Le 23 août 2014, le jeune footballeur camerounais Albert Dominique Ebossé Bodjongo Kida, âgé de 25 ans, trouve la mort lors d’un match de son équipe JSK contre USMA. Au Cameroun, cette nouvelle suscite encore des commentaires qui fusent de toute part sur l’origine véritable de sa mort qui est, pour beaucoup, due au racisme.
Il y a juste un mois, le jeune Albert était à Douala pour les vacances avec sa famille. Le jeune footballeur profitait donc des vacances pour célébrer avec ses amis et sa famille son titre de meilleur buteur de la saison 2013-2014 avec 29 réalisations. A cette occasion aussi, il a été invité par la chaîne de télévision privée Equinoxe TV qui a tenu à célébrer à sa manière le nouveau prodige. Quelle n’ont pas été la stupéfaction et la surprise de ses fans d’apprendre sa mort au soir du 23 août dernier à la fin du match qui opposait l’équipe d’Albert, Jeunesse sportive de Kabylie (JSK) et l’USMA pour le compte de la deuxième journée du championnat de première division d’Algérie. Du coup, les informations qui circulent à ce jour donnent deux versions différentes de cette scène qui a coûté la vie à Albert.
La première version est diffusée par les médias internationaux et notamment par lequipe.fr qui a été la première source. Le site a rependu la mauvaise nouvelle dans toute la Toile; une information qui a fait le tour du monde. Cette version a été reprise par tous les médias camerounais qui expliquent que la mort d’Albert est survenue à la suite d’un projectile qu’il a reçu sur sa tête. Ce projectile est l’œuvre d’un supporter de la JSK qui n’avait pas apprécié que son équipe termine le match par une défaite d’un but contre deux. Le seul but de la JSK avait pourtant été marqué par le jeune Albert.
Une autre version, celle de Saïd F. pour Tamurt.info indique que la mort d’Albert n’est pas survenue sur le terrain, comme le disent certains, mais plutôt dans les vestiaires. Que s’est-il donc passé ? Selon un supporter de la JSK, un repris de justice le nommé Redouane serait soupçonné d’être l’assassin d’Albert. Il s’agit là d’un chef de houligans recruté par Hannachi, président de la JSK. Ce fameux Redouane, connu pour ses méfaits n’en est donc pas à sa première expérience du crime. Albert a donc été surpris dans les vestiaires par ce voyou qui lui a assené un coup mortel. La victime s’est alors dirigée vers la pelouse à la recherche de secours. C’est donc ce M. Hannachi qui aurait trompé les journalistes en leur faisant dire, comme sur la vidéo, qu’Albert a été atteint par le projectile d’un supporter.
Un acte barbare
Les réactions des autorités ou personnalités du football africain ne se font pas fait attendre. Le ministre camerounais de la Communication et la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT) ont condamné cet acte ignoble qui n’honore pas l’Afrique et le football. Le syndicat national des footballeurs camerounais a exprimé son désarroi face à cet acte barbare qui relève d’une autre époque. Tout en saluant la mémoire du jeune sportif la Fédération africaine de football (CAF) souhaite une enquête qui apportera des informations sur l’origine de la mort d’Albert.
Au Cameroun ce décès fait l’objet de divers commentaires. Les Camerounais, dans leur majorité, condamnent toute forme de violence dans les stades de football, mais certains n’hésitent pas à parler de racisme, voire d’actes de xénophobie la plus abjecte. Et la particularité du football magrébin est qu’il est devenu plus que jamais enclin au fanatisme. Beaucoup de langues au Cameroun se délient donc pour dire à haute voix ce qu’ils pensent de l’Afrique du Nord. Appelée généralement « Afrique blanche », la conscience collective au Cameroun et même en Afrique a intériorisé le fait que cette partie du continent, composée essentiellement d’Arabes, est loin d’appartenir au continent africain. D’ailleurs, même les Maghrébins estiment qu’ils ne sont pas des Africains. Il n’y a qu’à voir comment les Africains ont interprété le message du milieu offensif algérien Sofiane Feghouli, en Coupe du Monde Brésil 2014 où le joueur a dit après leur qualification au second tour : « Cette qualification est pour tous les Algériens du monde, pour les Arabes et tous les musulmans » au micro de Bein Sport. Pour rappel, une déclaration similaire avait faite en 1982 au Mondial espagnol par le joueur Lakhdar Belloumi en ces termes : «Je dédie cette victoire au monde arabe» après la victoire de l’Algérie deux à un face à la République fédérale d’Allemagne (Source : Oeildafrique.com).
L’affirmation de ce joueur avait en son temps créé toute une polémique. L’opinion camerounaise, particulièrement, avait alors décrié cette façon de présenter la qualification des Fennecs comme la qualification des Arabes. Comme pour dire que ce n’est pas l’Afrique que l’Algérie est allée représenter en Coupe du monde Brésil 2014. Par conséquent, beaucoup de supporteurs camerounais ne se reconnaissaient donc pas dans cette qualification parce qu’ils interprétaient cette déclaration comme un acte de racisme exacerbé. Plusieurs supporteurs étaient donc remontés contre l’Algérie à cette époque et le décès d’un compatriote ne vient donc pas faciliter les choses.
Tout un pays pris à partie
C’est devenu donc assez régulier depuis ces deux dérives du football algérien d’entendre les Camerounais avoir des opinions ouvertement négatives envers l’Algérie entière : l’Etat et son peuple. Du coup, l’Algérie est qualifiée de pays raciste, xénophobe, violent et islamiste. Et le Camerounais Bareja Youmssi qui a eu la chance de connaître ces pays du Maghreb, s’insurge justement en pointant du doigt le politique. Pour lui, cette violence dans les stades en Algérie et même ailleurs dans le Maghreb est voulue et entretenue par le pouvoir en place. Comme il est de coutume dans les pays où la légitimité du pouvoir politique est contestée ; les pays où le pouvoir politique est confisqué pour un régime vieillissant sans perspective pour la jeunesse clochardisée, réduite à la débrouillardise et sans lendemain, un certain laisser-aller est permis et toléré pour contenter cette jeunesse-là. C’est ainsi que la violence y est tolérée et s’exprime plus particulièrement dans les stades de football plus particulièrement. Cette position, bien qu’elle incrimine l’Etat et le pouvoir politique algérien, ne dédouane pas cependant la population. Ces entités dont les Camerounais ne font plus de distinction sont traitées d’ « islamistes », de « violents » et de « terroristes ». Ces deux termes sont généralement attribués aux groupes islamiques barbares qui déstabilisent les Etats.
Attribuer ces qualificatifs à tout un Etat est sûrement révélateur d’un état de désolation et de stupéfaction qui affecte actuellement les Camerounais de tout bord. Lorsque tout un pays est pris à partie, la conscience collective qui se forme et se transforme dans cette atmosphère risque donc d’affecter toute une génération de jeunes qui continueront de penser, avec raison, que les Arabes sont les ennemis les plus cruels des Noirs. Evidemment, par cet acte, l’Afrique noire ne s’estimera jamais en paix avec l’Afrique blanche. Ce n’est donc pas d’aujourd’hui que ce constat est fait. Ce sont les événements de ces derniers temps qui confirment juste ce que beaucoup de Camerounais pensent des Maghrébins.
JSK : Jeunesse sportive de Kabylie
USMA : Union sportive de la médina d’Alger
Tchakounté Kemayou
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