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Le Cameroun et le coronavirus, à qui la faute ?

Le coronavirus est bien réel au Cameroun depuis le 6 mars 2020. Les mesures prises par le gouvernement sont-elles efficaces ? Difficile d’être péremptoire à la fin des 30 premiers jours du premier cas. A 509 cas de coronavirus positifs au 3 avril, le Cameroun se rapproche, petit à petit, de l’épicentre de l’Afrique subsaharienne après l’avoir été en Afrique central durant toute cette période. C’est l’évolution est la plus rapide des pays de cette partie du continent. Tout le monde s’accorde donc à dire que cette fulgurante évolution n’est due, pas seulement à un laxisme des autorités en charge de la gestion de cette pandémie, mais aussi et surtout à un manque de civisme des voyageurs et de leurs familles. Il sera donc ici question de passer en revue les responsabilité de chacun dans la progression de cette pandémie.

Les autorités, le gouvernement…  

A travers une mobilisation mitigée des autorités, l’on peut déjà voir une gestion de la pandémie qui ne rassure pas. La légèreté qui entoure cette gestion fait croire à beaucoup d’observateurs que ce gouvernement n’est pas (encore) prêt à prendre des dispositions plus draconiennes qui se manifestent par exemple par des soutiens multiformes aux citoyens frappés par des mesures de confinements rendues publiques le 17 mars dernier par le Premier Ministre, Dion Ngute..

La faute d’abord au gouvernement qui refuse de prendre ses responsabilités. En limitant le nombre de place dans les transports, cela entraîne indubitablement l’augmentation des tarifs supportés par les passagers. L’incapacité à contenir les voyageurs dans un lieu précis pour les mettre en quarantaine est la preuve du manque de poigne et de fermeté. Cette légèreté dans la gestion de la crise est bien également la preuve que la santé de la population n’est pas une priorité pour lui. D’ailleurs, les membres du gouvernement ne bénéficient-ils pas d’une évacuation sanitaire ? Comment s’en plaindraient-ils ?

Beaucoup de choses ont été dites sur cette incapacité caractérisée marquée par le manque d’anticipation, manque d’imagination et surtout d’innovation. Un gouvernement qui agit sur le coup et surtout par surprises, ne rassure pas. Sinon, comment expliquer que le dispositif placé dans les aéroports de Yaoundé et de Douala par le ministre de la santé publique, Manaouda Malachie, n’a pas été utile pour contenir les voyageurs qui provenaient des pays à risque ? La propagation du coronavirus au Cameroun serait en grande partie due à la dispersion de ces passagers des vols d’Air France et SN Brussels dans les deux principales villes. Selon le ministre, le premier cas de coronavirus a été détecté chez un « ressortissants Français » le 6 mars, mais qui est arrivé au Cameroun depuis le 27 février pour assister aux obsèques d’un membre de la famille. Entre le 27 février et le 6 mars, beaucoup de choses se sont passées.

Le 17 mars, le premier ministre, Dion Ngute, rendait public les 13 mesures gouvernementales qui instaurent un confinement partiel de 14 jours (qui vient d’ailleurs d’être renouvelé le 1er avril) pour lutter contre le coronavirus. Parmi elles, il y a évidemment la « fermeture totale des frontières terrestres, maritimes et aériennes » qui figure en première position. Quant à la fermeture des écoles et des universités, elle fait partie de la 3ème mesure. C’est justement ce que l’opinion camerounaise attendait depuis le déclenchement du premier cas de coronavirus le 6 mars.

Cependant, l’on se pose toujours la question de l’efficacité de ce confinement partiel compte tenu de la montée des chiffres des cas positifs. Ne faut-il pas passer au confinement total comme le fait la Chine et l’Italie, ou dans une moindre mesure, la France, l’Italie, les pays les plus touchés ?

Le gouvernement camerounais a les moyens financiers et logistiques d’assurer le confinement total ? Ne fait-il pas la politique en fonction de ses moyens en se limitant seulement au confinement partiel ? Dans ce cas, les interrogations sur la capacité de l’Etat Camerounais à assurer la santé de sa population en tant de crise, de pandémie comme celle de coronavirus, sont légitimes. Plusieurs en profitent pour s’interroger sur la politique ou la logique des choix dans les priorités concernant les dépenses publiques : pourquoi débloquer les gros moyens financiers pour l’organisation de la CAN et du CHAN est plus important que faire autant pour la santé des citoyens Camerounais ?

… et la diaspora venue en séjour au Cameroun 

Depuis l’annonce du premier cas de coronavirus, les vols en provenance des pays à risque (les pays européens, asiatiques et américains) sont scrutés et vilipendés à travers des réseaux sociaux. Les passagers sont pour la majorité des Camerounais d’origine (ayant changé de nationalité, ils sont officiellement considérés comme les étrangers) venus pour un séjour en famille.

https://twitter.com/le1info/status/1240685848233836546

La faute également à ces Camerounais qui ont choisi de voyager, de quitter les pays à risque comme la France et la Belgique, en période de pandémie et de fermeture des frontières. Pour le simple fait de cette situation pas ordinaire, ne pouvaient-ils pas annuler leur voyage et rester en confinement dans leur pays respectif ? Quels intérêts y avait-il à venir absolument au Cameroun qui ne dispose pas de plateau technique médical suffisant pour les prendre en charge au cas où… ?

Un communiqué de l’ambassade de France à Yaoundé invite les ressortissants Français, de passage au Cameroun, et qui veulent retourner en France de s’inscrire pour réserver leur place dans un avion Air-France. En fait, l’ambassadeur a obtenu du gouvernement l’autorisation d’organiser deux voyages pour le retour de ses compatriotes en France. Le premier voyage a eu lieu le 31 mars et le second pour le 4 avril. Selon ce communiqué, l’ambassade a reçu plus de 5.000 appels de réservation ! Plusieurs d’entre eux sont des Camerounais naturalisés Français (comme ceux qui sont venus les 7, 14 et 17 mars à Yaoundé et à Douala).

On peut toutefois deviner les raisons qui poussent ces personnes à quitter le Cameroun. En matière de santé, le Cameroun est moins loti que les pays Européens. Que va-t-il leur arriver en cas de contamination de coronavirus ? Toute personne de bon sens se posera sans doute la question de savoir, que sont venus faire ces Camerounais les 7, 14 et 17 mars derniers au risque de perdre leur vie ?

A l’inverse, l’on s’interroge également sur l’attitude de ceux qui veulent quitter le Cameroun. Comment expliquer que les ressortissants Français de passage au Cameroun veulent quitter un pays qui présente 306 cas positifs de coronavirus, 10 guéris et 8 morts pour se rendre en France où 58.441 personnes sont infestées, 10.935 sont guéries et 5.380 sont mortes (source : www.covidvisualizer.com, chiffres actualisés au 3 avril 2020).

Ce départ des Français du Cameroun qu’on peut assimiler à la fuite est bien compréhensible puisque le Cameroun est un pays où la chance d’être guéris du coronavirus est bien plus maigre que la France. En tenant compte des chiffres ci-dessus, la France réalise un taux de guérison de 18,71%, tandis que le Cameroun est à 3,27%. Paradoxalement, le taux de décès en France est plus élevé qu’au Cameroun en raison de 9,21% et de 2,62% respectivement. Concrètement, ce qui importe beaucoup chez l’opinion, c’est la capacité en infrastructures et en ressources sanitaires que dispose chacun des deux pays. Les évacuations sanitaires des personnalités, comme celle de Cavaye Yeguié dont j’ai fais allusion par ailleurs, en témoigne. En ce sens, la France est donc un meilleur risque.

Les responsabilités sont donc partagées, mais le gouvernement en premier en assume la plus grande partie.

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Auteur·e

tkcyves

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