Le choléra, l’une des maladies bactériennes les plus dangereuses en ce moment, est malheureusement une maladie oubliée, mais pas ignorée. C’est difficile d’en prendre conscience quand on n’est pas affecté dans son environnement immédiat. Plusieurs Camerounais vont jusqu’à ignorer son existence. Pour quelles raisons ? Elles restent curieusement limitées aux superstitions. Pourtant, il existe malheureusement. Il sévit aussi dangereusement. Pourquoi un tel climat d’indifférence persiste-t-il dans l’opinion malgré l’alerte ?
Les statistiques du choléra
L’une des choses pour laquelle la population camerounaise n’est pas consciente de l’existence du choléra, c’est le nombre de morts. Cela peut paraître drôle, tout de même ! Les statistiques sur le nombre de personnes contaminées et le nombre de morts sont un élément important dans la fixation de l’opinion sur la dangerosité du choléra.
Prenons un exemple des statistiques publiées le 22 août 2023. Le Cameroun enregistre à ce jour 20.042 cas notifiés et 1.967 cas confirmés par culture. Le nombre de mort s’élève à 481 cas avec un taux global de 2,4%. Mais, jusque-là, 4 régions sur 10 seulement sont touchées. Il s’agit des régions du Cantre, du Littoral, de l’Ouest et du Sud-Ouest. La région de l’Extrême-Nord étant considérée comme foyer du choléra, elle est heureusement épargnée ces derniers temps. Ces statistiques, bien que suffisamment élevées pour constituer une alerte, n’ébranle curieusement pas l’opinion.
Au total, 19 Districts de santé ont sonné l’alerte. Ce qui montre que le choléra a les foyers de propagation bien précis. Autrement dit, bien qu’étant trop contagieux, le choléra est sectoriel. Le personnel de santé réussi jusqu’ici à le localiser et à le contenir. Ainsi, trois conseils sont vigoureusement respectés : se rendre dans un centre de santé et isoler le malade. Cet isolement se fait dans le secret au point où le lieu d’hospitalisation devient un espace interdit au public.
La communication sur le choléra
Le choléra ne bénéficie malheureusement pas (pour le moment) des financements colossaux à la mesure de sa dangerosité. La mobilisation internationale que nous connaissons sur les maladies telles que la Covid-19, le cancer, le Sida, le paludisme et bien d’autres, n’est pas la même que celle accordée au choléra. Considéré comme une maladie tropicale, le choléra a fait son nid dans les zones insalubres du pays. C’est justement la raison pour laquelle on parle du choléra comme la maladie de la saleté.
La communication sur le choléra est sporadique. Les médias ne sont en alerte que dans le cas d’une épidémie déclenchée par le Ministère de la Santé Publique. Comment susciter de l’intérêt permanent dans l’opinion ? Faut-il mettre sur pied un système d’information sur l’alerte des cas d’urgence ? Il est également à noter que les pouvoirs publics ne sont pas très à l’aise dans la communication des alertes sur les dangers. C’est une habitude, à tort ou à raison, reconnue à l’administration publique de ne pas créer la psychose.
La construction de la psychose muette
Les autorités publiques camerounaises n’aiment pas le système d’alerte rouge ou orange. Il s’agit particulièrement des dangers liés catastrophes naturelles et sanitaires. Cette construction de la psychose muette par les autorités se manifeste par la nécessité de montrer à l’opinion que la situation est maîtrisée. Cela peut paraître pour le moins suspicieux comme mode de gouvernance. Mais, il est également important de préciser que les populations font généralement preuve de maladresse et d’inconscience face aux dangers.
Le choléra est parfois considéré comme une maladie des pauvres. Les foyers sont donc des zones où les eaux réservées à la consommation sont polluées. Les toilettes sont à l’air libre. Et les évacuations sont mal aménagées : eaux sales, poubelles longuement exposées. Les gens vivent dans cet environnement impropre depuis très longtemps. Ils s’y sont adaptés et cela n’a jamais préoccupé personne. Le choléra peut apparaître sporadiquement comme une situation passagère au fil des ans. Mais pourquoi considérer cela comme une situation « normale » ? Parce que tout le monde s’en est accommodé et c’est bien dommage. Il faut reconstruire la responsabilité sociétale et citoyenne. Bien que la propreté de l’environnement soit un droit, elle devrait être un état d’esprit. Loin d’être une responsabilité personnelle, elle doit être collective. Polluer l’environnement par des actes « anti-citoyens » est susceptible d’affecter toute une zone.
Article conçu pour une campagne de lutte contre le choléra au Cameroun.
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