Crédit: MRC (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun)

Les polémiques sur un fundraising lancé par Maurice Kamto

Un fundraising pour collecter les fonds de la campagne présidentielle a été lancé par Maurice Kamto. C’était lors d’une conférence de presse tenue ce jeudi 30 janvier 2025 au siège du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), une banlieue de Yaoundé. Cette initiative inédite continue de faire jaser les détracteurs du parti. Le leader du MRC s’est longuement expliqué sur les opinions sceptiques concernant cette initiative.

Nous sommes le 30 janvier au quartier Odza, une banlieue de la capitale, Yaoundé. La conférence de presse a un seul objet à l’ordre du jour : le lancement du fundraising pour la présidentielle d’octobre 2025. C’est une promesse que Maurice avait faite le 9 janvier dernier. Pendant la conférence de presse, la principale attraction était le montant de l’estimation budgétaire. Bien entendu, les modalités de collecte et des précautions pour la sécurisation des fonds n’étaient pas en reste.

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Les quatre différents comptes du fundraising du MRC

Budget estimatif de la campagne et collecte

Le MRC a fait un budget de sa campagne présidentielle au montant estimatif de 6.169.682.000 FCFA (Six milliards cent soixante-neuf millions six cent quatre-vingt-deux mille francs CFA). Cette somme représente les dépenses cumulées de la campagne proprement dite, mais surtout de la prise en charge des scrutateurs. La campagne résidentielle comprend des charges comme la location des sites, le matériel et la logistique sans oublier la communication. La prise en charge des scrutateurs consiste à donner aux représentants du parti dans les bureaux de vote de quoi passer la journée.

Ce fundraising n’est réservé qu’aux Camerounais uniquement et résidant sur le territoire national. Ainsi, un total de quatre comptes a été ouvert. Il s’agit de trois comptes bancaires et un compte mobile money. Les Camerounais qui souhaitent contribuer pourront donc choisir entre United Bank for Africa (UBA), Afriland First Bank et NFC Bank. Le compte mobile money est ouvert dans la compagnie de téléphonie mobile MTN Cameroon.

Les contributions sont volontaires et les montants sont fixés selon la volonté de chacun d’eux. Cette information, à peine diffusée, a fait le tour des médias sociaux. Les détracteurs en ont fait leur dada. Les suspicions ont commencé à peser sur les fondements et la sincérité, voire la sécurité des fonds. Le leader du MRC n’a pas fait l’économie de ces critiques et bien d’autres en se prêtant au jeu des questions-réponses des journalistes.

La sécurisation des fonds et la transparence dans la gestion

Beaucoup de questions sont posées au leader pendant cette conférence de presse. Les plus récurrentes concernent notamment la sécurisation et la transparence dans la gestion. Il est question, pour les journalistes, d’avoir du leader des garantis dans ce sens. Kamto s’est heureusement prêté au jeu.

Le parti a pris le soin d’informer les autorités deux mois avant. Les ministères des finances (MINFI), de l’administration territoriale (MINAT) et le patron de la police (DGSN) ont reçu chacun une lettre d’information. Aucune objection n’a été relevée. Cependant, cette démarche du parti ne suffit pas pour une raison évidente. Le contrôle et la vérification des transactions dans ces comptes par les autorités ne garantissent rien. Le simple fait que la candidature du leader est vue comme un affront au régime RDPC (parti au pouvoir) peut mettre en doute la crédibilité de ce contrôle. L’immixtion des autorités est un choix risqué, mais qui ne risque rien n’a rien, comme dit l’adage.

L’État doit être impliqué pour des raisons de sécurité et de transparence. La guerre civile qui sévit dans les régions anglophones du Sud-Ouest et du Nord-Ouest impose au parti des précautions importantes dans la transaction des fonds. Cette transparence est également liée au respect de la loi qui interdit le financement international des partis politiques pour éviter les phénomènes de blanchiments d’argent. C’est justement la raison pour laquelle les Camerounais de la diaspora ne sont pas inclus. Mais une collecte, au niveau de l’Europe et de l’Amérique, sera initiée dans quelques jours. La clôture de la collecte sera publiée avec le montant réellement enregistré et perçu.

La probable non-candidature de Maurice Kamto rassure-t-elle les électeurs ?

Cette question a particulièrement suscité beaucoup d’intérêt chez les journalistes. Elle a la particularité de diviser l’opinion, même les plus avertis au sein des milieux universitaires et intellectuels.

Ces polémiques proviennent des interprétations diverses et opposées des articles 15 de la Constitution et 121 du Code électoral. Ainsi, selon le Code électoral, l’investiture d’un candidat par un parti politique est conditionnée. Le parti politique doit, au préalable, selon l’alinéa 2, être “représenté à l’Assemblée Nationale, au Sénat, dans un Conseil régional ou dans un Conseil municipal”. Sur ce point précisément, les divergences sont remarquables. En théorie, pour avoir des “représentants” dans ces institutions, les partis politiques doivent participer aux élections en investissant des candidats qui vont les représenter. Or, la Constitution stipule, dans son alinéa 3, que “Tout mandat impératif est nul”.

Cette précision entraîne deux interprétations opposées et divergentes. Pour la première thèse, les élus ne sont que des “représentants” et par conséquent le mandat qu’ils détiennent n’est pas assujetti à leur parti politique d’investiture, mais plutôt à leur parti politique d’appartenance au moment du dépôt des candidatures à la présidentielle. D’autres intellectuels ne sont pas d’accord sur cette interprétation et postulent pour la thèse d’un mandat assujetti au parti politique d’investiture. 

Le MRC, ayant boycotté les élections législatives, municipales et régionales de 2020, la candidature de son leader investi serait hypothétique pour certains. Malgré les assurances de ce dernier, par ailleurs professeur de droit, constitutionnaliste et avocat de renommée internationale, les débats persistent. J’y reviendrai d’ailleurs dans un autre article pour donner plus amples explications sur ce débat qui enflamme l’opinion camerounaise et fait les choux gras de la presse depuis deux ans.

Les enjeux stratégiques et politiques de ce fundraising du MRC

Au-delà de cet aspect financier que ce fundraising revêt, des analystes pensent que la décision du MRC a deux conséquences. Elles sont soit négatives et surtout positives. 

Ce fundraising est une belle occasion pour mobiliser les Camerounais militants et sympathisants du MRC et de son leader, Maurice Kamto. Cette mobilisation se présente comme un test de popularité. Si les objectifs de la cagnotte sont atteints (un montant supérieur ou égal à 6.169.682.000 FCFA), deux explications sont possibles. Premièrement, cela signifie que Maurice Kamto est populaire et donc sa cote de popularité est élevée. Deuxièmement, sa victoire serait certaine et ne peut souffrir d’aucune contestation. Plus le montant est élevé, plus la crédibilité du leader est établie. Cette hypothèse est risquée dans la mesure où les objectifs non atteints ne vont pas seulement prouver que Maurice Kamto est impopulaire. Une campagne de sabotage risque de perturber sa campagne orchestrée par le régime dont les autorités, membres du RDPC, sont appelées à contrôler les transactions financières.

Le deuxième enjeu de ce fundraising est un peu plus complexe. L’hypothèse de la fraude électorale à travers la manipulation de la liste électorale est évoquée. Le nombre de contributeurs est-il fonction du nombre d’électeurs potentiels ? C’est une interprétation possible mais pas trop rassurante. Cependant, on pourrait se livrer à des hypothèses. Si le nombre de contributeurs est supérieur à un ou deux millions, peut-on comprendre que ce sont des potentiels électeurs acquis à Maurice Kamto ? Allons plus loin, si le nombre de contributeurs avoisine la barre de cinq millions, le nombre de voix comptabilisé par Kamto à l’issue du scrutin inférieur à un million serait questionnable. Ainsi, les autorités, proches ou membres du RDPC, désignées pour contrôler les transactions, n’auraient pas intérêt à divulguer les statistiques. Ce sera donc un jeu de ping-pong entre le RDPC et le MRC.

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Auteur·e

tkcyves

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