Yves Tchakounte

CAN 2015 : Les Lions font douter

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La sympathique formation siera-leonaise a imposé un nul vierge (0-0) à l’équipe camerounaise sur la pelouse du stade omnisports Ahmadou Ahidjo située dans la cuvette de Mfandena à Yaoundé. Un résultat qui survient au lendemain de la double victoire obtenue, à l’entame de cette compétition, respectivement à Lumumbashi face au Congo démocratique (2-1) et devant la Côte-d’Ivoire à Yaoundé (2-0). 

Ces deux performances, obtenues de la plus belle des manières, avaient excité les fans des « Lions » à se libérer psychologiquement. Encore qu’elles survenaient après une longue et interminable attente. L’équipe nationale dans l’indiscipline, l’impréparation, bref l’improvisation habituelle ne parvenait pas à arracher le sourire de ses nombeux suppporters. Tant l’environnement était pollué et les performances mauvaises. La nouvelle cuvée semble redonner l’espoir en offrant du beau jeu par moments plombé par l’inexpérience. Toutefois, nous avons douté, à la 3e journée, devant une modeste formation, par ailleurs traumatisée par un virus qui les suit partout sans être « vu ». Aucun cas découvert ou identifié depuis la descente d’avion à Yaoundé. Il faut désormais parier sérieusement sur la capacité de nuisance de ce groupe de jeunes homogène, volontariste et mentalement fort. Un nul qui traduit dans les faits l’ordre de priorité dans leurs besoins. Les Siera-Leonais sont venus jouer. Ebola, en territoire étranger, est secondaire et peu préoccupant. Leur manière de jouer et leur enthousiasme illustrent parfaitement. 

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Penser à l’équipe et à la victoire
En tous les cas, en quittant Monrovia, ils savaient qu’Ebola restait au pays et la qualification à jouer ailleurs notamment à Yaoundé. Sont-ils encore dans la course ? Mathématiquement, la réponse est négative. Mais, sait-on jamais. Avions-nous la mémoire courte ? Un incident de parcours pourrait leur profiter comme ce fut le cas avec les Lions indomptables et les Eperviers du Togo en Coupe du monde FIFA.  Nous n’en sommes pas encore là. La rencontre de mercredi prochain, synonyme de retour en territoire camerounais, sera déterminante et capitale surtout pour le Cameroun qui compte 7 points désormais devant la Côte-d’Ivoire 6 points, le Congo démocratique 3 points et la Siera-Léone 1 point. Point négocié devant le leader du groupe. Un détail à prendre au sérieux car de nature à booster le moral. Il nous souvient que cette équipe n’est pas un enfant de choeur en dépit de ses performances et son classement. Les Ivoiriens eurent raison d’elle sur un score étriqué de 2-1. Un signal fort qu’on a négligé probablement. L’encadrement technique du Cameroun doit irréversiblement regarder, sans répit et dans tous les sens, le film de la rencontre aller pour déceler des failles en évitant d’en commettre. L’heure est à la vigilance et à la concentration. Le temps me semble court pour réfléchir autrement.

Les gars doivent garder le moral haut. Penser à l’équipe et à la victoire. Condition sine qua non pour éviter de nous replonger dans le doute du passé. 

Fernant NENKAM


Mondoblog : Matango Club a 1 an déjà!!!

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Je me rappelle que c’était le 09 octobre 2013 que mon premier billet a été publié ici même à la suite d’une sélection au concours de la plateforme Mondoblog 3ème session. Puisque la première de tout ce qui fait partie de ce monde: la naissance, les projets, le pouvoir et que sais-je encore, est une occasion de se rappeler des moments forts pour une sorte de bilan, je casse la tradition pour vous proposer l’article qui a fait l’objet de ma sélection. 

Il s’agit d’une histoire vraie qui m’a tout de suite inspirée alors que je venais de recevoir un mail de l’émission « Atelier des médias » de RFI me proposant de participer au concours Mondoblog 3ème session (2013). Comme tout le quartier en parlait, j’ai donc bondi sur l’occasion, comme on dit à Douala, et simuler le rôle de reporter. Je ne vous en dis pas plus, lisez seulement.

 

Les histoires des voisins

Le quartier chaud de Douala a vibré. Oui, vibré pendant plus de quatre heures d’horloge dans la nuit du 5 au 6 septembre 2013. Même une pluie diluvienne n’a pas pu calmer les ardeurs et le brouhaha perceptibles de loin. De loin même.

Après une rude journée de travail bien intense, en voulant me précipiter pour un repos bien mérité, je fus donc alerté par ces tintamarres à nul autre pareil. Je retiens mon souffle. Bépanda est un quartier qui peut surprendre à tout moment. Une idée me vint à l’instant: surement, il doit avoir une de ces inondations comme il est de coutume dans ce quartier chaud et insalubre. Un coup d’œil à travers les ouvertures ne me renseignait aucunement sur la suite de mes idées. Perplexe. Troublé. Qu’est-ce qui peut bien se passer à cette heure tardive, même si on en a l’habitude ? Malgré la réputation du quartier à nous révéler des histoires à dormir debout, je retenais tout de même mon attention sur le brouhaha.

L’attente fut longue et je me résolus à y voir claire dans ce qui apparaissait comme étrange à mes yeux de citoyen paisible. Mon arrivée sur les lieux coïncide donc avec celle de la police qui avait été alertée pour calmer les esprits. C’est mon voisin le plus proche. Un ami. Un frère, comme on dit chez nous au pays de Roger Milla pour désigner celui avec qui on sympathise amicalement. Je ne me souciais de rien tout en espérant être l’une des personnes à qui le voisin viendra faire des révélations sur ce qui lui arrive de si grave. Le temps que la police mette le calme, monsieur mon voisin, dans une colère sauvage s’avance vers moi en jurant au nom de sa feue mère : « Nadège, va au diable… Vilaine femme… Tu n’as pas honte de me faire ça? Fille du diable… Maudite que tu sois… Saleté et ordure.

J’ai cru à un acte d’infidélité ou de trahison. Que nenni. Il s’agit d’une sordide histoire d’immigration. Oui, une histoire d’immigration qui a mal tourné. J’allais dire, qui a été monté de toute pièce. Monsieur mon voisin raconte qu’il a été berné par Nadège. Mais, comment? Lui demandais-je. Mon voisin vit avec Nadège, sa femme, depuis sept ans maintenant. Il y a deux ans, fatiguée des promesses de mariage, elle a eu à imaginer une stratégie qui a fini par donner du fruit aujourd’hui. Elle avait informé son copain, monsieur mon voisin, d’une opportunité de voyage au Canada intitulé « Programme d’immigration choisie du Québec ». Ça tombait à pic parce que monsieur mon voisin en rêvait lui aussi. Nadège, médecin, est donc considérée comme requérante principale. Pour venir à bout de son stratagème, elle alla jusqu’à reconnaître les deux enfants de monsieur mon voisin. Alors, n’étant pas marié à l’époque, il décide d’accélérer les choses pour donner plus de chance à leur couple. Monsieur mon voisin commence d’abord par la dot, ensuite vint la célébration civile à grande pompe à la mairie du quartier. Enfin, une soirée bien arrosée dans un hôtel chic de la place. Ainsi, monsieur mon voisin devient l’époux de la fille avec laquelle il a vécu 7 ans sans jamais rien entreprendre. Ce n’est qu’en ce moment-là que la concubine devenue femme va reconnaître les deux enfants issus de la précédente union de son concubin. Tout était donc prêt pour que le couple heureux et la famille nombreuse aille au Canada.

C’est donc ce jour du brouhaha qui a donc attiré l’attention de tout le quartier. Parce que monsieur mon voisin à découvert que SA FEMME avait monté cette histoire de toute pièce juste pour se faire épouser!!! Comment l’as-tu découvert? Lui demandais-je encore en guise de consolation. Après moult réponses vague et autres incohérences de Nadège sur le projet de voyage, monsieur mon voisin, le MARI déçu va mener une enquête et va découvrir la « cerise sur le gâteau ». Vous avez dit que les femmes manquent de stratégies de nos jours?!

Tout a été fait pour calmer Monsieur mon voisin. Rien. André, puisque c’est son nom que vous cherchez depuis, commerçant de son état, n’a que les yeux pour se consoler. Voilà une femme ingénieuse! Mais seulement, les hommes présents ont jurés par les dieux du ciel repenser leur stratégie de promesse. Alors, chers messieurs, arrêter le vagabondage parce que les femmes sont désormais à nos trousses.

A bon entendeur, salut!

Tchakounté Kemayou


Indice Mo Ibrahim : L’exemple qui vient du Gabon

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Presqu’une semaine déjà que la Mo Ibrahim Foundation a publié ses résultats « 2014 Indice Ibrahim de la gouvernance africaine (IIAG) ». Indice dont le premier objectif est de démystifier la pensée collective qui considère le continent Africain comme le berceau, par excellence, du totalitarisme et de la tyrannie. Pour ce faire, la richissime Mo Ibrahim et la fondation choisissent de promouvoir et d’encourager une gestion publique en attribuant des notes (indices) de la bonne gouvernance. L’Afrique centrale, classée dernier du continent, le Gabon se démarque par son leadership.

Une première observation des tableaux chiffrés nous montre à suffisance que parmi les cinq régions identifiées dans le classement (sur 100 points) : 1er Afrique Australe, 59.3 points ; 2ème Afrique du Nord, 52.8 points ; 3ème Afrique de l’Ouest, 52.2 points ; 4ème Afrique de l’Est, 48.5 points et 5ème Afrique Centrale, 41.4 points), l’Afrique centrale reste le mauvais, paresseux et stupide élève de la bonne gouvernance en Afrique avec une moyenne totale de 51.2 points.

Malgré cette médiocrité de l’Afrique centrale, le Gabon d’Ali Mbongo se démarque sous tous les plans de ce classement. Ainsi, le Gabon se retrouve 2ème derrière Sao Tomé & Principe (Classement sur 100 points) : 1er Sao Tomé & Principe, 59.7 points ; 2ème Gabon, 51.0 points ; 3ème Cameroun, 47.6 points ; 4ème Congo, 43.4 points ; 5ème Guinée Equatoriale, 38.4 points ; 6ème RDC, 34.1 points ; 7ème Tchad, 32.3 points et 8ème RCA, 24.8 points.

L’analyse de chaque rubrique dans la classification des indices : 1-Sécurité et état de droit, 2-Etat de droit, 3-Redevabilité, 4-Sécurité individuelle, 5-Sécurité individuelle, confirme ce leadership du Gabon depuis l’avènement du président Ali Bongo qui a succédé à son feu père Omar Bongo. Sur ces cinq indices, le Gabon marque 4 moyennes sur 5. De quoi suscité la sympathie. La bonne position attribuée au Gabon ne peut pas être attribué au fait du hasard. La succession du père par le fils dans une république a été interprété par beaucoup d’observateurs et d’analystes comme un acte de confiscation du pouvoir politique devenu l’astuce des tyrans pour ne pas laisser échapper le pouvoir. Comme pour dire que le pays appartiendrait à la famille. C’est ce qui avait aussi été reproché, en son temps, à Eyadema au Togo et plus récemment à Abdoulaye Wade qui avait tenté, en vain, d’imposer son fils.

L’Afrique centrale, du temps d’Omar Bongo, avait été considérée jadis comme la chasse gardée du Cameroun qui était jusque-là vu comme l’Afrique en miniature, une puissance économique que nul ne pouvait détrôner. Depuis donc l’arrivée du jeune, du sang neuf à la tête de la république du Gabon, le jeune loup aux dents longues aiguise ses appétits pour le leadership que détient depuis un certain temps le Cameroun. Pour y arriver, le Gabon continue de fournir des efforts.

La présidence de la république gabonaise, par le biais de sa direction de la communication, a publié un communiqué pour prendre conscience de ses faiblesses et mettre en place des mécanismes du saine gestion de l’Etat gabonais. Ainsi, la présidence se satisfait donc de l’Etat d’avance de son indice par rapport à la situation de l’Afrique toute entière:

Depuis 2009, la progression est particulièrement remarquable dans les domaines « Développement humain » et « Sécurité et état de droit »…  L’IAAG 2014, qui place le Gabon au 27e rang avec un score de 51/100 (moyenne sous régionale 41,4/100), est le fruit de l’analyse des données de l’année 2013. Le tableau ci-dessous offre une lecture tendancielle depuis l’année 2009, faisant apparaître un classement avantageux dans les secteurs de la sécurité individuelle (8e en Afrique), de la sécurité nationale (13e), de la santé (13e), des infrastructures (17e) et de l’état de droit (20e).

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La présidence Gabonaise reconnaît aussi ses lacunes en promettant d’y remédier dans les prochaines occasions :

Avec une note intermédiaire, l’enseignement (21e) et la protection sociale (24e) sont en progression,  laissant loin derrière des secteurs comme la redevabilité, la parité, la gestion publique, l’environnement des entreprises ou encore le secteur agricole. Parfaitement informé de ces carences, le chef de l’État suivra avec grande attention l’application des directives données à la nouvelle équipe gouvernementale pour la mise en œuvre de la réforme de l’État, l’amélioration du climat des affaires et le déploiement de plusieurs projets agro-industriels.

Et Omar Bongo annonce les couleurs pour les prochains indices de 2015 :

le continent africain progresse, mais l’histoire est complexe et ne correspond pas nécessairement aux stéréotypes courants ». Ainsi des performances dans la catégorie « Développement économique durable », qui ont passé le témoin à un autre moteur de gouvernance, le « Développement humain ». Situation observée partout en Afrique par les analystes de l’IAAG, caractérisée par une progression depuis 2009 au Gabon des indicateurs Santé (+6,1) et Protection sociale (+2,4). Les dispositions annoncées en 2014 par le président Ali Bongo Ondimba en clôture des Assises sociales (famille, santé, insertion professionnelle) viendront, sans nul doute, renforcer cette tendance lors de la publication de l’Indice 2015.

Rassurant, tout de même !

C’est très instructif comme réaction. Pour reprendre le journaliste Jean-Vincent Tchienehom, au lieu de s’acharner sur ces organismes internationaux comme le fait le Cameroun lorsqu’il a des mauvais points, il serait mieux que le régime tyrannique de Biya apprenne l’humilité. En gouvernement responsable, Libreville prend connaissance de l’image que dresse de lui Mo Ibrahim et prend date pour corriger ses points faibles.

A Yaoundé, on s’en fout… Au mieux, on critique, en accusant les analystes étrangers de n’avoir rien compris, car « le Cameroun c’est le Cameroun », le Cameroun n’a pas de leçon à recevoir des organismes internationaux. Or, il faut savoir que les investisseurs étrangers que le Cameroun appelle de tous ses vœux fondent leurs décisions sur ce type de rapports qui sont nombreux: Tansparency, International Crisis Group, Département d’Etat américain, Amnesty, Reporters sans frontières, Mo Ibrahim Foundation, agences de notation, et j’en passe. Le régime de Paul Biya a alors tort de croire que le regard que l’on porte sur le Cameroun de l’étranger n’a aucune espèce d’importance.

Inutile de rappeler que l’Afrique centrale est quand même la région où se trouvent les pires et vieilles tyrannies de l’Afrique. On ne peut pas attendre mieux des tyrans à la trempe de Biya, Kabila, Deby, Sassou Nguésso ou Obiang.

Tchakounté Kemayou


Fab Fondja : Blogueur camerounais victime de son patriotisme

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Fab Fondja Amougou, de son nom de profil sur le réseau social Facebook est en garde à vue au Secrétariat d’Etat à la Défense (SED), prison secondaire de la prison centrale de Kondengui à Yaoundé, depuis le 26 septembre 2014. Le blogueur camerounais engagé est accusé d’avoir créé une page Facebook dénommée « Armée Camerounaise » dans laquelle les informations sur les exploits avérés ou non de l’armée camerounaise, au front avec la secte Boko Haram, étaient diffusées.

La lutte contre la secte Boko Haram qui sévit dans les régions du Nord Cameroun oblige le gouvernement camerounais à lancer un cri de cœur à la population pour une union sacrée contre la secte. Comme il est de coutume en temps de guerre, les informations sont une denrée précieuse et en tant que panafricaniste engagé qui ne fait pas toujours confiance aux informations diffusées par les médias internationaux (RFI, France24, BBC, CNN, etc.), Fab Fondja  a donc eu l’idée ingénieuse de créer une page Facebook qu’il nomme « Armée Camerounaise ». C’est ainsi que les informations de premières mains sur les exploits des soldats camerounais contre la secte étaient diffusées et la mention « Organisme gouvernemental » avait l’air de rassurer les plus sceptiques. Tout le monde a cru comprendre que l’Armée camerounaise, considérée comme la « grande muette », s’ouvrait enfin au public. Mais, le hic est qu’en créant cette page Facebook, Fab Fondja n’a pas mesuré les conséquences de la diffusion des informations dont il n’avait pas le contrôle et qu’il les attribuerait, de mauvaise foi, au gouvernement camerounais.

Une enquête a été ouverte et le coupable a été retrouvé. Le Lieutenant-colonel Badjeck , porte-parole de l’armée camerounaise, fait interpeller le sieur Fab Fondja pour deux motifs : 1-il a usurpé le nom « Organisme gouvernemental » dont il n’est pas employé et dont il n’a pas qualité ; 2-Parler au nom de l’arméen’est pas une mince affaire surtout au moment où l’ennemis du moment fait tout pour avoir la moindre info sur l’armée camerounaise.

Fab Fondja est passé aux aveux et la seule solution qui lui reste c’est justement de trouver cette astuce magique qui le délivrera des griffes de la « grande muette ». A l’ère des nouvelles technologies, ce chef d’accusation semble nouveau dans le paysage juridique et du coup, à travers les réseaux sociaux, les camerounais, et plus particulièrement les juristes, nourrissent les débats dans l’interprétation de la loi pour trouver une porte de sortie et permettre à Fab Fondja, pris dans la nasse de la tyrannie du régime de Yaoundé, de recouvrer sa liberté.

Le point de vue du juriste Charly Noah : l’imposture de l’Armée camerounaise et le non-respect des procédures légales  

De l’arrestation arbitraire et du chef d’accusation « usurpation du titre » :

Du point de vue strictement processuel (droit), Fab Fondja a été enlevé en date du 26 septembre. Ce qui fait plus d’une semaine. Comment comprendre que l’on retienne une personne sous le régime de la garde à vue pendant plus d’une semaine, alors que le code de procédure pénale prévoit 24h que seul un juge peut renouveler ?

Que reproche-t-on à Monsieur Fab Fondja Amougou ? On parle d’usurpation, mais usurpation de quoi ? Il a fait usage de quel titre, de quelle identité ou de quelle qualité pour en tirer quel bénéfice ? Si le principal grief se résume à la notion de « usurpation », c’est un chef qui s’effondre par devant un juge siégeant pour connaitre. En l’état et sous toutes réserves, usurpation est un concept que le droit pénal ne connait que s’il s’accompagne d’éléments objectifs pour que le fait soit connu. Autrement dit : 1-il ne suffira pas que l’on prenne mes noms et prénom pour que le chef d’usurpation soit établi : il faut, par ordinaire que tu aies utilisé mon identité dans le dessein de nuire, soit aux fins, notamment de diffamer, d’attenter à mon honneur, de viser un quelconque bénéfice ; 2-la constatation d’une infraction n’est pas du ressort de l’armée. Le législateur a donné compétence exclusive à une autorité, seule compétente pour qualifier les faits. Le lieutenant-colonel Badjeck nous bassine avec le chef d’usurpation mais sans pour autant nous dire qui a qualifié les faits. C’est même un préalable lié à la naissance de l’infraction : en droit, trois éléments satisfont la naissance d’une infraction, que sont : Légal, Matériel, et Moral. En l’espèce, commençons par l’élément Légal : selon le droit positif camerounais quel est le mécanisme qui interdit d’utiliser ou de parler au nom de « Armée camerounaise » ?

De la liberté de communiquer au nom de l’armée camerounaise :

« Armée camerounaise », nom de la page en question, n’est protégé nulle part et par personne pour qu’il soit de cette sorte interdit de créer et parler au nom d’une page nommée « Armée camerounaise ». De sorte qu’ici, l’élément constitutif de l’infraction supposée n’est pas rempli.

« Armée Camerounaise », du point de vue strictement juridique, est un concept et donc, insusceptible d’être protégé. Seules les unités linguistiques sont protégées. Autrement dit, il ne faut pas confondre « Ministère de la Défense » et « armée camerounaise ». Le premier est une entité protégée, en tant qu’elle est ce qu’on appelle « unité linguistique ».  Le deuxième n’est qu’un concept dont tout citoyen lambda peut librement se prévaloir. En claire, tout camerounais peut créer une entreprise, l’appeler « Armée camerounaise » et parler en son nom, sans que cela ne tombe sous le coup de l’article 216 du code pénal. De plus, cet article du code pénal est difficilement applicable ici, puisque manifestement les trois éléments pour constituer une infraction sont défaillant, au premier rang desquels l’élément « Légal ». De sorte qu’il n’est nulle part dit qu’il est interdit de créer une page Facebook sur le nom de « Armée camerounaise » et de l’animer avec des informations (publiques) provenant du Ministère de la Défense. Autrement dit, le Principe de nulla puena sine lege est manifestement bafoué. J’entends, le principe de nullum crimen, nulla puena sine lege découle du droit constitutionnel et c’est dans ce sens qu’il convient de faire attention au moment de faire l’interprétation de l’article 216. En outre, L’article 15 du Pacte International du 16 décembre 1996 relatif aux droits civiques et politiques est l’un des mécanismes qui encadre ce principe et le contenu dudit article suffit à lui tout seul pour dire que les actes de Monsieur Fab Fondja Amougou ne tombent pas sous le coup du 216 du code pénal.

De la qualité des informations diffusées :

Il est généralement admis que l’on peut tout à fait tenir des propos ou entreprendre des actions qui ne sont pas de notre fait mais il faut pour cela, se baser sur qu’on appelle « la preuve de la vérité ». En outre, La preuve de la vérité de Fab Fondja Amougou pourrait être admise et être fondée sur le fait que les informations qu’il publie sur sa page sont déjà connues du public. Que dès cet instant, il ne tombe plus sous le chef de divulgations de fausses informations, en ce sens qu’il n’aurait pas été (conjectures) le premier à rendre public certaines infos. Sous ce qui précède, Fab Fondja peut tout à fait apporter la preuve de sa bonne fois, notamment en établissant qu’il avait de sérieuses raisons de croire à la vérité de ses allégations après avoir fait consciemment tout ce qu’on pouvait attendre de lui, eu égard à sa situation personnelle (c’est un patriote), pour s’assurer de leur exactitude et les considérer comme établies. Et pris sous cet angle (là j’ai volontairement élargi le champ au cas où il reconnaîtrait une quelconque faute), le dossier de la cause est largement à la portée d’un avocat qui a la maîtrise du sujet.

Pour conclure donc, le juriste s’insurge contre ces méthodes d’intimidations qui ont pour but de réduire le camerounais au silence. Si l’Armée veut que le Camerounais Lambda respecte la loi, qu’elle prêche par l’exemple, en ce sens qu’elle aurait dû présenter Monsieur Fab Fondja Amougou à un Juge au terme des 48h de garde à vue. Nous sommes le 06 octobre 2014, c’est à dire plus d’une semaine que Fab Fondja Amougou est en garde à vue.

Le point de Maître Augustine Pauliane Boum : le plaidoyer sur la réfutation de « l’intention criminelle » comme porte de sortie

De l’arrestation arbitraire :

La responsabilité du créateur d’une page web ne peut être écartée au motif de ce qu’il ne serait pas l’auteur des informations y distillées. Elle peut être engagée tant sur le plan pénal que civil. Pour ce, il faudrait qu’il soit établit qu’au moment où il créait sa page il savait en toute connaissance de cause ce à quoi celle-ci servirait non forcement en terme de qui y publierait des informations, mais aussi et surtout de ce qui sera publié. Dans le cas de l’espèce nous ne pouvons, malgré notre compassion pour Fab Fondja, balayer du revers qu’il savait pertinemment ne serait-ce que le type d’informations qui seraient publiées sur cette page. La jurisprudence va plus loin en précisant que l’ignorance ne peut être prise en compte comme moyen de justification que lorsqu’elle est invincible. La leçon à tirer porte sur la prudence des concepteurs et webmasters quant à la vérification des informations circulant sur les sites qu’ils ont conçus.

Du chef d’accusation « usurpation du titre » :

Pour ce qui est de l’infraction d’usurpation, il faut se poser les questions suivantes: 1-qui est juge de l’objectivité des éléments constitutifs de l’infraction? 2-Existe-t-il une commune mesure d’objectivité? 3-Quel est la portée de la puissance publique inhérente à l’Etat, au gouvernement, ainsi qu’à leurs démembrements? 4-Tout citoyen peut-il parler au nom de l’Etat sans avoir été mandate? 5-Existe-t-il une protection autre que celle émanant de la puissance de l’Etat et ses suites? Les réponses à ces questions te permettront d’établir si l’élément matériel de l’infraction tient.

L’autorité à qui la loi a donné compétence a besoin d’éléments pour établir sa conviction même si au finish elle est intime d’où la nécessite d’une enquête. Maintenant qu’on est d’accord sur ce que la conviction du juge est intime, il serait incongru d’affirmer avec conviction et facilement que Fab Fondja est innocent motif pris de ce que l’infraction d’usurpation ne tient. Pour commettre une infraction il existe un modus operandi. Il faut donc éviter de se limiter à la simple utilisation du vocable « Armée camerounaise » car celle-ci constitue un moyen de commission de l’infraction. Il n’existe certes pas de texte qui extenso interdit l’utilisation de ce vocable, mais il existe bien une disposition du Code pénal (article 216) qui prévoit un emprisonnement de six mois a cinq ans celui qui s’immisce dans les fonctions publiques, soit civiles, soit militaires, ou accomplit les actes de l’une de ces fonctions. A moins de prouver le contraire, l’armée camerounaise relève bien la chose publique. Dans ce cas, c’est indéniablement à une autorité compétente qu’il revient le droit de distiller les informations la (l’armée) concernant. Fab Fondja en fait-il partie? Non à ce que je sache. Le chef d’infraction n’est point définitif et peut être requalifié.

De la liberté de communiquer au nom de l’armée camerounaise :

L’utilisation du terme « Armée Camerounaise » ne constitue pas à proprement parler l’infraction, mais l’un des éléments par lequel cette infraction a été perpétrée. En outre, l’énoncé clair des textes de loi et l’interprétation qui en est faite constitue un tout. L’application des textes de loi ne se fait pas à l’aveuglette et au mot-à-mot.

De l’intention criminelle :

Pour ce qui est de l’intention criminelle, elle constitue la porte principale de sortie de Fab Fondja Amougou. Sur ce, il faut éviter, à chaud, d’affirmer qu’on ne pourra point l’établir au point d’en conclure que l’infraction n’est pas constitué. En outre, s’il faut réfléchir par hypothèse : imaginons que Fab Fondja ait agit en bande organisée et que des aveux surviennent de ses complices, dès lors, il y a donc effectivement eu intention d’atteinte à l’honneur. Comment dédouanerait-on aussi facilement Fab Fondja Amougoue dans ce cas de figure ? Compatissons mais restons froid quant à la lecture des faits.

En conclusions : L’aveu et la clémence comme le point de salut de Fab Fondja Amougou, victime de son patriotisme

En conclusion, beaucoup de camerounais se laissent finalement convaincre que Fab Fondja a fait preuve de naïveté et d’infantilisme, comme l’affirme le lieutenant-colonel Badjeck : « Fab Fondja Amougou est plus un illuminé en mal de sensation, un inconscient perdu qu’autre chose ».  Pour se sortir d’affaire, l’accusé doit, soit se disculper d’être membre d’une nébuleuse, soit dire qui sont ses complices, si il y en a, et quels étaient leurs réels desseins afin de recouvrer sa liberté (Jean-Michel H. Ndongo-Seh).

Il est quasi évident que Fab Fondja n’est qu’une victime de ces propagandes fascistes pseudo patriotiques (je dis pseudo parce qu’on voit clairement que ça peut nuire aussi, comme en Côte-d’Ivoire) et autres pseudo Panafricanistes qui ont pris en otage la plus part des fora Camerounais et érigent en héros quiconque profères des inepties révolutionnaire d’anti-occidentalisme primaire (primaire parce qu’il n’y a qu’à les voire faire le pied de grue devant les ambassades) ; Victime du culte de l’agitation qu’on fait passer pour de l’action, victime du « Nous on pose des actes sur le terrain pendant que vous critiquez » même si ces actes ne vont pas souvent au-delà de la diversion et du tapage publicitaire et égocentrique ; Victime de sa propre turpitude dont nul ne saurait se prévaloir car beaucoup adorent diffuser certains infos pour le goût du scoop et du sensationnel et qui s’avèrent après douteuses et invraisemblables, mu dans le délire (pseudo)Panafricanistes.

Soutenons Fab Fondja au nom de la présomption d’innocence puisqu’on ne peut se targuer de connaître le fond de son cœur. Plaidons coupable par ignorance et apprenons à dire en face et en toutes cordialité à ces nouveaux prophètes de « L’éveil (cacophonique) de l’Afrique » qu’ils n’ont pas l’apologie du Panafricanisme ni du patriotisme, que certaines « actions » (agitation plutôt) sont plus préjudiciables que profitables et qu’on a beau mesurer la taille de nos cravates sur Facebook, il n’en demeure pas moins que nos idées ne sont que des proposition et non des ordres ou des panacées (Narcisse Teggy).

Tchakounté Kemayou


Madame Bovary revient au Cameroun

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Madame Bovary est un roman français du XIXème siècle écrit par Gustave Flaubert. A la surprise générale du monde éducatif, il a été réintroduit au programme des classes de Première des séries A, C et D des lycées d’enseignement général pour le compte de l’année scolaire en cours, 2014-2015. C’est la deuxième réintroduction après celle de 2009-2010. Au delà de sa richesse littéraire qui reste non contestables et non contestée, les raisons éthiques sont au centre des préoccupations des éducateurs et surtout des parents d’élèves. Pourquoi le roman Madame Bovary pose-t-il un problème d’éthique et quelles leçons peut-on tirer de ses multiples retraits et réintroductions au programme scolaire ?

Le contexte historique de l’œuvre

Le trihebdomadaire Aurore-Plus, sous la plume de Linda Mbiapa, s’est inquiété cette semaine à juste titre d’une autre apparition de ce roman français qui continue de susciter des polémiques sur la qualité et le sens des leçons que les élèves et même les lecteurs peuvent tirer de cette œuvre littéraire. Madame Bovary s’inscrit dans la plus pure tradition occidentale qui part de Messaline à la révolution libertaire, hippiques, de mai 68 en passant par la débauche la plus achevée sous Spartacus, les Borgia, avec l’intermède plutôt court des Amazones que les colonnes d’Hercule détruisirent.

Lorsqu’il fut publié en 1856, le roman Madame Bovary fut considéré, déjà à l’époque, comme un ouvrage indécent, pornographique, qui peint mal, selon la société française de 1856, non Madame Bovary, mais la femme française : Madame Bovary est une épouse adultère, une femme à la cuisse légère, une femme qui ne respecte ni son corps, ni son mari, ni l’institution du mariage, une institution sacrée, ni son ménage, ni le code moral social, humain. En cela, oui, c’est vrai, la culture africaine, camerounaise, vomit ce roman. En Afrique, durant les luttes d’indépendances, les patriotes utilisent Madame Bovary comme le symbole de la femme française : légère, adultère, amorale, qui, puisque putride, enfante le colonialisme, l’infamie, le putride. Cette description a d’autant plus de poids que le livre est écrit par un français : Gustave Flaubert, le romancier au mot juste.

La leçon de Gustave Flaubert

1179523982-mme-bovaryL’auteur de Madame Bovary n’est certainement pas un naïf, pas plus que ne l’était Molière ou Balzac. Ce n’est pas un hasard si la pornographie, comme la prostitution, est une institution de la société occidentale, et ce n’est pas non plus un hasard si c’est les milieux gay et rouge qui imposent la mode de ce côté-ci de l’Occident. La femme en Occident justement est conçue et se comprend elle-même comme un foyer d’attraction des regards et d’excitation des pulsions. L’industrie textile n’est pas la seule à se servir de cette conception, le marketing, l’industrie automobile, la publicité dans tous les domaines a cristallisé le travail des designers sur la femme comme image subliminale pour inciter à l’extrême la boulimie dans cette société de la consommation, à l’ère de l’homo-consommantum! Sans l’image qu’on véhicule de la femme en Occident, l’économie s’effondrerait. Au-delà de tout, le CULTE DU CORPS et toute l’industrie qui est construite autour parle assez pour l’idée que l’auteur de Madame Bovary était un prophète, la preuve, il fut persécuté dans son propre pays!

La responsabilité des enseignants : le choc culturel

Ce livre au programme pourrait être plutôt l’occasion d’une révolution culturelle pour notre jeunesse, à condition que nos profs connaissent bien l’histoire de l’Occident et ne voient pas dans ce livre la doxa de la nouvelle éthique ! Il faut savoir que la fiction romanesque est souvent le lieu d’une satire des mœurs du temps, et on ne peut pas dire que notre société ne va pas à la dérive et n’offre pas à voir tous les symptômes de dégénérescence de la femme dont Madame Bovary est la peinture.

L’auteur de Madame Bovary pointe la lune du doigt, il appartient au lecteur de regarder ce qu’on lui montre plutôt qu’autre chose. Le livre peut être mauvais, on ne doit pas moins en apprendre. Après tout, on donna à Michel-Ange un bloc de marbre brut en le croyant impropre à tout usage, mais il en tira une Ange flamboyant, qui orne encore, si je ne me trompe, la Chapelle Sixtine !

On peut certes regretter le choix des autorités éducatives pour certaines œuvres, choix qui prouve notre complexe de dépendance et de colonisé en tous les domaines. Car le Cameroun manque de tout sauf de génie littéraire, et le dernier roman du Camerounais Joe La Conscience, Le monstre au manteau de femme, préfacé par Shanda Tonme,  dont j’ai eu l’honneur de faire la lecture critique avant édition, pourrait bien valoir Madame Bovary, puisque son thème central c’est les mœurs de la société camerounaise contemporaine, actuelle, depuis la corruption institutionnalisée jusqu’au satanisme ambiant en passant, bien sûr, par la débauche et la dégradation de la femme, de la jeune fille chez-nous. Mais il ne fait pas grâce à l’homme, loin s’en faut.

Si donc les autorités ne s’émeuvent pas du tollé que suscite déjà leur choix, ce qui ne m’étonnerait pas au regard du superbe mépris qu’ils ont pour les Camerounais, qu’au moins on s’assure que les enseignants en tireront le meilleur.

Au-delà de la réalité, ce n’est qu’une fiction

La réalité est que ceci est une péripétie que cet ouvrage connaît dans tous les pays : On l’ôte de la circulation aujourd’hui, on le remet en circulation demain – toujours pour envoyer un message politique : en le réintroduisant, le gouvernement, sans être patriote, dit peut-être, en filigrane, ce que les patriotes disent depuis 1945, et inviterait la jeunesse à voir la France sous une certaine… lumière?

A la Jeunesse Camerounaise, nous disons, Madame Bovary est un personnage qui sort de l’imagination d’un homme tourmenté par ses fantasmes sexuels, sa vision de la femme qui lui vient probablement de l’idée que lui en donna sa mère. Madame Bovary n’existe, et n’a jamais existé, que dans l’imaginaire de Flaubert. La femme française n’est ni meilleure, ni pire que la femme, toute femme.

Comme roman, une œuvre d’art, c’est une histoire, une simple histoire. En 1856, on le tenait pour pornographique, publié aujourd’hui en 2014, érotique? Même pas.

Tchakounte Kemayou, Bonaventure Tchucham & Nouk Basomb


La sagesse africaine de la main gauche

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Ecrire, c’est, comme dit Kafka, la hache qui fracasse :  the frozen sea of the heart. En d’autres termes, n’écris pas, jamais, à moins que tu ne sois prêt à causer des émotions fortes. Mais que fait-on du cœur fracassé de quelqu’un qui t’aime beaucoup? Quelqu’un que tu fais rêver?

Cette sagesse littéraire et profondément africaine nous plonge-là dans la philosophie du mythe de la main gauche enseignée par le Mbog (le Sage) chez le peuple Bassa’a (Cameroun). Le mythe de la main gauche est cette sagesse qui enseigne au peuple la rémission. Comme pour dire, selon Kafka, qu’on n’écrit pas si l’on ne peut maîtriser les conséquences des émotions suscitées dans les mots. La sagesse de la main gauche est un euphémisme en littérature qui atténue la sauvagerie pour mettre en évidence le rôle de la douceur nécessaire pour anéantir la violence nécessaire à la guérison des maux. Et la philosophie du mythe de la main gauche dit, en langue Bassa’a :  Mbɔg: Wɔɔ waaye  (Lorsque la main droite fracasse, le bras gauche attire à soi et console).

Les Igbo (Nigéria) disent, s’adressant aux parents, When you hit a child with the right hand, you use the left to draw him closer. Ça, c’est bien dit. C’est beau.  Ce petit geste-là, … to draw him closer, est tout le Mbog. La main gauche est donc un symbole de la douceur maternelle, de l’amour. Oui, de l’amour vraie. Et c’est à juste titre de dire que les enfants qui ne reçoivent que la sanction du fouet pour une faute commise sans recevoir en retour du chocolat pour un exploit accompli ne seront jamais, au grand jamais, des enfants de cœur, mais seront des enfants écœurés et frustrés. Il suffit juste de mettre en évidence ce parcours titanesque et honnête d’un gamin qui a connu des moments assez particuliers qui ont fini par faire de lui un homme accompli, fier et imbu de sa personne. Les récits de vie ne doivent faire de mal à personne et honni soit qui mal y pense :

 

Je viens de Loum, je suis le fils de braves paysans à la vie rude

Je connais les réveils dès 4h du matin 

Pour traverser 10km vers le cœur de la brousse 

Et arriver à la pointe du jour

Le cœur ravi du bruissement des champs, du chant des oiseaux

Et les jambes trempées de la rosée du matin

 

Je connais les retours à 17h sous les ahans de mon pousse-pousse

Chargé de bois, de manioc et autres victuailles

Pieds nus sur les chemins rocailleux

 

Je connais les longues marches à travers champs 

Pour aller recueillir de l’eau d’une source unique pour tout le village

Coulant comme du pipi de chat

 

Je connais les longues marches sous le soleil ardu des tropiques, 

Pour aller m’asseoir sur à 6km de chez-moi, sur les bancs du lycée

 

J’ai connu la fortune et le dénuement

J’ai vécu dans une opulence grisante

Et j’ai été précipité patatras sur le macadam du jour au lendemain

J’ai connu les recommencements douloureux

Les tentatives infructueuses

Les pertes et les échecs qui vous retroussent les commissures des lèvres en un pli amer de désespoir et de découragement

 

J’ai connu une vie remplie de prénoms de femmes

Et des traversées du désert longues et sèches comme la vie monastique

Mais j’ai eu la chance extraordinaire d’avoir l’amour infini d’une mère d’exception

La ténacité et la bonté d’un père que le souci du juste avait rendu presque excessif

J’ai vu en grandissant tant et tant de générosité

J’ai tant reçu de la vie

J’ai été si bien armé par la vie

Que toujours je rebondis après chaque rupture

Pétri d’optimisme et de d’une assurance tranquille

Dans la conviction que les moments les meilleurs se trouvent toujours devant moi

 

Alors me voici, confiant sur l’océan démonté de la Vie

Armé du courage de la brave petite pirogue 

Qui se joue des éléments déchaînés 

Et arrive, intacte, sur la berge paisible et calme.

 

Voilà en fait ce que la vie nous réserve : une pénibilité qui réserve beaucoup de surprise au cours de sa carrière de vie personnelles qui peut être considérée comme une leçon de philosophie de vie. La main gauche est cette rémission qui apporte de l’espoir, qui gouverne les pensées positives dans le but de mettre en valeur les qualités intrinsèques humaines : le travail. Il n’est sans doute pas anodin de dire ici que cette sagesse est loin de symboliser la faiblesse ou la mollesse. C’est tout simplement un hymne à l’amour que l’être aimé renvoie à celui qui doit se distinguer par son ardeur à défendre le travail, la justice et la solidarité, donc l’amour pour son semblable. On ne maudit pas avec la main gauche. Un clin d’œil de manière vulgaire signifie que c’est l’œil gauche qui est ouvert tandis que celui de droite est fermé. C’est ce que les jeunes filles courtisées attendent d’un gentleman. Cette attirance, cet amour dévoilé par l’œil gauche est plus tendre à voir. Ça apaise un cœur meurtri. Toute personne qui manquerait de tendresse en tomberait sous le coup de son charme car l’œil gauche est d’une malignité émotionnelle. la concrétisation de cet amour est marquée par une alliance à la main gauche. Quelle est pleine de symbole, cette main si tendre et si envoûtante! 

Alors, continuons donc en rang serré. Dans la pure sagesse africaine de la main gauche. Sous l’Œil bienveillant de Plus-Ancien et tous les travailleurs de l’Etablissement de l’Œil.

Tchakounté Kemayou, Bonaventure Tchucham et Nouk Bassomb


Cameroun : Guérandi Mbara, où es-tu caché ?

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Guérandi, grand frère, où es-tu caché ?

Très tôt ce dimanche 14 septembre 2014, je me réveille à 7h (heure locale) comme d’habitude. Après un bref tour dans les toilettes et hop, je rallume mon poste radio que j’avais éteint la veillé en dormant. C’est RFI qui était ma priorité compte tenu du fait que les radios locales sont pratiquement en berne chaque dimanche. A 7h30, RFI Afrique dévoile l’invité du jour : François Soudan, le directeur de rédaction de Jeune Afrique, qui annonce une grande nouvelle considérée comme « top secret » à la Une du magazine dès le lendemain, 15 septembre 2014 : « Cameroun : le fantôme d’Etoudi ».

La grande nouvelle de François Soudan ? C’est l’arrestation de Guérandi Mbara. Il a été arrêté et transféré au Cameroun depuis 2012 et reste introuvable jusqu’aujourd’hui. Livré comme un « colis » aux mains des agents des services de renseignement camerounais entre Pouma et Edéa. Mais François reste évasif sur le sort qu’on t’a réservé. Perdu et confus, j’appelle donc quelques amis journalistes pour me rassurer que mes sens ne me jouaient pas un sale tour. Je suis malheureusement plus confus qu’avant car personne d’eux n’était au courant de la nouvelle. Un petit tour dans les réseaux sociaux : Rien ! Mince. Je suis complètement déboussolé. Je tente de diffuser la nouvelle dans mon compte twitter et facebook, je me ravise à la dernière seconde craignant d’être taxé plus tard de personnes complice de la diffusion de fausses informations. Et l’information de RFI continue de passer en boucle. A 10h, un « forumiste » de la diaspora a eu le courage de diffuser la nouvelle et c’est de là que tout à commencer, les langues se sont déliées.

Guérandi, grand frère, où es-tu caché ?

Le public camerounais t’a connu au lendemain du coup d’Etat manqué du 6 avril 1984 où tu étais, dit-on, soupçonné d’être l’un des commanditaires avec le feu président Amadou Ahidjo qui voulait reprendre « son » trône après l’avoir quitté. C’était en 1982 que Paul Biya pris les rênes du pouvoir par la grâce constitutionnelle qui le considérait comme le successeur après une démission ou une vacance de la présidence constatée par le parlement. Commence alors la chasse aux ressortissants des régions du Nord Cameroun. Pourquoi ? Parce que dans ce pays nommé Cameroun, on a développé le complexe tribal à tel enseigne que la tribu est devenue une stigmatisation. Comme le feu Ahidjo et toi, originaires des régions du Nord, tous les ressortissants de ces régions sont vos complices. Un simple barbu vêtu d’un boubou rencontré dans les rues, surtout à Douala et à Yaoundé, était stigmatisé et bonjour les dégâts. Peut-être le régime espérait mettre la main sur toi pour te « liquider » comme il l’a fait pour beaucoup de Camerounais de ta région d’origine en leur faisant subir les tortures les plus atroces dans les locaux du fameux CENER qui est devenu actuellement le SED sans oublier par exemple la célèbre et sinistre prison de Tcholiré dans le Nord. C’est là où tous les opposants au régime de Ahidjo et de Biya à l’époque du parti unique comptaient leurs derniers jours sur terre. Et aussi là où quelques célèbres détourneurs de deniers publics, membre du parti au pouvoir (RDPC) et grands commis de l’Etat, subissent leur sort. Peut-être es-tu dans ces locaux aussi ?

Guérandi, grand frère, où es-tu caché ?

Après ce coup d’Etat manqué, tu as pris la poudre d’escampette. Les langues disent que tu as promis à Biya une fessée mémorable à la dimension de sa tyrannie. Tu faisais même le tour du monde pour trouver, semble-t-il, le piège par lequel le Lion de Mvomeka sera pris. Finalement c’est toi qui es tombé dans ton propre piège, ou bien ? Pardon, dis-nous ce qui t’arrive mon frère. Tu as donné l’espoir à certains jeunes Camerounais, comme moi, qui se sont ravisé sur ta modeste personne en te jugeant très tôt sans avoir pris la mesure du problème. En toi, certains voyaient l’homme qui fera l’une des personnalités les importantes dans le paysage socio-politique de l’heure dans un conteste de démocratisation et de lutte contre le néocolonialisme. Tes propositions pour l’avenir de ce pays étaient attendues de vive voix. Mais, hélas ! A malin, malin et demi, comme diraient ceux qui maîtrisent les tacles-arrières de l’homme Lion qu’est Biya.

Guérandi, grand frère, où es-tu caché ?

Comment un militaire haut gradé, un rusé de surcroit peut-il se faire prendre comme un vulgaire bandit ? Comment un acteur peut-il mourir dans son propre film ? Jeune Afrique dit que tu aurais été drogué dans le jet privé qui te transportait pour le Cameroun. Donc le tyran Biya a organisé une opération onéreuse de ce genre dans le but de te kidnapper par une tacle-arrière ? Georges STARKMAN, le marchand d’armes et PDG de la société ERKIS a déclaré qu’il a accepté cette sale besogne payée à prix d’or pour éviter la guerre au Cameroun. Donc, un marchand d’armes se bat déjà pour éviter les guerres ? Mon Dieu ! Je vais tout lire dans ce pays.

Guérandi, pardon répond-moi. Es-tu en vis ou es-tu entre les mains des geôliers au mépris de la justice et en violation des règles de l’Etat de droit ? Pourquoi n’a-t-on pas simplement respecté la justice comme le font les autres Etats lorsque ceux-ci avaient besoin des « hors-la-loi » afin que justice soit faite ? Pour ne citer que les plus célèbres : « La France avait bien capturé Carlos au Soudan en 1994 par une opération secrète, mais une fois sur le territoire français le prisonnier a été remis à la Justice qui a ouvert une procédure légale et décidé de son sort ; La Turquie avait capturé Abdullah Öçalan au Kenya et une fois ramené en Turquie c’est la Justice qui l’a pris en charge en toute transparence ; Israäl avait capturé Adolf Eichmann en Argentine en 1960 et une fois en Israël c’est la Justice qui l’a jugé et condamné à mort. On peut multiplier les exemples » (Roufaou Oumarou). Avec cette arrestation et celui de l’écrivain Enoh Meyomesse, accusé de trafic d’or et de préparer un coup d’Etat, en prison depuis plus de deux ans sans jugement, le Cameroun est en train de faire et a fait un retour très inquiétant vers les pratiques obscures en vigueur sous Ahidjo à l’époque et les faiseurs d’opinions semblent dépassés. Inquiétant.

Guérandi, grand frère, où es-tu caché ?

Beaucoup crient à la manipulation. Mais, qui manipule qui alors dans tout cet embrouillamini ? Manipulation parce que d’un, cette information qui vient d’un média étranger par l’Occident est une preuve que cela fera la une de tous les médias nationaux. Ça a donc été un pari réussi. De deux, cette manipulation peut avoir un but précis : si elle vient du régime, son but serait d’avoir l’opinion des Camerounais que nous sommes sur ta mort présumée. Ton sort ne sera scellé qu’en fonction de la sympathie ou de l’antipathie du public. Le but est-il atteint ? Nul ne peut le savoir car, les Camerounais semblent plutôt mitigés et surpris pour ceux de la classe moyenne. Mais, les jeunes de moins de 30 ans, la majorité et diplômés que Biya a abandonné dans la débrouillardise, la mendicité et la clochardisation, ne te connaissent vraiment pas. Ceux-là cherchent encore dans leur souvenir qui se cache derrière ce personnage de Guérandi Mbara, car même les leçons d’histoire enseignées à nos cadets t’ignorent éperdument. Il suffit de faire un tour dans les kiosques à journaux pour les voir éberlué comme des fous affamés. D’autres encore pensent que la manipulation viendrait de toi et de tes amis et sympathisants. Pour quel but ? Certainement pour mettre en alerte le pouvoir de Yaoundé afin qu’il s’explique sur ce qui s’est passé au cas où tu serais disparu et prévenir toute exécution extrajudiciaire au cas où tu serais en vie.

Grand frère, tu vois comment tu fais réfléchir le journaliste Christophe Bobiokono et moi avec en nous imposant toute sorte de gymnastique intellectuelle ? Je perds les pédales dans les conjectures en pensant véritablement que le courageux et combattant guerrier soldat Guérandi Mbara ne sera plus visible. Ton frère aîné cadet que nos journalistes ont contacté a avoué ne pas avoir tes nouvelles depuis deux ans ! Connaissant les habitudes de la famille africaine, comment ta propre famille peut-elle perdre tes traces pendant deux ans sans rien dire, connaissant ce que tu représentes pour le Cameroun ? Le quotidien « Le Jour » a affirmé à sa Une d’aujourd’hui que le gouvernement ne tardera pas à donner sa position officielle. Je suis vraiment impatient d’avoir enfin la version officielle. Si elle ne règle pas le doute sur ta disparition, j’aurais de forte raison de penser que les méthodes des services secrets qui traquaient les libres penseurs pourraient un jour cibler les blogueurs dont je fais partie. Quelle sécurité puis-je encore être garantie pour mes idées contre un régime qui m’a presque martyrisé, a volé ma jeunesse et a fait de moi un doctorant clochard, excuse du peu. Avec l’avènement des réseaux sociaux, il faut vraiment craindre, oui craindre du pire car, le Cameroun est capable du pire surtout en ces moments difficiles où la secte Boko Haram donne du tournis à tout le monde.

Guérandi, grand frère, en espérant que tu liras cette lettre du fond du trou où tu te caches, car j’ai encore espoir que tu vives, j’ai encore espoir que le régime ne pourrait atteindre cette bassesse, prend soin de toi et ne me renvois pas au répondeur.

Guérandi, répond-moi.

Tchakounte Kemayou


Cameroun : qui se cache derrière Boko Haram ?

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Le BIR (Bataillon d’Intervention Rapide) en action

C’est depuis février 2013, date de l’enlèvement à l’Extrême-Nord de la famille des sept Français, les Moulin-Fournier, que la présence de la secte Boko Haram a été officialisée au Cameroun. Dès lors, l’actualité camerounaise est dominée par des rapts et des attaques incessantes. Les populations terrorisées sont en émoi et complètement déboussolées à cause des incursions quotidiennes, revendiquées ou non, des hommes armés. Du coup, les hypothèses et les théories diverses fusent de toute part pour cerner les origines mystérieuses de ces attaques.

La polémique est d’abord née suite à la publication de l’article de Fanny Pigeaud sur Mediapart.fr intitulé « Cameroun : Paul Biya, après plus de trente ans de règne, est confronté à une rébellion ». Dans cet article, l’auteur démontre tour à tour l’hypothèse selon laquelle le Cameroun se trouvait face à une révolte venue de la partie septentrionale. Avant Fanny Pigeaud, beaucoup de journalistes camerounais affirmaient cette fameuse thèse de la rébellion armée qui aurait deux origines. La première thèse répandue par ceux que j’appellerai les « Panafricanistes » et largement diffusée par les médias comme Afrique Média qui voient une mainmise des puissances étrangères en l’occurrence celle de la France. La seconde thèse se fonde plutôt sur un complot des élites des régions du Nord pour déstabiliser le régime de Paul Biya.

La thèse du complot de la France : le corps diplomatique se défend

Les tenants de cette thèse fondent leur position sur la volonté hégémonique des puissances coloniales, comme la France, à maintenir le continent africain dans son giron. Les analystes invités sur les plateaux des médias (Afrique Média) orientent leurs argumentaires sur les drames passés et que subissent encore le Mali, la Côte d’Ivoire et notamment la Libye.Un pays, où ces mêmes Français et surtout les Etats-Unis qui disaient apporter la paix et la démocratie dans ce pays se sont rétractés, laissant le pays dans une tourmente et un déséquilibre indescriptible. Sinon, comment comprendre que le président français François Hollande ait rencontré quelques leaders camerounais lors de sa visite au Tchad les 18 et 19 juillet dernier ?

10583869_10152619434911131_2082723243560779159_nPendant ce temps, les réseaux sociaux ne sont pas en reste et les Camerounais donnent leur avis sur ce qu’on appelle désormais la guerre contre Boko Haram. Les fins limiers du renseignement ne se gênent pas pour diffuser les informations selon lesquelles Boko Haram serait une création pour les uns (Guy Simon Ngakam) et une instrumentalisation pour les autres (Roufaou Oumarou) de la CIA  avec deux sous-traitants : la France et la Norvège. Ce dernier pays contrôlerait des églises luthériennes et des hôpitaux « norvégiens » notamment à N’Gaoundéré et à Meiganga au Cameroun. Le Qatar, la Syrie, la Turquie et l’Arabie saoudite plus précisément la famille Al Saoud et quelques pays du Golfe sont aussi soupçonnés d’entretenir des relations avec les groupes terroristes qui mettent à mal la paix dans le monde et notamment en Afrique. Il est donc naïf, pour ces analystes de croire que les missionnaires évangélistes et messianiques ont un rôle purement humanitaire en Afrique. Ce n’est pas par hasard que, jadis, « l’église précéda ou accompagna partout les colons » (Guy Simon Ngakam).

L’attaque de la localité de Gambaru dans la nuit du jeudi 4 septembre 2014 a largement été commentée, car c’est une énième tentative d’infiltration à destination de Fotokol. Pour la première fois, l’armée camerounaise a utilisé des canons de 150mm et des chars, rasant totalement sept positions de la secte. Le bilan est de plus d’une centaine de morts a indiqué le ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary. Il a annoncé par ailleurs que les autorités ont identifié deux cadavres d’homme d’origine touarègue : Abdoulkader Al badre et Abdallah Ibn Oumar. D’autres analystes poussent le bouchon plus loin en affirmant que ces deux Touareg sont des Français.

Boko Haram attaque, attaque et attaque encore en annexant les villes nigérianes. La secte s’est-elle engagée à faire de même au Cameroun ? Mais, qu’est-ce qui fait la force de cette bande de terroristes ? Quelles sont les vraies raisons de la lâche faillite de l’armée nigériane devant les fanatiques de Boko Haram ? La réponse nous vient de Guy Simon qui affirme que toutes les rébellions qui ont eu lieu en Afrique jusqu’ici ont révélé deux parallèles : 1- « Lorsque l’armée régulière est en bonne posture, une force étrangère intervient pour soutenir le mouvement armé, généralement sous le prétexte de protéger les civils ou pour empêcher l’armée régulière d’utiliser les armes lourdes. Ce fut le cas pour la Libye et la Côte d’ivoire. En Syrie, c’est la coalition sino-russe qui maintient l’équilibre, les renforts étrangers aux rebelles leur permettant de résister jusqu’ici » ; 2- « Généralement, les armées régulières sont vite dominées et le pays fait appel aux mêmes forces qui soutiennent les rebelles ailleurs. C’est le cas en RDC, en Irak présentement ou (dans une certaine  mesure) en Ukraine. Ce fut le cas en Afghanistan, en Turquie avec le PKK (avant l’arrestation de son leader par la CIA et son transfèrement à Istanbul comme gage de l’utilisation de l’espace aérien turc pour la deuxième guerre d’Irak). Ce fut le cas au Mali, au Tchad en 2008 lorsque le palais de Ndjamena fut encerclé par les rebelles. Ce fut le cas aussi en RCA ». Sans doute que le Nigeria et le Cameroun adoptent, pour le moment, la stratégie de la résistance. Attendons de voir la suite.

Ce climat de suspicion n’a pas fait plaisir à la France qui a réagi par l’entremise de son corps diplomatique à Yaoundé. Le 2 septembre 2014,  Christine Robichon signe un communiqué dans lequel elle donne la position officielle de la France qui condamne avec la plus grande fermeté les attaques perpétrées par le mouvement terroriste Boko Haram dans le nord du Cameroun et affirme : « Le président de la République François Hollande n’a pas rencontré de représentants camerounais lors de sa récente visite au Tchad les 18-19 juillet 2014, ainsi que certains articles le rapportent de façon inexacte ». Cette position n’a toutefois pas convaincu tout le monde.

La thèse d’une rébellion armée : les élites du RDPC se déchirent

Boko Haram serait la conséquence d’une désintégration du régime RDPC  (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) quand les élites de la partie Nord ont voulu « reprendre » le pouvoir que les élites de la partie Sud du pays ont confisqué depuis 32 ans déjà. C’est depuis 1982 que le président Amadou Ahidjo (originaire de la partie Nord), premier président du Cameroun à céder le pouvoir à son premier ministre, successeur constitutionnel qu’était Paul Biya (originaire de la partie Sud). Un coup d’Etat manqué avait eu lieu en 1984 dont l’ex-président Amadou Ahidjo avait été soupçonné d’être l’instigateur. Du coup, une chasse aux originaires de la partie Nord a créé une stigmatisation des élites de cette partie du pays. Cette propension à penser que ces élites pourraient prendre leur revanche un jour est toujours sur les lèvres. C’est ce qui a fait dire à Fanny Pigeaud qu’il y a des complicités dans le sérail présidentiel pour déstabiliser le régime. Marafa Hamidou Yaya, ancien ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, actuellement en prison pour détournement de deniers public, est cité nommément dans l’article comme faisant partie de cette nébuleuse. Cet acharnement contre les personnes originaires de la partie Nord est loin de s’arrêter.

10612894_803928853004734_6870221844143817950_nLe 31 août 2014, lors d’une réunion du RDPC à d’Obala dans le département de la Lékié, une élite de la localité en l’occurrence Henry Eyebe Ayissi, ministre délégué à la présidence chargé du contrôle supérieur de l’Etat, réunit quelques cadres du parti. A l’issue de cette rencontre, ils signent une motion de soutien dénommée « L’Appel de la Lékié » accusant les élites de la partie Nord de pactiser avec le Diabe. Cet « Appel de la Lékié » s’insurge contre « La secte islamiste Boko Haram au Cameroun et à l’incitation à la guerre des religions, notamment chrétienne et musulmane, qu’elle vise à susciter et à entretenir dans [le] pays », et contre les « complices de Boko Haram, principalement dans les régions septentrionales du Cameroun, et à leurs stratégies sournoises ou leurs tentatives d’incitation à la partition du territoire national, à la lumière des développements fort regrettables enregistrés dans d’autres pays ou régions du continent africain ». Sans surprise, une personnalité originaire de la partie du Nord réagit. Cavaye Yeguié Djibri, le président de l’Assemblée nationale dénonce avec ferveur ce qu’il appelle les « basses manœuvres de nature à ternir l’image de toute une partie du pays » où les populations sont surnommées péjorativement les « Nordisses ». Selon Cavaye Yeguié Djibril qui écrit sa correspondance avec les symboles et les sceaux de la République du Cameroun qui figurent sur l’en-tête, les élites de la Lékié militent plus pour la division et la partition que pour la construction. Cette sortie du PAN n’a d’ailleurs pas été du goût de certains pontes du régime qui ont tout de suite censuré cette lettre en refusant de la diffuser à la CRTV (Cameroon Radio and Television).

Ces positions continuent de bouleverser tout le pays et certains se désolidarisent allant jusqu’au ridicule : le député originaire de la Lékié Jean-Marie Nga kounda qui avait signé l’« Appel » s’est rétracté, affirmant avoir signé sans prendre le soin de lire. Certaines élites de la partie Nord ne se reconnaissent pas dans le communiqué de Cavaye Yeguié Djibril qui a pourtant bien mentionné qu’il le faisait au nom des élites « Nordisses ». Voilà donc ce qui faire dire aux analystes que ces deux positions zélées traduisent cette tendance à la recherche de positionnement politico-clientéliste. Les agitations des élites qui sont considérées comme les « créatures » reflètent bien le fond abyssal qu’est le Cameroun du créateur et le prince tyrannique.

Les effets collatéraux du rançonnage

Il est sans doute incontestable que le Cameroun sert de base arrière d’une activité terroriste de Boko Haram qui est plus actif au Nigeria. Le concept de base arrière ici serait flou si l’on n’y prend pas garde. La secte Boko Haram a sans doute compris que la France est le pays au monde qui libère les otages par la rançon. Et Abubakar Shekau a donc décidé de se spécialiser dans la prise d’otage des Français pour financer ses activités. Les régions du Nord-Cameroun étant « fertiles » grâce aux sites touristiques qui s’y trouvent, l’accent est donc mis par la secte pour diriger leurs tentacules vers le Cameroun. Boko Haram sous-traite donc ses activités de rapt au Cameroun. Qui sont donc ces sous-traitants camerounais ? Pourrait-on se demander.

Les rapts sont organisés par les Camerounais qui après livrent les otages à la frontière où la secte réceptionne le « colis » contre paiement. Mission terminée donc pour les Camerounais qui  servent de relais pour des transits comme les rapts, la livraison des armes et autres munitions parfois venant du Tchad. Les facteurs concourant à la création de la rébellion à savoir : « Villages camerounais désertés par la population et l’armée, circulation d’armes, absence de l’armée nigériane de l’autre côté de la frontière qui offre une possible base arrière, stigmatisation permanente d’une communauté, errance des rebelles centrafricains et tchadiens dans le secteur, jeunesse désespérée, etc. » Ceux qui soutiennent la thèse d’une rébellion « disent seulement qu’elle avance masquée sans jamais lui attribuer une attaque, encore moins des revendications. Pourtant plusieurs villages ont déjà été occupés par des éléments de Boko Haram. Et dans la partie camerounaise du Lac Tchad, cette secte contrôle tout le secteur adossé à sa base de Saguir dont les villages Kamouna, Dombaré… »

Cette version tend à démontrer que les rébellions en Afrique n’ont pas pour coutume d’agir masquées. Ce mode d’opération de Boko Haram au Cameroun semble rendre service au président Biya qui en tire les rentes et les dividendes politiques. En effet, Paul Biya avait pris l’habitude de payer les rançons aux terroristes. Les otages libérés devenaient donc un objet de propagande devant l’opinion et surtout auprès de ses maîtres occidentaux. La plus vieille dictature et tyrannie d’Afrique trouvait donc l’occasion d’augmenter sa cote de popularité et de sympathie.

Pourquoi Boko Haram s’attaque au Cameroun au risque d’être confondu avec une rébellion comme le soutiennent certains analystes ? La réponse est toute simple : parce que  Paul Biya a décidé de ne plus payer la rançon à ses partenaires. Les incursions de la secte au Cameroun ne peuvent donc qu’être considérées comme des effets collatéraux. Au sommet de l’Elysée consacré à la question Boko Haram au mois de mai dernier François Hollande a-t-il réitéré sa volonté aux présidents africains présents de ne plus payer les rançons ? Cette version semble se justifier sinon comment comprendre la déclaration de guerre de Paul Biya à Boko Haram.

L’indifférence de Paul Biya, ses prises de parole qui devraient être régulière en temps de « guerre totale » amènent certains Camerounais à adopter des positions radicales.  L’analyste Guy Simon Ngakam estime que ce régime illégitime ne parviendra pas à éradiquer le terrorisme et préconise de passer à l’action : « Il faut plutôt profiter de la situation de déstabilisation en cours pour renverser le régime et engager un combat sans limites pour la libération totale des pays de la sous-région.  Patrice Nganang pour sa part ne passe pas par quatre chemins pour demander aux soldats camerounais de faire comme au Mali : « Déserter ».

Tchakounté Kemayou


Cameroun : hommage à un jeune soldat sacrifié et mort pour la patrie

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Joseph Kevin Donkeng, officier de nos forces armées, né le 8 juin 1988, a été abattu le 25 juillet 2014 à Kamouna, par les forces terroristes Boko Haram qui sévissent dans la partie septentrionale du Cameroun. Longtemps, l’incertitude planait sur le sort du lieutenant et les inquiétudes de ses parents et de sesproches  emplissaient les réseaux sociaux.

Depuis il a été certifié que le jeune homme, âgé de 26 ans est mort. Il a été enterré le 30 août 2014 à Bafou*, après que son corps a été exposé au quartier général pour des honneurs militaires auxquels le chef suprême des forces armées n’a pas cru nécessaire de participer, lui qui était alors en vacances en Suisse. Ainsi aura disparu dans l’anonymat, un de ces soldats qu’on nous dit vaillants, et qui, comme dit la vulgate aussi, sera mort pour la patrie. Disparu, il sera, sans que le président de la République qui l’a arraché à sa famille et à ses amis et l’a envoyé au front ne daigne se retourner pour savoir s’il avait rendu l’âme. Partout ailleurs, le soldat mort sur le champ de guerre est un héros national, partout, sauf dans notre pays qui réserve ce piédestal à qui – Ateba Eyene, Owona Nguini – bavarde sur les chaînes de radio et de télé à longueur de journée, évite de mettre en difficulté le tyran, ou prépare le règne des fils. Partout ailleurs le corps du soldat mort au front est reçu par le commandant en chef des armées, sauf dans notre pays où le ministre délégué auprès du tyran en matière de défense est celui qui fait l’affaire, quand les églises de réveil mobilisent tout le gouvernement pour leur inauguration ou pour leurs messes écervelées.

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Joseph Kevin Donkeng

Ni le président de l’Assemblée nationale, ni le président du Sénat, ni le premier ministre n’étaient là. Quant au vice-premier ministre Amadou Ali, sans doute était-il encore trop occupé à retrouver son épouse capturée par les terroristes, pour se rendre compte que Donkeng était tué dans son propre village natal ! La mort de ce soldat a été d’autant plus révoltante qu’elle est le  symptôme, encore un, d’un pays où tout s’achète y compris la vie et la mort. Ce jeune homme qui achevait à peine sa formation à l’Emia* en décembre 2013 a été aussitôt affecté en zone de combat en janvier 2014 comme chef du poste de Fotocol. Si peu formé pour une tâche si grande, il était exécuté six mois plus tard. Jamais vie n’a été aussi météoriquement gaspillée par un Etat qui ne fait rien pour la jeunesse. Et ce soldat de devenir malgré lui le symbole de cette armée aux généraux croulants sous l’âge, aux écoles de formation dans lesquelles on n’est admis que si l’on a tchoko*, aux grades que l’on n’obtient qu’a l’aide de corruption ainsi que les affectations. Donkeng savait-il tirer avec un fusil quand il a été envoyé au front comme chef d’un poste de combat ? Avait-il monnayé son admission à l’Emia, et surtout, n’avait-il pas pu monnayer son affectation ?

Le président en voyage à l’étranger

JK Donkeng était un enfant intelligent. Elève au collège de la Retraite, en quatrième, à treize ans, il achevait un roman, Les situations de Koube et écrivait des poèmes. Comment ne pas être sensible au sort de cette âme si froidement violée par un Etat dont le chef s’en fiche au point de ne pas être présent au moment où le corps de ce jeune écrivain devenu officier arrive dans la capitale. Imperturbable, le président poursuit son séjour à l’étranger alors que la guerre contre Boko Haram livre ses premiers cadavres de soldats à la jacassante capitale.

Donkeng a perdu la vie par manque de préparation. Le lieutenant s’est retrouvé jeté dans une zone de conflit, pratiquement désarmé ! Au fond, oui, il a été sacrifié, Donkeng, sacrifié par un Etat qui s’en fout de la jeunesse, par un Etat qui s’en fout de la patrie, qui s’en fout de la « guerre totale », et dont le président serait au fond bien satisfait de toujours monnayer la libération d’otages captifs, et ainsi se donner une soupape de survie plus longue et plus sûre dans la propagande festive des libérations orchestrées. Un jour, quand notre pays redeviendra habitable, peut-être que le nom Donkeng signifiera ce sacrifice perpétuel de la jeunesse camerounaise à un Etat fantomatique, cannibale et dont la fin marquera notre libération collective.

 

Bafou : Son village natal dans la région de l’ouest au Cameroun

EMIA : Ecole militaire interarmée

Tchoko : Expression camerounaise qui signifie « Corrompre », « Amadouer », « Monnayer »

Patrice Nganang

L’auteur est un écrivain et enseignant à l’université de New-York. Cette chronique a été censurée par le journal Emergence  dont le directeur de publication Magnus Biaga avoue avoir reçu « des instructions de l’Etat » pour ne pas « ramer à contre-courant » pour la lutte contre Boko-Haram.


Patrice Youmbi : « A la place de l’insuffisance rénale, je préfère le SIDA »

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Patrice Youmbi en séance de dialyse à l’hôpital général de Douala. Crédit photo: Tchakounté Kemayou

Patrice Youmbi est un camerounais la quarantaine sonnée. Il a la réputation d’être un combattant aguerri et perspicace. Il y a deux ans, son dynamisme vient d’être anéanti par une terrible insuffisance rénale, maladie jusque-là inconnue du grand public camerounais. Une maladie qui ceci de particulier qu’il rend l’individu complètement incapable de faire quoi que ce soit. Du combattant que Patrice était connu, il devient tout à coup un clochard. 

Patrice, est un jeune camerounais né dans les hautes montagnes de l’ouest Cameroun. La ville de Foumban l’a vu grandir. Les études primaires et secondaires effectuées dans la même ville lui donnent pas mal de facultés à intégrer trop tôt le monde du business. Adolescent de son état, même avant d’achever ses études secondaires il se donne pour mission de voler de ses propres ailes contrairement aux autres jeunes de son âge qui attendaient encore tout de leurs géniteurs. Mais, Pat, comme je l’appelle affectueusement, ne se fait pas prier pour trouver vite son autonomie. Orphelin de père, il s’habitue avec les caprices de sa tendre mère qui pour lui, représente un soutien incommensurable dans ce qu’il entreprend de faire. Pat est un garçon grand et robuste de nature. Une démarche de cow-boy, de combattant qui rappelle cette allure d’homme de combat démesuré. Intelligent et bosseur, il s’habitue à se libérer du cocon familial bien qu’étant sous le même toit avec sa tendre mère. Cet amour pour sa mère l’empêche de se séparer d’elle. Il vivra donc avec elle tout en étant un « garçon de la rue », comme on dit chez nous ici au Cameroun. De la friperie aux ustensiles, du charbon au cacao, de la chasse à la plantation… Pat a tout fait dans sa jeunesse. Fin limier dans les « négociations » de business, il ne résigne pas sur les moyens à mettre en jeu pour se trouver une place au soleil. En langage populaire camerounais, on dira de lui qu’il est un « attaquant ». Comme pour désigner les félins en pleine savane en train de chercher des stratégies pour avoir leur repas de midi. Il est habitué à ne pas avoir du repos. Il a vite fait de trouver qu’il était apte dans les affaires par son flair, futé dans les pièges à con et averti dans les méandres des pots-aux-roses.

Son activité florissante l’oblige à migrer pour la ville de Douala, capital économique du Cameroun. Il se découvre une passion presque fulgurante et se donne des objectifs dignes d’un jeune homme ambitieux de son âge. Du coup, l’idée lui vient d’immigrer. Pour lui, le Cameroun n’était plus le cadre idoine pour se déployer. Il immigre en passant par le Mali, le Niger, l’Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie, etc.

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Patrice Youmbi, amoindri par la maladie. Crédit photo: Tchakounté Kemayou

Sa robustesse et la résistance de son corps aux maladies fait croire aux observateurs et tout son entourage qu’il est presque invincible. Cette résistance lui donne des ailes d’homme super-résistant et de superman. Ses affaires qui commençaient à être florissantes le prédestinaient à un avenir radieux. Comme par surprise, la chute du baobab arrive toujours du côté où on l’attend le moins. C’est en Algérie que Pat commence à sentir des fatigues pulmonaires. On aurait pensé à une simple fatigue liée aux activités intenses qu’il menait sans repos. On aurait aussi cru à un cancer. Pat ne se reposait pas justement. Il n’a jamais connu de repos d’ailleurs ! Tous les examens qu’il fait ne permettent pas au vaillant combattant Camerounais de recouvrer sa santé. C’est une équipe de scientifiques en Algérie qui découvrent la méchante bête : l’insuffisance rénale. Les activités commerciales étaient suffisamment complexes et occupait la plus grande partie de son temps à tel point que Pat n’avait plus du temps pour lui-même. Un beau matin, Une sensation de fatigue s’empara de lui et commença à lui causer beaucoup de soucis. Après  plusieurs tours dans les hôpitaux, de multiples examens médicaux effectués signalent une anomalie appelée « rétrécissement d’urètre ». C’était une déclaration de guerre que Pat n’allait jamais imaginer, car il croyait dur comme fer que c’était une maladie qu’on pouvait guérir. Il prend donc son courage à deux mains et retourna au pays de ses ancêtres pour y subir des soins appropriés ; être auprès de sa famille et surtout auprès de sa tendre maman adorée.

L’anomalie en question a cette particularité qu’elle empêche la vessie de jouer pleinement son rôle d’épurateur. Les déchets secrétés par le corps et qui se reconstituent en urine en remplissant la vessie n’ont plus la possibilité d’être évacué. Conséquence, les urines font obligatoirement  chemin retour  dans  les reins et ceux-ci n’arrivent plus à assurer leur fonctionnement normal, à savoir assurer l’évacuation des déchets du corps vers la vessie sous forme d’urine. Il faut signaler que ce diagnostic (l’insuffisance rénale chronique) a été détecté après de longues périodes de maladie et de souffrances. La solution scientifique donnée  à ce  mal est l’accès de la victime à l’hémodialyse.

Pat, naïvement  se dit qu’il va se consacrer à sa guérison afin de reprendre ses activités commerciales d’antan. Il se met donc à la disposition de l’hôpital général de Douala qui est par ailleurs  le seul centre de dialyse de Douala. Une première opération de pose de cathéter d’urètre est faite en attendant une fistule pour la dialyse. Elle est constitue de deux séances par semaine de 120.000Fcfa par séance. C’est ce taux qui était en vigueur avant 2010. Il est pratiquement hors de portée pour le camerounais moyen,. Surtout que le SMIG qui s’élève à 32.000FCFA. Pat se ravise sur son sort et commence à comprendre que son destin était déjà scellé. Après 2010 donc, l’opinion publique proteste sur le coût exorbitant des séances de dialyse. L’Etat camerounais, grâce à la coopération internationale, a consenti à subventionner l’hémodialyse qui a finalement été ramené à 5.000FCFA la séance et cela jusqu’aujourd’hui. Sans oublier que les examens, les médicaments, les poches mensuelles de sang, et le suivi du régime alimentaire ne sont pas accessible à tout camerounais moyen pour ne pas dire pauvre. Les maigres économies et les espoirs de Pat s’envolent aussi rapidement en peau de chagrin. Commence alors le vrai calvaire de l’homme commerçant jadis fort et robuste.

Son combat de tous les jours s’est transformé en requiem. Cette maladie a pour particularité d’anéantir en mettant complétement hors de production économique ceux qui la portent. Le sens des affaires a cédé la place à l’humanitaire et aux activités de récolte des fonds pour sauver les malades. Ainsi, le premier challenge de Pat était de pouvoir surmonter ce handicap financier pour respecter les prescriptions médicales. Il ne pouvait le faire qu’en tendant la main à sa famille qui a vite fait de l’abandonner. Oui, ainsi va la vie ! Du grand baobab, l’insuffisance rénale peut vous réduire à presque rien. la survie du vaillant homme ne se réduit donc qu’à travers le concours de ses amis et quelques personnes de bonne volonté. Il a dû prendre des décisions de sa vie pour remettre les pendules à l’heure : il quitte son appartement, renvoie son épouse chez ses parents et va squatter chez un ami qui lui est cher.

Son programme en 24 heures peut passer presqu’inaperçu. La journée est ponctuée de visites et de rendez-vous à la recherche d’un éventuel soutien. Aux premières heures de la journée, entre 4h et 5h, la journée commence par une prière intense et dès 6h, il prend la direction du Couvent des prêtres catholiques où une prière quotidienne a lieu. De retour de là, il commence des méditations et des cogitations pour trouver l’astuce magique qui lui permettra « d’attraper » un billet de 5.000FCFA pour sa séance de dialyse. Généralement, je viens l’assister devant la boutique du coin que nous avons surnommée « Le parlement ». Une sorte de « Matango Club » où des « rixes » intellectuelles sont organisées pour meubler nos journées caractérisées par l’oisiveté aigue. C’est souvent là que Pat demande l’aumône. Ah ! La vie ! Quand je me rappelle de ce vaillant garçon qui faisait la pluie et le beau temps, qui faisait des caprices aux plus belles nanas de la ville, je ne peux que me remettre à un sort de destin fatidique. Aujourd’hui, Pat est réduit à la mendicité ! A la clochardisation. Aujourd’hui, du haut de sa quarantaine, il ne regrette qu’une seule chose dans sa vie : Ne pas penser plus tôt à avoir un gosse que sa tendre maman lui réclame comme un souvenir, car Pat est un homme qui est prêt de la tombe. « Pire même que le SIDA » : C’est de lui que je tire cette conclusion.  Quand on a une maladie qui vous met dans un état d’incapacité physique, mentale et psychologique, il devient difficile d’imaginer le malade penser à construire sa vie.

Pat est pourtant loin d’avoir perdu espoir malgré tout. Il ne peut compter que sur sa capacité personnelle à mobiliser les ressources de son carnet d’adresses et des personnes de bonnes volontés pour le soutenir dans son traitement, son combat de tous les jours. C’est donc un challenge important pour sa survie. Malgré la rechute due aux manquements constatés par les médecins, il arrive à se maintenir et à assurer le minimum, malgré tout.

La main est donc tendue…

Tchakounte  Kemayou