Yves Tchakounte

Les activités commerciales des enfants en période de vacances à Douala

L’année 2020 est particulière. La crise sanitaire avec la Covid-19 a secoué plusieurs domaines et l’éducation en a subi l’un des plus grands coups. Depuis le 17 mars 2020 que le gouvernement camerounais a pris des mesures de restriction, les écoles subissent les frais de la fermeture. Après la reprise des cours le 1er juin pour les classes d’examen, les autres élèves connaissent le bonheur de vacances prématurées. Les vacances de cette année se révèlent être les plus fastes mais ô combien les plus pénibles aussi. La rentrée scolaire étant programmée au 1er octobre 2020, les enfants se retrouvent en train de purger de longues vacances de 7 mois au lieu de 3 comme ils en avaient d’habitude. Que font-ils durant tout ce temps ? Evidemment, ils ne sont pas oisifs. Vous pouvez bien vous en douter, même si les jeux font partie de leur quotidien, il faut aussi compter avec le travail pour meubler leur temps. Ils mènent, comme les adultes, les activités lucratives. Leurs domaines privilégiés, c’est bien le petit commerce de la rue.

Nous sommes allés les rencontrer pour savoir un peu plus d’eux.

Douala 5ème (N’oublions pas que les autres villes du Cameroun vivent les mêmes réalités du commerce de la rue) dans les marchés de Bonamoussadi, YongYong, Logpom, dans les rues, les quartiers populaires de Bépanda et les quartiers résidentiels de Bonamoussadi, Kotto, Maképè, ils sont nombreux à proposer des produits de petites quincailleries, des fruits, friandises et consorts. Ils marchent, crient à tue-tête « Foléré bien glacé« , « Ananas bien sucré« , « Arachides du village » à qui veut les entendre. Oui, vous avez bien lu, leur particularité c’est la marche. Ils sont donc mobiles, vont de quartiers en quartiers, rue après rue, de banlieues en banlieues, à la recherche de la clientèle.

Du retour à la maison, après une journée rude bien remplie, à peine reposés, ces enfants sont prêts pour repartir. Curieusement, les mêmes ou encore quelques-uns, du moins pour ceux qui le peuvent encore, ressortent à la conquête de la clientèle noctambule. Toujours présents, mais surtout prêts à remonter les bretelles aux importunés. Oui, même la nuit, ils savent se défendre. Être en groupe de deux ou trois est leur arme, même si ce n’est pas toujours efficace.

Mais, l’image qu’on retient et qu’on garde de ces enfants est très réductrice. Elle est généralement basée sur préjugées et de fausses illusions sur ce qu’ils sont. Les enfants délinquants, c’est toujours ce qui les colle à la peau. Beaucoup, dans l’opinion, pensent que ces enfants n’ont même pas de parents, pire encore, disent que ces parents sont irresponsables. Cette image s’estompe peu à peu avec le temps. Mais l’opinion la plus partagée reste inflexibles sur l’état de pauvreté de la famille de ces enfants. Ce qui est pourtant le cas pour la majorité des adultes parents. D’ailleurs, beaucoup de littératures scientifiques sur la question confirment l’hypothèse selon laquelle la pauvreté et le travail des enfants sont étroitement liés. D’autres encore parlent même de lien indirect d’autant plus que derrière la pauvreté se cachent des détails importants comme la mauvaise qualité de l’éducation qui ne prend pas en compte les réalités environnementales et contemporaines. Une éducation non adaptée est bien l’une des causes de la déperdition scolaire qui pousse ainsi les enfants dans le monde du travail.

Cette image négative renvoyée aux travail des enfants est répandue par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) dans ses discours dans une perspective abolitionniste. C’est un discours calqué sur le modèle de répression où le travail effectué par les enfants est vu comme une activité répréhensible. Pourtant, cette organisation, sans oublier ses partenaires, comme UNESCO ou UNICEF ont bien dans leur escarcelle les Conventions où le droit à la liberté de choix des enfants est déjà considéré comme un acquis. Il ne s’agit pas d’une faveur voire d’un simple droit, mais de l’esprit de la loi calqué sur la réalité socioéconomique de cette activité commerciale où les enfants font déjà preuve d’une certaine maturité.

Précautions méthodologique

Pour le démontrer, nous sommes allé rencontrer 320 enfants dans la rue. Nous les avons posé une série de 10 questions que nous avons synthétisé en quelques graphiques. Elles sont principalement orientées sur ces activités commerciales effectuées par les enfants en ce qui concerne leur mode de fonctionnement. Voici les 10 questions posées à chaque enfants rencontrés :

  1. Quel âge as-tu ? (Le sexe est constaté par l’enquêteur, sinon, il lui demande en cas de doute)
  2. Quelle classe fais-tu ?
  3. Que vends-tu régulièrement ? (Etant entendu que certains enfants peuvent vendre différent produit selon des cas. Par exemple, s’il se rend compte que les arachides ne passent pas bien le marché, il peut décider de changer ou de varier selon le marché)
  4. Qui a initié le projet ?
  5. Qui a financé le projet ?
  6. Qui gère le fonds de commerce ?
  7. Qui est chargé de gérer l’épargne ?
  8. Qui décide du décaissement ?
  9. Quel est ton péché mignon ?
  10. Quel est le projet que tu aimerais réaliser ?

Notre objectif est de montrer leur capacité d’autonomie dans la gestion d’un petit commerce. Comment construisent-ils cette autonomie à travers leurs activités économiques dans un contexte où même les adultes n’arrivent pas à trouver des revenus suffisants pour leur ménage ?

Sur un territoire couvrant Douala 5ème, à travers un échantillon au hasard, les enfants ont été choisis au gré des rencontres. Cela signifie que l’interrogation a été adressée au premier venu à chaque croisement d’enfant dans la rue. L’âge ici n’a pas été considéré selon la loi n°1992-07 du 14 août 1992 portant Code du travail où il est stipulé que l’accès au travail est légal à partir de 14 ans au Cameroun. Ce sont les élèves du primaire et du secondaire qui étaient la cible principale.

Il faut rappeler ici que selon la Convention internationale relative aux droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989, signée et ratifié le 27 octobre 1990 et le 11 janvier 1993 respectivement par le parlement Camerounais, « un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ». Au total 320 enfants ont été interrogés du 20 au 30 avril 2020 dans la période du confinement des élèves qui ont repris le chemin de l’école le 1er juin pour ceux qui sont en classe d’examen. Le ministère des affaires sociales (MINAS) évalue à 1000 enfants faisant le commerce de la rue. Ici, il ne s’agit pas d’élèves, mais de ceux qui vivent de ce commerce et en ont fait un métier (Cf : MINAS, « Projet de lutte contre le phénomène des enfants de la rue et de la délinquance juvénile au Cameroun », Yaoundé, août 2007, p.83).

Les caractéristiques sociobiologiques des enfants

Les caractéristiques socio-biologiques ou socio-démographiques concernent les éléments de distinction des enfants à partir des données biologiques ou physiologiques comme l’âge, le sexe et le niveau d’étude. Ce sont les trois principales données qui nous intéresse pour la circonstance. L’importance de ces types de caractéristiques n’est plus à démontrer dans une enquête sociologique relative à la connaissance des comportements.

Source : Moi-même

La tendance révèle donc la prédominance des garons sur les filles dans la répartition selon le sexe, et la prédominance des aînés sur les cadets dans la répartition selon l’âge. L’histogramme, comme vous pouvez le voir vous-même, est montante. En conclusion, c’est une progression normale d’autant plus que la règle voudrait que la priorité soit donnée aux enfants plus âgés dans le cadre du travail. Par contre, cette tendance est bien plus particulière dans certaines contrées, comme le Tchad par exemple. La tendance du digramme est croissante pour ce qui concerne . Par contre, en termes d’effectif, les garçons sont plus nombreux que les filles pour la simple raison que le commerce ambulant n’est pas leur spécialité. Quelle est la tendance selon leur niveau d’étude ?

Source : Moi-même

En observant bien l’histogramme, on remarque sans doute qu’il est également montant si l’on part du principe de la croissance en commençant par le « Primaire ». Cette tendance n’est d’ailleurs pas surprenante si l’on se réfère à celle de l’âge du graphique plus haut. On va donc conclure que : les enfants qui font le commerce ambulant sont en majorité les garçons plus âgés et ayant le niveau secondaire. Curieusement, ça va de soi.

Les caractéristiques sociobiologiques des enfants ainsi établies, il ne nous reste qu’à savoir les types de commerce exercé par ces enfants. Il n’y a pas de nomenclatures construites à partir des types d’activités. La répartition est faite selon un ordre aléatoire. Nous avons donc l’histogramme suivant :

Source : Moi-même

La répartition selon les types de commerce montre la prédominance de la vente du pain chargé (œuf, sardine, viande, etc.). Curieusement, c’est une activité dominée par les filles qui surpassent les garçons à presque le double de leur effectif alors que le commerce ambulant est leur spécialité. Pourquoi ce type de commerce est-il dominant ? La vente de l’œuf accompagné du piment est généralement très sollicitée des noctambules et buveurs de bière qui ont toujours besoin d’un aliment bien pimenté. Il semblerait que le piment possède cette vertu de calmer la violence de l’alcool.

Les enfants qui s’adonnent à ce type de commerce ont cette capacité de résister jusqu’aux heures tardives de la nuit. Pourquoi les filles sont-elles les plus nombreuses ici ? Cela signifierait-il qu’elles sont réputées être plus résistantes que les garçons en travaillant en même temps dans la journée et dans la soirée ? Pas nécessairement si l’on tient compte du fait que les filles commencent généralement dans l’après-midi aux alentours de 17h parce qu’elles font le ménage et la cuisine à la maison dans la journée, se reposent avant de prendre le relais dans la soirée, tandis que les garçons achèvent leur journée de travail. Il faut préciser ici que ce n’est pas toujours le cas, mais c’est une tendance générale. La journée de travail dans la soirée s’achève autour de 20h à 21h pour respecter les consignes parentales.

Les enfants ont toujours donné l’impression d’être stigmatisés par leurs familles. Le travail qu’ils exercent est toujours vu comme appartenant aux enfants qui ont échappé au contrôle de leurs parents. Les confusions sont fréquentes sur la distinction entre les enfants dans la rue et les enfants de la rue. Même si la distinction est déjà perceptible chez certains, beaucoup continuent de faire ce mélange de genre par inattention, parfois par paresse intellectuelle. Considéré l’enfant comme une personne qui peut penser par lui-même n’a jamais été aussi simple qu’évident. Même s’ils sont encore limités dans la gestion de leurs activités commerciales, ils ne sont pas loin, pour la plupart d’entre les aînés sociaux, qui pense qu’ils sont capables de tenir la barre haute en résistant ne serait-ce qu’aux marches et au soleil accablant.

Les enfants et leurs capacité d’autonomie

Comme nous l’avons mentionné bien au début de ce billet, les enfants ne sont jamais pris au sérieux même lorsqu’ils exercent une activité qui exige beaucoup de rigueur. Ils sont généralement considérés comme des colis encombrant pendant les vacances et il serait mieux de les occuper faute de leur offrir des vacances douillettes. Au lieu de rester à la maison et passer le temps à jouer inutilement avec ses copains de quartier, il est devenu une habitude de les occuper. Ils se retrouvent dans la rue pour faire le petit commerce. Il s’en donne à cœur joie et ne laisse pas l’impression d’être opprimés même si c’est souvent le cas.

La particularité du petit commerce est qu’il n’est pas trop exigeant : pas d’espace ou de boutique pour la vente, capital réduit à sa portion congrue, absence de paiement au fisc, etc. quoi de mieux que de faire le tour des quartiers de la ville pour écouler sa marchandise en se baladant accompagnés parfois de ses frères, copains, voisins ?

Nous abordons à présent la partie charnière de notre enquête. Il s’agit maintenant de démonter la fausse illusion que l’opinion, et même des institutions publiques se font de l’entrant travailleur. Contrairement à ce qu’on pense, ce sont des individus rationnels (acteurs rationnels). C’est-à-dire qu’ils ne font pas le commerce pour plaire à leurs parents ou tuteurs. Ce sont des acteurs engagés qui sont motivés par l’envie de réussir.  

Source : Moi-même

Il ne faut pas se perdre d’illusion. Les enfants ont toujours tendance à dire qu’ils sont eux-mêmes initiateurs du projet, c’est-à-dire la décision de faire le commerce vient d’eux et non des parents. Les enfants savent que « le travail des enfants » est interdit, ou à tout le moins stigmatisant. A la vue d’un enquêteur, il est facile de fournir une réponse qui n’indexe pas leurs parents pour les « protéger » et en affirmant que c’est eux qui ont décidé de se lancer dans le commerce.

Source : Moi-même

Il suffit d’aller plus dans le questionnement en lui demandant par exemple « comment as-tu fait pour avoir ton capital ? ». Ainsi, sur plus de 67% d’enfant qui ont initié le projet, il ne sont que 29% qui ont financé eux-mêmes leurs activités en puisant dans leurs propres économies. On peut bien comprendre que même si c’est celui qui envoie l’enfant faire le commerce qui doit financer, il n’en demeure pas moins vrai que celui qui finance peut bien être motivé par l’enfant.

Si par contre, c’est l’enfant qui finance, d’où et comment a-t-il eu cet argent ? D’où proviennent ses économies ? Ses économies proviennent soit d’une autre activité antérieure où il était rémunéré par un employeur, soit d’une activité qui n’avait pas besoin de capital, comme le « porteur » au marché Mboppi, le plus célèbre marché de vente en gros au Cameroun. Il ne faut pas cependant perdre de vue que certains enfants sont capables de se constituer une petite épargne grâce à leur argent de poche. Pour un commerce d’arachides bouillies par exemple, un capital de 1000 à 5000FCFA suffit.

Source : Moi-même

La gestion du fonds de commerce, la comptabilité journalière, les ventes, les bénéfices, etc. sont généralement un domaine réservé. L’enfant tient le gouvernail, mais pas de bout en bout. Il se fait aider. Par qui ? Certainement par les aînés sociaux, ses parents ou tuteurs. Evidemment, on peut dire ici que si l’enfant est considéré comme l’actionnaire unique, il est de toute évidence qu’il soit également le seul gestionnaire. Il est seul responsable de ce qui adviendra. A-t-il des comptes à rendre ? Cette question a révélé une toute autre réalité. Même s’il est le principal actionnaire, et le seul gestionnaire, il est limité par un obstacle. Lequel ?

Source : Moi-même

La gestion de l’épargne est ici définie comme le mode de « conservation » des bénéfices du travail de la journée. La gestion financière ici est apparentée à une chaîne qui a, à son bout, un contrôle qui lui échappe. L’enfant qui a investi, et au cours d’une journée de travail, a engrangé des bénéfices, se retrouve finalement en train de solliciter une tierce personne pour l’aider à « stocker » ses bénéfices. La problématique d’accès au marché financier par la population pauvre se pose ici avec acuité. Comment est-il possible aux enfants d’y avoir un accès alors que même les parents en sont exclus ? Si la Mère/Tutrice (70%) rafle la vedette de « contrôleur des bénéfices » de l’enfant, où met-elle cet argent alors qu’elle n’a pas accès aux marchés financiers ? Elle place ces bénéfices dans une tontine.

Source : Moi-même

Un autre détail qui ne manque pas d’intérêt est celui qui prend la décision en premier de « toucher » à l’épargne. Evidemment, cela paraît surprenant que la décision viendrait de l’enfant dans un contexte dominé par des urgences comme la rentrée scolaire, la santé et autres comme les repas quotidiens. Mais, il n’en est rien même si c’est justement et encore la Mère/Tutrice qui est toujours à la manette dans les 52% des cas. Il ne faut cependant pas oublier que l’enfant peut avoir des besoins personnels. Et les parents sont toujours tentés de céder à ces caprices d’enfants. Il s’agit généralement des besoins immédiats. Les réponses ont été aussi sans surprise. Les chiffres nous en disent long.

Source : Moi-même

Le péché pignon de ces enfants, comme on pouvait s’en douter, est évidemment l’achat des vêtements et jouets. Etre à la mode, être bien dans sa peau, se vanter auprès de ses copains et copines, telles sont les fantasmes les plus vifs et les plus marqués. Il ne s’agit pas de vêtements comme éléments de première nécessité qu’on aurait offert à un orphelinat. Il s’agit bien du luxe, vêtements et jouets, de ces plaisirs qu’ils aimeraient s’offrir. Ce sont des plaisirs que les parents ne se donneront jamais la peine de leur offrir.

Il serait injuste de s’arrêter là pour conclure. Les enfants ont bien plus que besoin du luxe pour s’épanouir. Ils ne rêvent pas seulement de beaux vêtements, de jolis baskets et de Playstations. Ils sont aussi habités par des rêves et des projets pour leur avenir.

Source : Moi-même

Il est plus que surprenant de constater que les enfants ont des projets d’avenir à travers leur épargne. Leurs réponses à cette question a semblé un peu intrigante. Oui, ils ont des projets, ils sont ambitieux, ils savent pertinemment qu’ils ont leur avenir devant eux et qu’il faut le sauvegarder. C’est justement la raison pour laquelle ils misent pour une formation professionnelle (62%) à acquérir. Nous disions tantôt plus haut être intrigué. Il s’agit justement de cette réponse qui donne à réfléchir. Ici, la qualité de l’école est questionnée. La non satisfaction des contenus scolaires qu’ils reçoivent est en cause. Ils sont conscients du fait que cette école n’est plus adaptée à leurs besoins de réussir, de conquête du monde, dans cet environnement qu’ils côtoient tous les jours.

Ne peut-on pas initié des programmes politiques et législatifs dans le sens de donner la chance à ces enfants à travers la création des centres spécialisés dans les communes ? C’est une problématique qui constitue un enjeux socio-économique important.


La Maggi des recettes culinaires africaines prend le pouvoir sur le digital

L’une des casse-têtes chinois que j’affronte quotidiennement, c’est nulle doute ma recette nutritionnelle de la journée. Il ne m’arrive pas, du moins difficilement, d’avoir une idée de recette toute faite. Je fais le plus souvent recours aux petites astuces d’amis. Les recettes disponibles sur internet ont le défaut d’être plus spécifiques et plus limitées dans les sites de spécialité. Il faut de temps en temps un courage de titan pour chercher un autre site avant d’avoir d’autres recettes qui relève d’un autre genre. Nestlé, à travers sa marque Maggi, innove.

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Capture vidéo du Point de presse en Télé conférence de Nestlé avec sa marque Maggi où Dominique Allier et Akua Kwakwa de Maggi d’une part, les stars de Yelo Pèppè d’autre part, répondaient aux questions des journalistes et blogueurs invités. Crédit photo : TDK

Le 3 juin 2020, un point de presse par Téléconférence, à laquelle j’étais convié, est organisé par Maggi. A la commande, Dominique Allier, directeur général de la division Culinaire de Nestlé Central and West Africa, fait deux annonces : le lancement d’un site internet dédié à l’éducation nutritionnelle et le début de la saison 2 de la web série populaire Yelo Pèppè à partir du 8 juin 2020. Au-delà de l’aspect publicitaire que peut avoir ces annonces, j’ai eu du plaisir à découvrir ce que je ne savais pas en matière de nutrition et que je souhaiterais partager ici.

Les « incroyables recettes de… »

Je viens de découvrir un site internet de cuisine d’un autre genre. En fait, il s’agit de trois site de cuisine référencés pour des spécificités différentes : maggi.sn, maggi.cm et maggi.ci. Un site dont la première particularité est qu’il n’appartient pas à un maître cuisinier, ni à un cordon bleu que j’ai l’habitude de voir sur la Toile. Le maggi.cm est bien un site de la multinationale Nestlé de la filiale camerounaise, spécialisée dans l’agro-alimentaire. C’est la première précision à faire, parce que je n’en ai pas encore trouvé un du genre appartenant à un groupe. Cette position de leadership dans l’industrie agro-alimentaire lui donne cette capacité et cette force que ne peuvent avoir des sites spécialisés : faire la synthèse des recettes africaines en mettant dans un même moule les différents « grands chefs africains, des nutritionnistes et des influenceurs dans le domaine de l’alimentation locale ».

https://twitter.com/KUICHEUThierry/status/1268150346867712002

Pour un début, rassembler 40 recettes de cuisines en un même espace est déjà quelque chose d’original. En plus de la quantité de recettes proposées, la qualité est également non négligeable. Elles viennent de contrées diverses, plus particulièrement d’Afrique centrale et occidentale. C’est dire la richesse de la diversité que peuvent avoir ces recettes. J’ai parfois été bluffé par des jolis plats de cuisine d’Afrique de l’Ouest et d’ailleurs que je regarde souvent sur des réseaux sociaux. L’admiration que j’ai en les regardant me rend stupéfait et me fais penser souvent à essayer des aventures en guise de tourisme. Parfois l’envie de m’initier à un voyage astral irrite ma curiosité juste pour découvrir ces épices d’un autre genre. Oui, sur les réseaux sociaux c’est toujours fréquent de tomber par hasard sur ce genre de publication où l’illumination d’un plat de Jollof de riz ou de ragoût de tomate bien assaisonné m’exalte au plus haut point. Il n’y a qu’à voir le profil de mon ami Togolais Roger Nawulolo qui vit à Dakar pour comprendre la satisfaction d’avoir toute l’Afrique centrale et occidentale à ma portée. Il se plaît d’ailleurs à se vanter de ses découverte culinaires africaines lors de ses voyages.

Vraiment Corona aura changé trop de choses quoi. Moi qui "koritait" chaque année chez ma multitude d'ami-e-s et de…

Publiée par Roger Comlanvi Mawulolo Las sur Dimanche 24 mai 2020

L’une des innovations les plus importantes du site et je recommande vivement à ceux qui font attention à la qualité de leur alimentation (oui, il faut l’avouer tout de même, certaines personnes ne sont pas loufoques comme moi) c’est de jeter un œil dans la rubrique dénommée « MyMenu IQ™️ ». C’est particulièrement intéressant de savoir la teneur en calories et l’apport énergétique de chaque menu proposé en respectant « les standards de bonne alimentation internationaux tels que USDA SR28, BLS32 ». En matière de teneur en calories, chaque recette proposée est notée de 0 à 100. Les plus riches en calories sont notées de 70 à 100. Les valeurs inférieures à 70 signifient la recette doit être complétée par un autre aliment. Pour ce qui concerne l’apport en énergétique, le site propose « la proportion des macronutriments (ex glucides, protéines et matière grasse) contenus dans chaque recette et leur contributions (en %) ». En guise d’exemple, la Sauce Ngombo, à la manière des Sénégalais, est sur l’échelle de 70-100 de teneur en calories, tandis qu’il contient 65% de graisse, 14% de protéines et 21% de glucides. En matière d’innovation dans les recettes de cuisine africaines, c’en est une.

Le divertissement accompagne la bouffe

La deuxième innovation, je l’ai précisé au début, c’est bel et bien la sortie imminente de la saison 2 de la web série très populaire appelée Yelo Pèppè. J’avoue quand même mon ignorance ici à savoir que c’est ma première fois de découvrir cette web série. Je suis pourtant un abonné des séries camerounaise du YouTube. Mais, j’ai été surpris d’apprendre que j’étais l’une des rares personnes à ne pas être au courant d’une série de ce genre.

Je ne vais pas épiloguer sur le nom de cette série à connotation typiquement africain. « Pèppè » est un mot populaire qui existe également au Cameroun et qui signifie « piment ». « Yelo », par contre, est l’africanisation ou le diminutif du mot anglais « Yellow » qui signifie « Jaune ». « Yelo Pèppè » en traduction en français signifie donc « Piment jaune ». Cela me rappelle bien mes souvenir d’enfance où le piment jaune avait la réputation d’être le plus piquant des autres à savoir le piment rouge et le piment vert. J’ai beaucoup d’histoires drôles et intrigantes sur le piment jaune qui nous faisaient rigoler dans mon enfance à New-Bell, le quartier populaire de Douala. En fait, loin d’être drôles, ce sont des histoires à pleurer quand j’imagine encore que cet ingrédient de cuisine était utilisé par certains parents pour punir les enfants. Je m’en souviens encore comme si c’était hier. Mais pour Yelo Pèppè, rassurez-vous, il n’en est rien.

Yelo Pèppè c’est plusieurs aventures d’intrigues délirantes avec les acteurs aussi attirants les uns les autres. En vrai, c’est Maggi la star de cette web série. A chaque épisode, c’est l’occasion de découvrir quelques astuces autour d’une recette de cuisine. Si vous avez aimé cette web série de la première saison ou encore vous ne l’avez encore connu, prenez donc rendez-vous pour le 8 juin, jour de la sortie de la saison 2. Un petit tour à la découverte de quelques épisodes de la saison 1 me fait languir d’impatience. Ces épisodes de maxi 10 minutes chacun sont d’une extrême simplicité avec des acteurs de diverses nationalités comme Ade Laoye (Mina), Anita Erskine (Anna), Céline Victoria Fotso (Marie), Aurelie Eliam (Aïda), Fatou Jupiter Touré (Fatima),.     


Le coronavirus et ses multiples couacs au Cameroun

Il m’arrive rarement d’être alerté des mouvements d’humeurs aussi réguliers comme ces jours où le coronavirus fait l’actualité. Des cas suspects refoulés des hôpitaux par-ci, des médecins passés à tabac par les familles des malades par-là, des soins payants pourtant gratuits par-ci, l’absence des matériels de protection des personnels soignants par-là… Des malades ou des suspects abandonnés, des plaintes sur des prises en charge sont des principaux griefs adressés au ministère de la santé publique. Et le pire dans tout ça, c’est le personnel des volontaires de l’institution chargée de l’organisation des urgences sanitaires qui manifeste pour décrier le non-respect des clauses contractuelles financières pour le bon fonctionnement des prises en charge des malades.

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Les volontaires engagés par le ministère de la santé publique manifestent dans la cour du COUSP à Yaoundé pour revendiquer leur prise en charge salariale. Ici, la police et la gendarmerie tentent d’accéder dans la cour par force sans succès. Crédit photo : Hemes Nkwa

En ces moments où le coronavirus fait l’actualité en mettant tout le monde au pas, il devient imprudent de se livrer à une quelconque activité qui susciterait la curiosité et détournerait l’opinion de la préoccupation majeure. Malheureusement, le Centre National des Opérations des Urgences Sanitaires (COUSP) a été le théâtre des manifestations d’humeur dans la nuit du samedi 2 au dimanche 3 mai 2020.

Le COUSP en un mot

Depuis le déclenchement du premier cas du coronavirus le 5 mars 2020 à Yaoundé, c’est le ministère de la Santé publique qui fait l’actualité. En coordination avec le Premier Ministre Dion Ngute, le ministre Manaouda Malachie et son équipe ont mis en place des opérations d’urgence pour venir à bout des malades du coronavirus. La gestion de la pandémie au Cameroun est coordonnée par le Centre National des Opérations des Urgences Sanitaires (COUSP) de Yaoundé.

Le COUSP est un service détaché du ministère de la Santé publique conçu pour gérer les urgences et les catastrophes sanitaires comme des épidémies, les pandémies ou des catastrophes naturelles. Il est logé dans des infrastructures construite par l’ambassade des États-Unis et rétrocédée au ministère de la Santé publique le 21 juin 2019. Concrètement, il cordonne, oriente, gère toutes les ressources (humaines, matérielles, financières, etc.) nécessaires pour venir à bout de toutes les crises sanitaires. Comment ce centre procède-t-il pour au niveau des interventions rapides en cas d’épidémie ou de pandémie ?

Il est mis en place un système d’intervention lorsqu’un incident est signalé. Pour ce qui concerne le coronavirus, la chaîne commence par le call center qui reçoit les appels au 1510, numéro vert. Il a pour rôle de soumettre un questionnaire à l’appelant. Lorsque c’est un cas suspect ou qui fait déjà la maladie, le service des opérations se déploie. Celui-ci s’occupe de la prise en charge immédiate pré-hospitalière et hospitalière. Il existe également plusieurs services tels que la logistique, l’administration et la finance. C’est ici que l’organisation se déploie véritablement en mobilisation du matériel et du personnel divers : la sureté, la santé, l’information, le laboratoire, l’hygiène, etc. Ce déploiement du personnel n’a été possible que grâce au volontariat.

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Les volontaires engagés par le ministère de la santé publique manifestent dans la cour du COUSP à Yaoundé pour revendiquer leur prise en charge salariale. Ici, les grévistes ont passé la nuit dans la cour du COUSP à la belle étoile. Crédit photo : Hemes Nkwa

Mobilisation des volontaires

Combien de personnes volontaires le centre a-t-il mobilisé pour la prise en charge des personnes atteintes du Covid-19 ? Depuis le déclenchement du premier cas confirmé du Covid-19 au Cameroun, le centre a commencé à recevoir et à accueillir de nombreux volontaires dans le déploiement des ressources humaines, particulièrement dans la ville de Yaoundé, la première ville touchée. L’arrivée et les départs des volontaires se faisaient tous les jours à la volée. Conséquence, la liste des volontaires n’était pas définitive. Seules les listes de présence déchargées par chacun d’eux restent la preuve matérielle de leur présence. Certaines sources parlent de 200 voire 300 volontaires venus soutenir le gouvernement dans la prise en charge des cas positifs du Covid-19. Malgré tout, cela ne peut pas justifier cette cacophonie. Pour comprendre réellement ce qui se passe, il faut se référer à la gestion du personnel du centre dans la prise en charge des malades du Covid-19 confiée au Dr Etoundi Mballa.

Avec les départs et les arrivées, les effectifs n’étaient pas stables. Les départs ou la démission de certains volontaires avait pour seule motif le manque du matériel de protection dans la prise en charge des malades. Parmi ces volontaires, une dizaine d’eux ont d’ailleurs été déclarés positifs après avoir présenté des symptômes. C’est dire comment cette activité présente bien de très gros risques et que leur protection demeure une préoccupation pour eux et leurs familles.

La prise en charge des volontaires

Comme leur nom l’indique, les volontaires sont des personnes qui sont venues soutenir le ministère de la Santé publique dans la lutte contre le coronavirus. Pour ces efforts fournis sans oublier les risques qu’elles prennent, elles bénéficient en échange, des repas gratuits et un bon pour prendre les transports quotidiens. Ce dernier, fixé au départ à hauteur de 10 000 FCFA la journée, était versé à chaque volontaire tous les samedis, à la fin de chaque semaine.

Curieusement, le paiement des frais de transport a été stoppée vers la deuxième semaine d’avril. Les raisons de ces retards échappent malheureusement à toute bonne logique lorsque la raison évoquée est généralement l’augmentation de la prise en charge du transport due à l’augmentation du nombre de volontaires qui affluait tous les jours. Dès lors, au nom d’une prévision budgétaire, pourquoi ne pas stopper l’arrivée des volontaires ?, pourrait-on se demander.

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Les volontaires engagés par le ministère de la santé publique manifestent dans la cour du COUSP à Yaoundé pour revendiquer leur prise en charge salariale. Ici les grévistes persistent et signent malgré la nuit tombée. Crédit photo : Hemes Nkwa

Le sit-in et la grogne des volontaires

Ce samedi 2 mai, la tension est montée d’un cran et les volontaires, las d’écouter les promesses, ont décidé de faire un sit-in dans la cour principale du centre en fermant et bloquant le portail principal. Le grabuge a fait le tour des réseaux sociaux. La police, la gendarmerie, les autorités administratives descendues sur les lieux n’ont pas réussi à entrer en contact avec les « grévistes ». Ceux-ci exigeait la présence impérative du ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie.

Face à la témérité des grévistes, l’administration financière du centre propose une avance de 75 000 FCFA par volontaire pour calmer la grogne en attendant les négociations. Elle a reçu un cinglant « non » des grévistes. Puis, elle est passée à la somme de 100 000 FCFA par volontaire, sans succès.   

Dimanche, le jour du dénouement        

Les grévistes ont décidé d’y passer la passer la nuit. Comme dit l’adage, la nuit porte conseil. Empêché d’accéder au centre, le gouverneur de la région du centre, Nasiri Paul Béas, utilise la force et y accède grâce au concours de la police. Personne ne lui a prêté une oreille attentive malgré ses conciliabules. Heureusement, sa honte a été sauvée de justesse avec l’arrivée d’un émissaire du ministre autour de 8h00-8h30 pour annoncer la « bonne nouvelle » : l’arrivée du ministre et le paiement intégral des frais de transport fixé à 10.000FCFA par jour. L’espoir a commencé à renaitre.

À 9h30, les caisses ont été effectivement ouvertes, comme annoncé, pour régler les frais de transport. Malheureusement, les frais de transport ne sont qu’une partie des revendications qui comportent particulièrement des frais de risques et de la qualité des repas servis.

Manaouda fait son entrée au centre vers 12h10 suivi d’un valse d’applaudissements des volontaires. Certains scandent même dans la cour en le qualifiant de « Messie ». Même si c’est une exagération, on peut quand même leur concéder cela compte tenu du contexte camerounais où il est généralement impossible d’avoir gain de cause en pareilles circonstances.

Il faut néanmoins signaler ici que le gouvernement a décidé, compte tenu de la progression de la maladie, de démobiliser le personnel en les envoyant dans les autres régions également atteintes du Covid-19. Juste-là, Yaoundé est restée et reste encore l’épicentre de la maladie au Cameroun, et le Cameroun l’épicentre en Afrique subsaharienne, à l’exception de l’Afrique du Sud. C’est dire le sérieux que l’on doit accorder à la lutte contre le coronavirus dans ce pays.

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Les volontaires engagés par le ministère de la santé publique manifestent dans la cour du COUSP à Yaoundé pour revendiquer leur prise en charge salariale. Ici les grévistes perçoivent déjà leur frais de transport après moult négociations en attendant d’autres paiements comme les primes de risque. Crédit photo : Hemes Nkwa

Même mécontentement du côté des malades et de leurs familles

C’est l’occasion de dire ici la particularité d’un tel ministre du gouvernement de Biya. Une tyrannie qui a toujours eu profil bas, s’est toujours distinguée par des actions sinistrement populaires ou impopulaires, produit difficilement des résultats probants.

Les couacs observés dans la gestion du personnel volontaires du COUSP ne sont malheureusement pas isolés. Les malades, à travers des différents coins de la république, interpellent à longueur de journée le ministre sur son compte Twitter après avoir été rejetés dans un hôpital de la place. Ils sont nombreux à crier au secours face aux traitements inhumains infligés par le personnel d’un hôpital public.

La nature du traitement, de la déshumanisation, est diverse : l’isolement de la personne qui développe des symptômes et qui finit par s’en aller, l’exigence des frais pour le scanner à cause de l’absence de tests gratuits, l’exigence du paiement des médicaments pour certains cas, la nutrition des malades à la charge des familles pour d’autres, etc. Les cas sont nombreux et divers selon les hôpitaux, les symptômes, etc. D’autres malades font d’ailleurs témoignages d’une négligence médicale. Les médecins à leur tout se plaignent de matériels de protection insuffisants voire absents. C’est d’ailleurs ces motifs avancés qui sont allégués pour imputer ces charges aux personnes arrivées à l’hôpital et présentant des symptômes dans le but de leur faire payer certaines prestations.

La gratuité des soins des personnes malades du Covid-19 ne se limite qu’aux discours et au tweet du ministre à longueur de journée. Comme cela avait été le cas au centre, l’intervention du ministre Manaouda Malachie a toujours été considérée comme une main du Messie. Les instructions sont données par le ministre aux personnels de l’hôpital incriminé de contacter tel ou tel autre patient qui se plaindrait et qui soupçonnait d’être atteint du Covid-19 de n’avoir pas été reçu. Des cas de ce type de plainte sont légions sur les réseaux sociaux.

L’actualité du coronavirus est particulièrement dominée par ces multiples couacs où les prises en charge gratuites sont devenues payantes, où le personnel n’est pas protégé, où certains corps enterrés sont déterrés par leurs familles qui accusent le corps médical de mauvais diagnostic après un soupçon de Covid-19, les médecins et tout le personnels sont accusés à tort ou raison d’arnaques, etc. Les cas sont divers et multiples. Cette mauvaise organisation fait désespérer beaucoup de sceptiques qui croient malheureusement dur comme fer que le coronavirus c’est du pipeau, c’est l’affaire des autres. D’autres encore brandissent l’incapacité et l’incompétence des gouvernants à mener une véritable et efficace lutte contre le coronavirus. C’est donc la gouvernance qui est particulièrement mise en cause.            


Distanciation sociale, quarantaine et confinement : de quoi s’agit-il ?

L’actualité sur le coronavirus qui secoue le monde depuis février 2020 est également riche en concepts. Le vocabulaire utilisé par les médias camerounais est particulièrement confus. Cela participe à une incompréhension des mesures prises par l’OMS et le gouvernement camerounais dans la lutte contre le coronavirus. Dans la littérature liée au coronavirus, les Camerounais se sont familiarisés avec de nouveaux mots dans leur langage quotidien. Ils sont tellement nombreux que je me contenterai ici de ceux qui suscite des curiosités et des confusions pour leur caractère synonymique, à savoir : distanciation sociale, quarantaine et confinement.

https://twitter.com/France24_fr/status/1240317866542600194

La distanciation sociale, la mise en quarantaine et le confinement sont des mesures de précautions dont la communauté médicale opte pour éviter la propagation d’une maladie. Le coronavirus étant contagieuse, les nouveaux types de comportements sont prescrits pour limiter sa propagation. En dehors de leurs définitions, ces trois concepts ont des variances contextuelles qui prêtent à confusion.

Ces trois termes s’utilisent confusément par tous les Camerounais y compris les spécialistes de la santé. De prime abord, ils sont considérés comme des synonymes, pourtant l’un ne peut pas être utilisé à la place de l’autre. Chaque mot a ses spécificités. Je vous livre ici, non seulement des définitions, mais surtout une analyse du discours en contexte camerounais.

Ce qu’ils ont en commun

Commençons ici par préciser que la confusion faite par des personnes dans l’utilisation de ces mots peuvent être justifier pour une simple raison : ils signifient tous « être à l’écart les uns des autres ». En d’autres termes, entre deux ou plus plusieurs personnes, l’écart qui vous sépare doit être à une certaine distance qui a été fixée au préalable.

Il ne faut surtout pas penser à l’isolement. Ce terme désigne tout autre chose qui n’a rien à voir avec le contexte de cet article. Même la prison n’est pas un isolement. D’ailleurs, on parle d’isolement dans une prison lorsqu’il est question de sanctionner une personne pour indiscipline grave. Elle est donc placée en isolement qui est une sorte de prison dans une prison où il n’existe aucun contact avec l’extérieur. Parfois les conditions sont de plus en plus rudes selon les prisons.

Ce qui les différencie

La nuance est maintenant visible lorsqu’on met en exergue la notion de distance.

Distanciation sociale

La « distanciation sociale » a pour synonyme « éloignement social ». Ce deuxième terme est plus compréhensible dans la mesure où l’on voit bien la notion de l’éloignement qui renvoie au respect d’une distance physique corporelle l’un à l’autre. Dans le cadre du coronavirus, l’OMS conseille l’éloignement d’un mètre minimum à respecter scrupuleusement. Le respect de cette distance doit se faire surtout dans les lieux publics comme les marchés, les rues, les banques, les hôpitaux, etc.

Vous remarquez ici que dans le cadre de la distanciation sociale, l’accent est surtout mis dans la distance de séparation entre deux ou plusieurs personnes dans les lieux publics. Pour ce qui concerne les lieux privés comme le cadre familial, la distanciation sociale n’a plus de sens, puisqu’il revêt un caractère communautaire. D’où le mot social qui est associé à distanciation.

Mettre en quarantaine

Le terme quarantaine, quant à lui, est plus contraignant que la distanciation sociale. Il signifie mettre à l’écart forcé celui qui est malade. Selon l’OMS, « il consiste à séparer du reste de la population les personnes bien portantes ayant pu être exposées au virus, ou à limiter leurs déplacements, afin de surveiller l’apparition de symptômes et de détecter précocement les cas ». Vous constatez que la mise en quarantaine ici prend un caractère coercitif et restrictif, contrairement au concept de distanciation sociale. La mise en quarantaine est coercitive parce qu’elle peut être imposée. Cette obligation peut donc être volontaire, comme elle peut être forcée.

Comme exemple d’une mise en quarantaine volontaire, nous avons vu la chancelière allemande Angela Merkel qui qui a volontairement choisi de se mettre en quarantaine après avoir été en contact avec un médecin déclaré positif du coronavirus. Heureusement, elle a été déclarée négative après avoir passé 14 jours en quarantaine et subi trois tests ce jour. Au Cameroun, le ministre du travail et de la prévoyance sociale s’est mis en quarantaine volontaire après un soupçon de contact des voyageurs d’un vol d’Air France où quelques passagers ont été détectés positifs au coronavirus. Le deuxième exemple est celui de la mise en quarantaine obligatoire. Ici, on peut citer la mise en quarantaine des passagers des vols d’Air France et de NS Brussels du 17 mars à l’aéroport International de Douala.

Vous convenez donc que la mise en quarantaine est restrictive dans la mesure où elle ne concerne que des personnes infestées, malades ou soupçonnées d’être infestées. Elle concerne également des personnes à risque comme les voyageurs qui viennent d’un pays déjà touchés et des personnes du troisième âge, surtout ceux de 60 à 70 ans et plus. Les personnes âgées particulièrement ont un système immunitaire trop faible qui ne supporterait pas des attaques des virus dont les poumons sont leur cible.

Evidemment, on se pose toujours la question de savoir pourquoi ne faut-il pas faire passer les tests à toutes personnes à risque ou soupçonnées d’être infestées au lieu de les mettre en quarantaine ? La raison est simple : le test n’est pas généralisé. Les kids de test ne sont pas disponibles pour tout le monde. On les réserve uniquement pour des personnes présentant déjà des symptômes de la maladie pour confirmation. Les spécialistes affirment que le coronavirus a 14 jours pour se manifester. D’où la mise en quarantaine de 14 jours à la suite desquels on est «libéré» si les symptômes n’apparaissent pas.

Par ailleurs, certaines personnes peuvent avoir des anticorps suffisamment forts qui réussissent à venir à bout du virus au bout de 14 jours. Voilà l’importance de la mise en quarantaine de 14 jours.

Etre en confinement

Le concept « confinement » ou « être mis en confinement » ou « être en confinement » est plus large que les deux premiers. Le confinement ici n’est pas restrictif, il est plutôt large. Il s’applique donc à tout le monde sans exception. Mais il est également coercitif car il est fondamentalement et exclusivement obligatoire. Cela signifie donc que le confinement se définit comme la mise en quarantaine obligatoire de toute la population d’un territoire bien circonscrit. Le confinement est plus draconien que les deux premiers concepts. Concrètement, chacun reste chez lui, porte verrouillée, durant une période déterminée et fixée par l’autorité médicale d’un pays ou le ministère de la santé.

Selon des pays où il est appliqué, le confinement revêt des dimensions multiples. On parle donc de « confinement total » et de « confinement partiel ». Comme je l’ai dit plus haut, le confinement est fondamentalement obligatoire. Par contre, en prenant des nuances dans certains pays, il devient partiel pour la simple raison que certaines activités sont permises. Par exemple, les personnes peuvent sortir, de leur maison pour aller au marché, au supermarché ou à l’épicerie, faire des courses ou encore aller à la pharmacie. C’est le cas en France et aux Etats-Unis. Pour le confinement total, aucune sortie n’est autorisée. Le ravitaillement en produits de première nécessité se fait en livraison à domicile sur commande par téléphone ou par internet. C’est le cas par exemple en Chine.  

Importances de ces mesures

Ces trois mesures représentent, sur le plan sanitaire, des méthodes ou techniques dans le cadre de la protection contre une maladie infectieuse émergente. Elles sont donc indiquées pour le cas actuel du coronavirus en pleine propagation dans le monde. Avant lui, le monde a connu des cas plus dangereux qui ont fait plus de victimes, du moins pour le moment :  la grippe espagnole, par exemple. Ces mesures ne sont pas des décisions unilatérales. Elles sont préconisées par les spécialistes de la santé, notamment les ministères de la santé et par l’OMS.

Dans chaque pays, le système de santé existant est fait de sorte qu’on puisse mobiliser les ressources dans le cadre d’une éventuelle crise, comme de la lutte contre les maladies infectieuses et émergentes. La mobilisation peut être à des vitesses variables selon l’efficacité du système de santé. C’est la raison pour laquelle il existe des variances entre ces trois concepts qui induisent en erreurs beaucoup d’entre nous sur leur utilisation. Voilà pourquoi dans certains médias français, on peut entendre les journalistes dire qu’il y a « confinement total » en France et en Chine alors qu’il y a des variances. De même, les médias camerounais parlent de « confinement total » alors que ça ne se limite qu’aux écoles et aux endroits de plaisirs (bars et boîtes de nuit). Au Cameroun, on est limité encore à la mise en quarantaine volontaire ou obligatoire.

Beaucoup de personnes ignorent cependant que les mesures de prévention sont également considérées comme des médicaments. Ce sont des mesures qui ne peuvent être appliquées que sur les conseils des médecins. La prescription ici ne concerne que le changement de comportement individuel ou communautaire. C’est ce qui fait leurs particularités avec les médicaments ordinaires. Pour que cela soit effectif, il faut, soit la volonté et la disciple personnelle, soit la force. C’est la raison pour laquelle, pour ce dernier cas, l’intervention de la force publique de l’Etat est nécessaire pour faire appliquer ces mesures à grande échelle sur une population et un territoire donnés. Le Cameroun ne mobilise pas, du moins pour le moment, la force publique pour contraindre les gens au respect du confinement.

Les conséquences immédiates

Au niveau des conséquences liées au changement de comportement dû à la distanciation sociale, à la mise en quarantaine et au confinement, elles varient également selon chaque pays. Mais le plus important ici c’est le fait que ce changement de comportement entraîne inévitablement une limitation ou une restriction totale ou partielle des libertés individuelles. D’où l’intervention du politique. Sans doute que ce sont des mesures draconiennes imposées lorsque le système sanitaire s’est révélé incapable de venir à bout de la maladie par les médicaments. Mais il n’en demeure pas moins vrai que ce sont des prescriptions médicales dont les conséquences sont non seulement sociales, mais surtout économiques.

Les lieux comme les écoles, les lieux de plaisirs et de loisirs, de ports, sont carrément fermés. Pour ce qui concerne les entreprises, seules les plus importantes en temps de crises sanitaires sont ouvertes : supermarchés, pharmacies, ambulanciers, sapeurs-pompiers, etc. Ici également, les variances existent selon les pays. Au Cameroun, par exemple, les écoles et les universités sont fermées, sans oublier les frontières, les lieux de plaisirs comme les bars et les boîtes de nuit. En dehors de ces fermetures, toutes les activités sont en ébullition : marchés, banques, quincailleries, restaurants. Tout se passe normalement. C’est à peine si les gens se rendent même compte que le coronavirus sévit. Ces mesures, en vigueur depuis le 17 mars, suffisent-elles pour faire dire aux journalistes qu’il y a confinement, même partiel, au Cameroun ? Je ne pense pas.

La fermeture de ces lieux commerciaux induit indubitablement des coûts que l’Etat de chaque pays est obligé de supporter. Obliger la population de rester à la maison en fermant toutes ces entreprises et les lieux de commerce comme les marchés, aura pour conséquence de créer un manque de ressources de survie pour les ménages qui ne vivent qu’au quotidien grâce aux activités de l’économie informelle : commerçants, transporteurs, services, etc. Ce type de confinement à la camerounaise est interprété comme une incapacité de l’Etat à prendre en charge le confinement. Sinon, comment expliquer qu’avec 650 cas de coronavirus un confinement total, à l’exemple de la Chine ou de la France, ne soit pas encore décidé ?      


Le Cameroun et le coronavirus, à qui la faute ?

Le coronavirus est bien réel au Cameroun depuis le 6 mars 2020. Les mesures prises par le gouvernement sont-elles efficaces ? Difficile d’être péremptoire à la fin des 30 premiers jours du premier cas. A 509 cas de coronavirus positifs au 3 avril, le Cameroun se rapproche, petit à petit, de l’épicentre de l’Afrique subsaharienne après l’avoir été en Afrique central durant toute cette période. C’est l’évolution est la plus rapide des pays de cette partie du continent. Tout le monde s’accorde donc à dire que cette fulgurante évolution n’est due, pas seulement à un laxisme des autorités en charge de la gestion de cette pandémie, mais aussi et surtout à un manque de civisme des voyageurs et de leurs familles. Il sera donc ici question de passer en revue les responsabilité de chacun dans la progression de cette pandémie.

Les autorités, le gouvernement…  

A travers une mobilisation mitigée des autorités, l’on peut déjà voir une gestion de la pandémie qui ne rassure pas. La légèreté qui entoure cette gestion fait croire à beaucoup d’observateurs que ce gouvernement n’est pas (encore) prêt à prendre des dispositions plus draconiennes qui se manifestent par exemple par des soutiens multiformes aux citoyens frappés par des mesures de confinements rendues publiques le 17 mars dernier par le Premier Ministre, Dion Ngute..

La faute d’abord au gouvernement qui refuse de prendre ses responsabilités. En limitant le nombre de place dans les transports, cela entraîne indubitablement l’augmentation des tarifs supportés par les passagers. L’incapacité à contenir les voyageurs dans un lieu précis pour les mettre en quarantaine est la preuve du manque de poigne et de fermeté. Cette légèreté dans la gestion de la crise est bien également la preuve que la santé de la population n’est pas une priorité pour lui. D’ailleurs, les membres du gouvernement ne bénéficient-ils pas d’une évacuation sanitaire ? Comment s’en plaindraient-ils ?

Beaucoup de choses ont été dites sur cette incapacité caractérisée marquée par le manque d’anticipation, manque d’imagination et surtout d’innovation. Un gouvernement qui agit sur le coup et surtout par surprises, ne rassure pas. Sinon, comment expliquer que le dispositif placé dans les aéroports de Yaoundé et de Douala par le ministre de la santé publique, Manaouda Malachie, n’a pas été utile pour contenir les voyageurs qui provenaient des pays à risque ? La propagation du coronavirus au Cameroun serait en grande partie due à la dispersion de ces passagers des vols d’Air France et SN Brussels dans les deux principales villes. Selon le ministre, le premier cas de coronavirus a été détecté chez un « ressortissants Français » le 6 mars, mais qui est arrivé au Cameroun depuis le 27 février pour assister aux obsèques d’un membre de la famille. Entre le 27 février et le 6 mars, beaucoup de choses se sont passées.

Le 17 mars, le premier ministre, Dion Ngute, rendait public les 13 mesures gouvernementales qui instaurent un confinement partiel de 14 jours (qui vient d’ailleurs d’être renouvelé le 1er avril) pour lutter contre le coronavirus. Parmi elles, il y a évidemment la « fermeture totale des frontières terrestres, maritimes et aériennes » qui figure en première position. Quant à la fermeture des écoles et des universités, elle fait partie de la 3ème mesure. C’est justement ce que l’opinion camerounaise attendait depuis le déclenchement du premier cas de coronavirus le 6 mars.

Cependant, l’on se pose toujours la question de l’efficacité de ce confinement partiel compte tenu de la montée des chiffres des cas positifs. Ne faut-il pas passer au confinement total comme le fait la Chine et l’Italie, ou dans une moindre mesure, la France, l’Italie, les pays les plus touchés ?

Le gouvernement camerounais a les moyens financiers et logistiques d’assurer le confinement total ? Ne fait-il pas la politique en fonction de ses moyens en se limitant seulement au confinement partiel ? Dans ce cas, les interrogations sur la capacité de l’Etat Camerounais à assurer la santé de sa population en tant de crise, de pandémie comme celle de coronavirus, sont légitimes. Plusieurs en profitent pour s’interroger sur la politique ou la logique des choix dans les priorités concernant les dépenses publiques : pourquoi débloquer les gros moyens financiers pour l’organisation de la CAN et du CHAN est plus important que faire autant pour la santé des citoyens Camerounais ?

… et la diaspora venue en séjour au Cameroun 

Depuis l’annonce du premier cas de coronavirus, les vols en provenance des pays à risque (les pays européens, asiatiques et américains) sont scrutés et vilipendés à travers des réseaux sociaux. Les passagers sont pour la majorité des Camerounais d’origine (ayant changé de nationalité, ils sont officiellement considérés comme les étrangers) venus pour un séjour en famille.

https://twitter.com/le1info/status/1240685848233836546

La faute également à ces Camerounais qui ont choisi de voyager, de quitter les pays à risque comme la France et la Belgique, en période de pandémie et de fermeture des frontières. Pour le simple fait de cette situation pas ordinaire, ne pouvaient-ils pas annuler leur voyage et rester en confinement dans leur pays respectif ? Quels intérêts y avait-il à venir absolument au Cameroun qui ne dispose pas de plateau technique médical suffisant pour les prendre en charge au cas où… ?

Un communiqué de l’ambassade de France à Yaoundé invite les ressortissants Français, de passage au Cameroun, et qui veulent retourner en France de s’inscrire pour réserver leur place dans un avion Air-France. En fait, l’ambassadeur a obtenu du gouvernement l’autorisation d’organiser deux voyages pour le retour de ses compatriotes en France. Le premier voyage a eu lieu le 31 mars et le second pour le 4 avril. Selon ce communiqué, l’ambassade a reçu plus de 5.000 appels de réservation ! Plusieurs d’entre eux sont des Camerounais naturalisés Français (comme ceux qui sont venus les 7, 14 et 17 mars à Yaoundé et à Douala).

On peut toutefois deviner les raisons qui poussent ces personnes à quitter le Cameroun. En matière de santé, le Cameroun est moins loti que les pays Européens. Que va-t-il leur arriver en cas de contamination de coronavirus ? Toute personne de bon sens se posera sans doute la question de savoir, que sont venus faire ces Camerounais les 7, 14 et 17 mars derniers au risque de perdre leur vie ?

A l’inverse, l’on s’interroge également sur l’attitude de ceux qui veulent quitter le Cameroun. Comment expliquer que les ressortissants Français de passage au Cameroun veulent quitter un pays qui présente 306 cas positifs de coronavirus, 10 guéris et 8 morts pour se rendre en France où 58.441 personnes sont infestées, 10.935 sont guéries et 5.380 sont mortes (source : www.covidvisualizer.com, chiffres actualisés au 3 avril 2020).

Ce départ des Français du Cameroun qu’on peut assimiler à la fuite est bien compréhensible puisque le Cameroun est un pays où la chance d’être guéris du coronavirus est bien plus maigre que la France. En tenant compte des chiffres ci-dessus, la France réalise un taux de guérison de 18,71%, tandis que le Cameroun est à 3,27%. Paradoxalement, le taux de décès en France est plus élevé qu’au Cameroun en raison de 9,21% et de 2,62% respectivement. Concrètement, ce qui importe beaucoup chez l’opinion, c’est la capacité en infrastructures et en ressources sanitaires que dispose chacun des deux pays. Les évacuations sanitaires des personnalités, comme celle de Cavaye Yeguié dont j’ai fais allusion par ailleurs, en témoigne. En ce sens, la France est donc un meilleur risque.

Les responsabilités sont donc partagées, mais le gouvernement en premier en assume la plus grande partie.


Coronavirus : le camerounais est-il vraiment prêt ?

Depuis le 6 mars 2020, date de l’apparition du premier cas positif, le coronavirus dicte sa loi au Cameroun. La pandémie qui secouait déjà l’Occident depuis janvier et février, était d’abord minorée. Elle est ensuite considérée comme « une maladie comme une autre » avant d’être enfin prise au sérieux. Mais, la gesticulation autour de la gestion de cette pandémie n’est-elle pas une preuve qu’elle n’est pas suffisamment prise au sérieux ? Je répertorie ci-dessous les couacs, rencontrés çà et là, qui plombent la lutte.

Les vols d’Air-France et SN Brussels qui ont remué la plaie

Je me souviens encore de cet avions d’Air France qui a atterri à l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen le 14 mars 2020 autour de 20h30. Le vol AF 900 avait à son bord 198 passagers. Curieusement, les passagers ont rejoint leurs familles respectives. Le premier cas positif du coronavirus détecté depuis le 5 mars et annoncé par le ministre de la santé publique, Manaouda Malachie, le 6 mars, tenait déjà l’opinion en alerte. Depuis cette date, tous les voyageurs venant des pays à risque comme la France, devraient être mis en quarantaine. Malheureusement, ça n’a pas été le cas. Voilà le nœud du problème.

Pourquoi les autorités ont choisi de laisser ces passagers partir ? Il est sans doute convenu de constater que ces autorités n’avaient pas encore, à cette date, mesurer l’ampleur du danger à venir. Malgré les dispositifs sanitaires présents dans les aéroports de Yaoundé et de Douala, on ne remarque pas encore un déploiement capable de faire face aux ravages de la pandémie coronavirus.  

Après les élections législatives (et municipales), le 9 février dernier et la proclamation des résultats le 28 février, la session de plein droit à l’Assemblée Nationale a eu le 10 mars. Cavaye Yeguie Djibril, 80 ans, député du Mayo-Sava depuis 1973 et président de l’Assemblée Nationale depuis 1992, arrive à Yaoundé le samedi 14 mars après un séjour en France à la suite d’une évacuation sanitaire. Ce député était donc dans ce fameux vol tant décrié.

Le dimanche 15 mars, c’est un communiqué du ministre de la santé publique qui attire l’attention de tout le monde. Il invite ainsi les passagers du vol Air-France n°AF-900 qui ont débarqué à l’aéroport de Yaoundé-Nsimalen le 14 mars de se signaler. Le communiqué va plus loin en indexant également le vol SN Brussels n°371 qui a atterri aussi à Yaoundé-Nsimalen, une semaine avant, le 7 mars. Pourquoi ce communiqué de ministre a fait paniqué plus d’un ? Parce que trois personnes, qui faisaient partie des passagers du vol d’Air-France, ont été détectés positifs de coronavirus. Tous les passagers des vols provenant des pays à risque après le 6 mars, comme Air-France et SN Brussels, étaient considérés comme des personnes à risque et appelées à se mettre en quarantaine.  

Le lundi 16 mars, Cavaye Yeguié, contre toute attente, se retrouve à l’hémicycle de Ngoa-Ekelle ? La question que toute l’opinion se pose est celle de savoir ce qu’est venu faire Cavaye Yeguié, pratiquement convalescent, alors qu’il devrait être en quarantaine ? Presque tout le monde est surpris de constater que le député a été exempté de cette mesure qui s’apparente ici comme une sorte de « punition » pour lui. La session de plein droit après la proclamation des résultats des législatives devait être consacrée à l’élection des membres du bureau de l’Assemblée nationale. Soucieux de rempiler au poste de président de la chambre basse, Cavaye Yeguié a cru bon de défier les règles élémentaires et primordiales de la lutte contre le coronavirus au risque de perdre son poste.

Et l’on se demande bien pourquoi un voyageur, venant d’un pays à risque, sur qui les soupçons de coronavirus pèsent se retrouve subitement en train de côtoyer ses collègues députés sans craindre de rien ?

La quarantaine bafouée et le coronavirus se porte bien

La presse camerounaise monte au créneau et accuse le gouvernement de laxisme. L’opinion en général se demande pourquoi continuer à faire atterrir au Cameroun les avions à vols commerciaux provenant de la France qui est l’un des pays les plus touchés par le coronavirus ? De l’autre côté, la presse et l’opinion se pose également la question de savoir les raisons qui poussent Air-France et SN Brussels à maintenir ses vols de la France, pays à risque dont les frontières sont fermées, vers le Cameroun, pays qui n’est pas encore durement touché ?

https://www.le1.ma/un-vol-paris-douala-dair-france-transportant-des-cas-averes-de-coronavirus-fait-scandale-au-cameroun

Comme si le scandale des vols Air-France et de SN Brussels du samedi 14 mars ne suffisaient pas, des autres vols, toujours des mêmes compagnies, sont signalés à Douala le 17 mars en début de soirée. L’indignation de l’opinion était à son comble. Ce qui oblige d’ailleurs le gouverneur de la région du Littoral à Douala à se rendre à l’aéroport international de Douala ipso presto. Les vols de Air-France et de SN Brussels atterrissent effectivement à l’aéroport International de Douala respectivement à 19h20 avec 158 passagers et à 21h55 avec 103 passagers. La peur de voir les voyageurs aller dans leurs familles s’installe.

Immédiatement, le gouverneur de la région du littoral à Douala est instruit par le gouvernement d’empêcher les passagers de se disperser dans la ville et de cordonner les opérations de mise en quarantaine. Ce qui a été fait. A grand renfort de publicité, le gouverneur Ivaha Diboua a mené cette opération personnellement. Les 261 passagers sont conduits dans différents hôtels de la ville. Cette opération, menée à l’improviste, sans préparation et sans moyens d’accompagnement, a été violemment critiquée.

Curieusement, les voyageurs mis en quarantaine dans les hôtels de la ville se plaignent d’ailleurs des mauvaises conditions de leur confinement comme l’absence de nutrition, par exemple. Petit à petit, ils désertent leur chambre d’hôtels et se retrouvent dans leurs familles. La presse et l’opinion s’en prennent au gouvernement, mais le gouverneur s’en défend dans une interview en accusant les réseaux sociaux, comme à leur habitude, de mensonges.

L’on se pose la question de savoir si les hôtels sont des endroits appropriés pour contenir des personnes à risque ? Le personnel de ces hôtels n’a pas été préparé à les recevoir. Comment allait se dérouler cette période de mise en quarantaine. Ne fallait-il pas réquisitionné un espace isolé de la ville et bien aménagé, bien gardé par les force de l’ordre pour que ces opérations soient plus efficaces ?

Tout ce questionnement montre bien la légèreté avec laquelle le gouvernement camerounais gère cette pandémie. Les chiffres sont effarants et effrayants. Selon la source www.covidvisualizer.com, le Cameroun est classé 6ème pays le plus touché en Afrique avec 306 ca de coronavirus au 3 avril 2020. Le Cameroun devient ainsi l’épicentre du coronavirus en Afrique central. Cela ne fait pas du tout bon et bien de personnes continuent de se poser la question de savoir si ce gouvernement sera capable de faire à cette pandémie du coronavirus.

Qu’à cela ne tienne, il ne nous reste qu’à établir les responsabilités de chacun. A qui la faute ?   


Comment le Coronavirus fait plier le Cocan et la Caf

La journée du 17 mars n’a jamais été aussi intense et chargée de suspenses au Cameroun et dans les milieux du sport. Tous les milieux des médias étaient en alerte. Pourquoi cette journée a-t-elle été particulière ?

Le Cameroun est actuellement dans l’effervescence de la préparation du Championnat d’Afrique des Nations (CHAN) du 4 au 25 avril 2020. La perspective d’un renvoi est imminente. Tout le monde a une oreille attentive, pour ne pas dire deux, du côté du comité local d’organisation (COCAN) pour le CHAN 2020 et pour la CAN 2021 au Cameroun. Il est présidé par le ministre des sports et de l’éducation physiques, Narcisse Mouelle Kombi. La présence du coronavirus donnait des sueurs froides aux organisateurs. Le renvoie du CHAN qui se pointe à l’horizon mettait tout le monde en alerte. Le COCAN n’avait qu’un seul souci : quelle est la meilleure astuce qu’il faut utiliser pour éviter un éventuel report ? Cette journée a été fastidieuse et ennuyeuse en même temps. Je vous raconte dans les lignes qui suivent les moments forts et les péripéties qui ont marqué cette journée rocambolesque chargée de suspenses.    

Les prémisses d’une journée tendue

Les inquiétudes sur la présence du Coronavirus a commencé le 24 février avec des rumeurs. Le Coronavirus a été signalé à Douala, dans la région du Littoral, et à Bangangté, dans la région de l’Ouest, par les rumeurs. C’est un tweet de Manaouda Malachie, ministre de la santé publique, qui informe l’opinion nationale que les deux cas suspectés ont été testés négatifs. Entre-temps, c’est le gouvernement qui annonce les mesures prises pour contrer un éventuel cas. C’est alors que le 6 mars en mi-journée, la nouvelle est tombée : le ministre annonce dans un tweet le premier cas du Coronavirus au Cameroun, dans la ville de Yaoundé.

Le climat est resté tendu depuis cette annonce. Les milieux du sport, et surtout ceux des médias, spéculent déjà sur un éventuel report du CHAN. Mais, il est encore trop tôt pour y penser. Les propositions sur le report sont pour le moment considérées comme des affabulations. Ces avis ne se limitent qu’aux commentaires des uns et des autres dont les motivations sont certainement guidées par d’autres mobiles. Mais n’empêche, les commentaires et les opinions vont dans tous les sens. Les acteurs du blogging engagés pour la circonstance, ne sont pas en reste, mais restent encore sereins.

Une guerre de leadership Fifa et Caf ?

Plus les jours passent, plus la tension monte. De 5 cas de coronavirus le 16 mars, le Cameroun a atteint 10 cas le 17 mars. A ce niveau, l’effervescence qui était morose, commence à se faire ressentir. Les réseaux sociaux s’enflamment, les rumeurs fusent de partout, non plus sur une éventuelle, mais plutôt sur la nécessité de reporter le CHAN à une date ultérieure. Dans le milieu des blogueurs chargés de la communication digitale du CHAN, et même celui des médias et surtout des journalistes sportifs, les avis sont partagés selon les humeurs de chacun et les enjeux que cela engendre.

Pour les uns, le report du CHAN serait une bonne chose pour la simple raison que la CAF, dans un communiqué, a reporté les compétitions. Il s’agit notamment des 3ème et 4ème journées des qualifications pour la CAN Total 2021, les qualifications pour la coupe du monde féminine U20 de la Fifa, et les qualifications pour la CAN féminine Total 2020. Il serait, selon eux, incohérent de reporter ces compétitions plus lointaines et ne pas le faire pour le CHAN qui s’annonce dans quelques jours.

Les arguments les plus récurrents viennent du fait que l’UEFA a également suspendu les matchs de la Champions League et de l’Europa League pour une date ultérieure et reporté l’Euro pour l’été 2021. Il n’y aurait, a priori, pas de raison que le CHAN ne soit pas renvoyé.

De plus, le coronavirus est plein d’enjeux. Il impose une situation humanitaire qui nécessite des décisions politiques et économiques importantes comme la fermeture des frontières. Comment va ressembler une compétition accueillant des mécènes et des sponsors qui viennent des pays européens où les populations sont mises en confinement, où les compagnies aériennes ont annulé plus de 90% de leurs vols, où l’économie entière est à l’arrêt ? Auront-ils la possibilité de voyager dans ces conditions ? Ou encore, serait-il possible d’organiser un CHAN sans ses sponsors ?  Ces interrogations qui ne manquent pas d’intérêts seront certainement prises en compte, nous allons le voir plus loin, dans la décision de la Caf.  

Des avis opposés n’hésitaient pas à se poser des questions sur cette politique de matraquage communicationnelle qui, depuis janvier, a tendance à transformer cette pandémie en préoccupation mondiale. Même si comparaison n’est pas raison, l’épidémie d’Ebola qui a touché l’Afrique et fait autant de mort, n’a pas fait autant de buzz et immobilisé le monde entier. Elle n’a même pas empêché l’organisation de la CAN 2015 et 2017. Pourquoi le cas de coronavirus est-il si préoccupant ?

Toute l’Europe, à travers l’Eufa et la Fifa, ne profiterait-elle pas de cette pandémie pour imposer son calendrier à la Caf ? Nous sommes là en face d’une guerre de leadership où l’Afrique n’attend pas céder aux caprices de l’eurocentrisme. Le catastrophisme médiatique du coronavirus est une occasion de mettre la Caf aux pas de la Fifa. Ce qui n’est pas de nature à satisfaire les partisans d’une Afrique libre et indépendante.  

Coronavirus et Cocan, une course contre la montre

Le 17 mars est considéré comme une journée marathon.  Dans la matinée, alors que le ministre de la santé publique venait d’annoncer à la veille l’enregistrement de 5 cas de coronavirus, son collègue ministre des sports et de l’éducation physique, Narcisse Mouelle Kombi, ci-devant président du comité local d’organisation du CHAN 2020 et de la CAN 2021, fait un communiqué pour rassurer la Caf en affirmant mordicus que le Cameroun « est prêt à accueillir toutes les délégations annoncées par la Caf ».

En mi-journée, le ministre de la santé annonce 5 cas supplémentaires. Ce qui porte le nombre de cas de coronavirus à 10. En moins de 24 heures, le nombre a doublé. La panique totale s’empare des observateurs avertis. L’hypothèse de renvoie du CHAN prend le dessus. Un conseil de cabinet est convoqué par Dion Ngute, Premier Ministre. Il en ressort 13 mesures parmi lesquelles la fermeture des frontières aériennes, maritimes et terrestres. Quelques minutes après, le ministre Mouelle Kombi revient sur sa décision et propose à la Caf « un réaménagement du calendrier de la compétition » compte tenu de « toutes les considérations critiques liées à cette urgence de santé publique internationale ».

La Caf n’a justement pas tardé à réagir. Le communiqué du Secrétaire général, Abdel Bah, fait état de ce que la commission médicale de la Caf qui a inspecté les infrastructures en vue d’évaluer le niveau de préparation du CHAN au Cameroun les 14 et 15 mars dernier avait recommandé un report. Même si les conclusions de cette commission médicale n’étaient pas destinées au Cameroun, le ministre Mouelle Kombi était quand même au parfum des observations des médecins de la Caf. Pourquoi n’en avait-il pas tenu compte en rassurant la Caf que le Cameroun est « prêt » ?

L’extase des détracteurs

Ce communiqué de la Caf en fin de journée est venu levé toutes les suspenses. Les esprits se sont calmés. Par contre, il vient surtout mettre un doute sur l’opinion quant à la capacité du gouvernement camerounais à organiser une compétition internationale de football digne de ce nom. Il faut justement avouer, sur ce coup, que le Cameroun n’est pas dans de bonnes grâces de la chance. Après le retrait de la CAN 2019 pour des raisons d’insuffisance d’infrastructures exigées par la Caf, le gouvernement de Paul Biya a subi une humiliation qu’il n’arrive pas à digérer jusqu’ici. Les gouvernants ont subi toutes les critiques où leurs compétences étaient remises en question.

Heureusement, Hamad Hamad, président de la Caf, avait promis au gouvernement de ne pas sanctionner le Cameroun comme c’est souvent le cas pour les pays indélicats qui ne respectent pas leur cahier de charge vis-à-vis de l’organisation faîtière de football africain. La CAN, en territoire camerounais, a été donc reportée pour 2021. Le CHAN devait donc être un test pour le Cameroun avant la CAN. Le coronavirus est venu tout gâché à quelque 19 jours du lancement du CHAN.

C’est donc dans cette optique que le gouvernement camerounais ne voulait pas lâcher prise. Il souhaitait vraiment laver l’affront pour blanchir son image déjà trop ternie par les critiques en organisant cette compétition à tous les prix au détriment de la santé publique. Mais, le coronavirus a pris le dessus et a eu raison de lui.

Les plus heureux dans tout ce méli-mélo sont certainement les détracteurs pour qui la CAN et même le CHAN constituent des projets budgétivores. Le gouvernement est, depuis l’octroi de l’organisation de la CAN au Cameroun en 2014, accusé de détournement de deniers publics. Le retrait de la CAN de 2017 pour « insuffisance d’infrastructures » en est une preuve suffisante de l’incompétence. Pour le moment, on ne parle pas de retrait, heureusement! Mais rien n’est encore gagné car le défi à relever reste intact et la victoire des détracteurs n’est pas encore actée.      


Comment j’ai vécu le tirage au sort du CHAN à Yaoundé

Le CHAN (Championnat d’Afrique des Nations) aura lieu au Cameroun du 4 au 25 avril prochain. Il y aura 4 groupes de 4 équipes chacune réparties dans trois villes, Yaoundé (Groupes A), Douala (Groupes B et C) et Limbe (Groupe C). Au total, 32 matchs sont programmés. Ils seront dirigés par 42 arbitres dont 22 centraux et 20 assistants. Voilà pour ce qui est des statistiques. Ce tirage au sort a eu lieu le lundi 17 février dernier. Longtemps annoncée par les blogueurs du CHAN, la cérémonie qui a eu quelques remous, bien que négligeables, ne m’a pas laissé indifférent. De Douala, j’ai fait le déplacement pour vous. Voici mon carnet de séjour.

https://twitter.com/Orange_FootClub/status/1231955625715826690

La cérémonie du tirage au sort du CHAN a lieu à 18 heures selon le programme officiel. Depuis 48 ans, le Cameroun n’a plus organisé une compétition internationale de foot. La dernière compétition date de 1972 où Yaoundé et Douala accueillaient la CAN (Coupe d’Afrique des Nations). Je n’étais pas encore né. En dehors de cette compétition internationale de foot, il y a également eu la CAN féminine, du 19 novembre au 3 décembre 2016. Tout comme le CHAN, elle avait été organisée en guise de test avant la CAN programmée pour juin 2019. Le retrait de cette CAN pour des raisons, dit-on, de manque d’infrastructures, n’a pas fait l’objet d’élimination du Cameroun. Elle a été renvoyée pour 2021. Comme si l’histoire se répétait, la CAF a profité du désistement de l’Éthiopie pour mettre le Cameroun un test : l’organisation du CHAN.

De Douala à l’entrée de PAPOSY

La CAN féminine n’avait pas la même envergure sur le plan communicationnel que le CHAN. Le Cocan, par la voix de son président, qui a eu le plaisir de solliciter officiellement les blogueurs à travers l’ABC (Association des Blogueurs du Cameroun) pour la couverture, avait donc un énorme défi à relever.

L’entrée du PAPOSY

Ma soif de vivre un événement international de foot pour la première fois a été mon seul élément de motivation. Chronomètre en main, le bus qui me conduit à Yaoundé quitte le quai à 12h précise. En réalité, il faut environ 4 à 5 heures de voyage pour un tronçon de 265 km. Bien que le voyage fût pénible à cause des tracasseries policières, l’arrivée à Yaoundé était tardive. Le bus aurait fait moins de temps que ça. Il est donc 17h30. Il ne me reste que le temps de prendre une chambre d’hôtel de l’agence de voyage, de me débarbouiller et de prendre un taxi. Chronomètre en main, je monte dans le premier taxi, peu importe le prix, l’essentiel c’est d’arriver au lieu de la cérémonie.

https://twitter.com/cfootcameroun/status/1229698894461915137

Il est 18h50 quand mon taxi se gare devant l’entrée principale du PAPOSY (Palais Polyvalent des Sport de Yaoundé). Je n’ai pas été impressionné par la foule. Mon billet d’invitation est entre de bonnes mains, chez Martine Ndo, ma collègue blogueuse, qui, à cause de sa batterie, est restée injoignable durant toute cette soirée. Comment faire pour accéder au PAPOSY ? J’entends déjà certains dire désespérément « la salle est déjà pleine, ça ne vaut même plus la peine ». Ces paroles ne m’ont point dissuadé. Une idée me vient subitement : j’ai reçu, étant dans le bus, un message du Cocan m’invitant à présenter ce SMS à l’entrée en guise de billet d’invitation. Je suis soulagé, enfin ! Je m’approche de la guérite, de pied ferme, j’insiste dans le rang pour qu’on me cède le passage. Ma situation de handicap me sera bien utile. Un boulevard se crée devant moi subitement grâce à un policier venu à mon secours. Malgré les déceptions que j’observe chez certains spectateurs médusés, je prends place.

L’esplanade du PAPOSY

Les policiers étaient postés dans toutes les entrées du PAPOSY. Je venais de franchir la première entrée et me voici dans la grande cour. Quelque part à gauche, deux grands écrans géants, montrant la cérémonie en direct, sont disposés de part et d’autre pour permettre à ceux qui n’ont pas eu accès à la salle de vivre la cérémonie. Je traverse la cour sans y prêter attention, mais je commence quand même à prendre conscience de la gravité de mon retard : la salle sera pleine à craquer. Je n’abandonne pas pour autant. Je décide de continuer ma marche pour la grande salle où se déroule la cérémonie. Une voix aux entours me signale que le Premier Ministre, Joseph Dion Ngute, vient de faire son entrée. J’entends en fond sonore, au milieu d’une foule de badauds, l’hymne national camerounais retentir.

Mon courage n’a pas pour autant tari. A l’instant, des escaliers aux marches ininterrompues m’attendent. Armé de courage, je réussis à monter jusqu’au sommet. Je me retrouve donc dans le hall du majestueux palais. Je décide de m’arrêter ici pour reprendre du souffle. Vous vous en douter bien, le challenge n’est pas encore terminé. Il me reste à franchir une dernière étape : l’entrée principale de la salle où étaient postés toujours les policiers. Des bousculades, des lamentations, des engueulades, des vociférations à n’en plus finir, se font entendre : « vous empêcher aux Camerounais d’entrer dans leur palais ? », « c’est même quoi ce pays où même s’amuser est interdit ? », « si voulez, mangez même votre pauvre CHAN-là, je retourne chez moi », etc. Je ne pouvais pas prendre le risque de m’approcher de cette foule compacte postée devant la porte vitrée du palais. Une moindre bousculade pouvait être fatale pour moi. C’est ici que j’ai donc décidé de terminer ma soirée.

Quelques minutes dans le hall

Je retrouve mon esprit, enfin ! Je contemple le palais, une œuvre de la coopération chinoise, comme le palais des congrès. Décidément, c’est la Chine qui vient construire des palais chez nous ! Du haut de l’estrade où je suis, je jette un coup d’œil autour de moi. Malheureusement, l’obscurité ne me permet pas d’admirer la superbe bâtisse. Les va-et-vient interminables de personnes présentes m’amènent à faire une remarque : l’habillement était le style du grand jour. Talons au bout pointu et robe majestueuse des soirées de gala pour les femmes. Curieusement, seuls les hommes étaient débraillés. Certains sont en veste et cravate, mais beaucoup, plus de trois quarts d’entre eux, sont en Jean et t-shirt ou chemise, bref tenue ordinaire. Pourquoi cette différence de tenue ? Des hommes, plus nombreux aux événements de foot que les femmes, ont l’air indifférents. Ici celles-ci marquaient tout de même leur présence. Pour mieux comprendre ce phénomène, je me rapproche d’un membre du Cocan qui passait par là. Il avoue lui-même ne rien comprendre car, selon les règles, la cérémonie du tirage au sort est une soirée en tenue de gala. En observant la foule, on se rend bien compte que ce sont les femmes qui ont mieux compris le concept. Heureusement, les organisateurs ne leur en ont pas tenu rigueur.

Une amie que j’avais invitée n’a pas pu accéder au hall où j’étais. Bloquée par la police, elle s’est contentée de regarder la cérémonie sur l’écran géant juste au bas des escaliers. Pendant que je me lamentais pour elle, une collègue blogueuse, Suzanne Mveng, me retrouve. Elle vient également de Douala pour cette cérémonie. Elle est plutôt surprise de me voir dehors. Pendant qu’elle raconte ses mésaventures pour réussir à accéder au PAPOSY, nous mûrissons les stratégies pour accéder dans la salle. Le tirage au sort, proprement dit, n’avait pas encore commencé. Sur la scène, c’étaient des artistes qui prestaient. Sous la direction d’Aladji Touré, les artistes chanteurs tels que Nicole Mara, Lornoar, Locko, Magasco, Taty Eyong ont meublé la soirée. Sans oublier les groupes folkloriques camerounais. L’instant magique a été l’hymne du CHAN composé et joué par Jane Mary Ihims.

La foule compacte qui obstruait l’entrée de la salle n’a pas refroidit la blogueuse qui n’est pas allée de mains morte pour négocier mon entrée. Grâce à Suzanne, mon courage a eu le dessus sur ma résignation. Elle me dit à voix serrée, « viens ». J’ai voulu lui dire de laisser tomber. Non, fallait pas la décevoir avec la peine qu’elle avait de me voir debout, planté là depuis quelques minutes déjà. Je me suis retrouvé à l’intérieur par enchantement grâce à la magnanimité d’un policier qui insistait en disant : « il n’y a plus de places assises. Tu vas rester debout ? ». « Oui », insistais-je en secouant la tête comme pour implorer une clémence au juge. J’étais mort de fatigue. Suzanne venait de me sortir d’un bourbier. 

Dans la salle, enfin !            

La salle était comble. Les escaliers des tribunes étaient occupés. Suzanne était restée dehors. Je me sentais seul. J’appelais d’autres collègues blogueurs qui étaient déjà dans la salle en vain. La position de Thierry Didier Kuicheu ne lui permettait pas de venir vers moi, m’avoua-t-il. Je me complais dans ma solitude, mais j’étais convaincu que j’allais avoir une surprise. Mais, ma souffrance n’était pas encore terminée, il fallait maintenant négocier une place assise. Suzanne a finalement réussi à entrer dans la salle grâce à un personnel de la Croix Rouge. Elle est encore surprise de me voir là, debout. Quelques spectateurs, dans l’attente lasse, désistaient. Suzanne réussit à arracher cette place pour moi. Voilà donc une belle occasion de m’assoir.

À peine assis, j’ai donc le temps de contempler la salle, les jeux de lumière, les décors féériques, le public, bref la salle présentait ses plus belles allures. En fait, j’attendais mieux que ça, mais ce que j’ai vu n’était pas mal quand même. Le seul hic de la soirée m’est resté comme un mauvais souvenir ce soir-là : la mauvaise qualité de la sono. De là où je me trouvais, c’était à l’estrade des tribunes. Le PAPOSY est un stade de basket, volley et hand. Il peut également servir de salle de combat de boxe et de tous genre de sport en salle. Conçu comme un amphithéâtre, il a été transformé pour la circonstance en salle de spectacles en prélude cette cérémonie de tirage au sort du CHAN. Du haut de la tribune, je peux voir les personnalités qui accompagnent Dion Ngute. J’aperçois Ahmad Ahmad (président de la CAF), Issa Hayatou (ancien président de la CAF), Mouelle Kombi (ministre des sports et de l’éducation physique), Seidou Mbombo Njoya (président de la Fecafoot), et Samuel Eto’o, pour ne citer que ceux-là.

Quelques minutes ont suffi pour connaître la combinaison des poules avec leurs villes et stades respectifs. La mauvaise sonorisation ne m’a pas permis de suivre le tirage de bout en bout. Finalement, j’ai eu heureusement recours aux tweets de mes collègues blogueurs restés chez eux et qui suivaient la cérémonie en direct à la télé (CRTV) avant d’avoir les combinaisons des 4 groupes.

Cependant, cette cérémonie du tirage au sort a commencé bien avant 18h30, en fait. Le programme a débuté à 14h30 avec ce que le Cocan a appelé « Trophy Tour CHAN 2020 ». Le tour de ville du trophée consistait à faire un tour de la ville de Yaoundé pour présenter le trophée aux population de la capitale. Ainsi, du Boulevard u 20 Mai au PAPOSY, le cortège, qu’accompagnaient les troupes de danse, de fanfare, de majorettes et de ballet de l’Université de Yaoundé 1, de l’Université de Yaoundé 2, de l’Institut Supérieur Siantou et de l’Institut National de la Jeunesse et des Sports, est passé par le Rond Point An 2000 et le collège de la Retraite.

Fin de la cérémonie

Aussitôt le tirage au sort terminé, la salle commença à se vider progressivement. Accompagné de Suzanne, je dois refaire le chemin retour : descendre les escaliers, traverser la grande cour, marcher jusqu’au carrefour pour prendre un taxi pour mon auberge. En chemin, nous scrutons sur les sujets à aborder pour nos prochains billets de blog. Tandis que je comptais raconter mes aventures de la cérémonie du premier tirage au sort, elle promettait de s’indigner du manque de considération qu’on des personnes handicapées dans des circonstances pareilles. Mon amie qui m’attendait au bas des escaliers nous a rejoint. Nous avons cheminé ensemble et la soirée s’est achevée en taxi qui a ramené chacun de nous à sa destination. Une journée bien chargée pour un retour à Douala demain.


Ngarbuh, les enjeux d’un massacre de trop

Beaucoup d’observateurs considèrent ce qui s’est passé à Ngarbuh comme le « massacre de trop ». Pour preuve, les sorties de l’ONU, bien qu’appelant à une enquête et à la responsabilité de la protection des civils par le gouvernement camerounais, ne sont pas de nature à calmer le régime de Yaoundé. Les condamnations qui fusent de partout, et plus particulièrement de celles du président Français, Emmanuel Macron, qui qualifie « d’intolérables » la situation humanitaire dans les régions anglophones, donnent certainement des sueurs froides aux thuriféraires qui ne cessent en perte de légitimité sur le plan international.

Les réactions les plus en vue sont celles des fonctionnaires onusiens. Elles appellent absolument à une analyse minutieuse de la situation qui donnerait peut-être lieu à un aboutissement allant dans le sens de la décrispation. Cependant, la situation socioéconomique en est-elle favorable ? Le pouvoir de Yaoundé joue actuellement sur sa survie face aux accusations de « crimes contre l’humanité » voire de « génocide ». Les diverses réactions qui ont suivies le massacre de Ngarbuh montrent bien comment cette réalité est accablante.

Les premières réactions

Les premières réactions ont évidemment été celles du ministre délégué à la présidence chargée de la défense comme je l’ai dit dans mon billet précédent. Son communiqué tenait, jusque-là, lieu de la version officielle du gouvernement camerounais. Plusieurs réactions ont précédé celles du ministre. Il s’agit surtout des réactions des hommes politiques et de la société civile. En dehors de l’église catholique par la voix de Mgr George Nkuo, il y a les avocats des droits de l’Homme comme Felix Agbor Khongo pour qui « le gouvernement a l’obligation de faire la lumière » sur ce qui s’est passé. Les femmes et hommes politiques Camerounais comme Kah Walla, à travers son ONG Stand Up For Cameroon, les partis politiques comme le SDF et le MRC, n’ont pas été en reste. Parmi les réactions les plus médiatisées, il y a eu celle de Jery Rawlings, ancien président ghanéen.     

La première distinction que l’on peut faire entre les premiers témoignages, les différentes réactions et la sortie du ministre Beti Assomo, réside dans le nombre de personnes tuées. Tandis que les uns parlent de 21 à 24 morts, essentiellement des femmes enceintes et des enfants, le ministre délégué, lui, parle de « 7 terroristes » et de « une femme et 04 enfants », pour un total de 12 morts.

Le 17 février, Stéphane Dujarric, le porte-parole du Secrétaire Général de l’ONU réagit en appelant « le Gouvernement du Cameroun à ouvrir une enquête et à prendre les dispositions nécessaires pour que les coupables répondent de leurs actes ».

Le 18 février, le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, René Emmanuel Sadi, donne la version officielle du gouvernement camerounais. Il réagit à son tour en reprenant intégralement la version de son collègue de la défense. Après avoir parler de « d’affabulations et d’allégations mensongères », il signe et persiste sur le nombre de cinq civils tués non sans pointer un doigt accusateur à la société civile, aux activistes et aux organisations internationales : « Le Gouvernement s’inscrit donc en faux contre les accusations fantaisistes et gratuites, portées par des activistes politiques, par les commanditaires des bandes armées sécessionnistes, par des Organisations Non Gouvernementales ainsi que par certains médias nationaux et internationaux, contre nos Forces de Défense et de Sécurité ».

Le 21 février, quatre hauts responsables onusiens ont réagi : la Représentante spéciale du Secrétaire Général pour les enfants et les conflits armés, Virginia Gamba ; la Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence sexuelle dans les conflits, Pramila Patten ; la Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence contre les enfants, Najat Maalla M’jid et le Conseiller spécial pour la prévention du génocide, Adama Dieng.

La sentence de l’ONU à travers la voix de ces autres fonctionnaires est claire : « Nous sommes profondément préoccupés par les informations faisant état de violences, notamment l’attaque du 14 février contre le village de Ngarbuh, dans la région du Nord-Ouest, qui a fait 23 morts, dont 15 enfants », ils appellent à une « meilleure protection des civils au Cameroun dans un contexte d’escalade de la violence dans ce pays d’Afrique centrale ». En conclusion, l’ONU insiste et confirme les sources indépendantes et des témoins relatives au nombre de morts. La question qui reste pendante est celle-ci : c’est quoi la suite ?

https://twitter.com/TV5MONDEINFO/status/1231680765882249217

La réaction la plus intéressante et la plus musclée reste celle de l’ONG Human Right Watch (HRW), par la voix de la chercheuse Ilaria Allegrozzi qui, à la chaîne de télévision TV5, affirme mordicus que la version du gouvernement camerounais est fausse pour trois raisons. Premièrement, le nombre de morts se chiffre à une vingtaine ; deuxièmement, il n’y a pas eu « d’explosion de plusieurs contenants de carburant » ; troisièmement, il n’y a pas eu « combats » entre les hommes de l’armée camerounaise et les groupes armés locaux. Selon elle, les images satellitaires que l’ONG possède confirment ces mensonges.

HRW avait promis publier les résultats d’une enquête à propos de ces massacres. Ces résultats sont donc disponibles ce mardi 25 février où elle demande, néanmoins au gouvernement Camerounais de faire une enquête indépendante. Cela veut donc dire que malgré les chiffres annoncés, les enquêtes continuent d’être menée. D’ailleurs, une autre ONG basée à Yaoundé, Nouveaux Droits de l’Homme, annonce ce jour le chiffre de 35 morts au total dont 3 femmes enceintes et 17 enfants. Les avertissements de l’ONU appuyés par les information de HRW sont suffisamment graves pour mettre en alerte le pouvoir de Yaoundé.

Les enjeux d’un tel drame

Il y a lieu à présent de se poser la question fondamentale : c’est quoi la suite ? L’opinion publique camerounaise, depuis le déclenchement de cette guerre meurtrière, est formelle : le retour à la paix. Ce qui reste facile à dire, mais la mise en place d’une force d’interposition, comme le souhaitent beaucoup, est difficile à mettre en place. Il n’est plus question en ce moment de faire confiance à un gouvernement belligérant. Cependant, les fonctionnaires internationaux onusiens misent encore sur la bonne foi du gouvernement : « Nous demandons au gouvernement de veiller à ce que les forces de sécurité respectent les normes applicables du droit international pendant la conduite de leurs opérations ». Bien entendu, l’ONU n’épargne pas l’autre camp : « Nous rappelons également aux groupes séparatistes armés leurs responsabilités en vertu du droit international et appelons toutes les parties à s’abstenir d’attaques délibérées contre des civils ».

Si l’intervention de la communauté internationale semble être l’unique solution pour arrêter cette guerre, pourquoi cette communauté tarde-t-elle à réagir et ne se contente que des avertissements ? Pourquoi la diplomatie internationale a-t-elle la réputation d’être lente ? Pour comprendre la portée historique et politique de ce communiqué de l’ONU, l’observation du journaliste camerounais Boris Bertolt me semble pertinente.

Pour la première fois dans un communiqué, les Nations Unies évoquent la responsabilité de protéger. Par les contacts rendus public dans le texte, figure l’un qui est moins connu, celui du représentant spécial du SG des Nations Unies sur le génocide et la responsabilité de protéger.

La responsabilité de protéger est un concept érigé par l’Organisation des Nations unies. Apparue en 2001 au sein de la Communauté internationale sur l’intervention et la souveraineté des États, elle est entérinée en 2005 dans le Document final du Sommet mondial.

Dès lors est reconnue à la communauté internationale une compétence en cas de « défaillance manifeste » d’un État à protéger sa population. Il s’agit d’une responsabilité de protéger les populations civiles victimes de crimes de génocide, crimes contre l’humanité, nettoyage ethnique et crimes de guerre. Cette responsabilité subsidiaire, activée par le Conseil de sécurité, peut prendre la forme d’une intervention coercitive, telle que prévue par le Chapitre VII de la Charte, mais aussi d’une palette d’autres mesures, pacifiques, diplomatiques ou humanitaires. En 2009, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon, précise ainsi que l’« action résolue » attendue ne désigne pas le seul recours à la force.

Il existe en fait une palette de mesures. Le premier pays où ce principe a été appliqué c’est la Libye du dictateur Mouammar Kadhafi.

Macron tance Biya

Emmanuel Macron était présent au salon de l’agriculture le 22 février en France. Il a été interpellé par un activiste camerounais, Calibri Calibro, de son vrai nom Thiam Abdoulaye. L’activiste demande à Macron la responsabilité de l’intervention de la France pour arrêter le « génocide » qui, selon lui, fait de nombreux morts dans les deux régions anglophones du Cameroun et avance le chiffre de 12.000. A travers les échanges, Emmanuel Macron a fait certaines révélations troublantes concernant les relations entre la France et le Cameroun : « Je vais appeler la semaine prochaine le président [du Cameroun] Paul Biya et on mettra le maximum de pression pour que la situation cesse. Il y a des violations des droits de l’Homme au Cameroun qui sont intolérables, je fais le maximum ».

Un génocide qui est perpétré par le « dictateur » Biya qui tient à rester au pouvoir malgré ses 38 ans de magistrature suprême. Sur la question de la démocratie, Macron répond en précisant que « La France a un rôle compliqué en Afrique. Quand la France dit : ‘tel dirigeant n’a pas été démocratiquement élu’, les Africains nous disent ‘de quoi vous mêlez-vous ?’… Moi, je mets la pression sur chacun ; je travaille avec l’Union africaine pour mettre la pression ».

En réactions à ces propos de Macron, les jeunes, qui se font appeler « Patriotes », descendent dans les rues à Yaoundé, Douala et Garoua depuis hier lundi 24 février. Certains observateurs postulent déjà sur la thèse de « manipulations » organisées par les thuriféraires. Cette perte de légitimité internationale se confirme donc au regard de ce que je peux appeler fébrilité. De quoi aurait peur Biya, qui réagit par embuscade ? Pourquoi les communications du ministre délégué à la présidence chargé de la défense, du ministre de la communication et plus récemment celle du secrétaire général de la présidence ne s’adressent-elles pas au président français, mais condamnent plutôt l’activiste qui l’a interpellé ? On ne perdra certainement rien à attendre.


Ngarbuh : ce qui s’est passé

Depuis le 14 février dernier, la guerre dans le NOSO (les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest) vient de connaitre l’un des plus grands rebondissements. Les images d’une incroyable atrocité circulent à travers les réseaux sociaux. Les corps humains et plus particulièrement de femmes enceintes et d’enfants calcinés ont été découverts dans le village Ngar-buh situé dans l’arrondissement de Ndu, Département de Ndonga-Mendung, Région du Nord-Ouest. Le Cameroun est en émoi. Que s’est-il passé ?

Personne ne sait, jusqu’à présent, ce qui s’est réellement passé. Les photos des corps déchiquetés se sont répandues sur les réseaux sociaux et surtout sur Facebook comme une traînée de poudre. Comme il est coutume depuis 2017 que la guerre a commencée, les activistes ont attribué ces massacres à l’armée camerounaise. À la suite de son chargé de communication, Cyrille Serge Atonfack Guemo, le ministre délégué à la présidence chargé de la défense fait une sortie le 17 février. Dans ce communiqué, le ministre livre sa version des faits.

Un « malheureux accident »

Joseph Beti Assomo conclut « qu’il s’agit tout simplement d’un malheureux accident, conséquence collatérale des opérations de sécurisation en cours dans la région ». Il ajoute surtout que cette conclusion est la résultante « des informations méthodiquement et professionnellement recoupées ». Cette conclusion qui figure sur le communiqué du ministre ne guise d’introduction n’a pas suffi à calmer les ardeurs des activistes qui attribuent ces massacres aux hommes de l’armée camerounaise. Le ministre, cependant, ne nie pas l’existence des morts à travers son récit suivant :

Le 14 février 2020, un groupe de six éléments des forces de Défense, dont quatre militaires et deux gendarmes renseigné par des repentis a effectué une approche de reconnaissance nocturne à pieds vers une habitation de Ngarbuh transformé en camp fortifié, véritable base logistique de marchandises illicites, de réception des armements et munition de tous calibres, et de stockage et revente de stupéfiants.

Pris à partie par des tirs nourris depuis le refuge fortifié, la riposte de éléments des forces de l’ordre permettra de mettre hors d’état de nuire sept des terroristes présents sur les lieux. Les combats vont se poursuivre jusqu’à l’explosion de plusieurs contenants de carburant, suivi d’un violent incendie qui va affecter plusieurs habitations voisines. Cet incendie a fait cinq victimes, dont une femme et quatre enfants, bien loin de ce qui est relayé dans les réseaux sociaux.

Il faut tout de même remarquer que le ministre réagit deux jours après de nombreuses indignations suite à la mort des femmes enceintes et des enfants, surtout ceux âgés de moins de cinq ans. La responsabilité de l’armée était donc engagée à la suite des témoignages recueillis par les activistes, les ONG et les fonctionnaires onusiens présents dans la région.   

Les premiers témoignages

Ce communiqué du ministre délégué datant du 17 février intervient après certains témoignages qui circulaient déjà sur les réseaux sociaux depuis le 15 février. Je vous livre ici en intégralité l’un des plus en vue en ce moment. C’est le témoignage d’un survivant, habitant du village, rapporté par un activiste qui se fait appelé Nzui Manto Yi Sepsep. Celui-ci a été le premier à lancer l’alerte dans la soirée du 14 février aux environs de 21h. grâce à lui, nous pouvons avoir une première version des faits d’un témoin :

Il s’agissait d’une opération conjointe comprenant des militaires, des mbororos et quelques anciens combattants des forces de restauration ambazoniennes. Les soldats étaient au nombre de cinq, trois ex-combattants et de nombreux Mbororos. Je ne sais pas l’heure exacte à laquelle ils sont venus et je ne peux pas dire laquelle des forces armées était présente car il y a toujours ce qu’ils appellent « force conjointe ». J’étais à Ntumbaw et ces gens y sont entrés dans la nuit, c’est pourquoi je ne peux pas dire exactement l’heure à laquelle ils sont venus. Ce qui m’a fait savoir exactement le nombre, c’est qu’ils sont venus à Ntumbaw et se sont adressés à la population, donnant aux habitants de Ngarbuh trois jours pour partir ou ils devraient attendre le pire. Je suis allé à Ngarbuh avec un frère qui était à Ngarr et je sais de quoi je parle.

Quant à la population, il leur était très difficile de fuir car ils venaient la nuit et certains dormaient encore mais quelques-uns ont réussi à s’enfuir.

Ils sont venus à Ngarbuh et en ont tué exactement 23 personnes soit environ trois hommes, six femmes et 14 enfants. Il y avait trois cas à l’hôpital dont un abandonné. Il y avait trois enfants de moins de trois ans. Sur les 14 enfants, 11 étaient en âge d’aller à l’école primaire, trois allaitaient encore. Certains de ces bourreaux ont même dit à quelques survivants qui n’avaient pas été tués que ce n’était que le début. Il y a eu des brûlés et ceux qui n’ont pas pu s’enfuir ont été abattus. Alors que les militaires sont partis, certains villageois aidés par des combattants ont enterré les victimes hier [vendredi 14 février, N.D.L.R.].

Nzui Manto Yi Sepsep

TÉMOIGNAGE D'UN VILLAGEOIS DE NGARBUH AU SUJET DU MASSACRE D'ENFANTS ET LEURS PARENTS PAR L'ARMÉE DU TYRAN ET SES ALLIÉS…

Publiée par Nzui Manto Yi Sepsep sur Dimanche 16 février 2020

A partir de ce témoignage, plusieurs informations sont révélées. Ce récit fait tout simplement mention de la présence de cinq soldats de l’armée camerounaise. L’autre information importante est cette présence des indépendantistes armés dits « Amba-boys » au nombre de trois. Une façon de dire expressément la responsabilité des deux acteurs dans les massacres. Cependant, l’information qui fait couler beaucoup d’encre et de salive est certainement les chiffres sur le nombre de morts : 23 au total dont six femmes et 14 enfants.

Pire encore, la version de l’évêque de Kumbo, Monseigneur Georges Nkuo, n’est pas bien éloignée de celle du témoin : « Nous avons été suffisamment informés du malheureux incident qui a eu lieu le 14 février dans le village Ngarbuh-Ntumbaw à la paroisse St Martin de Porrès à Ndu. Le vendredi 14 février 2020, les militaires ont envahi Ngarbuh à 4h et on nous a dit que 24 personnes, dont des femmes enceintes et des petits enfants, avaient été tuées. Certaines victimes ont été brûlées vivantes et plusieurs autres blessées ».

Mais, dans un entretien accordé à une chaîne de télévision locale (Equinoxe TV), l’évêque parle plutôt de 22 morts au total. Comme nous allons le voir dans le billet suivant, les versions sur le nombre de morts sont nombreuses et divergentes. Elles ne sont, cependant, en deçà d’une vingtaine de morts.

C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Les réactions ne se sont pas faits attendre.