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YooMee Cameroun : le petit poucet dans le monde des télécommunications

Le 25 août 2017, YooMee Cameroun lançait ses activités à Douala, ville siège. Cela fera au total 5 opérateurs de la téléphonie mobile : Camtel (entreprise à capitaux publics), MTN (Afrique du Sud), Orange (France) et Nexttel (Vietnam). Ils existe un vaste marché de presque 23 millions d’habitants occupé par les 4 opérateurs. En dehors de Camtel qui est l’entreprise publique considérée comme opérateur historique par excellence, les 3 autres sont des filiales de puissantes multinationales. De prime abord, il est sans doute convenu de constater que les 4 opérateurs ont déjà ratissé le terrain. Le marché serait presque, voire totalement saturé.

La première question qu’on peut donc se poser est celle de savoir ce que YooMee Cameroun vient faire dans un tel environnement. Évidemment, cette question ne manque pas d’intérêt dans un contexte bien marqué l’attitude des consommateurs déjà désabusés. Pour aller plus loin dans l’analyse, le niveau de satisfaction des consommateurs serait mitigé. La deuxième question est donc celle de savoir pourquoi, dans un contexte de concurrence avec 4 opérateurs offrants des services aussi divers que multiples, les consommateurs ont un sentiment qu’il leur manque toujours quelque chose ? Non seulement, on a l’impression que le marché est saturé, mais en même temps, les consommateurs continuent de railler. Un petit crochet en sociologie des consommateurs pour comprendre l’atmosphère qui règne actuellement.

Siège social de YooMee Cameroun SA à Douala
Une vue du siège social de YooMee Cameroun SA à Douala. Crédit photo : René Jackson Nkowa

Le contexte de la téléphonie mobile depuis 1998

Depuis 1998, année où la libéralisation de la téléphonie mobile a été légalisée, Camtel Mobile, premier opérateur de la téléphonie mobile, battait de l’aile deux ans après. La domination de Camtel (téléphone filaire et mobile) ne servira à rien. Le rachat de Camtel Mobile par MTN en 2000 doublé par l’arrivée de Orange la même année donnerait un regain d’espoir.

Les deux gros multinationales MTN et Orange se livrent un semblant de bataille rude. On aurait pensé à une concurrence qui donnerait plus d’espace à la liberté de consommation. Que nenni. Au fil du temps, les deux mastodontes filent un amour parfait en narguant les consommateurs avec des offres et tarifs presque identiques. Du coup,elles se taillent le part du lion avec un parc de 19,46 millions de SIM vendues et un coût moyen de 2000 Dollars US de dépense mensuelle pour une connexion internet. Pourtant, le débit moyen ne dépassait pas les 256 Kbs.

Un penchant de « nationalisme » s’empare des consommateurs qui jugent d’un mauvais œil l’envahissement du marché par les « étrangers ». L’inertie et la très lourde bureaucratie de Camtel ne pouvaient pas résoudre ce problème de sursaut d’orgueil. Ce penchant nationaliste a pour fondement idéologique la recherche d’une entreprise nationale pour éviter d’enrichir les étrangers qui se font du beurre dans un secteur aussi lucratif.

L’arrivée du Vietnamien Viettel en 2014 (date de la signature de la 4ème licence de la téléphonie mobile), ne pourra rien y faire. C’est seulement en 2015 qu’il occupe véritablement le marché avec sa marque commerciale Nexttel. Même la forte implication du richissime Baba Ahmadou Danpullo dans le capital de l’entreprise, ne changera pas la donne. Tout compte fait, ce sera quand même dans un contexte de désenchantement que YooMee fait son entrée dans l’arène, ce secteur bien miné par des charognards.

Le renouveau d’internet avec YooMee en 2011

L’arrivée du suisse HTT Telecom SA en 2011 enrichira le marché des offres en connexion internet. L’entreprise, sous la marque YooMee, commercialisera le haut débit sans fil avec la technologie Wifi dès 2012. C’était une grande première au Cameroun où le digital n’était pas encore bon marché. Comment donc faire connaitre et vulgariser cette découverte un peu fascinante ? Nul doute que la jeunesse sera la cible pour populariser l’offre. YooMee innove dans un projet social en connexion Wifi. Ainsi, tous les 70.000 étudiants de l’Université de Douala recevront le signal Wifi dans le rayon du camus universitaire.

L’entreprise suisse avait donc réussi à échapper un peu aux foudres des consommateurs. La raison simple est le fait que HTT Telecom SA avait décidé d’investir seulement sur internet. YooMee n’était alors presque pas visible à cette époque où les Camerounais n’étaient pas encore familiers à la communication digitale. Malgré tout, elle marquait des points et faisait son petit bonhomme de chemin. Si sa réussite a été d’introduire le Wifi au Cameroun, elle n’en a pourtant pas profité au premier plan. Quelque chose manquait à cette entreprise pour se relancer dans l’arène. Faut-il continuer dans la même lancée ? Faut-il changer de stratégie ?

La redéploiement total de YooMee en 2016

Ce positionnement sur le marché va évidemment amener YooMee à surfer sur ce climat délétère. Le marché de la télécommunication est plus complexe que ce qu’on a toujours eu à constater. Le nombre d’abonné revendiqué par les deux multinationales ne représente en fait, que le nombre de SIM vendues. Conclusion, le chiffre officiel de 80% de taux de pénétration du mobile est en fait biaisé. Si on considère que chaque chaque consommateurs possède en moyenne deux SIM, le taux de 40%, à peu près, serait plus raisonnable. Il existe donc 60% de marché à conquérir.

Voilà donc un marché à conquérir donc YooMee aura à faire face. Mais, pour y parvenir, il faudra identifier quelques zones d’ombres du marché à exploiter afin de donner un coup de maître à son marketing. Trois éléments ont milité pour le choix stratégiques de YooMee pour son redéploiement sur le marché. Ces éléments sont en même temps technologique, économiques et bien sûr idéologiques.

la recapitalisation de YooMee

L’entreprise HTT Telecom SA devient YooMee Cameroun SA à la suite d’une reprise par un consortium d’hommes d’affaire camerounais. Elle change également son offre et s’investit également en téléphonie mobile avec la marque YooMee Mobile. Du coup, elle devient ainsi, en 2017, le 5ème opérateur de la téléphonie mobile offrant en même temps les données voix et digitales. Ce qui est intéressant ici, c’est sa capitalisation 100% camerounaise.

C’est un coup de maître dans un environnement dominé majoritairement par des multinationales. Emmanuel Forson, le Directeur Général de YaooMee Cameroun, n’est pas allé du dos de la cuillère pour vanter justement ce mérite en ces termes : « Ce qui rend YooMee Mobile encore plus fort, c’est sa fierté d’être camerounais et de contribuer à l’édification du pays. Ce Cameroun fier et volontaire, qui lève la tête et qui assume ses ambitions » (Discours du lancement de YooMee Mobile le 25 août 2017).

L’entreprise YooMee Cameroun SA à capitaux privés camerounais ne s’est pas seulement limité là. Elle a mis les bouchées doubles pour trouver des stratégies afin de tutoyer les multinationales.

L’investissement de l’entreprise

YooMee Cameroun a tout simplement acquis les infrastructures de la défunte HTT Telecom SA. Mais, ces infrastructures adaptées pour la connexion internet n’étaient pas suffisantes. Pour tutoyer les multinationales, il fallait penser grand en investissant de gros moyens financiers pour la couverture du territoire national. Cela devrait représenter un très gros risque financier dans un secteur déjà miné. Pour empêcher ses concurrents de grignoter les 60% restant du marché, il faut une solution rapide et à moindre coût. L’idée de partenariat avec Camtel, l’opérateur historique à capitaux publics est arrêtée.

Ainsi, YooMee Cameroun et Camtel signeront un accord de partenariat le 22 février 2017. Cet accord très ambitieux fait de YooMee Cameroun un MVNO (Mobile Virtual Network Operator). Il fait par conséquent de YooMee Cameroun le premier full MVNO du Cameroun. Par définition, le MVNO est un opérateur qui utilise le spectre de fréquences et les infrastructures de réseaux radios appartenant à un opérateur déjà implanté. Celui-ci étant alors considéré comme un MNO (Mobile Network Operator).

Par contre, le petit détail qu’il faut préciser ici c’est sa capacité à pouvoir gérer elle-même sa flotte ou sa base de données. En d’autres termes, YooMee Cameroun doit vendre ses propres SIM et enregistrer ses abonnés. Ce qui fait d’elle un full MVNO. La conséquence est donc double. D’une part, cela peut lui permettre de s’affranchir de la tutelle de Camtel, et d’autre part, l’entreprise sera donc obligée de déployer ses équipes commerciaux et marketing sur l’ensemble du territoire national. Après l’inauguration du showrooms de Douala le jeudi 31 août 2017, l’entreprise entend cibler les villes de Yaoundé, Bafoussam, Garoua et les autres agglomérations.

Les offres de YooMee Mobile

La question qui reste maintenant à se poser est celle de savoir si les offres de l’entreprise sont alléchantes ? Est-ce que les prix pratiqués pourront faire fléchir les consommateurs ?

YooMee a maximisé les chances en combinant les deux types de technologies : CDMA* utilisée par Camtel et GSM** utilisée par MTN, Orange et Nexttel. Pour ne pas nous perdre dans les tournures assez complexes de ces deux types de terminologie, retenons juste que la technologie CDMA a un spectre plus large et par conséquent, les communications sont légères et fluides. Tandis que la GSM utilisent un spectre plus réduit. Les communications ici sont alors trop lourdes et par conséquent, lentes. De manière pratique, il n’y a presque pas de différence entre ces deux technologies sur la qualité d’écoute. Mais, avoir à sa disposition un téléphone mobile qui possède les deux options est un atout incomparable et déterminante en marketing. Ce que son partenaire, Camtel, n’avait pas.

L’avantage de la CDMA est qu’elle a la possibilité d’offrir des coûts plus bas sur le marché que la GSM. YooMee facturera à 50Fcfa la minute, en raison de 0,833Fcfa/s, les appels YooMee vers YooMee. Puis, à 85Fcfa en raison de 1,416Fcfa/s les appels YooMee vers d’autres opérateurs. Pour l’abonnement, deux options sont disponibles : le pack « Njoka de 9.900Fcfa avec un crédit d’appel de 19.900Fcfa et le pack Njoka Duo DUAL SIM (CDMA et GSM) de 19.900 avec un crédit d’appel de 19.900Fcfa également. Il est donc convenu de remarquer ici que le téléphone est gratuit.

YooMee Cameroun va également utiliser la 4G LTE de Camtel pour ce qui concerne la connexion internet. Encore l’une des rares possibilités qu’offre la technologie CDMA, c’est d’émettre des appels vocaux en utilisant la 4G LTE. Les offres internet, par contre, jusqu’à présent, restent encore attendues.

Conclusions

A la lumière de tout ce cheminement, le nouvel opérateur qui fera sûrement parler de lui, n’est pas venu faire un défi sur les insuffisances des opérateurs existants. Il mise naturellement sur la plus-value en matière de qualité de l’offre. On aurait même dit qu’il vient simplement prendre la place qui lui est réservée : celle que doit occuper le premier opérateur privé de télécommunication 100% camerounais.

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*Code Division Multiple Access

**Global System for Mobile Communication

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Auteur·e

tkcyves

Commentaires

CONAC Michel
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Client malheureux de divers opérateurs Internet (Camtel, puis Ringo puis à nouveau Camtel) je suis client de YooMee depuis 2014. Ce FAI fournit un TRÈS mauvais service depuis un an :
- coupures hebdomadaires et de durée de plusieurs heures voire de 24 heures !
- coupures quasi quotidiennes de ma connexion dès 18h jusqu’à 6 heures du lendemain !
- aucune indemnisation des clients pour le mauvais service rendu ;
- aucune réactivité du soi-disant « service clients », qui est nullissime et quasiment inaudible au téléphone.
- support technique constitué sans doute de ce que nous appellerions en France des
« bras cassés » vu le MTBF ("mean time between failures) quotidien (!!!) récurrent !

Le grand tapage médiatique du DG monsieur Emmanuel Forson n'empêche pas que YOOMEE se comporte en entrepreneur quasiment "voyou" puisque la société est incapable de fournir un service de qualité en Internet + n'indemnise pas ses clients pour les préjudices subis etc., la situation ne fait qu’empirer. Il ne suffit pas de diffuser des boniments dithyrambiques pour être un bon manager: il faut donner de la substance à ses clients. Ajoutez à cela un SRC nullissime et la boucle est bouclée!

Michel Conac
Chef d'entreprise