Crédit: Tchakounte Kemayou

Les chrétiens, la religion et moi

Nous sommes en, ce que les chrétiens appellent « semaine sainte », et Pâques c’est dans quelques heures. C’est justement l’occasion pour moi de clarifier certains points sur ma position par rapport au christianisme et à la religion en général.

Les chrétiens et le christianisme sont-ils en perte de vitesse ? Je ne saurai l’affirmer avec certitude car n’ayant aucun élément probant. Cependant, j’ai constaté que beaucoup parmi mes amis noirs Africains et chrétiens (et mêmes les musulmans) me vouent aux gémonies en lisant mes critiques. Mes diatribes antichristianismes en sont la cause. Ils se font tellement d’illusions sur moi et sur ceux qui les critiquent au point où ils finissent par devenir ce que je peux appeler « les colonisés repentis ». Il me revient aujourd’hui nécessaire de m’arrêter un peu. Ces illusions sont généralement dues au fait qu’ils se croient toujours au centre du monde comme à l’époque de la Rome antique. Au Cameroun, ne dit-on pas que l’église catholique connait les arcanes du pouvoir politique ?

Mes positions sur le christianisme concerne essentiellement des diatribes sur les comportements des chrétiens. J’ai tellement pris l’habitude de me marrer des contradictions que j’observe sur leur vie, leur vision et même certaines paroles de la Bible. Mes pamphlets ne plaisent pas à beaucoup qui réagissent violemment à mes publications sur les réseaux sociaux.

Pourquoi les chrétiens sont-ils allergiques aux critiques formulées contre la Bible, le « livre sacré », comme ils le disent eux-mêmes ? Le fait que la Bible soit considérée comme « sacré » suffit-il d’interdire la critique ? Au fait, qui a consacré la Bible de « livre sacré » ? Je présente ci-dessous trois idées fausses que les chrétiens se font en me lisant. A la suite, je donne quelques explications pour montrer comment leur béatitude n’est visiblement qu’une illusion.

Première illusion : critiquer le christianisme, c’est être un athée

Pour les chrétiens, critiquer les pratiques et les comportements des chrétiennes et des religieux, critiquer certaines passages de la Bible en les mettant en doute c’est être athée, ou encore c’est nier l’existence de Dieu. Les chrétiens sont toujours sur la défensive en pensant toujours que ceux qui les critiquent ne croient pas en l’existence de Dieu. Pour eux, Dieu se limite à la Bible et à Yéssu Christo (comme on l’appelle en Medumba’a, ma langue). Ainsi critiquer la Bible c’est nier Dieu, c’est être athée.

Je ne suis pas de la même philosophie athéiste que Michel Onfray même si j’épouse quelque fois sa démarche. Le philosophe s’inquiète par exemple de la perte de l’existence d’un surmoi. Pour lui, on assiste à la dissolution de la civilisation judéo-chrétienne en Occident. Cela s’explique par le fait que « nous sommes passés d’un monde de devoirs sans droits à un monde de droits sans devoirs« . C’est une position que je partage sans toutefois être athée comme lui.

Curieusement, cela n’empêche pas mes amis chrétiens à m’indexer d’être un athée. Ils sont convaincus d’être au centre du monde au point de penser que Dieu se trouve chez eux et nulle part ailleurs. Cette façon de se comporter me répugne parce que je suis contre l’extrémisme religieux (qu’on retrouve également ailleurs). Cette situation est d’ailleurs à l’origine des guerres les plus sanglantes dans le monde.

Deuxième illusion : être noir, Africain et critiquer le christianisme c’est être Kémite

Pour les chrétiens, lorsqu’un Africain critique le christianisme cela signifie automatiquement qu’il est kémite. J’aimerai préciser ici que je ne sais même pas de quoi il s’agit. Je n’ai jamais été à une école de Kémite, je n’ai jamais lu un seul ouvrage de Kémite de ma vie. Tout ce que je sais du kémitisme, ce sont des écrits que je découvre sur le net par hasard. Le kémitisme n’est pas un passé glorieux des personnes à pigmentation noire pour se hisser en race supérieure. C’est une philosophie basée sur la culture et la civilisation Egypto-nubienne pour construire son avenir. Donc, il faut éviter de me donner les qualités ou les titres que je n’ai pas.

Je suis d’ailleurs loin de m’identifier à un mouvement que la presse occidentale appelle « secte » en parlant de la tribu Ka. Dans un article publié en 2007, Kémi Seba avoue défendre les intérêts de sa race : « Nous défendons les intérêts des Noirs ». Je ne sais pas le lien que cette position a avec le kémitisme. Par contre, je trouve légitime qu’un peuple peut et a d’ailleurs le droit de se réapproprier et revendiquer ses origines, un héritage culturel et identitaire, s’il estime être bafoué.

Troisième illusion : Tchakounte n’a jamais été à l’église et se moque des chrétiens

J’ai été baptisé à l’église évangélique du Cameroun (je ne sais même plus en quelle année hein) comme tous les chrétiens « nés de nouveau », selon l’expression consacrée. Je ne suis pas un chrétien pratiquant pour des raisons personnelles, mais j’assume mon appartenance à cette obédience religieuse, malgré tout. Cette distanciation n’est pas seulement personnelle. Elle me permet de garder ma liberté et mon indépendance intellectuelle.

Ma distanciation vient du fait d’un constat assez curieux. A la différence des musulmans, les temples des églises se revendiquant du christianisme des tendances diverses sont florissantes. Quand on voit une mosquée, nul besoin d’identifier à une tendance particulière. Chez les chrétiens, on rencontre les noms bizarres sortis de l’imaginaires des promoteurs. Comment comprendre la naissance de ces diverses tendances créées sur la base d’un livre dont l’interprétation semble univoque ? C’est assez curieux tout de même, non ?

A la suite de ces curieuses illusions que les chrétiens collent toujours sur ma peau, j’aimerai maintenant faire des conclusions suivantes :

Quels sont les fondements de mes critiques contre les contradictions des chrétiens ?

Je ne me base sur aucun enseignement, aucune idéologie, aucune doctrine. Mon seul maître dans ma vie c’est ce que la philosophie m’a appris en classe de Terminale : c’est ce qu’elle appelle le « bon sens » et la « conscience morale ». Donc, pour moi, en religion, le cerveau doit primer sur le cœur. C’est ce que Jean-Jacques Rousseau appelait « instinct divin ». Une chronique de France Culture l’explique si bien. Cette disposition d’esprit évite souvent de se mêler aux scènes incroyables où les pasteurs sont pris pour des demi-dieux. Pour rien au monde, je n’accepterai ce que dit un pasteur si mon cerveau ne le conçoit pas.

D’ailleurs, je n’ai jamais compris pourquoi autant d’obédiences et de tendances religieuses chrétiennes et autant d’interprétations de la Bible. Pour un simple thème concernant le baptême, on rencontre des interprétations aussi diverses que multiples selon les tendances et les obédiences chrétiennes. Et chacune d’elle croit avoir la meilleure version et la meilleure interprétation. L’homme étant doté de la liberté de penser et de croire, on peut se féliciter de cette richesse de la diversité. Malheureusement, on ne peut pas se satisfaire totalement car, ce simple fait prouve à suffisance qu’il y a beaucoup de mauvaise foi dans la pratique de la religion en général.

Ce qui reste maintenant au chrétien c’est son bon sens et sa conscience morale. Attention, je ne parle pas de jugement, mais du bon sens. C’est en fait une présomption de bonne foi. Ce bon sens est ma posture idéologique, ma doctrine, c’est mon maître à penser, le juge de ma conscience.

Les chrétiens et les illusions culturelles du christianisme en Afrique

Depuis la sortie du livre « Nations nègres et culture : de l’Antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui » de Cheikh Anta Diop en 1954, les thèses sur les origines culturelles de la religion ont commencé à meubler les débats chez les Africains. Beaucoup d’Africains, et moi en premier, commencent à intégrer cette thèse selon laquelle la religion est un fait culturel comme le sont la langue, la musique, la danse, bref, l’art. Cette nouveauté a presque bouleversé les esprits, surtout ceux qui sont restés critiques.

Cette thèse constitue l’un des arguments forts de Cheikh Anta Diop et du Kémitisme. Est-elle venue mettre en difficulté le christianisme en Afrique ? Je n’en sais rien. Mais, ce que je sais c’est que toute personne critique et dotée de ce bon sens le comprend aisément. C’est donc à partir de la lecture de ce livre en première année sociologie à l’Université de Douala en 1998 que j’ai commencé à me poser des questions sur le christianisme.

Ce questionnement a pris de l’ampleur et s’enracine avec le temps. Dans la peur de perdre le terrain (je peux me tromper), les chrétiens ont décidé de jouer aux vatouts. Je me rappelle encore des écrits de ce prêtre jésuite et anthropologue du nom de Eric de Rosny. Il a séjourné au Cameroun pendant de longue année. Il s’est même intégré dans la communauté Duala au point de parler couramment cette langue. L’un de ses enseignements était de démontrer que le christianisme est d’origine africaine. Plusieurs chrétiens, pour se donner bonne conscience, postulent déjà sur cette hypothèse. D’autres vont même jusqu’à dire que Jésus était Africain, noir comme moi-ci là.

Qui vivra verra.

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Auteur·e

tkcyves

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