Un après-midi du 29 novembre 2015, beaucoup d’internautes, comme moi d’ailleurs, reçoivent sur leur fil d’actualité, une info donc la teneur suit : « J’ai le plaisir de vous annoncer que j’ai officiellement été nommé ce jour professeur au collège de France ». C’est un twitter du célèbre écrivain Alain Mabanckou. Excellente nouvelle ! Pourrait-on s’entendre dire. L’effervescence était donc à son comble.
La leçon inauguration tenue le 17 mars 2016 dans l’amphithéâtre Marguerite de Navarre de presqu’une heure a été axée sur « la littérature africaine francophone ». Une leçon donc le contenu n’a pas manquer d’émerveiller ceux qui ont eu la chance de l’écouter de fil en aiguille au premier rang desquels les Africains. C’est à la suite de ce discours inaugural qu’il est alors advenu d’admettre que la nomination du brillant professeur de littérature francophone à l’université de Californie de Los Angeles aux États-Unis à une chaire au Collège de France fait honneur à l’Afrique. Mais, de quelle chaire s’agit-il ?
Pour l’histoire, l’ancien Collège Royal fondé par François Ier en 1530 et devenu Collège Impérial avant de prendre le nom de Collège de France est une sorte d’université libre. Comme son nom l’indique, il est ouvert à tout public, expert au néophyte. Il est libre parce qu’on n’a pas besoin d’une inscription particulière pour assister aux cours. c’est donc une université non diplômante où sont dispensés des cours magistraux.
Le collège de France, dont la devise est « Docet omnia » (Il enseigne tout), est donc chargé de recevoir des savants appeler à enseigner des disciplines inconnues des grandes universités classiques. En France, ce collège est et reste alors, par excellence, un des lieux de la transmission des savoirs. Et depuis 2011, le collège, avec sa fondation Paris-Sciences et Lettres, s’est ouvert au monde et aux autres institutions universitaires pour avoir son mot à dire dans l’aura international de la science.
Pour ce qui concerne la chaire proprement dite, il faut dire qu’elle est considérée comme le poste le plus élevé en matière d’enseignement. On y compte donc des titulaires et des invités. Le Franco-congolais fait donc partie de ces derniers. A la suite de sa nomination, il n’a pas caché sa joie en déclarant au figaro : « C’est un grand honneur pour moi à double titre. D’abord parce qu’ils ont pensé à moi pour être le premier écrivain nommé à ce poste et ensuite pour cette ouverture vers la francophonie. Cela me permettra d’introduire dans ce temple, la littérature africaine ». Le mot est donc lâché ! Pour une première fois au Collège de France, un écrivain, de surcroît un africain, va y enseigner la littérature, qui plus est, la littérature africaine ! Oui, l’Afrique fera son entrée dans ce temple des savoirs. Du coup, l’extase a vite fait d’envahir plus d’un, surtout les africains, en commençant, bien sûr, par l’écrivain lui-même.
Ce n’est qu’après avoir suivi l’introduction d’Antoine Compagnon ce 17 mars que je me suis rendu compte qu’Alain Mabanckou ne bénéficiait qu’une chaire annuelle. Autrement dit, en français facile, l’Africain n’était considéré que comme un invité, ce qu’on appelle au Collège de France, « Professeur visiteur ». C’est donc pour cette chaire de professeur visiteur que l’Afrique et les Africains doivent s’extasier aussi pompeusement ? Une chaire bien différente de ce qu’ont occupé d’autres français comme Bergson et Foucault. Non, l’Afrique mérite mieux que ça, mes chers amis Français.
Depuis 1530 que le Collège de France existe, donc plus de 4 siècles et demi, le continent Africain, de par sa diversité culturelle, artistique et littéraire, tant vantée par les Senghor, Césaire, Dadié, Mongo Béti et autres qui ont mis en avant la langue française, n’a plus besoin d’une reconnaissance mais d’un statut. Cette richesse n’est plus à démontrer et contenter tout un continent qui a tout donné à la langue française, à la Francophonie j’allais dire, est une insulte. Sinon pourquoi fait-on toute une publicité sur une chaire visiteuse ? Pourquoi mes frères africains, intellectuels surtout et qui on atteint le sommet, jubilent soudain comme des mendiants à qui on jette des os pour dévorer, un gamin à qui on jette du gîte et du pain, des miettes à Paris ?
Il convient donc ici de dire avec force que cette attitude de jubilation au moindre morceau d’os est révélatrice de ce que les Africains ne se rendent pas compte, eux-mêmes, de leur propre valeur. Certains vont même considérer la nomination d’Alain Mabanckou comme un acte qui présage un avenir meilleur. Soit. Mais, c’est depuis l’époque de la Négritude, de la littérature négro-africaine, littérature engagée au temps des auteurs africains cités plus haut que la littérature africaine a atteint les cimes de la pensée. Contrairement aux États-Unis où un Kényan de 47 ans est devenu président du pays le plus du monde, la France reste toujours convaincue qu’elle a affaire à un continent de complexés.
Ces complexés qui, justement, trahissent le mal-être pour se complaire aux miettes qui ne vont que susciter l’appétit racial de ceux qui pensent avoir la science infuse.
Pour une première fois qu’un écrivain, qu’un africain ira enseigner la littérature Africaine francophone au Collège de France, n’était-ce pas suffisant pour accorder à Alain Mabanckou une chaire de titulaire ? Non, j’allais oublier qu’Alain est un Noir. Pour une chaire de littérature en langue française, à quelques jours de la journée internationale de la discrimination raciale, la meilleure manière de reconnaître l’immensité de l’oeuvre des des écrivains Africains est-il de lui attribuer une chaire de visiteur ?
Tchakounté Kémayou
Commentaires