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Le coronavirus et ses multiples couacs au Cameroun

Il m’arrive rarement d’être alerté des mouvements d’humeurs aussi réguliers comme ces jours où le coronavirus fait l’actualité. Des cas suspects refoulés des hôpitaux par-ci, des médecins passés à tabac par les familles des malades par-là, des soins payants pourtant gratuits par-ci, l’absence des matériels de protection des personnels soignants par-là… Des malades ou des suspects abandonnés, des plaintes sur des prises en charge sont des principaux griefs adressés au ministère de la santé publique. Et le pire dans tout ça, c’est le personnel des volontaires de l’institution chargée de l’organisation des urgences sanitaires qui manifeste pour décrier le non-respect des clauses contractuelles financières pour le bon fonctionnement des prises en charge des malades.

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Les volontaires engagés par le ministère de la santé publique manifestent dans la cour du COUSP à Yaoundé pour revendiquer leur prise en charge salariale. Ici, la police et la gendarmerie tentent d’accéder dans la cour par force sans succès. Crédit photo : Hemes Nkwa

En ces moments où le coronavirus fait l’actualité en mettant tout le monde au pas, il devient imprudent de se livrer à une quelconque activité qui susciterait la curiosité et détournerait l’opinion de la préoccupation majeure. Malheureusement, le Centre National des Opérations des Urgences Sanitaires (COUSP) a été le théâtre des manifestations d’humeur dans la nuit du samedi 2 au dimanche 3 mai 2020.

Le COUSP en un mot

Depuis le déclenchement du premier cas du coronavirus le 5 mars 2020 à Yaoundé, c’est le ministère de la Santé publique qui fait l’actualité. En coordination avec le Premier Ministre Dion Ngute, le ministre Manaouda Malachie et son équipe ont mis en place des opérations d’urgence pour venir à bout des malades du coronavirus. La gestion de la pandémie au Cameroun est coordonnée par le Centre National des Opérations des Urgences Sanitaires (COUSP) de Yaoundé.

Le COUSP est un service détaché du ministère de la Santé publique conçu pour gérer les urgences et les catastrophes sanitaires comme des épidémies, les pandémies ou des catastrophes naturelles. Il est logé dans des infrastructures construite par l’ambassade des États-Unis et rétrocédée au ministère de la Santé publique le 21 juin 2019. Concrètement, il cordonne, oriente, gère toutes les ressources (humaines, matérielles, financières, etc.) nécessaires pour venir à bout de toutes les crises sanitaires. Comment ce centre procède-t-il pour au niveau des interventions rapides en cas d’épidémie ou de pandémie ?

Il est mis en place un système d’intervention lorsqu’un incident est signalé. Pour ce qui concerne le coronavirus, la chaîne commence par le call center qui reçoit les appels au 1510, numéro vert. Il a pour rôle de soumettre un questionnaire à l’appelant. Lorsque c’est un cas suspect ou qui fait déjà la maladie, le service des opérations se déploie. Celui-ci s’occupe de la prise en charge immédiate pré-hospitalière et hospitalière. Il existe également plusieurs services tels que la logistique, l’administration et la finance. C’est ici que l’organisation se déploie véritablement en mobilisation du matériel et du personnel divers : la sureté, la santé, l’information, le laboratoire, l’hygiène, etc. Ce déploiement du personnel n’a été possible que grâce au volontariat.

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Les volontaires engagés par le ministère de la santé publique manifestent dans la cour du COUSP à Yaoundé pour revendiquer leur prise en charge salariale. Ici, les grévistes ont passé la nuit dans la cour du COUSP à la belle étoile. Crédit photo : Hemes Nkwa

Mobilisation des volontaires

Combien de personnes volontaires le centre a-t-il mobilisé pour la prise en charge des personnes atteintes du Covid-19 ? Depuis le déclenchement du premier cas confirmé du Covid-19 au Cameroun, le centre a commencé à recevoir et à accueillir de nombreux volontaires dans le déploiement des ressources humaines, particulièrement dans la ville de Yaoundé, la première ville touchée. L’arrivée et les départs des volontaires se faisaient tous les jours à la volée. Conséquence, la liste des volontaires n’était pas définitive. Seules les listes de présence déchargées par chacun d’eux restent la preuve matérielle de leur présence. Certaines sources parlent de 200 voire 300 volontaires venus soutenir le gouvernement dans la prise en charge des cas positifs du Covid-19. Malgré tout, cela ne peut pas justifier cette cacophonie. Pour comprendre réellement ce qui se passe, il faut se référer à la gestion du personnel du centre dans la prise en charge des malades du Covid-19 confiée au Dr Etoundi Mballa.

Avec les départs et les arrivées, les effectifs n’étaient pas stables. Les départs ou la démission de certains volontaires avait pour seule motif le manque du matériel de protection dans la prise en charge des malades. Parmi ces volontaires, une dizaine d’eux ont d’ailleurs été déclarés positifs après avoir présenté des symptômes. C’est dire comment cette activité présente bien de très gros risques et que leur protection demeure une préoccupation pour eux et leurs familles.

La prise en charge des volontaires

Comme leur nom l’indique, les volontaires sont des personnes qui sont venues soutenir le ministère de la Santé publique dans la lutte contre le coronavirus. Pour ces efforts fournis sans oublier les risques qu’elles prennent, elles bénéficient en échange, des repas gratuits et un bon pour prendre les transports quotidiens. Ce dernier, fixé au départ à hauteur de 10 000 FCFA la journée, était versé à chaque volontaire tous les samedis, à la fin de chaque semaine.

Curieusement, le paiement des frais de transport a été stoppée vers la deuxième semaine d’avril. Les raisons de ces retards échappent malheureusement à toute bonne logique lorsque la raison évoquée est généralement l’augmentation de la prise en charge du transport due à l’augmentation du nombre de volontaires qui affluait tous les jours. Dès lors, au nom d’une prévision budgétaire, pourquoi ne pas stopper l’arrivée des volontaires ?, pourrait-on se demander.

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Les volontaires engagés par le ministère de la santé publique manifestent dans la cour du COUSP à Yaoundé pour revendiquer leur prise en charge salariale. Ici les grévistes persistent et signent malgré la nuit tombée. Crédit photo : Hemes Nkwa

Le sit-in et la grogne des volontaires

Ce samedi 2 mai, la tension est montée d’un cran et les volontaires, las d’écouter les promesses, ont décidé de faire un sit-in dans la cour principale du centre en fermant et bloquant le portail principal. Le grabuge a fait le tour des réseaux sociaux. La police, la gendarmerie, les autorités administratives descendues sur les lieux n’ont pas réussi à entrer en contact avec les « grévistes ». Ceux-ci exigeait la présence impérative du ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie.

Face à la témérité des grévistes, l’administration financière du centre propose une avance de 75 000 FCFA par volontaire pour calmer la grogne en attendant les négociations. Elle a reçu un cinglant « non » des grévistes. Puis, elle est passée à la somme de 100 000 FCFA par volontaire, sans succès.   

Dimanche, le jour du dénouement        

Les grévistes ont décidé d’y passer la passer la nuit. Comme dit l’adage, la nuit porte conseil. Empêché d’accéder au centre, le gouverneur de la région du centre, Nasiri Paul Béas, utilise la force et y accède grâce au concours de la police. Personne ne lui a prêté une oreille attentive malgré ses conciliabules. Heureusement, sa honte a été sauvée de justesse avec l’arrivée d’un émissaire du ministre autour de 8h00-8h30 pour annoncer la « bonne nouvelle » : l’arrivée du ministre et le paiement intégral des frais de transport fixé à 10.000FCFA par jour. L’espoir a commencé à renaitre.

À 9h30, les caisses ont été effectivement ouvertes, comme annoncé, pour régler les frais de transport. Malheureusement, les frais de transport ne sont qu’une partie des revendications qui comportent particulièrement des frais de risques et de la qualité des repas servis.

Manaouda fait son entrée au centre vers 12h10 suivi d’un valse d’applaudissements des volontaires. Certains scandent même dans la cour en le qualifiant de « Messie ». Même si c’est une exagération, on peut quand même leur concéder cela compte tenu du contexte camerounais où il est généralement impossible d’avoir gain de cause en pareilles circonstances.

Il faut néanmoins signaler ici que le gouvernement a décidé, compte tenu de la progression de la maladie, de démobiliser le personnel en les envoyant dans les autres régions également atteintes du Covid-19. Juste-là, Yaoundé est restée et reste encore l’épicentre de la maladie au Cameroun, et le Cameroun l’épicentre en Afrique subsaharienne, à l’exception de l’Afrique du Sud. C’est dire le sérieux que l’on doit accorder à la lutte contre le coronavirus dans ce pays.

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Les volontaires engagés par le ministère de la santé publique manifestent dans la cour du COUSP à Yaoundé pour revendiquer leur prise en charge salariale. Ici les grévistes perçoivent déjà leur frais de transport après moult négociations en attendant d’autres paiements comme les primes de risque. Crédit photo : Hemes Nkwa

Même mécontentement du côté des malades et de leurs familles

C’est l’occasion de dire ici la particularité d’un tel ministre du gouvernement de Biya. Une tyrannie qui a toujours eu profil bas, s’est toujours distinguée par des actions sinistrement populaires ou impopulaires, produit difficilement des résultats probants.

Les couacs observés dans la gestion du personnel volontaires du COUSP ne sont malheureusement pas isolés. Les malades, à travers des différents coins de la république, interpellent à longueur de journée le ministre sur son compte Twitter après avoir été rejetés dans un hôpital de la place. Ils sont nombreux à crier au secours face aux traitements inhumains infligés par le personnel d’un hôpital public.

La nature du traitement, de la déshumanisation, est diverse : l’isolement de la personne qui développe des symptômes et qui finit par s’en aller, l’exigence des frais pour le scanner à cause de l’absence de tests gratuits, l’exigence du paiement des médicaments pour certains cas, la nutrition des malades à la charge des familles pour d’autres, etc. Les cas sont nombreux et divers selon les hôpitaux, les symptômes, etc. D’autres malades font d’ailleurs témoignages d’une négligence médicale. Les médecins à leur tout se plaignent de matériels de protection insuffisants voire absents. C’est d’ailleurs ces motifs avancés qui sont allégués pour imputer ces charges aux personnes arrivées à l’hôpital et présentant des symptômes dans le but de leur faire payer certaines prestations.

La gratuité des soins des personnes malades du Covid-19 ne se limite qu’aux discours et au tweet du ministre à longueur de journée. Comme cela avait été le cas au centre, l’intervention du ministre Manaouda Malachie a toujours été considérée comme une main du Messie. Les instructions sont données par le ministre aux personnels de l’hôpital incriminé de contacter tel ou tel autre patient qui se plaindrait et qui soupçonnait d’être atteint du Covid-19 de n’avoir pas été reçu. Des cas de ce type de plainte sont légions sur les réseaux sociaux.

L’actualité du coronavirus est particulièrement dominée par ces multiples couacs où les prises en charge gratuites sont devenues payantes, où le personnel n’est pas protégé, où certains corps enterrés sont déterrés par leurs familles qui accusent le corps médical de mauvais diagnostic après un soupçon de Covid-19, les médecins et tout le personnels sont accusés à tort ou raison d’arnaques, etc. Les cas sont divers et multiples. Cette mauvaise organisation fait désespérer beaucoup de sceptiques qui croient malheureusement dur comme fer que le coronavirus c’est du pipeau, c’est l’affaire des autres. D’autres encore brandissent l’incapacité et l’incompétence des gouvernants à mener une véritable et efficace lutte contre le coronavirus. C’est donc la gouvernance qui est particulièrement mise en cause.            

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Auteur·e

tkcyves

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