du boycott.

Cependant, l’argument qui ne manque pas d’intérêts, c’est le fait de la pression de la communauté internationale sur le régime de Yaoundé pour la résolution de la crise anglophone. La visite des trois missionnaires de l’UA, de la Francophonie et du Commonwealth, vingt-quatre heures après l’annonce du boycott en disent long. Malgré la coïncidence de calendrier, toujours est-il que ces raisons ne restent que de soupçons.

Une vague de boycott s’en est suivie

Ce qui est cependant intéressant dans ce boycott, de Maurice Kamto et du MRC, est qu’à la suite de la déclaration, d’autres partis politiques ont, comme une trainée de poudre, suivi la vague. Contrairement au MRC, ces partis politiques n’ont pas exprimé explicitement le boycott, mais ont formulé un certain nombre de préalables qui restent pour le moins surréalistes et font dire à certains observateurs que leur attitude cache mal une campagne de séduction des électeurs et cela n’a rien à voir avec le boycott. Le boycott du MRC est lourd de signification et plus symbolique pour la simple raison qu’il a été annoncé à la veille de la clôture des dépôts de candidatures. Conséquence de quoi les candidats du MRC n’ont pas fait acte de candidature. Ce qui n’est pas le cas des autres partis politiques dont les candidats ont quand même déposer leurs dossiers.

Le premier parti de l’opposition, après le MRC, à entrer dans l’arène, c’est le PCRN de Cabral Libii. Pour ce parti politique, il y a une nécessité d’accorder un autre sursis de 15 jours supplémentaires aux différents candidats pour leur permettre de compléter leurs dossiers. Les raisons évoquées pour justifier leur demande est le fait des blocages volontaires et involontaires que les candidats ont subis lors de la composition de leurs dossiers de candidatures auprès des sous-préfectures et des mairies acquises à la cause du parti au pouvoir. Dans cette même lancée, le MPCN du bruyant Paul Éric Kingué n’est pas allé des mains mortes pour réclamer également cette rallonge supplémentaire.

Le SDF, par contre, par la voix de son Premier vice-Président, Joshua Osih, exige plutôt un règlement de la crise anglophone avec la fin de la guerre avant sa participation aux élections du 9 février 2020. L’UDC, d’Adamou Ndam Njoya, vient clôturer la liste des menaces de boycott en exigeant plutôt le renvoie des élections à une date ultérieure.

Peut-on comprendre, par cette vague de boycott que le MRC avait raison ? Ou alors les autres partis politiques profiteraient-ils du pavée dans la marre lancée par le MRC ? Pour le dire autrement, ces vagues de menaces de boycott auraient-elles eu lieu si le MRC avait choisi de participer aux élections ? La réponse est sans ambiguïté : NON.


Paul Biya a-t-il été jeté en pâture dans les griffes de Mo Ibrahim ?

Quelques jours après la fin du sommet du Forum de Paris pour la paix, je reviens ici pour relancer le débat sur la vidéo devenue virale à laquelle assistait Paul Biya. Du 12 au 13 novembre dernier, s’est tenu, à Paris, le sommet mondial sur la paix. Le président Camerounais Paul Biya, l’un des chefs d’Etat invité, a été appelé à faire partie d’un panel de discussion dirigé par le richissime Mo Ibrahim. La prestation du président Biya a été tournée en bourrique par les internautes Camerounais. Pourquoi ?

Dans une vidéo d’environ 20 minutes, Paul Biya dit être « embarrassé » par le modèle choisi dans l’organisation des discussions. Balbutiant dans son expression approximative en anglais, lui qui est président depuis 1982 d’un pays bilingue (français et anglais), il avait visiblement l’air d’être étranger à tout ce qui se passait. D’aucun lui colle non seulement cette longévité au pouvoir, mais surtout son âge et sa santé précaire qui lui font certainement de salles tours.

Les réseaux sociaux ont été inondés de la vidéo montrant la prestation de Paul Biya devant Mo Ibrahim qui ne lui a pas fait de cadeau. Les internautes Camerounais s’en sont bien marrés, au point de comparer Paul Biya au fameux « Guignols de l’Info ». Cependant, les positions des internautes sur la prestation de Paul Biya sont plutôt divergentes.

D’un côté, les uns sont convaincus que Paul Biya a été « piégé » par les organisateurs du Forum de Paris sur la paix en le mettant face à Mo Ibrihim. L’objectif était, disent-ils, d’étaler à la face du monde l’incompétence de Paul Biya et son régime en le mettant dans un environnement auquel il n’était pas habitué jusqu’ici. De l’autre côté, certains sont plutôt convaincus que Paul Biya, malgré son âge, reste l’homme le plus rusé.

Parmi ces nombreuses critiques sur la prestation de Pual Biya, j’ai choisi ici de vous présenter deux d’entre elles que je trouve intéressantes pour la simple raison qu’elles sont des analyses dénuées d’émotions.

La première est celle d’un internaute, De Gaulle Christophe, spécialiste en communication institutionnelle. Pour lui, comme pour beaucoup d’autres Camerounais, Paul Biya a été, je pourrais dire, piégé. Ce spécialiste en communication décortique les failles qui relèvent de l’amateurisme dans la profession. Il s’adresse ainsi au service de la communication de la présidence de la république :

Bilan d’une « communication ratée« 

Maintenant que vous avez réussi votre coup, communicateurs de la Présidence de la république, voici des avenues possibles qu’il aurait fallu explorer. Soyons sincères, ce qui s’est passé à Paris est indigne d’une communication de débutant. Adossons-nous à nos vieux cours. Analysons les séquences de cette communication qui fait depuis deux jours les gorges chaudes sur Facebook.

https://twitter.com/AFRICA24TV/status/1194218325854867456

1- La visite des lieux et la montée des marches

Selon la méthodologie, le chargé de communication doit visiter les lieux où son « patron » prendra la parole. Cette visite ressemble à une inspection. Elle lui permet de recenser tous les détails qui pourraient avoir un impact négatif ou positif sur le message. Or, à scruter de près le président monter les marches, il appert que le communicateur de la Présidence n’a pas visité ce lieu avant.

2- La connaissance de l’interviewer

Par courtoisie, le chargé de communication doit avant toute chose connaître l’interviewer. Il doit organiser avec lui les modalités pratiques de la prise de parole. Les moindres détails doivent être passés au peigne fin. Car la communication s’accommode mal de l’improvisation. Voilà pourquoi il doit demander en partie ou en totalité les questions qui seront posées à son « patron ». Si l’interviewer refuse de les lui donner, le communicateur rend compte à son porte-parole. Ce dernier, suite au refus de collaborer de l’interviewer peut annuler l’entrevue. Car le chargé de communication comme conseiller attire son attention sur le piège de sa participation à ce type d’entrevue.

3- La prise de parole

Le chargé de communication doit s’assurer de l’unicité du code, c’est-à-dire la langue utilisée par son porte-parole et l’interviewer doit être connue à l’avance. Or, dans le cas d’espèce, ceci n’a pas été fait. La preuve, le Président s’est retrouvé face à un interviewer qui en plein Paris parlait anglais. Oui, le Cameroun est bilingue, mais il n’y a pas honte à reconnaître que le Président est unilingue comme la plupart des Camerounais.

4- Le temps de la prise de parole

Cette donnée fait partie des préalables à discuter lors de la rencontre entre le chargé de communication et l’interviewer. C’est un protocole d’entente qui lie les deux parties afin d’éviter des surprises désagréables. Une fois de plus en communication, il n’y a pas d’improvisation.

5- La familiarité ou appropriation des outils

Avant l’entrevue, le Président aurait gagné à connaître le micro qu’il allait utiliser. Il devait savoir quand le micro est ouvert ou bien fermé (voyant rouge et vert). En outre, il aurait fallu lui dire à l’avance à quel moment il allait parler. Ce détail, c’est le communicateur qui le négocie avec le journaliste. Le chargé de communication n’ayant pas certainement visité les lieux n’a certainement pas habitué le président au maniement d’un micro sans fil. Cela a produit un effet contraire à celui qu’on attendait.

6- Les 2 minutes

La communication se règle comme du papier à musique. Or, à Paris le Président ne savait pas que le temps qui lui était imparti était de 2 minutes. Si le travail avait été bien fait en amont, le Président aurait été informé avant son déplacement et il serait exercé à rentrer son texte dans le 1’45 secondes ou bien dans les 2 minutes.

En définitive, toutes ces choses mises bout à bout ont nui au message du Président lors de ce forum. Vingt –quatre heures après cet épisode communicationnel si on organise un sondage auprès des internautes très peu diraient quel a été le message que le Président a voulu passer lors de ce sommet…

Paul Biya, « l’homme rusé »

La deuxième analyse est complètement en déphasage avec la première qui postule la thèse de la « communication ratée ». Ici, Paul Biya est plutôt vu comme un homme qui faisait semblant de jouer à l’ignorant. Un Paul Biya imperturbable qui a encore tous ses sens, contrairement à ce que la majorité veut le faire voir. L’analyse a été rédigée par la Camerounaise Horty Ouimet vivant au Canada et activiste de la diaspora. Fervente militante de l’opposition camerounaise, elle démontre dans les lignes qui suivent que Paul Biya est un homme rusé :    

Si vous croyez que votre papy est fou, alors il vous aura bien bernés. À ceux qui pensent que son entourage n’a pas su gérer sa communication, je vous dis donc que vous ne savez pas bien à qui vous avez affaire. Cet homme (Paul Biya, ndlr) a toujours été diaboliquement rusé. Si seulement je pouvais savoir qui l’a invité sur ce panel. Mais puisque je ne puis avoir cette certitude qu’il a été invité. Il m’apparaît néanmoins qu’il aurait insisté pour prendre place à ce débat et voici pourquoi.

Dès que Mo Ibrahim lui adresse la parole, il vire directement sur ses bords arguant qu’il a préparé un mot à dire. Voyant qu’il déroule tout un document à lire, Mo Ibrahim lui rappelle qu’il n’a que 2 minutes. Je vous en épargne le reste. Écoutez bien le discours qui ressort de son papier : il s’adresse à Macron et tralalalala.

Que peut-on y retenir ?

On voit clairement qu’il n’a pas été admis à s’exprimer dans la tribune du sommet. Par conséquent son discours qu’il avait préparé pour la circonstance est demeuré dans sa pioche et pour finir il est ressorti avec. Remarquez qu’il refuse d’enfiler ses écouteurs. Ne soyons pas bête, sinon il nous mettrait ça bien profond (excusez le terme). Le satrape n’est pas arrivé sur ce plateau pour répondre aux questions mais pour lire ce qu’il avait préparé pour le sommet au cas où on lui permettrait de monter sur la tribune.

  • Voilà pourquoi il vous fait croire qu’il ne sait pas à quoi sert ses écouteurs
  • Qu’il ne comprend pas l’anglais
  • Il a refusé justement d’enfiler son micro pour vous donner de croire qu’il n’entend rien de cette langue. Faux ! Il n’en avait rien à cirer.

Si sa sénilité l’assomme physiquement, cela n’entame en rien sa ruse diabolique. Il a aussi la corruption dans son ADN. Pourquoi ? Parce que notez que dans le préliminaire de son allocution il fait un clin d’œil à Mo Ibrahim en l’appelant parmi les « Excellences, Mesdames Messieurs ». C’était une façon de lui faire la cour. Mais le modérateur, connaissant ses tentatives de corruption morale qu’il sème à tout vent, l’interpelle fermement : « Nous savons déjà que tu es président de la République, mais ici c’est un panel de la société civile. Tout le monde ici est égal ».

Mais le satrape a fait semblant de ne rien comprendre, je dis bien semblant. Ainsi vous le prenez pour un con alors que c’est lui qui vous prends pour des bêtes de somme. Vous me diriez « et ce qu’il a dit sur la Chine alors ? ». Allez savoir si la Chine ne l’a pas zappé. « Et sur l’histoire du Cameroun alors ? ». Il a le macabo* des ambazoniens qui ont réussi à déstabiliser son pouvoir et faire de lui un des chefs d’Etats dans la ligne de mire des Américains. Vous vouliez qu’il jette des roses à nos compatriotes ? C’était l’unique façon pour lui de leur dire sa colère rouge.

Il est vieux et physiquement amoindri. Mais croyez-moi cet homme a encore toute sa tête. Et personne ne le force de faire quoique ce soit. Il le fait de lui-même, comme ça lui chante. C’est vous qui êtes fous pas lui.

*« Avaoir le macabo de quelqu’un » est une expression camerounaise qui signifie « avoir dent contre quelqu’un ». Ici, Paul Biya estime que la guerre dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NOSO) lui a coûté ses bonnes relations avec l’Oncle Sam. Et pour cela, il en veut aux Ambazoniens dont les soldats, les Amba-Boys, affrontent depuis trois ans l’armée Camerounaise qui n’arrive pas à démanteler la guérilla.  


Au Cameroun, on parle du blogging dans un sommet

Le blogging à l’honneur le temps d’un week-end. Du 25 au 27 octobre 2019 s’est tenu à ActivSpaces Douala la première édition du sommet des blogueurs baptisé #237BloggersSummit. L’occasion était donnée aux blogueurs camerounais de se retrouver dans le cadre de séances de réflexion sur la définition du blogging et sur ses perspectives.

Le contexte

La montée en puissance, quoiqu’encore trop faible, des abonnés du téléphones portable et d’internet au Cameroun, fait du digital un enjeu très important dans le pouvoir de la communication et de l’information. Les médias classiques (presse, radio et télé) tentent de saisir ce phénomène en créant en leur sein des rédactions exclusivement consacrées à l’information digitale. Il ne faut cependant pas oublier qu’il existe des médias exclusivement diffusés sur internet. Curieusement, au Cameroun, la situation est pour le moins désastreuse avec des médias classiques rares voire absents sur la Toile.

Les utilisateurs des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube, etc.) appelés micro-blogueurs ont pratiquement investis la Toile au détriment des journalistes des médias classiques. Que font les blogueurs pendant ce temps ? Ils se retrouvent mêlés aux dérives des réseaux sociaux.

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Le blogging et le développement durable à l’honneur lors du premier sommet des blogueurs au Cameroun à Douala, #237BloggersSummit. Crédit Photo : ABC

La suspicion sur son rôle voire sa définition commence à naître et à prendre de l’ampleur et suscite quelques questions : qu’est-ce qu’un blogueur ? À quoi sert-il ? Qu’apporte-t-il dans l’évolution, le développement de la société ? Est-ce que le blogging nourrit son homme ? Ces questions se posent justement pour ceux qui ont au moins une fois entendu parler du blogging. Mais cette activité est malheureusement méconnue du grand public, même jusqu’aux autorités. La communauté des blogueurs se sent interpelée par la société entière sur son rôle. La nécessité de discipliner une activité pourtant vouée, dans sa philosophie-même, à être totalement libre, se fait de plus en plus ressentir.  

C’est donc dans ce contexte de méconnaissance du blogging qu’il devient important, voire nécessaire que les blogueurs commencent à penser véritablement sur leur activité. Pour lui donner du sens, il faut la démystifier, la sortir de l’ombre de l’ignorance. Seuls les blogueurs savent mieux le faire que quiconque.

Les objectifs

Les questionnements qui fusent et qui démontrent la méconnaissance de l’activité du blogging par beaucoup, témoignent de la nécessité d’œuvrer pour sa vulgarisation d’une part, et pour son organisation d’autre part. Cela signifie qu’en même temps qu’il est nécessaire aux blogueurs de se faire connaitre, il est également nécessaire de se mettre à l’école de l’éthique et de la professionnalisation.

Réunis à l’occasion d’un sommet, les blogueurs étaient donc appelés à plancher sur un thème central : « Le blogging, un outil de développement ? ». Celui a un double avantage : non seulement il permet aux blogueurs d’expliciter sa définition et son rôle dans la société, mais surtout il remet sur la table le concept de développement qui a fini par être l’apanage des milieux intellectuels et académiques. Tout comme les scientifiques, le développement doit être pensé par toutes les couches sociales. Comment les blogueurs conçoivent-ils le développement d’un pays à travers le blogging ?

Il était notamment question d’aborder les problématiques sur l’avenir du blogging en tant qu’acteur du développement dans une perspective des Objectifs du Développement durable (ODD) des Nations Unies. La mise en exergue du rôle du blogging dans un contexte de développement durable devrait permettre d’envisager un réel positionnement de cette activité au niveau de la Toile. Ce positionnement est d’autant plus important que le rôle du blogging devient compréhensif par ce public d’internautes. Quoi de plus normal pour les entreprises de toucher cette tranche de population difficilement acquise par les médias classiques.  

https://twitter.com/BloggersCM/status/1187685239155494912

Les résultats

Les résultats des réflexions de ces trois journées sont édifiants. Les sept groupes de travail formés pour cogiter sur les sept thèmes secondaires ont laissés présagés des lueurs d’espoir. Cette certitude d’optimisme se lit dans l’enthousiasme des blogueurs présents.

De cette rencontre, 18 recommandations ont été retenues sur 72 proposées. Des recommandations qui attestent d’une prise de conscience de la part des blogueurs. Il est temps que le blogging soit soumis à des règlementations, c’est le constat qui a émergé au cours de ce sommet.

Les perspectives du blogging camerounais

Ces recommandations cherchent à atteindre reconnaissance de cette activité qu’est le blogging. Elles prônent notamment l’ « initiation de la jeune génération au numérique » (recommandation n°1), l’ « impulsion de la notion d’éthique dans le blogging » (recommandation n°3), ou bien le fait de « communiquer, éduquer et sensibiliser sur l’activité du blogging » (recommandation n°10).

Voilà en quelques mots ce que les blogueurs ont décidé comme leur ligne de conduite pour inspirer le respect de la société entière vis-à-vis de leur activité. Mais, la difficulté reposera ici sur l’implémentation et la vulgarisation de ces recommandations. Il reviendra donc aux 33 participants du premier sommet des blogueurs de la vulgarisation à travers leurs différentes communautés de blogueurs.

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Premier sommet des blogueurs (Blogging) au Cameroun, Douala. Photo de famille après l’introduction d’ouverture. Crédit Photo : ABC

L’autre difficulté sera celui du suivi de ces recommandations. A défaut de mettre un cabinet d’expertises statistiques à contribution, les membres de l’ABC à travers son bureau exécutif sera appelé à mettre sur pieds une équipe de suivi et d’évaluation qui rendra sa copie lors du deuxième sommet.

Ce travail de suivi et d’évaluation devra à terme être régulier (annuel, semestriel, trimestriel, mensuel) afin de fournir les statistiques sur le niveau d’évolution des blogs Camerounais, voire Africains, à travers ses caractéristiques dans le forme et le fond, l’écosystème et l’ergonomie de la blogosphère camerounaise et africaine. Le sommet des blogueurs au Cameroun a l’ambition de devenir un cabinet de ressources en termes de statistiques des blogs et servir de source d’informations pour les plans marketing d’organisations ou d’institutions, pour le positionnement de leurs idées ou de leurs marques.