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Pourquoi Ngannou a perdu contre Fury ?

Trois jours après le combat de boxe, la contestation continue de nourrir l’opinion à la suite de la victoire de Fury. Spécialistes comme profanes parmi lesquels on peut retrouver les stars, crient à l’injustice. Les résultats publiés par les deux juges ne reflètent pas la démonstration des forces sur le ring. Ce qui semble apparaître aux yeux du monde comme un grossier montage. Cependant, les langues se sont déliées pour essayer de démystifier ce qui se cache derrière cette défaite de Ngannou qui relève de l’incompréhensible. Passons en revue quelques explications plausibles qui ne sont que des conjectures nourries dans l’opinion.

Plantons le décor pour commencer

Ngannou et Fury sur le ring. Le samedi 28 octobre 2023, dans la prestigieuse salle de Kingdom Arena de Riyad, en Arabie-Saoudite, se déroule un combat de boxe. C’est le combat programmé et préparé depuis plus d’un an. Il oppose deux poids lourds. Le premier se nomme Tyson Fury, un boxeur Britannique. Il a le titre de « the Gypsy King » qui signifie en français « le Roi Gitan ». Il est le champion du monde des poids lourds WBC. C’est l’une des quatre catégories du Grand Chelem de boxe, donc WBO, WBA et IBF qui ont chacun leurs champions respectifs. Fury totalise 33 victoires pour un seul match nul (et donc 0 défaite).

Le second, Francis Xavier Ngannou. C’est un Camerounais, champion incontesté de l’UFC, l’une des prestigieuses organisations américaines du Mixe Martial Arts (MMA). Elle, comme beaucoup d’autres (PFL, BELLATOR, CAGE WARRIORS, KSW, ARES, HEXAGONE MMA, ONE CHAMPIONSHIP, OKTAGON MMA) organise des championnats pour sacrer leur champion respectif. Son titre de champion a été obtenu l’issu des combats d’envergure à l’UFC. On peut citer entre autres, une victoire contre l’Américain Stipe Miocic en mars 2021 et le Français Cyril Gane en janvier 2022.

In fine, comme chacun peut aisément le constater, la boxe anglaise et le MMA sont des sports de combat de registre différents. Ngannou, champion du plus prestigieux champions league de MMA, doit affronter Tyson Fury en boxe anglais. Autrement dit, Ngannou quitte sa zone de confort pour affronter the Gypsy King. Il ne s’agit pas pour Fury de remettre son titre de the Gypsy King en jeu. C’était donc visiblement un combat de gala entre les champions sans enjeux ? C’est justement à ce niveau que le problème se pose. Les explications sur l’intérêt de ce combat justifieraient la défaite de Ngannou.

Un deal financier entre Ngannou et Fury

Dans un tel contexte, en quoi le combat des titans entre Ngannou et Fury constituait-il un enjeu ? Les arguments selon lesquels le deal avait un enjeu financier apparaissent comme un cheveu dans la soupe. Ce que gagne un champion de MMA est minable par rapport au champion WBC. La démission de Ngannou du championnat de l’UFC est la suite de l’échec d’une négociation dans la valorisation de son gain. Ngannou se retrouve donc sans compétition parce qu’il a été radié de toutes les organisations de MMA à la suite d’un sabotage de l’UFC (information encore à confirmer). Il faut donc sortir de ce calvaire.

Ngannou courtise donc le championnat de boxe anglais. Mais entretemps, il doit se refaire une santé financière. Le deal avec le champion du WBC, le plus populaire en ce moment est une aubaine pour lui. Qui a eu cette idée en premier ? D’où est venant l’idée de challenger les deux champions des sports de combat ? Personne ne peut le savoir, sauf les concernés eux-mêmes. Mais ce que l’on sait que c’est que, Ngannou, en un combat (celui de samedi dont nous parlons) a gagné plus du quadruple de son gain dans un championnat de l’UFC.

Au vu de cet argument, Ngannou avait besoin de se faire une santé financière après la rupture de son contrat avec l’UFC. Mais, son contrat avec le PFL court-il toujours ? L’a-t-on exclu du fichier de MMA ? Si oui, l’argument communicationnel pour son entrée dans le championnat WBC est donc mis en branle. Dans ce cas, c’est Fury qui tend la main à Ngannou pour sortir celui-ci du marasme. D’ailleurs, la répartition des gains issus des recettes du combat était proportionnellement de 30% pour Ngannou. Il a accepté le deal malgré cette répartition que d’aucuns pouvaient considérer comme inégale.

Le deal communicationnel entre Ngannou et Fury

Ce deal fait référence à l’intention de Ngannou de vouloir intégrer l’une des fédérations du championnat de boxe anglaise. Il lui faut un coup médiatique à tous les prix. Dans ce cas, le combat entre le champion du WBC aura un sens. Mais le hic ici c’est que Fury a un combat à livrer avec le champion du WBO, Alexander Osyk. Il s’agit d’un combat entre les deux champions des deux fédérations de boxe anglaise les plus populaires. C’est un duel pour l’unification des titres WBC, WBO, WBA et IBF qui aura probablement lieu le 23 décembre à Ryad.

À la question de savoir pourquoi Fury combat avec Ngannou alors qu’un autre duel l’attend dans quelques semaines ? La réponse semble désormais évidente. C’est un coup de publicité pour Fury mais surtout pour Ngannou. Une victoire de Ngannou contre Fury semblait donc impossible pour éviter de gâcher la fête de décembre. Si Fury perdait, sa cote de popularité allait baisser et le combat de décembre aurait manqué d’enjeux. Ngannou de son côté gagne une popularité d’une probable entrée dans le championnat de boxe anglaise. Les nouvelles vont si vite que Ngannou est déjà intégré dans le top 10 du WBC.

Cependant, après cette défaite de Ngannou, presque tous les spécialistes de boxe dans le monde ont crié à l’injustice, et Mike Tyson en premier. Il faut préciser que cet ancien champion de boxe a entraîné Ngannou pour la préparation de ce duel. Ceux qui ont vécu le combat ont vu comment Fury a été « malmené ». L’image de Fury affalé sur le tapis au troisième round fait le tour des réseaux sociaux. Mais les juges ont considéré que Fury a gagné par les coups de poing. Cette dénonciation populaire fera l’affaire de Ngannou qui va en profiter pour crier à l’injustice.

Ngannou est-il vraiment contre l’injustice ?

L’argument du karma attribué à la défaite de Ngannou ne provient pas de ses fans, admirateurs ou spécialistes de boxe. Il est visiblement l’œuvre de ses détracteurs. Pour eux, Ngannou a récolté ce qu’il mérite. L’injustice qu’il dit avoir été victime est tout simplement l’ascenseur que lui renvoie la nature. Il ne peut pas crier à l’injustice devant le monde du deal qu’il a lui-même fabriqué. Ce deal va au-delà du business financier et communicationnel décrit plus haut. Cela concerne en premier le rapport qu’il a avec son peuple d’origine, le Cameroun.

En effet, le Cameroun traverse depuis plus de 5 ans des crises multiformes. La guerre dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, les prisonniers politiques incarcérés pour leur opinion. Comme le dit si bien l’homme politique Wilfried Ekanga, « Le Cameroun a besoin, non pas de stars, mais de modèles ». Autrement dit, le sportif camerounais le plus médiatisé et qui a le vent en poupe depuis 2020, c’est bel et bien Ngannou. Il n’a même pas même pas tweeté en soutien à la population de Mbankolo, sinistrées à la suite de l’éboulement de terrain dans cette banlieue de la capitale, Yaoundé.

D’aucun interprète cette indifférence de Ngannou face à la souffrance de son peuple comme la recherche d’un meilleur égard envers le régime de Yaoundé. La dictature de Yaoundé n’aime pas des affronts. Ainsi, tout soutien communicationnel en faveur des prisonniers politiques, des Ambazonniens (combattants du Sud-Ouest et Nord-Ouest) contre l’armée nationale, lui vaudra des affronts. Autant mieux se mettre à l’écart du peuple et être dans les bonnes grâces avec les pontes du pouvoir de Yaoundé. Ngannou n’est pas habitué à décrier l’injustice que subit son peuple. Il serait donc absurde de crier à l’injustice à son tour.

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Auteur·e

tkcyves

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