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Le Cameroun redevable au Festival de Cannes

Le cinéma camerounais est mal en point depuis la fermeture des salles de cinéma dans les grandes villes : Yaoundé, Douala et Bafoussam. Depuis plus de deux décennies, les camerounais ne connaissent plus ce qu’on appelle film et ne doivent se contenter que des salles inadaptées, des salles des Instituts Françaises (IF) de Yaoundé et Douala pour regarder un film en diffusion au Cameroun ; ou encore se contenter de visionner les téléfilms diffusés à travers les chaînes câblées grâce aux initiatives privées. Depuis que cette situation de crise du cinéma camerounais perdure, c genre d’initiatives privées se sont multipliés pour faire revivre le cinéma camerounais en perte de vitesse.  C’est dans cette logique que le jeune camerounais vivant en France du nom de Justin Tousside a eu l’idée, en 2011, de vendre l’image du cinéma camerounais aux festivals de Cannes. Selon une information diffusée par l’association RJC (Rassemblement de la Jeunesse Camerounaise) dans son blog, le Cameroun possède une ardoise de 29.475.000FCFA à régler aux festivals de Cannes. Que s’est-il passé ?

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Le cinéma « Le Wouri » à Douala est fermé depuis plus de 10 ans. Crédit photo: Google

Justin Toussido, par cette initiative, voulait parvenir à terme à la création d’un studio de cinéma camerounais. Ce projet avait aussi comme pour ambition d’inciter des promoteurs privés à s’investir pour la réouverture des salles de cinémas ne serait-ce que dans les grandes métropoles. Le jeune Justin Toussido présentera un projet en écrivant au président de la République via le Cabinet Civil de la Présidence. Le ministère mieux placé pour gérer cette affaire est bel et bien le Ministère des Arts et de la Culture. Ama Tutu Muna va s’entourer des cadres de son département ministériel, notamment du Directeur chargé du cinéma, sans oublier le cinéaste Bassek Ba Kobio. Depuis 2011 donc, des fonds sont débloqués par l’Etat camerounais pour tout le festival de Cannes qui réclame une ardoise de presque 29.475.000FCFA de non payé jusqu’à nos jours. Nous sommes donc, jusqu’à nouvel ordre, « persona non grata au Festival de Cannes », selon les mots de Sismondi Barlev Bidjoka, le porte-parole de cette association qui a alerté le public sur cet autre détournement des deniers publics devenu le sport favori des gouvernants au Cameroun.

Dans un contexte de crise du cinéma camerounais où les camerounais qui se débrouillent pour faire exploser leurs talents sont presque à la clochardisation alors que presqu’une trentaine de million vient d’être jetés par la fenêtre. Nous sommes sans ignorer la situation de misère avec laquelle les talentueux professionnels exerçant dans le cinéma et les métiers connexes au Camerounais doivent aller quémander les subventions chez les mécènes qui ne peuvent venir que de l’Occident. Cette situation a alors pour conséquence de mettre les cinéastes camerounais presque la merci des exigences de ces barons de la finance du cinéma. Cette situation laisse interrogateurs certains observateurs et analystes qui s’offusquent en se demandant « Combien de nos cinéastes sont obligés d’adapter leurs scénarios aux goûts des bailleurs de fonds et du publique européen au détriment de l’expression authentique de notre culture et de nos réalités locales ? Combien sont obligés de se prostituer aux fameux centres culturels français, ne serait-ce que pour pouvoir projeter leurs productions contre quelques centaines d’euros ? » (Roufaou Oumarou).

Pour mémoire, Roufaou Oumarou se souvient justement d’un projet du Ministère des Arts et de la Culture dénommé « Shoot Cameroon » qu’on avait vendu aux Occident à Cannes et dont l’objectif était justement de créer l’émulation des talents autour du 7ème art et par ricochet « inciter les producteurs Occidentaux à venir faire un tour au Cameroun découvrir la nature, le paysage, les opportunités qui présenteraient des bonnes prises de vue. Evidemment, le Cameroun aurait profité de cette opportunité pour être le site des tournages de films. Au lieu donc de gaspiller de l’argent pour des consultances, des voyages, des salaires, des hôtels, etc. on aurait pu utiliser cet argent pour relancer au Cameroun, des investissements bien ciblés à travers des aides. Peut-être le cinéma camerounais aurait-il eu la chance, à travers ces aides ciblées vers les acteurs eux-mêmes, de se remettre debout après tant de crise. Et à Roufaou Oumarou de s’offusquer en s’étonnant : « Maintenant l’argent est parti, on est toujours nulle part, et les dettes s’accumulent. Comment un professionnel comme Basseck Ba Kobio peut-il se faire complice de ce genre de forfaitures ? »

Dans L’esprit des Lois, Montesquieu ne disait-il pas que : « Lorsque le trésor public devient le patrimoine des particuliers, la république devient une dépouille et sa force n’est plus que le pouvoir de quelques citoyens et la licence de tous » ? C’est donc pour cette raison qu’avec ce régime de Yaoundé, l’argent du contribuable ne sert pas les intérêts du peuple et celui-ci ne doit son salut que, soit par les initiatives privées, soit par l’étranger.

Tchakounté Kemayou

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tkcyves

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