Crédit:

Cameroun : Le scandale de l'IRIC ébranle la république

1303828917996

Un adage populaire dit toujours« 99 jours pour le voleur et 1 seul jour pour le grand patron ». Ce qui se passe actuellement à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC)pourraient ressembler étrangement à ça : « 99 jours pour le ministre Fame Ndongo et 1 seul jour pour le peuple ». Depuis plus d’une semaine, le Cameroun est secoué par ce que d’aucun appellerait « scandale » où le ministre de l’enseignement supérieur (MINESUP) a été attrapé en flagrant délit de tripatouillage de liste d’admis dans cette prestigieuse école.

L’opinion populaire murmurait toujours, pour s’en plaindre, que l’entrée dans des grandes écoles du Cameroun comme l’ENAM, l’IRIC, les Ecoles Normales, les Facultés de médecine et de sciences pharmaceutiques, des écoles de polytechnique, etc. sont d’abord privilégiée aux enfants des « grands du pays ». Les jeunes avaient donc l’habitude de dire: « Pour passer à un concours dans ce pays, il faut avoir les réseaux, être de la famille des grands du pays ». Ces genres de discours de victimisation, tout le temps récurrents dans les quartiers et les chaumières,étaient, dit-on, réservés aux enfants qui ne voulaient pas faire des efforts, aux enfants faibles qui cherchent absolument des bouc-émissaires pour justifier leur fainéantise. C’était finalement devenu une affaire d’enfants voyous et jaloux de la réussite des autres.

Les publications de listes d’admis étaient des occasions idoines pour la presse et la société civile, de dénoncer, chaque fois, un certain laxisme au niveau des choix des admis qui, visiblement, étaient considérés comme des privilégiés. Certains leaders de la société civile prenaient même le risque de démontrer justement, à base de la consonance des patronymes des admis, faute d’éléments à conviction, cette politique de favoritisme qu’on met sur le dos de « l’équilibre régional ». En fait, de quoi s’agit-il, pour le cas précis de l’IRIC ?

Les faits ainsi relatés, par le journaliste Cabral Libii, frisent le ridicule

Le 27 février 2015, les résultats du master en diplomatie (seul master à l’IRIC dont l’accès conduit automatiquement à un recrutement dans la fonction publique) sont affichés, visés à la fois par les membres du jury des délibérations et par le Chancelier des ordres académiques (MINESUP, Prof. Fame Ndongo),où figurent 15 admis définitifs et 7 noms sur la liste d’attente. Le 28 février, le même Ministre signe et fait afficher une seconde liste de 15 noms sans liste d’attente. Constat patent :Les deux listes sont différentes. Pourquoi ? Parce que :

1. Certains noms disparaissent,d’autres apparaissent,
2. Beaucoup de noms sur la première liste (du 27 février) et surtout ceux de la deuxième liste (du 28 février)sont portés par les rejetons de quelques « grands du pays ».

La polémique qui est alimentée de façon soutenue par la presse oblige le MINESUP à sortir de sa réserve. De ses sorties médiatiques accompagnées d’un communiqué, l’on retient les justifications suivantes : La première liste (celle du 27 février) comportait des vices qu’il fallait corriger afin que les résultats soient conformes aux lois et règlements régissant les concours officiels au Cameroun. Le vice en question (puisqu’il s’agit d’un seul) c’est :

1. Le caractère pléthorique des ressortissants d’une seule région (celle du Centre) parmi les admis. Ils sont 6 sur 15 ;
2. Et, par voie de fait, l’absence des candidats originaires des régions de l’Adamaoua, de l’Est, du Nord et du Nord-Ouest.

Mais, curieusement parmi les nouveaux noms introduits dans la deuxième liste (celle du 28 février), il y a encore des ressortissants de la région du Centre en remplacement d’autres noms de la même région. A la différence que les nouveaux noms sont ceux des enfants des « grands du pays ». Plus curieux, la seconde liste n’est pas visée par les membres du jury des délibérations comme cela avait été le cas pour la première liste.

99 jours pour le voleur, 1 seul jour pour le grand patron

10388195_10204995210976758_1607649746351404129_nCe dysfonctionnement structurel de l’administration camerounais a soulevé l’opinion, les partis politiques et la presse qui ont vite fait de crier au scandale. Seulement voilà : ce que les jeunes murmuraient sous cape, ce qui était considéré jadis comme des rumeurs, des cris d’orfraies, a été mis au grand jour. Avant, tout le monde, y compris la société civile, le martelait, même sans preuve objectives, que les concours officiels au Cameroun sont truffés de tripatouillages. Et la réponse idoine que les autorités donnaient pour calmer les esprits, c’était que la réussite aux concours officiels n’étaient pas seulement basé sur la « méritocratie nationale », il y avait aussi la « méritocratie régionale »qu’il fallait prendre en compte (Dixit Fame Ndongo). C’est ce que nous appelons ici « Équilibre régionale » en vigueur depuis l’indépendance. A quoi renvois cette politique ?

Depuis les indépendances donc, et surtout suivant les textes de loi et règlements de la République, notamment la loi de 2001 organisant l’enseignement supérieur qui interdiraient toute discrimination négative à l’encontre de jeunes Camerounais, les autorités ont pris cette mauvaise habitude de justifier les discriminations jugées négatives longtemps remarquées à l’égard des candidats par le sceau de « l’équilibre régional ». Il consiste à réserver un quota précis pour chaque région afin d’éviter un déséquilibre qui pourrait faire l’objet des frustrations. C’est ce que le ministre lui-même a appelé la « méritocratie régionale » qui, sur le plan de son application, consiste à prendre « les meilleurs dans chaque région » et ainsi concevoir une liste de consensus. Bien que cette politique de l’équilibre régional soit condamnée et décriée par beaucoup d’observateurs qui estiment qu’elle ne serait pas la panacée à l’égalité d’accès à la fonction publique pour tous, elle constitue un cache-sexe de la « reproduction sociale » des élites. Depuis fort longtemps, ces pratiques malsaines faisaient l’objet des critiques qui avaient fini par rendre l’opinion pessimistes sur les compétences supposées des candidats retenus aux concours officiels. Il a fallu quelques minutes d’inattention du ministre où les consignes du clan n’ont pas été respectés dans la première liste et que les manœuvres clientélistes soient mises au grand jour après la publication de la deuxième liste: le tripatouilleur a été pris la main dans le sac.

Biya au secours de l’incurie : la bouillabaisse incarnée par Fame Ndongo (Alex G. Azebaze)

Samedi 7 février, Fame Ndongo prétendait, dans une interview à la radio nationale (CRTV) avoir privilégié la « méritocratie régionale » pour remplacer d’autorité 6 candidats – pourtant déclarés admis par un jury censé souverain et publiés la veille par lui-même – par 6 autres candidats non retenus par ledit jury.Maintenant, le 9 février, dans la même chaîne, il revient et explique, pince sans rire, en déclarant désormais admis tous les 22 de la 3ème liste qui est la combinaison des deux premières listes pour un concours ouvert légalement pour 15 places dans la filière diplomatie de l’IRIC. Respecte-t-il toujours les textes de loi et règlements de la République ? Notamment la loi de 2001 organisant l’enseignement supérieur qui interdiraient toute discrimination négative à l’encontre de jeunes Camerounais quand bien même il mélange toute cette forfaiture avec de supposées instructions présidentielles. Comme si le Président de la République pouvait être considéré par des observateurs censés comme un acteur universitaire qualifié. C’est de la basse politique tropicale. Qui ne s’appuie sur aucune valeur. Ni principe. La débrouille quoi comme à la Fecafoot qui serait passé comme lettre à la poste s’il n’y avait pas eu d’intervention internationale, notamment le Tribunal arbitral du Sport (TAS).

L’affaire IRIC, en moins d’une semaine, a fait plus de mal à l’image des produits de l’enseignement supérieur que tout rating national ou international. Et dire que tout cela s’est passé en public, de la propre initiative des responsables compétents qui ont décidé de salir le Cameroun, comme des… grands. Et ils ont le toupet de venir raconter des bobards sur la Crtv comme si cette affaire ne concernait que le gouvernement. Voici en effet ce que M. Fame Ndongo dit au présentateur Alain Belibi au journal de 17h après avoir déculotté le Cameroun : « Les produits du système universitaire camerounais sont bons.La preuve allez en Allemagne, Belgique, France, Etats-Unis, et voyez comment sont nombreux les médecins formés au Cameroun ». Il n’y a plus que le grand père président pour croire à de telles balivernes si tant qu’il s’en occupe vraiment encore.

Au Cameroun, la honte ne fait plus parti du vocabulaire.

Tchakounté Kémayou

Partagez

Auteur·e

tkcyves

Commentaires

KUPOU Yves Olivier (TAA N'KUI)
Répondre

Belle conclusion TABA N'KUI.
Nous avons besoin de l'intervention du PR qui doit frapper du point sur la table pour que toute cette honte quitte le Cameroun. Et sil ne semble pas s'y intéresser car je trouve que la conciliation des listes est aussi une injure à l'intelligence et au mérite, je pense qu'il ne nous reste plus qu'à élever nos voix vers le très haut.

kaptue florian
Répondre

ce n'est pas surprenant de la part de l'administration Biya, il y 'a plus de homme pour nos pseudo-politicien. Un scandale de plus et plus quoi?la vie continue au pays de Paul Biya