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« Panama papers » : une cabale trompe l’œil ?

Pour boucler cette série de billets consacrés essentiellement aux explications et mécanismes sommaires et élémentaires du vaste champs du système de l’offshoring, le temps est venu de mettre en exergue ce qu’on pourrait appeler la médiatisation excessive ou la surmédiatisation d’un phénomène presque banal. C’est malheureusement la triste conclusion après avoir démystifier toute l’alchimie complexe de l’univers du concept de l’offshore présenté depuis le dimanche 3 avril 2016. Les questions fusent alors pour comprendre les raisons de cette médiatisation tout azimut. Avant de répondre à cette question, il faut mettre en exergue quelques implications suite à la publication des noms issus des documents archives du cabinet Mossack Fonseca.

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Quelques couacs et conséquences des Panama papers

Depuis le 3 avril, les sites des journaux français les plus célèbres (Le Monde.fr, L’express.fr, Libération.fr, Le Figaro.fr, etc.) publient, en temps réel, les infos du monde sur les implications causées par la publication de cette fameuse liste révélant des personnalités politiques, économiques, sportives et artistique. Preuve que Panama papers est en train de faire ses effets.

Les réactions suite à cette publication des noms des personnalités sont plus ou moins froides selon les pays concernés (205 au total). Elle a, cependant, soulevé un tollé général particulièrement vif dans certains pays européens comme la France, l’Islande, le Royaume-Uni, l’Australie, l’Espagne, etc. Les autres pays révélés par les médias comme la Chine, la Tunisie, le Maroc, l’Afrique du Sud, le Congo, et les États-Unis, par exemple, sont restés de marbre jusqu’ici. À croire que cette crise est presque voire totalement inexistante.

Le bilan de cette publication, politique, économique et sportif, loin d’être à son épilogue, fait déjà des malheureux. Sans la prétention de l’exhaustivité, voici quelques cas les plus médiatisés des conséquences déjà enregistrées des Panama papers :

En politique :

Le président ukrainien Petro Porochenko en mauvaise posture à cause des députés ukrainiens prêts à engager une procédure de destitution acculé, le Premier ministre islandais a déjà démissionné ; David Cameron sous pression avec son père Ian Cameron qui est mentionné dans l’affaire. Selon The Guardian, le père dirigeait un fonds d’investissement basé aux Bahamas, Blairmore Holding via le cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca ; sans oublier que le FN en France est éclaboussé de plein fouet.

En sport :

L‘Uruguayen Juan Pedro Damiani a déjà démissionné de la commission d’éthique de la Fifa ; l‘actuel président de la Fifa, Gianni Infantino, se trouve indexé dans un contrat sur les droits de TV de la Ligue des Champions en 2006 et 2007 ; l‘avocat de Lionel Messi a déjà été saisi, comme l’indique la famille du footballeur, afin de poursuivre les médias concernés pour diffamation ; tandis qu’en Formule 1, les réactions du pilote Allemand Nico Rosberg et de sponsor, l‘écurie Mercedes cités dans cette affaire, comme nous le révèle la chaîne publique allemande ARD, reste toujours attendues

En économie :

Les banques et les entreprises indexées à travers des soupçons longtemps nourris par la rumeur sont sur la sellette et le viseur du fisc et de la justice les médias italiens se penchent déjà sur le cas de 800 entreprises figurant dans la listes et indexées par le fisc ; 600 entreprises israéliennes sont impliquées ; 5 banques françaises donc La Société Générale qui possède 979 sociétés offshore sont mal en point et sont pointées du doigt par Bercy ; 28 banques allemands dans le viseur du fisc ; lAustralie a vient de lancer des investigations sur 800 entreprises domiciliées chez Mossack Fonseca.

Au-delà des conséquences énumérées plus haut

Sous le plan idéologique, le bilan des Panama papers a une double facette : du fait que l’origine du financement de l’enquête soit anglo-saxon d’une part et du fait qu’on note, dans cette liste, la présence du nom du président chinois Xi Jinping et de ceux de personnalités proches du président Russe, Vladimir Poutine qui relayés avec tambour et trompette par les médias. Même si certains noms des personnalités anglo-saxons, fidèle aux États-Unis, sont présents, il n’en demeure pas moins vrai que le camps de ceux qui s’opposent, « géo-stratégiquement » aux Américains, est visé, comme le témoigne cet article où Poutine voit déjà la main des Etats-Unis. Vue sous cette angle, cette analyse relèverait alors d’une des stratégies de déstabilisation.

Ce système de société offshore, concept fondamental en matière de développement en économie libérale est donc une pratique courante. Ces médias font comme si c’était étrange ! La fuite des infos provenant du cabinet Mossack Fonseca ressemble un peu au cas d’une femme infidèle qui se fait prendre : elle se fera évidement huer par les autres femmes infidèles, non pas parce qu’elle a trompé son mari, mais parce qu’elle a été assez idiote pour se faire prendre.

En réalité, tous ces blabla autour de la fuite sont simplement une comédie pure, car c’est cela le comportement normal de toutes les multinationales, notamment en Afrique, à travers leurs filiales disséminées dans le monde. dans le but de permettre à ses clients de bénéficier des avantages liés à la taxe d’imposition, par exemple. Ce qui n’est pas condamnable compte tenue de la loi du marché en économie libérale. Moralement, cependant, cette pratique est un délit pour le simple fait qu’elle constitue un abus de droit.

Une économie mondiale peut-elle fonctionner sans sociétés offshore ?

Une question simple appelle une réponse simple : non. Sans paradis fiscal certains types de business disparaîtraient : les compagnies ariennes et maritimes, le trading de produits agricoles, de matières premières, minérales, etc. Le problème, c est l’usage des paradis fiscaux aux fins de blanchiment d’argent, d’évasion fiscale en minorant les bénéfices, de blanchiment de capitaux illicites. Hélas, ce sont des fléaux contre lesquels les pays Africains, comme le Cameroun, n’ont pas les moyens de lutter.

S’il est difficile d’y échapper, que vont alors faire les pays pauvres, particulièrement les pays africains pour lutter contre ce phénomène de blanchiment d’argent par exemple ?

Pour ne pas conclure définitivement ce dossier si cher désormais aux pays soucieux d’assainir leur assiette fiscale, disons que la différence qui existe entre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent est la suivante : pour effectuer l‘évasion fiscale on se sert de la fonction « fiscale » souple de certains pays, et pour effectuer le blanchiment on se sert de la fonction « juridique ». Autrement dit, pendant que l’évasion fiscale se sert du faible taux de l’imposition, le blanchiment d’argent se sert, entre autres, du secret bancaire, de l’absence de lois sur le blanchiment d’argent. Pour mener la lutte contre les sociétés écran, il faut des lois internationales et universelles dans la lutte contre les trafics.

Le scandale des Panama papers montre aux yeux du monde que les cibles principalement des personnalités de la haute sphère du pouvoir, ceux qui détiennent le pouvoir de décision. Du coup, les pays Africains ne peuvent que profiter de l’action des autres pays riches, aussi victimes, dans la lutte contre ce fléau avec le concours de l’OCDE. Cet organisme a, par exemple, lancé, avec le Cameroun, plusieurs initiatives : l’échange des renseignements à but fiscal et la mise en place d’une unité spécialisées sur les prix de transferts.

Hâlte donc, à la surmédiatisation !

Tchakounté Kémayou

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tkcyves

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