Crédit: DRSPL (Douala)

Pourquoi le choléra existe encore à Douala ?

Le choléra existe bel et bien à Douala, dans la région du Littoral. Une deuxième phase de vaccination contre le choléra vient de s’y achever, où je réside. Après la première phase de la campagne de vaccination du 1er au 14 août 2020, la seconde s’est déroulée du 25 au 30 mars 2021. Deux autres régions étaient ciblées : le Sud et le Sud-Ouest. Les équipes de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) pour le Cameroun et le personnel de la santé de la région du Littoral basé à Douala étaient sur le terrain.

Pour mener à bien cette campagne contre le choléra, ils étaient appelés à administrer une ou deux doses de vaccin anticholérique à 366.320 personnes âgées d’un an et plus. Ce sont les populations dont les zones cibles sont réparties dans quatre districts de santé et dans dix aires de santé.

Districts de Santé (DS)Aires de Santé (AS)
New-Belle, Japoma, Bonassama et NylonNew-bell Bamiléké, Youpwe, Mbam Ewondo, Nkolouloun, Sebenjongo, Makéa, Bwang, Soboum, Mabanda et Bonassama
Tableau n°1 : populations cibles pour la vaccination anticholérique dans la région du Littoral.
Source : DRSPL (Douala)

J’en ai profité pour mesurer l’état de la situation du choléra dans la ville de Douala. Cela m’a permis de constater l’ampleur des dégâts, dans cette ville économique, et cosmopolite.

Ces types de questions sur l’existence du choléra à Douala semblent anodines. Elles témoignent pourtant de l’ampleur des dégâts. Ce qui est généralement mis en cause, c’est justement l’indiscipline urbaine. De quoi cette indiscipline est-elle l’origine ? D’aucuns diront qu’elle est le fait de la méconnaissance ou de l’ignorance. Et d’autres feront allusion à de l’inconscience ou à de la négligence, tout simplement. Les exemples sont légions sur l’un et l’autre cas. En plus d’un bilan sur cette deuxième phase de la vaccination à Douala, je vais vous présenter quelques-uns de ces exemples.

Le vaccin anticholérique (contre le choléra) à la place du vaccin anti-covid19 ?

Douala fait face au danger du choléra, en pleine période de la deuxième vague de la pandémie de Covid-19, apparue depuis janvier 2021. L’urgence d’une campagne de vaccination anticholérique s’est imposée avec la résurgence de « dix cas suspects de choléra qui ont été enregistrés dans la ville de Douala dont un décès communautaire ». C’est ce qu’annonce la Délégation Régional de la Santé Publique pour le Littoral (DRSPL) dans son bulletin d’information pour la circonstance du 22 mars 2021.

Pourquoi la priorité sur la vaccination contre le choléra ?

Cette campagne (vaccination anticholérique) arrive juste au moment où le monde entier est mobilisé pour la vaccination anti-Covid-19. A cet effet, le Cameroun attend, par la voix du ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, l’arrivée de sa cargaison de vaccins contre la Covid-19. La commande de ce vaccin anti-Covid-19 suscite d’ailleurs des polémiques au Cameroun. La pandémie de la Covid-19 n’a pas encore fini de mettre l’opinion africaine et camerounaise en émoi, et le vaccin ne facilitera pas la tâche non plus.

C’est donc dans un contexte difficile et tendu dans l’opinion publique que cette campagne de vaccination anticholérique interviendra. Ce chevauchement entre les deux campagnes laissera encore persister le doute sur la « théorie du complot » et poussera l’opinion à insister sur les illusions qu’elle se fait sur l’existence de ce virus. Ce climat entraîne donc la méfiance et la prudence, bien que justifiée, des populations vis-à-vis de tous les vaccins.

Différence entre vaccin anti-Covid-19 et vaccin anticholérique

Cela fait partie d’un contexte que l’administration publique et le personnel de la santé ont eu l’occasion d’affronter. Face à ce climat de résistance, les populations ont donc perçu l’arrivée du vaccin anticholérique comme une manière déguisée de leur administrer le vaccin anti-Covid-19. La communication communautaire, qui semblait d’ailleurs complexe voire impossible au départ, s’est avérée souple malgré la persistance des résistances.

Pour le fin mot de l’histoire, il a suffi d’expliquer, à ceux qui ont bien voulu prêté une oreille attentive aux équipes de sensibilisation sur le terrain, que le vaccin anticholérique est une prise orale, contrairement au vaccin anti-Covid-19 qui se fait par injection. C’est probablement cette astuce qui a permis de sauver cette campagne.

« Nous sommes habitués à la saleté »

C’est une révélation et un aveu fracassant d’échec dans leur quête de bien-être. Pour éviter d’être jugé par leur conscience, les populations se considèrent comme déjà immunisées contre les maladies, à cause de la saleté dans laquelle ils doivent vivre. Douala est une ville cosmopolite et obscurcie par la mauvaise organisation de ses habitations. Ainsi, les zones marécageuses à ciel ouvert sont encore le lot quotidien des habitants de Douala. La promiscuité règne toujours, malgré l’évolution des normes en matière de construction. Il suffit d’ailleurs d’une simple pluie diluvienne pour mettre à nu la gangrène de ce désordre urbain.

Les habitudes ont la peau dure

Le comble est que les populations ont fini par s’y habituer, au point de croire que le vaccin ne leur servirait à rien. Les marécages, les mangroves, la drainée des eaux usées de ménages et des eaux de pluie, polluent l’eau des puits. Ces quartiers utilisent cette eau pour divers usages : toilettes, ménages, cuisine et alimentation. Ainsi, la consommation de ces eaux et des aliments souillés exposent aux risques de choléra.

Parler de choléra dans une ville comme Douala, considérée comme le poumon de l’économie du Cameroun, c’est avouer qu’elle est la ville la plus sale du pays. En tant que capitale économique, ces clichés montrant le visage hideux et moyenâgeux de Douala ne font pas seulement frémir : ils laissent les observateurs pantois. Comment le choléra peut-il apparaître à Douala, une si belle ville avec de si beaux immeubles ? Les belles maisons qu’on voit tous les jours ne sont que l’arbre qui cache la forêt.

Douala est véritablement une ville sale où ses habitants prennent le risque de s’y plaire. Pire encore, elle s’illustre par une indiscipline qui ne dit pas son nom en obstruant les passages des eaux sales par leurs constructions hasardeuses.

Faut-il désespérer pour autant ?

Peut-on, à la fois, s’exposer par l’indiscipline en mettant également sa vie en danger ? Est-ce que la survie mérite-t-elle qu’on prenne des risques, au prix de la mort ? Quant à moi, je me risquerai à poser la question suivante : cette insouciance vaut-elle vraiment la chandelle ? Autrement dit, peut-on prendre le risque de sensibiliser des gens qui semblent n’être pas du tout prêts à remédier à la situation sanitaire ? Ce sont des questions qui ne manquent pas d’intérêts. Comme dirait un adage, « on ne perd rien à essayer ».

Pour reformuler la question plus simplement, faut-il abandonner la lutte contre le choléra parce qu’on aurait à affronter des résistances ? Peut-on risquer sa vie (oui, puisqu’il s’agit de ça aussi) pour sauver celles des autres ? Ces questions n’ont plus de sens si l’on considère sa mission comme relevant de l’humanitaire. Ceux qui ont besoin d’aide peuvent ne pas toujours avoir conscience des risques de l’environnement, malgré leur bonne santé apparente. C’est justement ce à quoi les équipes de vaccination devraient s’attendre au cours de cette campagne. Les chiffres sont les seuls à témoigner de son efficacité.

Le bilan de la 2ème phase de la campagne contre le choléra

Cette deuxième phase se termine à la fin de la journée du 30 mars par un regain d’espoir. En analysant les statistiques fournies par le Bulletin d’informations de la Délégation Régionale de la Santé publique du Littoral, la campagne de sensibilisation à mi-chemin a-t-elle reçu un écho favorable ? Je dirais qu’il est difficile de répondre à cette question pour le moment. Cependant, il est cependant possible de faire des estimations et de mener une analyse de la portée de la campagne en terme de communication à Douala.

DistrictsMénages visitésPersonnes sensibilisées
Bonassama14.65730.628
Japoma1.2572.123
New-Bell26.79250.367
Nylon8.51317.373
TOTAL51.219100.491
Moyenne10.24420.098
Tableau n°2 : Distributions des fréquences sur le ménages visités et les personnes sensibilisées.
Source : DRSPL (Douala).

La complétude journalière de la campagne est de 75%. Ce qui lui donne une note positive au-dessus de la moyenne. En termes de statistiques cumulées des ménages visités et de personnes sensibilisées, le tableau suivant, montrant des fréquences cumulées, donne l’ampleur général de la sensibilisation dans les quatre zones cibles.

Grâce à tableau bilan sur la deuxième phase de la campagne de vaccination contre le choléra à Douala, on peut voir les moyennes des ménages visités (10.244) et des personnes sensibilisées (20.098). Tout cela nous donne un ratio de 1,96.

Pour ce qui concerne la gestion des refus, le taux se situe autour de 33,22%. Il est en hausse par rapport à la première phase. Quant à la vaccination proprement dite, la progression moyenne affiche 6,49%. Mais prise individuellement, les quatre zones cibles sont au-dessus de la moyenne, et celle de Japoma bat le peloton. En termes de couverture, les statistiques affichent un taux de 29,32%.

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Auteur·e

tkcyves

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