Crédit: tchakounte kemayou

Mesures barrières : la démystification des stéréotypes

Il existe dans l’opinion populaire au Cameroun, tout un discours développé autour des mesures barrières (masques de protection ou cache-nez, lavage des mains, distanciation sociale) contre la Covid-19. Les mesures gouvernementales pour la lutte contre le coronavirus sont mises en branle depuis le 17 mars 2020. Le masque, par exemple, est devenu l’objet quotidien le plus fréquemment utilisé. Au fil du temps, les stéréotypes se sont accrus et répandus quant à la nécessité du port de ce masque. Je suis allé à la recherche de tous ces discours les plus courants développés depuis un certain temps. Il est question ici de les démystifier afin de proposer des contre exemples sur le covid-19 ou coronavirus et ses mesures barrières.

J’ai déjà entendu tout un lot de discours sur les masques qui sont aujourd’hui devenus populaires. Il faut par ailleurs préciser que ces discours sont le reflet d’un contexte où la Covid-19 est toujours et encore considérée comme une fiction, malgré la réalité du désastre sanitaire. Pour se donner bonne conscience, les Camerounais trouvent des raisons pour ne pas respecter l’une des mesures barrières la plus importante : le port du masque ou cache-nez.

Mesures barrières n°1 : Le port du masque

Pourquoi les Camerounais ne font-ils plus attention à leur santé depuis l’apparition du coronavirus, en n’appliquant pas les mesures barrières ? Parce qu’ils étaient convaincus que le gouvernement avait levé les treize mesures instituées le 17 mars 2020. Nous venons donc d’apprendre, par la voix du Premier Ministre Dion Ngute, le 5 mars 2021, que ces mesures barrières n’ont jamais été levées. Il s’agissait plutôt d’un « assouplissement progressif », compte tenu de la « maîtrise de la pandémie ».

Les raisons culturelles

Pourquoi les camerounais ne portent-ils plus de masque (cache-nez) ? Les raisons sont multiples et diverses. Les plus récurrentes et répandues sont évidemment culturelles : « c’est l’affaire des blancs, ça ne nous concerne pas ». C’est un vieux discours que les gens tiennent depuis l’apparition d’un cas de la Covid-19 en mars 2020. Depuis cette date, il n’y a eu que des morts et le non-respect des mesures barrières en est la principale cause. Cette pandémie tue encore de nos jours. J’ai été à l’hôpital général de Douala pour une visite médicale me concernant. À mon arrivée, j’ai été surpris de voir les femmes en larmes, à l’entrée principale. Le coronavirus continue de faire des dégâts au Cameroun.

https://twitter.com/doualanow/status/1369234384633671685

L’un des discours culturellement forts est celui attribué à l’immunité des noirs au coronavirus. Certains sont même allés jusqu’à affirmer que « la saleté ne tue pas l’homme noir ». Ce genre de stéréotypes culturels sont légions. Ils sont construits sur de fausses informations, ou sur des illusions que les gens construisent. Ces illusions trompeuses peuvent induire les populations en erreur face à une réalité inébranlable.

Ces mesures barrières n’ont jamais été levées. Il s’agissait plutôt d’un « assouplissement progressif » compte tenu de la « maîtrise de la pandémie ».

Dion Ngute, Premier Ministre Camerounais, le 05 mars 2021

Ce type de discours est surtout l’apanage des thèses du panafricanisme, qui soutiennent mordicus que le coronavirus a été créé pour décimer l’Afrique. Comment peut-on insinuer à la fois que le virus a été créé pour décimer l’Afrique et en même temps affirmer que le coronavirus ne nous concerne pas ? S’il a été créé pour décimer le continent, c’est justement une raison suffisante pour que les Africains eux-mêmes prennent des dispositions pour s’en préserver. Ils restent tout de même accrochés à la thèse de l’immunité du noir, alors que les Africains et les Camerounais en meurent.  

Le manque de leadership 

J’ai demandé à un voisin les raisons qui le pousse à ne pas ou à ne plus porter son masque. C’est un voisin qui avait l’habitude de porter son masque chaque fois qu’il mettait le nez dehors. Mais, depuis un certain temps, il a baissé la garde et cela a attiré mon attention.

https://twitter.com/stevemoukam/status/1368634405678366729

Voici sa réponse : « Mais, mon type, on a les remèdes de Kleda, pourquoi le gouvernement ne lui donne pas les moyens ? Pourquoi le gouvernement ne vulgarise pas ce traitement ? Ces mêmes membres du gouvernement ne portent pas de masques. Tu as même vu les vidéos qui circulent sur Facebook ? Ils (les membres du gouvernement, ndlr) organisent les fêtes chez eux, ils assistent aux concerts. Il y a même des manifestations organisées partout dans le pays, pourquoi le gouvernement ne les interdit pas ? Pardon, je ne suis plus là ».

Il faut le déplorer tout de même : c’est un citoyen en colère contre son gouvernement et celle-ci est légitime. Cependant, en guise de réponse, il a été surpris que je n’entre pas dans son jeu. Bref, ma réponse a été toute simple : « En attendant de trouver des réponses à toutes ces préoccupations et ces manquements, tu fais donc comment pour te protéger toi-même en respectant les mesures barrières ? Si un ministre ne se protège pas, cela t’empêche-t-il de te protéger, toi ? ».

Je me livre assurément à une forme de communication difficile, face à une population qui manque de leaders. Celui-ci aurait un rôle primordial : celui de servir de guide. Comment faut-il donc faire en cas d’urgence pour sauver un tel peuple d’une pandémie qui sévit ? La seule chose qui reste à faire, c’est de dire à chacun qu’on ne se protège pas pour quelqu’un d’autre que soi-même. C’est un discours porteur et ça marche si on est sincère. Le respect des mesures barrières n’est quand même pas une chimère.

Mesures barrières n°2 : Le lavage des mains

Pourquoi les camerounais ne se lavent-ils pas régulièrement les mains ? Pourquoi ont-ils perdus cette bonne habitude qui était pourtant répandue depuis mars 2020 ? Le nouveau coronavirus ne les convainc pas de reprendre ce lavage des mains pour la seule et simple raison que, disent-ils, « l’eau et le savon disponibles dans les lieux publics ont subitement disparu ». Il faut néanmoins le décrier, ce dispositif de lavage des mains à l’entrée des espaces publics est devenu rare. Cependant, il existe une possibilité d’échapper à ce manquement : toujours avoir sur soi son tube de gel-hydroalcoolique.

Avoir un gel-hydroalcoolique toujours à sa disposition est vivement conseillé pour plusieurs raisons. La principale est qu’il devient très récurrent de toucher aux surfaces régulièrement fréquentées par le public. Je pense surtout aux poignées des portes (maisons, voitures ou taxi, etc.), aux pièces et billets de banque, aux téléphones portables, etc. Ce sont des surfaces que l’on est habitué à toucher quotidiennement. Et il faut donc penser à se laver les mains plusieurs fois par jour.

Le dispositif composé d’eau et du savon n’est pas toujours à portée de main. Le gel-hydroalcoolique présente donc comme une solution efficace pour pallier à ce manquement. Il existe des flacons de 25 à 100ml facilement dissimulables dans un sac à main, ou une poche de pantalon.

Mesures barrières n°3 : La distanciation sociale

Pourquoi les Camerounais ne respectent-ils pas la distanciation sociale ? Dans les files d’attente des rangs et sur les bancs, un écart d’un mètre au moins doit être respecté entre une personne et son suivant. Ça doit être la règle dans tous les espaces publics : commerce, hôpitaux, banques, guichets de paiement, etc.

C’est une discipline franchement difficile à respecter. Les marques qui étaient tracées au sol et sur les sièges depuis mars 2020 ont aujourd’hui disparu par l’usure du temps. Vivement que cette mesure soit respectée pour le bonheur de tous. Du coup, il devient pénible d’imaginer la distance d’un mètre, par exemple, pour éviter de se toucher les uns les autres.

La solution la plus efficace est de demander poliment à celui qui vous suit de reculer à une certaine distance. À ce niveau, on ne rencontre pas toujours de la riposte. Les gens s’exécutent gentiment. C’est toujours important de prendre les précautions personnelles au lieu de faire une fixation sur les marques de distanciation sociale qui n’ont pas été renouvelées depuis un an à peu près.

Dans cette histoire de distanciation sociale, la stratégie voudrait qu’on mette sa politesse à l’épreuve en faisant baisser la colère et l’affront pour dissuader l’autre. Cette stratégie d’affront n’est pas toujours gage du succès. Il faut plutôt privilégier la persuasion et la politesse.

La santé est individuelle

Pourquoi les taximen Camerounais conduisent toujours sans masque, et font toujours le « bêchement » (la surcharge), sans craintes ? Réponse : ils disent que le masque n’est pas nécessaire pour la simple raison qu’il n’y a plus de contrôles, comme ça se passait au début de la pandémie Covid-19 en mars 2020. J’ai toujours dit, à tous ceux qui me lisent et m’écoutent, que la santé est d’abord personnelle avent d’être publique. Si tu ne te protège pas, c’est toi qui vas en pâtir et non les gendarmes ou les policiers.

Pourquoi les Africains, les camerounais refusent de se protéger contre une pandémie parce qu’il n’y a plus de contrôle ?

C’est généralement le fait de la naïveté qui pousse à ce genre de comportements. À la moindre crise, les gens sont toujours surpris de constater que les hôpitaux n’ont plus de lits disposant d’un respirateur en bon état de fonctionnement. Pourquoi n’y a-t-il plus de place dans les hôpitaux alors que le coronavirus n’existe pas ? Le constat amer nous remet face à la réalité.

Nous ne devons pas perdre de vue que c’est chacun qui individuellement se protège et protège les autres

Dion Ngute, Premier Ministre Camerounais, le 05 mars 2021

C’est pour ça que chaque jour nous recevons les voices WhatsApp où des personnes qui ont perdu un membre de leur famille, pleurent.

J’ai passé toute mes journées de jeudi 11 et de vendredi 12 mars à subir le regard des autres. Pour quelles raisons, me demanderez-vous ? Pour la seule et simple raison que, figurez-vous bien, j’avais un masque ! Oui, une personne avec un masque au milieu d’une foule de personnes sans masques, ça devient, à la limite, bizarre. Mais, quand je sais, dans mon for intérieur, pourquoi je le mets, rien ne peut m’ébranler.

Il devient très difficile de supporter le regard des autres, je le sais. Je sais aussi ce qu’on ressent psychologiquement et moralement en tant que personne en situation de handicap. En plus de ces regards, j’ai même subi des moqueries du genre : « ah kah dit donc salut moi bien comme un bon Africain » ; « enlève ta chinoiserie que tu as mis sur la bouche là » ; « je dis qu’hein Tchak’s, tu n’es pas au courant que les masques bleus que tu portes-là contiennent des bactéries introduites par les Chinois ? ».

Quand je pense que dans tous les hôpitaux au Cameroun, c’est le masque bleu que le personnel hospitalier porte. Imaginons donc que tous les médecins Camerounais venaient à être exterminés à cause de ces types de masque. Les camerounais ont des raisonnements vraiment ridicules.

Et le Premier Ministre Dion Ngute l’a explicitement martelé le 5 mars 2021, pour rappeler les Camerounais à l’ordre en ces termes : « Nous ne devons pas perdre de vue que c’est chacun qui individuellement se protège et protège les autres ».

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Auteur·e

tkcyves

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