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Volkswagen et FIFA, au cœur de la problématique de l’éthique

Le monde change. En 2015, l’éthique n’est plus un luxe, c’est une nécessité. C’est par elle que les entreprises croitront ou périront. La ligne entre l’éthique et la non-éthique entre l’hubris et la phronésis n’a pourtant pas beaucoup bougé depuis une centaine d’années. Elle reste celle qui distingue le bien faire du mal faire. Ce qui est différent est la facilité de rendre publiques certaines actions, avérées ou non, d’une personne ou d’une entreprise ou, encore, de faire éclater au grand jour le fait que cette dernière n’agit pas selon les principes et les valeurs qu’elle s’est elle-même données.

ethique-moraleLe contexte
Les discours sur les manques d’éthique se font chaque jour de plus en plus nombreux. Le cas Volkswagen et le tumulte à la tête de la FIFA ne sont que deux des derniers exemples planétaires de manquement à l’éthique. L’installation de capteurs sur les automobiles Volkswagen répondait aux critères de « performance » (celle des voitures et de la rentabilité de l’entreprise) et d’« innovation » (une telle fraude est, dans les faits, une innovation). De même qu’à la FIFA, le Suisse Sepp Blatter, les Français Michel Platini et Jérôme Valck et le Sud-Coréen Chung Mong-Joon, soupçonnés de pratiques de corruption passent de très mauvais moments au sein de l’institution footballistique. Les paiements déloyaux, les droits de diffusion TV accordée au rabais, les billets du Mondial Brésil 2014 vendus illégalement, les phases finales du mondial accordées à la Russie (2018) et au Qatar (2022) par voie de corruption sont des faits de non-éthique suffisamment graves. Le « Fair-play » comme valeur inculquée au sein de la FIFA n’est donc réservé qu’aux autres, sauf aux leaderships qui s’illustrent par un enrichissement illicite au détriment des pauvres fans du football.

Demandons-nous alors ce qu’ont en commun ces deux cas ?
Selon l’éthique de l’infrastructure et l’éthique de culture, ces deux entreprises ont en commun d’avoir des codes ou des chartes éthiques. Elles ont en commun d’avoir énoncé des valeurs. Elles ont en commun l’engagement à bannir certaines pratiques de concurrence ou d’exploitation des ressources humaines et naturelles. Elles ont en commun la signature de traités qui bannissent certaines pratiques. Et, elles ont aussi, malheureusement, en commun d’avoir bafoué tous les éléments qui précèdent.

Une réponse lapidaire pour une question cruciale :
Pourquoi ces organisations ont-elles sciemment violé sans vergogne des engagements pris librement par elles-mêmes ? Plusieurs répondront en disant que « ce n’est le fait que de quelques-uns » ou encore que « ce n’est là qu’une exception ». Afin de mieux comprendre la situation, je crois important de creuser davantage du côté de la culture d’entreprise.

L’éthique n’est pas un habillage marketing…
La culture d’entreprise est le résultat d’actions ou de non-actions, d’injonctions ou de laisser-aller cumulés au fil du temps. Dans une culture, les évènements surviennent naturellement parce que les conditions et leur possibilité de réalisation sont déjà en place. À titre d’exemple, si dans une culture d’entreprise donnée, l’intégrité était réellement une valeur, les deux cas précités n’auraient pu se produire. Pourquoi ? Parce que dans une culture où l’intégrité n’est qu’un élément de langage d’une stratégie de communication, un élément de langage parmi tant d’autres, tout peut arriver. Et tout arrive.

Poussons la réflexion plus avant. Que s’est-il passé pour qu’un fleuron de l’ingénierie allemande et une organisation vénérée de par la planète foot en viennent à commettre des écarts aussi majeurs ? Est-ce le désir d’un ingénieur de faire mieux que ses compétiteurs ? Est-ce le désir d’un dirigeant d’écraser ses compétiteurs ? Ou est-ce plutôt le désir d’un PDG voire d’un PCA d’être considéré comme étant le Maître mondial incontesté des univers de l’automobile ou du sport ?

Chacun des éléments mentionnés précédemment peut être résumé par un seul mot : hubris. L’hubris, opposé au phronsis, est un concept grec, oublié de nos jours, qui peut être traduit par l’expression : « ambition démesurée ». L’hubris, qui est une passion violente susceptible d’aveugler celui qui en souffre, s’oppose à la modération ou à la tempérance qui représente l’apanage de gestionnaires prudents. Le dirigeant affecté par l’hubris croit qu’il est intouchable, que ses actions sont les seules qui valent, que personne ne peut le contester. Il croit qu’il est ou qu’il doit devenir le Maître incontesté du monde. Rien de moins.

L’hubris est arrogance, c’est une fierté démesurée que l’on impose aux autres, souvent à leur insu. Ce qui peut parfois être assimilé à une attitude décidée ou de leadership n’est souvent que manipulation, qui n’ose révéler son nom. Pour le dirigeant affecté par l’hubris, rien n’est jamais trop dans la poursuite de ses fins. Ses fins de gloire personnelle, il va sans dire. Croyant faire illusion, ce dirigeant pourra même inverser les moyens et les fins ou détourner les actions d’une entreprise, cela ne dure cependant qu’un moment. Le dirigeant-hubris n’hésite pas à prendre avantage à court terme d’une relation à long terme. Parce que, à long terme, le dirigeant-hubris aura déjà quitté le navire, souvent avec une compensation ou « pire », une prime au rendement. L’hubris est fatale pour l’entreprise ; il est un aller simple vers le désastre. Le dirigeant-hubris est un mercenaire. Il ne travaille que pour lui-même. Il est l’ennemi de la saine gouvernance et des parties prenantes. Le dirigeant-hubris ne pense qu’à sa propre personne, car il se sait supérieur.

« Pourquoi questionner ? », « Les rendements sont au rendez-vous », disent souvent les administrateurs ou les gestionnaires qui côtoient le dirigeant-hubris… C’est là une bien mince analyse qui ne repose que sur un seul critère qui expulse tous les autres : celui de la rentabilité à court terme. Pour l’actionnaire. Au détriment de la clientèle et de la société. C’est là une bien piètre analyse. Les administrateurs de Volkswagen et de la FIFA ont failli à leur tâche de protéger Volkswagen et la FIFA. L’éthique est affaire de vigilance et de vision. La gestion éthique, lorsque bien assimilée, suggère que l’on comprenne l’ensemble des enjeux reliés à une décision. Et pas seulement les enjeux à court terme ou les désirs d’une seule personne.

Devant ces explications, il apparaît que ces critères ne permettaient pas de nécessairement prendre une décision éthique, que ces critères n’étaient, de toute manière, que destinés à faire jolie. C’est ce que l’on appelle de l’éthique de vitrine, du toc, si l’on veut. L’éthique de vitrine est une non-éthique. Elle est un mensonge destiné à faire croire que l’entreprise veut le bien alors qu’elle ne désire qu’une rentabilité maximale, un enrichissement égoïste et égocentrique d’une clique à court terme, au détriment de qui que ce soit. Clients, consommateurs potentiels, employés. Bah, ce n’est pas important ce que croient ces dirigeants.
L’éthique n’était pas importante, car les dirigeants ne croyaient pas se faire prendre. Ce qui amène le questionnement suivant : Comment, en cette ère de transparence et de médias sociaux, peut-on croire qu’une telle supercherie pourrait durer ?

… mais une valeur et une culture
Sur le plan éthique, il est sage de savoir que l’on ne peut prendre avantage à court terme d’une relation à long terme, à moins de vouloir risquer de mettre celle-ci en péril. Dans le cas Volkswagen, il semblerait que la rente procurée par l’avantage à court terme était suffisante pour permettre aux administrateurs de Volkswagen de ne pas poser de questions ou, du moins, de ne pas poser les bonnes questions. Comment ne pas considérer les dirigeants de la Volkswagen et la FIFA comme des vautours qui viennent uniquement se servir du football pour se faire un nom ?

L’éthique est affaire de vigilance et de vision. La gestion éthique, lorsque bien comprise, suggère que l’on comprenne l’ensemble des enjeux reliés à une décision. L’éthique suppose que l’on appuie réellement nos décisions sur des valeurs fortes, ayant un contenu moral clair, que ces valeurs soient praticables et partagées. Sinon, c’est le mensonge et l’éthique de vitrine.

Les dirigeants d’entreprises devront, eux aussi, comprendre que le monde change. Que les consommateurs ou la société ne consentiront plus passivement à se laisser manipuler, à se faire mentir ou à se laisser exploiter collectivement au bénéfice de quelques-uns.

Au-delà des coûts de réparation, des amendes et des pénalités, la pire des sanctions pour Volkswagen et des dirigeants de la FIFA pourrait bien être d’avoir perdu la confiance de l’ensemble de l’univers simplement pour avoir eu une ambition démesurée et avoir fait fi de l’éthique la plus élémentaire. La pire sanction pour un menteur est d’être découvert et de passer pour un menteur pour le reste de ses jours.

Outre les scandales financiers passés qui, bien qu’ayant touché des milliers de personnes, demeuraient quelque peu immatériels, le cas Volkswagen est différent : il touche des millions de clients qui avaient cru en l’entreprise, qui étaient fiers de consommer ses produits, des consommateurs potentiels ou, simplement, des observateurs du monde de l’automobile. Volkswagen marquera une nouvelle ère, c’est ce qu’elle voulait, mais elle le fera pour les mauvaises raisons. Au lieu de servir d’exemple, Volkswagen servira de mauvais exemple.

L’éthique est devenue un point de bascule. L’éthique est dorénavant devenue le critère par lequel les entreprises seront jugées, le critère par lequel elles vivront, dureront ou périront. Avant la commission d’une fraude, il y a toujours un dédain et un désintérêt pour l’éthique et pour les autres. Ce dédain ne passe désormais plus inaperçu. L’éthique n’est plus un luxe, c’est une nécessité. Qu’en pensez-vous ?

Cet article est une synthèse des analyses de Basile Ngono réalisée par Tchakounté Kemayou

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Auteur·e

tkcyves

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