L’histoire remonte en mai 2014 quand je suis au parfum d’une histoire de trafic d’enfants par Christiane Oto, présidente d’une association La Perche. Puis, en novembre 2014, je suis invité à une conférence avec pour objet « trafic d’enfants ». C’est donc l’association Cameroon Ô’Bosso qui m’invite à une projection de vidéo. Celle-ci met à nu le phénomène de trafic d’enfants qui défraie la chronique depuis belle lurette. A la suite de la vidéo, quelques témoignages des victimes qui sont venues relatés les faits. C’est au cours de cette projection que je découvre que le trafic d’enfants est un phénomène courant. Je veux dire, un commerce juteux.
Mais, le cas le plus frappant est celui de Madame Kileba qui était à la recherche de ses deux enfants depuis 1997. J’étais scandalisé. Je ne m’en revenais pas de savoir qu’un phénomène aussi gravissime ne fait jamais la une de l’actualité. Heureusement, les réseaux sociaux sont là pour nous plonger dans la nasse du trafic d’enfants. Un collectif, à l’occasion, a été mis sur pieds. Son objectif est d’être un réseau d’alerte systématique de vol de bébé.
Ce jeudi 8 mai est un jour mémorable. Un grand jour. Les fruits de la lutte acharnée contre le trafic d’enfants est déjà visible. Etant sur le coup de l’émotion, je vous laisse découvrir l’extase qu’a laissé échappé mon frère et ami journaliste Gérard Philippe Kuissu que j’ai eu l’occasion de connaître à travers ce combat. Ces écrits, comme un compte rendu, relate bien l’émotion qui nous domine en ce moment. Lisez plutôt :
Il y a des joies qu’on n’étouffe pas. Et l’affaire Kileba en est une. 20 ans après que ses deux enfants aient disparus comme des épingles, elle retrouve l’un deux.
Bref rappel des faits sur le trafic d’enfants :
Il y a 20 ans, Dame Kileba est atteinte de tuberculose. Pour se soigner et afin de ne pas contaminer ses deux jeunes enfants, elle les laisse dans un orphelinat. Et leur rends visite régulièrement. La suite c’est qu’un matin, elle découvre que ces deux enfants n’y sont plus. Catastrophe.
Elle cherche, cogne aux portes. Va au ministère des affaires sociales, écrits aux évêques, aux ministres, au SED, aux généraux, au DGSN, au PM… Rien. Une trentaine de correspondances, même aux instances nationales et internationales. Rien.
Elle sera interdite d’accès à l’orphelinat comme une malpropre. Elle sera insultée et vilipendée par les cadres du Ministère des affaires sociales. Ce ministère et de nombreux cadres seraient impliqués dans le trafic d’enfants et de bébé en particulier. De grosses familles à Yaoundé sont impliquées dans cette barbarie pestilentielle qu’est le trafic d’enfants.
Comment SOS Enfants Volés voit le jour
De guerre lasse, Madame Kileba eu l’idée géniale de se tourner vers une autre dame au grand cœur, KAH WALLA, présidente d’honneur de l’association Cameroon Ô’Bosso et présidente du parti politique Cameroon People Party (CPP). La Présidente l’écoute. Et décide d’agir.
En manager et fin tacticienne, elle avait compris avant nous tous l’importance et le poids de ce combat qui va durer trois ans. Son association Cameroun Ô’Bosso va prendre le dossier et réunir une cinquantaine d’associations de la société civile et des personnalités. Le TRIBUNAL ARTICLE 53 que je dirige est de la partie. C’est comme cela que je suis au commencement de l’affaire ! Un vaste et colossal travail sera fait. Lobbying, communication, marches, conférences de presse, distributions de dépliants, confection d’un documentaire. La présentation du documentaire sera même interdite par les autorités.
Les témoignages édifiants de trafic d’enfants
Durant les rencontres, les témoignages sont émouvants. Ils vous arrachent des larmes, vous enragent… Des verrous vont sauter, le collectif SOS Enfants Volés met à nu le trafic d’enfants et on dénombre des centaines de cas par an passé sous silence. L’impunité règne en maître. La mafia tourne, le business marche sur les larmes des familles.
Je me souviens encore du témoignage d’une dame : « Je vis au Gabon avec mon Mari et j’ai un enfant de 2 ans et je suis venu au Cameroun accouché. Mais on m’a volé un enfant… Que vais-je dire à mon mari, à ma famille ? Je rentre avec un bébé… Depuis 6 mois, je cherche, je me bats… ». Elle fondit en larmes.
Et un autre témoignage d’un homme qui disait : « ce qui me fait mal c’est que depuis que j’ai déclaré à la police la disparition de mon enfant, personne ne m’a jamais demandé quoi que ce soit. La police n’est jamais venu me voir, ou me convoquer… ».
Les âmes de bonne volonté se joignent au combat
La Ministre des affaires sociales reçoit le collectif. Des avocats, des experts entrent dans le jeu. Le Collectif, Me Tchakounté Charlotte, et d’autres vont mettre en marche une machine puissante. Celle-ci va de plaidoiries en plaidoiries engranger des victoires. Il sera établi que les enfants avaient été volés, leurs traces retrouvés.
Des négociations sont faites. Les enfants ne savent pas qu’ils ne sont pas avec leur mère biologique. Aujourd’hui, l’aîné, le garçon a retrouvé sa mère biologique en compagnie de sa mère adoptive et des membres du collectif dont Me Tchakounté.
Au moment de cette victoire, après 3 ans d’âpres combats pour nous et 20 ans pour Mme Kileba, il faut souligner que c’est une victoire de la société civile.
Je vous passe les détails sur les menaces, les intimidations.
Je vous passe les détails sur les scandales découverts.
Je vous passe les détails sur la condescendance, l’immoralité, le vice, les insultes des fonctionnaires qui volent deux enfants et maltraitent, animalisent la mère biologique.
Un crève cœur.
Et le combat continue…
Une insensibilité à la douleur d’autrui que l’on ne retrouve que chez les animaux sauvages. La patience et le courage du collectif ont payé. Mais aussi j’ai une pensé émue pour Georges Ekona et tout son staff qui n’ont ménagé aucun effort pour cette cause.
Je suis hyper admiratif de leurs efforts. Et, il me souvient que moi-même incarcéré au SED, il n’avait pas attendu ma famille ou l’argent pour intenter une action judiciaire pour moi. Il est juriste, il a fait ce qu’il avait à faire.
Comment ne pas saluer l’action de cette dame, Me Tchakounté, qui s’est investie pieds et mains liés dans cette cause, celle qui de mon point de vue a donné une dimension de force et de percussion au Collectif.
Au moment de partager cette joie, je salue le courage de Mme Kileba qui a crut jusqu’au bout. 20 ans pour revoir ses enfants dans la ville de Yaoundé. Elle retrouve donc son aîné, en attendant que la fille, la cadette et sa famille d’accueil soit préparées pour cette rencontre.
Happy end ?
Pas seulement. C’est la victoire d’une société civile que l’on qualifie d’inexistante. Moi je dis ESPOIR, PATIENCE, PERSÉVÉRANCE, et… union dans l’action. Une démonstration pratique pour la jeunesse : les vraies victoires se construisent dans la durée avec la sueur et/ou le sang.
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