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Cameroun : les enfants handicapés ont aussi droit à la rentrée scolaire

C’est devenu une coutume au Cameroun. À l’occasion de chaque rentrée scolaire, tous les enfants de toutes les couches sociales, orphelins ou non, handicapés ou non, sont mis dans le même panier. Inutile donc de se poser la question de savoir ce que l’État et ses institutions ont prévu pour donner la chance à tous d’être scolarisé. La loi N° 2010/002 du 13 avril 2010 portant protection et promotion des personnes handicapées, stipule, pour ce cas précis, que : « (1) L’État contribue à la prise en charge des dépenses d’enseignement et de première formation professionnelle des élèves et étudiants handicapés indigents. (2) Cette prise en charge consiste en l’exemption totale ou partielle des frais scolaires et universitaires et l’octroi des bourses » (Article 29).

Que personne ne s’y méprenne sur cette loi qui démontre moins la volonté que l’acte lui-même. Elle n’a pourtant jamais fait l’objet d’une observation ou d’une prise de conscience par le ministère des Affaires sociales, l’institution chargée de veiller à la solidarité nationale. Comme entre autres missions, il aurait été intéressant de savoir, au niveau national, l’effectif total des enfants handicapés scolarisés, leur âge et leur niveau d’étude. L’objectif de ladite étude serait, non seulement, de faire une analyse comparative, mais, d’évaluer avec précision exacte ce que l’éducation des enfants handicapés coûterait à l’État camerounais. La gabegie gouvernementale est, non seulement vieille comme le monde, mais une habitude. Cette négligence de ses propres lois laisse moins la place aux analyses critiques qu’aux pamphlets.

La résultante immédiate de cette irresponsabilité est immédiate : la nature ayant horreur du vide, les associations et notamment une ONG s’en émeut, sollicite les âmes généreuses pour pallier ce manquement de la mission régalienne de l’État. Les personnes handicapées, les personnes à mobilité réduite ou des personnes en situation de handicap prennent donc le taureau par les cornes pour cacher cette face hideuse.

Le GicHandy, puisqu’il s’agit de cette association, dont l’un des objectifs est la défense des droits des personnes handicapées, s’investit dans l’accès à l’éducation de cette couche de la population. Elle a instauré, depuis quelques années déjà, une campagne de sensibilisation pour l’accès des enfants handicapés à l’éducation. L’initiative était le fruit d’un double constat alarmant : 1-la méconnaissance du public et plus généralement des principaux concernés (élèves handicapés et leurs parents, parents handicapés et leurs enfants) du contenu de cette loi ; 2-la difficulté qu’ont les élèves et étudiants handicapés à s’adapter à un environnement hostile. Évidemment, certains parents, faute d’argent, qui ne savent pas que l’éducation des enfants handicapés est gratuite choisissaient carrément de garder leurs enfants à la maison.

Durant deux mois (avril et mai 2015), l’association avait donc entrepris une étude dans les écoles, collèges et lycées de Douala pour en savoir un peu plus sur les conditions de scolarisation de ces enfants. Il en ressort que sur 262 personnes interrogées, seulement 46 élèves et étudiants, 17,55 % de personnes handicapées scolarisées bénéficient d’une exonération de la pension scolaire offerte soit par l’Université de Douala, soit par la magnanimité du fondateur de l’école ou du collège ou même soit par un ou des bienfaiteurs.

Les solutions proposées

Après avoir fait le tour du propriétaire, les stratégies de solutions sont alors envisagées sous deux prismes : les charges en matière d’éducations consacrées à la scolarité des enfants handicapés et celles que les parents handicapés consacrent à leurs enfants ; ce que les élèves eux-mêmes proposent comme solutions.

— Les charges liées à la scolarité

Dans la nomenclature des dépenses liées à la scolarisation des élèves au Cameroun, il y a entre autres la scolarité appelée encore pension, les frais de l’Association de parents d’élèves et enseignants (APEE) et les frais liés aux cours d’informatique. Tous ces frais et charges sont variables d’un établissement à l’autre. L’observation ici est faite sur deux variables à savoir les élèves handicapés et parents d’élèves handicapés ; et l’autre variable à savoir le sexe des élèves handicapés (fille et garçon). Statistiquement, les élèves sont répartis en deux sous-groupes : les élèves handicapés (139 élèves) et les élèves ayant les parents handicapés (123 élèves). Parmi les 139 élèves handicapés, 50 sont les filles et 89 sont les garçons. Chez les filles, 29 donc 58 % payent la scolarité, tandis que seules 6 filles donc 12 % seulement sont exemptes de payement de tous types de frais (la scolarité, les APEE et de l’informatique). Pour les 89 garçons, la même proportion en termes de majorité est observée. Les frais de scolarité occupent 50,56 % des charges. Par contre, il y a 20 garçons donc 22,47 % bénéficient de la gratuité des frais de scolarité.

  Tableau N° 1 : Effectif de parents handicapés et de parents d’élèves handicapés selon les charges ou les frais exigés pour la formation X sexe de l’enfant (Année scolaire 2014-2015)
PARENTS HANDICAPES Total
Féminin Masculin
Scolarité ScolaritéAPEInfo Scolarité/APEInfor Scolarité ScolaritéAPEinfo Scolarité/APEInformatique
EFF 22 5 17 15 20 24 123
EXO 7 13
% 17,88 4,06 13,82 12,19 16,26 19,52 100
% 5,69 10,57
Sources : Gic-Handyc

 

  Tableau N° 2 : Effectif de parents handicapés et de parents d’élèves handicapés selon les charges ou les frais exigés pour la formation X sexe de l’enfant (Année scolaire 2014-2015)
ENFANTS HANDICAPES TOTAL
Féminin Masculin
Scolarité ScolaritéAPEinfo ScolaritéAPEInfo Scolarité ScolaritéAPEinfo ScolaritéAPEInfo
EFF 29 1 14 45 3 21 139
EXO 6 20
% 20,86 0,72 10,07 32,37 2,16 15,11 100
% 4,32 14,39

Chez les élèves de parents handicapés, sur 123 cas, il existe 51 élèves filles et 72 élèves garçons. 22 filles donc 43,14 % sont assujetties aux frais de scolarité, tandis que 7 élèves donc 13,73 % ne sont pas soumis aux payements de ces frais. Chez les garçons, par contre, sur les 72 cas, 24 cas donc 33,34 % sont soumis au paiement de tous les frais exigés. Tandis que 13 cas donc 18,05 % ont une scolarité gratuite.

Ces résultats démontrent à juste titre parmi tous les frais exigés, la scolarité reste encore le passage obligatoire pour avoir une inscription dans un établissement scolaire à Douala. Sur 262 élèves enquêtés, 46 donc 17,56 % seulement ont droit à une exonération de paiement. Cette gratuité s’observe surtout chez les étudiants qui ont, au sein de leur organisation estudiantine ont mené, comme chaque année, des revendications pour une exonération de la pension universitaire.

— Les solutions proprement dites

Au vu des problèmes soulevés au paragraphe précédent, il convient de donner la parole aux enfants handicapés eux-mêmes pour trouver une solution efficace. Cette variable a été mesurée en tenant compte de deux autres à savoir : les types d’enquêtes (élèves handicapés, parents handicapés) et le sexe des élèves (féminin, masculin).

Pour les 50 élèves handicapés filles, 23 donc 46 % souhaitent une prise en charge au niveau de la dotation en fournitures scolaires. Cette proportion est aussi observée chez les 89 élèves handicapés garçons où 54 donc 60,67 % trouvent que la gratuité en fourniture scolaire serait une solution pour eux. Chez les parents handicapés, la tendance reste inchangée pour les élèves filles comme pour les élèves garçons. Sur les 51 élèves filles, 26 cas représentant 50,98 % et sur les 72 élèves garçons, 48 cas représentant 66,66 % sont pour la gratuité en fourniture scolaire.

Tableau N° 3 : Effectif de parents handicapés et de parents d’élèves handicapés selon leurs solutions proposées X sexe de l’enfant (Année scolaire 2014-2015)
PARENTS HANDICAPES Total
Féminin Masculin
Finance Fournitures Prise en charge totale Finance Fournitures Prise en charge totale
EFF 5 26 20 7 48 17 123
SR 0 0
% 4,06 21,14 16,26 5,69 39,03 13,82 100
% 0 0

 

Tableau N° 4 : Effectif de parents handicapés et de parents d’élèves handicapés selon leurs solutions proposées X sexe de l’enfant (Année scolaire 2014-2015)
ENFANTS HANDICAPES TOTAL
Féminin Masculin
Finance Fournitures Prise en charge totale Finance Fournitures Prise en charge totale
EFF 8 23 20 9 54 25 139
SR 0 0
% 5,75 16,55 14,38 6,47 38,85 17,98 100
% 0 0

Il advient donc à l’observation que le principal souci des élèves handicapés et élèves de parents handicapés reste le matériel ou fourniture scolaire. Cette hypothèse se vérifie à 57,63 % pour cet échantillon de 262 élèves au total. Cela se justifie par une réelle déficience du matériel didactique dans les établissements scolaires. La dotation et la possession des fournitures scolaires comme les ouvrages, par exemple, restent jusqu’ici le challenge pour la réussite scolaire. Ceci peut s’expliquer par l’absence des bibliothèques scolaires et municipales lieu par excellence du développement de la culture générale des élèves.

Tchakounte Kemayou 

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Auteur·e

tkcyves

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