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Le droit camerounais protège-t-il la femme contre les violences conjugales ? 

Les cas de violences conjugales enregistrées au Cameroun depuis 2023 donnent froid au dos. Ce qui suscite le plus l’indignation collective, c’est le fait que ces violences conjugales entraînent le féminicide. Les médias sont en alerte depuis 2024. Les populations, de leur côté, s’indignent de la recrudescence du fléau. Les scientifiques, quant à eux, expliquent en indexant la nature du mariage de nos jours. Quant aux autorités, c’est l’observation, pour ne pas dire silence radio.

Cette recrudescence des violences conjugales qui aboutissent aux féminicides a atteint une situation aggravante. Les questions récurrentes que tout le monde se pose sont de savoir comment en est-on arrivé là ? Quelles sont les causes principales ? Plusieurs hypothèses fusent de toutes parts. Mais il n’est pas question ici d’en faire le tour afin de déceler l’exégèse.

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L’association des blogueurs du Cameron (ABC) s’engage contre les violences conjugales.

Violences conjugales et droits des femmes

Puisque la seule instance considérée comme la protectrice des plus faibles dans une République, c’est la justice, nous allons en examiner ses instruments. L’un des points importants qu’il faut relever dans la recrudescence des violences conjugales, c’est la faiblesse du droit camerounais concernant la protection de la femme dans le ménage.

En matière de droit, deux statuts sont à considérer : la femme non mariée et la femme mariée. Peu importe le statut, l’homme comme la femme sont égaux devant la loi. On peut se référer à l’article 1er de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et à l’article 3(1) de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Dans les violences conjugales, les féminicides sont observés sous ces deux angles, mais le statut de la femme mariée est le plus mis en exergue. Comment s’exerce la violence conjugale face aux limites du droit camerounais ?

Le texte fondateur de la liberté nuptiale est l’article 16 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Les statuts de la femme avant le mariage

De prime abord, il est de notoriété, dans l’opinion, que la “chosification” ou encore le non-respect de la femme vienne de la tradition africaine. Au-delà même de cette tradition ancestrale, il y a également la tradition judéo-chrétienne qui fait son lit.

Situation de la femme avant le mariage

Dans ces traditions, la hiérarchie des représentations est bien définie. Elles font de l’homme, au détriment de la femme, le chef du ménage. C’est une donnée essentielle et non négligeable. Pour l’opinion collective, elle confère à la femme un statut de second rôle. Bien que les traditionalistes s’en défendent, l’opinion ne tarde pas à indexer cette idéologie de domination.

Dans ces conditions, l’idée et le statut de chef confèrent un droit de soumission et d’obéissance. Cette idéologie a été construite sur la base des faits bien précis. Illustrons-la par quelques exemples tirés des lois :

  • “Plus qu’une femme au foyer, la plupart des coutumes camerounaises l’ont depuis longtemps considérée comme un bien à vendre au prétendant et à partager au décès de son conjoint” (Alex-François Tjouen, p.138). Cette considération ce la femme commence avant le mariage.
  • Malgré les interdictions du Protocole de Maputo – Charte africaine des droits de l’homme et des peuples – d’envoyer les filles de moins de 18 ans en mariage mentionnées à l’article 6(6), au Cameroun, les filles peuvent aller en mariage à 15 ans selon l’Ordonnance n°81/2 du 29 juin 1981.
  • Les fiançailles ne sont pas juridiquement encadrées. L’article 221(3) du projet du Code des Personnes et de la Famille dispose que “les fiançailles n’obligent pas les fiancés à contracter mariage”. A priori, la femme semble être la plus perdante dans cette absence d’obligations. Au-delà d’un certain âge, il serait difficile à la femme de s’engager dans un autre projet de mariage si le fiancé n’a pas tenu parole après plusieurs années de fiançailles. C’est encore plus douloureux avec des enfants nés hors mariage.

Le cas particulier de la dot

Au Cameroun, la dot est définie comme l’ensemble des obligations que le fiancé doit respecter à l’honneur de la famille de sa fiancée avant le mariage coutumier. Les obligations varient selon les coutumes et les tribus. Elles peuvent être des dons matériels (nourritures, boissons, objets de valeur), des dons financiers. Elles sont surtout constituées des visites et des allégeances du fiancé à certains membres de la famille de la fiancée.

Bien qu’en droit on fait la différence entre les fiançailles et la dot, ce n’est pas le cas pour l’opinion collective. En fait, la dot est considérée comme les fiançailles officialisées. La tradition ancestrale, quant à elle, considère la dot suivie de la cérémonie coutumière comme le mariage. Ce qui n’est pas le cas du droit camerounais qui considère que le versement de la dot n’est pas une condition de validité du mariage. Il considère d’ailleurs la dot comme une vente avec la femme comme marchandise.

Ces pratiques concernant les fiançailles et la dot participent de la construction d’une domination de l’homme. Le pire est que la loi camerounaise ne les interdit pas et ne les encadre pas non plus. C’est la femme qui ainsi est exposée.

https://twitter.com/MinouChrystayl/status/1410160252037865475

Femmes mariées et violences conjugales à travers le droit

Ce pouvoir de “puissance paternelle” donnée au mari par la loi fait de l’homme le responsable du ménage : “le père exerce seul la puissance paternelle durant le mariage” (article 373 du Code Civil). Comment s’exerce cette puissance ?

La puissance paternelle et les violences conjugales : l’exemple de la polygynie

En filigrane, l’opinion collective interprète cette disposition comme le pouvoir donné à l’homme de donner à sa femme des “corrections” comme on le ferait à ses enfants.

Certaines traditions, considérées comme des coutumes déshumanisantes, donnent au mari le droit de correction sur leur épouse. Curieusement, les juges, malgré la force du droit qui interdit ces pratiques, ne réussissent pas à s’en départir. L’exemple le plus illustratif de ce fait, c’est la polygynie. Sur le principe d’égalité, le fait pour le mari d’avoir plusieurs épouses est une violation de la loi sur le principe d’égalité entre l’homme et la femme selon la Constitution camerounaise. Pour ne pas heurter les sensibilités, les juges estiment que les jurisprudences en la matière sont insuffisantes pour abolir la polygamie.

Une égalité utopique qui renforce le pouvoir du mari sur la femme

Une certaine opinion pense également que l’égalité entre les mariés est utopique. En cas d’égalité, que fera-t-on dans le cas où les deux partenaires en conflit n’arrivent pas à un consensus ? En ce moment c’est le juge et l’assistance sociale qui seront appelés à la rescousse. Cet imbroglio de la loi est malheureusement favorable à l’homme.

Cependant, les juristes ont vite fait de donner des précisions sur cette fameuse égalité établie par le droit international. Pour le Professeur Leopold Donfack Sokeng, “la femme et l’homme ne peuvent avoir une condition sociale identique parce que la société ne leur assigne guère le même rôle”.

Ce principe d’égalité entre les partenaires est très souvent difficile à transcender dans un contexte de violences conjugales et plus particulièrement de viol. Dans l’article 296 du Code pénal, le droit fait de l’homme le violeur (bourreau) et la femme la violée (victime). C’est une violation du droit international, car l’épouse peut aussi être une violeuse en vertu de l’égalité. Malgré ce pouvoir donné à l’homme, il est particulièrement trop risqué pour la femme de s’aventurer dans les accusations de viol. Les cas de viol et de harcèlement sexuel sont difficilement démontrables. Pour finir, l’homme a tendance à en abuser.

https://twitter.com/BloggersCM/status/1784216342985359684

L’égalité n’est vraiment pas une panacée pour éradiquer les violences conjugales

Comment comprendre et interpréter le principe d’égalité dans le couple ? Dans un premier cas, l’égalité parfaite est réalisable. L’exemple le plus parlant est l’obligation des charges, d’assistance, d’éducation des enfants. Dans le second cas, il y a une égalité imparfaite dont l’exemple a été donné plus haut dans la puissance paternelle où la direction du ménage est conférée à l’homme grâce à son statut de “chef de ménage”.

Quelle serait donc la solution magique pour éradiquer les violences conjugales si le droit n’a pas réussi à le faire ? Autrement dit, la solution contre les violences conjugales ne se trouve-t-il pas ailleurs que dans le droit ? A la vérité, l’opinion sur la chosification de la femme par la tradition africaine est une diabolisation. Loin d’être parfaite, la conception traditionnelle de la place de la société doit être étudiée de fond en comble.

Cet article a été rédigé dans le cadre de la campagne citoyenne organisée par l’Association des Blogueurs du Cameroun (ABC) avec pour thème : « Féminicides, agressions sexuelles et violences conjugales »

Références :

Tjouen, Alex-François (2012), La condition de la femme en droit camerounais de la famille, Revue Internationale de droit comparé, Pp. 137-167, lien : https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_2012_num_64_1_20179

Atangana-Malangue, Thérèse (2006), Le principe d’égalité en droit camerounais de la famille, Revue Internationale de droit comparé, Pp. 833-858, consulté le 24 avril 2024 : https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_2006_num_58_3_19449

Kamgang Simeu, Christelle Corinne (2022), La lutte contre les mariages forcés à l’aune du protocole de Maputo, La Revue des droits de l’homme, consulté le 24 avril 2024 : chrome-extension://gphandlahdpffmccakmbngmbjnjiiahp/https://journals.openedition.org/revdh/pdf/15435

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Auteur·e

tkcyves

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