Crédit: MRC (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun)

Présidentielle au Cameroun : polémiques sur la candidature de Maurice Kamto

Le 31 décembre 2024, Maurice Kamto, président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), s’adresse au peuple Camerounais. À l’occasion, il annonce sa candidature pour la présidentielle d’octobre 2025. Depuis cette annonce, des polémiques enflent sur un probable rejet de sa candidature. Les débats houleux font des choux gras de la presse, et les médias sociaux s’y mêlent âprement.

Dans un article récent, j’avais promis de revenir dans les détails en cour sur les thèses relatives aux débats d’investiture de Maurice Kamto par le MRC. Malgré les explications et les assurances de Maurice Kamto, par ailleurs professeur de droit constitutionnel, avocat international, les esprits ne sont pas près de se calmer. Les interrogations fusent de partout et sans cesse. Maurice Kamto candidat ou pas candidat, tout y passe. Même les profanes en matière de droit constitutionnel s’en donnent à cœur joie. Ces discours ne sont pas seulement présents dans les médias classiques et les réseaux sociaux. Dans les familles, au quartier et même les amphis, tout le monde s’y mêle. À quoi renvoie cette annonce qui cristallise autant les passions ?

Les débats sur la loi électorale de 2012 à l’Assemblée Nationale

En 2012, un projet de loi sur le Code électoral est déposé à l’Assemblée nationale par le gouvernement. Il était souvent reproché aux hommes politiques de ne pas prendre les élections et surtout la présidentielle au sérieux. Par souci de pédagogie, il est important de commencer cet article en mettant en exergue la genèse du Code électoral promulgué en 2012.

Ce projet est le bienvenu en 2012 puisqu’il était souhaité et attendu par de nombreux Camerounais. Il est également innovant car il va désormais permettre aux acteurs politiques de ne pas s’égarer dans les textes qui organisent les élections. Avant 2012, chaque élection avait leurs textes particuliers, à savoir la présidentielle, les législatives, les municipales et les référendums. Cette situation faisait l’objet de beaucoup de confusions. Parfois certaines dispositions relevant des législatives se retrouvaient dans les textes relatifs à l’élection présidentielle. Dans un tel contexte, il devenait urgent de rassembler tous les textes, vérifier et corriger les répétitions, les non-dits, les contresens, etc.

Deux élections présidentielles ont particulièrement connu une affluence remarquable. En 2004, 16 candidatures ont été enregistrées. Et en 2011, le nombre de candidatures a augmenté. Ainsi, 23 candidatures au total sont enregistrées. Plus de deux tiers des candidats retenus n’étaient que de parfaits inconnus du public. Ils étaient ainsi considérés comme des aventuriers qui viennent embrouiller les discours et occuper inutilement l’espace public. Il faut restreindre le nombre de candidats à la présidentielle. Pour limiter la floraison des aventuriers, il fallait trouver une astuce pour une disqualification “naturelle”. Cette analyse sera limitée à deux amendements relatifs aux contextes ci-dessus.

Deux amendements âprement discutés

Ce projet de loi, longuement discuté en plénière, contenait plusieurs amendements. Particulièrement deux ont fait l’objet des remous dans l’opinion publique.

La première est relative au cautionnement. Les députés et le gouvernement ne s’accordaient pas sur la caution de chaque candidat pour son dossier de candidature à la députation. Malgré ce désaccord, un consensus a finalement été trouvé. Cependant, concernant la caution pour les candidats à la présidentielle, aucune objection n’a été formulée. Le montant de 30 millions contenu dans le projet de loi a été maintenu par les députés. Bien entendu, l’objectif est de limiter la floraison des aventuriers évoquée ci-dessus.

Quant au deuxième amendement, les députés ont exigé l’annulation du mandat impératif. La discussion tournait autour de la question à savoir “qui détient le mandat d’un élu ?Le parti politique qui l’a investi ou l’élu lui-même ? Il s’agit ici des articles concernant les conditions d’éligibilité des députés. Ils sont contenus dans le titre V concernant les dispositions spécifiques à l’élection des députés. Ainsi, “Est également déchu de sa qualité de député ou de suppléant celui qui, en cours de mandat, est exclu ou démissionnaire de son parti” a été supprimé pour non conforme à la constitution de 1996 qui stipule que “tout mandat impératif est nul”.

Les enjeux et conséquences de ces modifications sur la présidentielle de 2025

Ces mesures ont eu pour conséquences heureuses ou malheureuses la diminution du nombre de candidats à la présidentielle. De 23 candidats enregistrés en 2011, on est passé à 9 candidats en 2018. Pari réussi, on dirait ! Mais cette mesure continue de faire des remous pour la présidentielle d’Octobre 2025.

À la lecture des articles 15 alinéas (2) et (3) de la Constitution et 121 alinéas (2) du Code électoral, deux thèses s’affrontent et se font la guerre à travers des débats houleux. Avant de présenter ces deux thèses, voici le contenu de ces deux dispositions :

  • Constitution, article 15 (2) : “Chaque député représente l’ensemble de la Nation” ; (3) : “Tout mandat impératif est nul.”
  • Code électoral, article 121 (2) : “Le candidat investi par un parti politique non représenté à l’Assemblée Nationale, au Sénat, dans un Conseil régional ou dans un Conseil municipal doit également remplir les conditions prévues à l’alinéa (1) ci-dessus applicables aux candidats indépendants. »

Selon le Code électoral, toute déclaration de candidature à la présidentielle est conditionnée par l’investiture d’un parti politique ou par la présentation de 300 signatures des personnalités publiques. Pour le premier cas de figure, le parti politique doit être “représenté à l’Assemblée Nationale, au Sénat, dans un Conseil régional ou dans un Conseil municipal”. Ce qui fait problème justement c’est le fait que Maurice Kamto, candidat déclaré, affirme mordicus qu’il sera investi par son parti politique, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) qui n’a pas participé ni aux législatives ni aux municipales et régionales de 2020 ; ni aux sénatoriales de 2023.

Première thèse : le MRC ne peut pas investir de candidat à la présidentielle en 2025

Cette thèse est défendue par le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), le parti au pouvoir, en compagnie de ses alliés, quelques leaders de partis politiques de l’opposition et leaders d’opinion. Pour les tenants de cette thèse, le MRC n’est pas éligible aux dispositions de l’article 121 (2) du Code électoral. 

L’argument mis en exergue ici est que le MRC a boycotté les élections législatives, municipales et régionales de 2020 et sénatoriales de 2023. Cela a donc eu pour conséquence l’absence du parti à ces institutions. En conclusion, pour cette thèse, le MRC est “non représenté à l’Assemblée Nationale, au Sénat, dans un Conseil régional ou dans un Conseil municipal”. Il reste cependant deux options à Maurice Kamto : soit être investi par un parti politique “représenté”, soit obtenir les 300 signatures exigées.

Deuxième thèse : le MRC peut investir un candidat à la présidentielle en 2025

Cette thèse est particulièrement défendue par, évidemment, le MRC, ses alliés, quelques leaders de partis politiques de l’opposition et leaders d’opinion. Elle postule que le MRC est habilité à investir un candidat à la présidentielle de 2025. Les arguments développés ici sont essentiellement d’ordre juridique et surtout jurisprudentiel. Puisque selon la Constitution, “tout mandat impératif est nul”, le mandat d’un élu n’est pas détenu par le parti politique, mais par l’élu lui-même. Autrement dit, l’élu est député de la nation et non de son parti politique. L’élu qui démissionne de son parti politique après l’élection n’est pas déchu de son mandat. Il exerce son mandat même en cas d’adhésion à un autre parti politique. La représentation dans les institutions est relative à l’appartenance à un parti politique au moment de l’investiture et la candidature à un candidat à la présidentielle.

Pour cette thèse, aucune disposition ne conditionne l’investiture à la présidentielle par la participation des partis politiques aux élections législatives, sénatoriales, municipales et régionales. La seule condition est la “représentativité”. Le fait d’avoir en son sein les élus ayant démissionné de leurs anciens partis politiques, le MRC remplit de facto les conditions d’investiture. Un exemple relevant de la jurisprudence, est longuement développé. Ayah Paul Abine, démissionne du RDPC en 2008 et crée son parti politique, le Peoples Action Party (PAP). Il est le candidat à l’élection présidentielle de 2011. Sa candidature avait été rejetée par Elections Cameroon (ELECAM). La Cour suprême, siégeant en lieu et place du Conseil constitutionnel pas encore créé, valide sa candidature en vertu de l’article 15 (2) de la Constitution. Pour aller plus loin dans l’interprétation, l’avocat Christian Bomo Ntimbane, est péremptoire à propos : 

L’article 121 du code électoral prévoit que les partis non représentés aux parlements, conseils régionaux, municipaux… doivent obtenir les 300 signatures. Or aucun parti politique n’est représenté à ces instances pour parler de partis non représentés. Car le mandat impératif selon d’abondantes jurisprudences en matière électorale camerounaise est nul, y compris du Conseil constitutionnel lorsqu’elle était suppléée par la Cour suprême. Conséquence, cette disposition du code électoral qui exigerait que les partis politiques non représentés  aux instances sus-rappelées, aient 300 signatures pour présenter un candidat, est un non-sens, donc inapplicable. Sur le strict plan du droit, tout parti politique légalisé au Cameroun peut investir un candidat à l’élection présidentielle de 2025

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Auteur·e

tkcyves

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