Le décret du chef de l’Etat annonçant finalement la tenue du « Cinquantenaire de la réunification du Cameroun » le 20 février 2014 est finalement loin de dissiper les doutes de ceux qui avaient peu d’espoir à la concrétisation de cet événement national. Les festivités du « Cinquantenaire de l’indépendance » tenues en 2010 devraient être suivies par les festivités du « Cinquantenaire de la réunification » en 2011 pour respecter les dates du cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun francophone (1960) et de la réunification de la partie anglophone avec la partie francophone (1961). Ce qui avait donné naissance à la « République fédérale du Cameroun » avec deux Etats fédéraux.

Les questions qui subsistent, entre autres, est celle-ci : pourquoi avoir attendu 3 ans avant la tenue du Cinquantenaire de la réunification du Cameroun ? Les travaux de réfection des structures d’accueil de l’événement ont été les raisons officielles jusqu’ici entendues çà et là. Mais, il n’en demeure pas moins vrai que d’autres voix dissonantes et plus particulièrement de celles de la population de la partie anglophone estiment que ce retard est loin d’être dû aux travaux d’aménagement et de réhabilitation des infrastructures urbaines. En effet, la population et les leaders de la partie anglophone, plus particulièrement ceux du NCNC (Mouvement sécessionniste anglophone) estiment que ce retard est révélateur du climat de marginalisation dont est victime cette partie minoritaire de la population.
Réunification du Cameroun : un coup d’Etat des francophones ?
La marginalisation du Cameroun anglophone est une habitude, voire un système bien pensé qui est mis en place depuis fort longtemps et qui structure la gouvernance. Les leaders anglophones ont toujours considéré le traité de Foumban, d’octobre 1961, comme un coup d’Etat de la partie francophone sur la partie anglophone qu’ont organisé Ahidjo et Fontcha. Ces deux hommes d’Etat, par ailleurs président du Cameroun francophone pour le premier et première ministre du Cameroun anglophone pour le second, deviennent par ce traité de la réunification du Cameroun, président et vice-président respectivement de la République fédérale du Cameroun. C’est donc à ce moment précis qu’est scellé le sort du Cameroun anglophone afin de faire de ces habitants des hommes de seconde zone.
Cette marginalisation consommée, l’Etat unitaire sera alors proclamé en 1972. Ainsi, d’une « République unie », le Cameroun devient une « République » tout court. Cette marginalisation continue et se manifeste dans les faits par une attention de moins en moins soucieuse du développement de cette région riche en ressources. Des richesses accaparées par la partie francophone. Dans les actes de nomination et de dotation en infrastructures, cette partie a toujours été reléguée en second plan dans les priorités de l’Etat « unitaire », estiment ces leaders. Que célébrons-nous donc ce 20 février 2014, si ce n’est pas une marginalisation de plus ?
Quelle solution pour régler cette réunification du Cameroun mal menée ?
Le retour du fédéralisme d’antan est la solution pour beaucoup de leaders anglophones et même francophones. Ce retour donnerait non seulement aux deux régions anglophones camerounaises (Nord-Ouest et Sud-Ouest), mais aussi et surtout aux autres régions riches en ressources, mais pauvres en infrastructures et en investissements (provinces du Sud, de l’Est et les régions septentrionales), une certaine liberté de choix des élus fédéraux. Le système fédéral, estime Jogn Fru Ndi leader du SDF, principal parti de l’opposition et originaire du Nord-Ouest, région anglophone, sera celui qui donnera la possibilité d’une grande marge de manœuvre aux dirigeants de chaque Etat fédéral de jouir des fruits de leurs richesses. Ainsi, même l’orthographe du nom « Cameroun » devrait subir une modification en passant de « Cameroun » avec « C » à « Kamerun » avec « K ». C’est donc ce Kamerun du temps du protectorat allemand de 1884 à 1916, que beaucoup de patriotes réclament à cor et à cri. Le Cameroun sous mandat de la SDN confié aux Français et aux Anglais était donc du banditisme pur et simple ; tout simplement parce qu’il était convenu dans le traité de 1884 que les Allemands devaient libérer le territoire 30 ans après. Le Kamerun, sous le mandat de la SND est donc considéré par des patriotes comme une invasion franco-britannique au cours de la conférence de Versailles de 1919.
Les parades militaires et civiles qui se dérouleront le 20 février 2014 marqueront l’apothéose de cette semaine remplie de symboles. A cette occasion donc, la journée a été déclarée fériée chômée et payée sur toute l’étendue du territoire. Un décret présidentiel de remise de peine a aussi été signé le mardi 18 février 2014. Ainsi, certains prisonniers jusqu’ici célèbres à travers l’opération Épervier de lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics vont voir leur peine abrogée pour les uns et être libérés pour les autres. Des actes de réjouissance tout de même, mais qui sont loin d’apaiser les esprits si tenaces.
Vivement l’avènement d’un Etat fédéral !
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