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Pourquoi la création des Etats-Unis d’Afrique fait-elle peur ? (2)

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Voici l’Afrique au centre du globe

La création des États-Unis d’Afrique (Eua) est un vieux projet qui date du XXe siècle. C’était le point d’orgue de l’Association universelle pour l’amélioration de la condition noire (United Negro Improvement Association, UNIA). A la création de l’Unia en 1917, Marcus Garvey avait fait du projet des Eua son cheval de bataille. La réussite devrait dépendre du bienfondé d’une stratégie bien ficelée. Le choix avait été ainsi fait sur le politique.

L’orientation politique de l’action de l’Unia était donc clair : Redonner à l’Afrique ses lettres de noblesse d’antan afin qu’elle retrouve la place qu’elle mérite dans l’échiquier mondial.
Il revient donc, aux successeurs de Garvey de continuer son œuvre, de mettre son projet panafricain en pratique afin que le rêve devienne réalité. Mais, comme tout projet ambitieux et pire encore qui concerne le destin de tout un peuple, les antagonismes, des divergences voir des conflits d’intérêts ont suscités et suscitent encore des débats et des prises de positions virulentes et même tranchées au sein de la population noire concernée et interpellée par ce projet.

Le projet de Marcus Garvey mobilise plusieurs acteurs autour des débats dont dont la principale pomme de discorde est régie sous un double paradoxe.

Trois acteurs pour un enjeu majeur

Après la mort du prophète en 1940, cet ambitieux projet a eu le temps de murir et de prendre de l’ampleur non seulement dans les milieux universitaires noirs et la classe moyenne, mais aussi et surtout au sein de la population ordinaire. On distinguera donc trois acteurs :

1-Les « garvéyistes » :
Ceux qui se sont engagés dans cette bataille pour la concrétisation de ce projet sont appelés, indifféremment, des Kémites, des afrocentristes ou des panafricanistes. Le retour à l’authenticité négro-africaine fait leur particularité teintée d’un radicalisme à outrance et n’acceptant aucun compromis quel qu’il soit.

2-Les « utopistes » :
Ceux qui considèrent le projet de Garvey comme une « utopie » dans la mesure où il ne refléterait pas certaines réalités humaines et géopolitiques du continent Africain. Pour cette catégorie d’acteurs, l’actualisation ou le toilettage du projet est conseillé pour assoir un consensus afin de donner la possibilité à toutes les tendances de s’exprimer car l’Afrique, de par sa nature, ne saurait rejeter ceux qui sont différents.

3-Les « pessimistes » :
Il faut préciser ici qu’il y a rarement d’Africains qui ne militeraient pas pour cet ambitieux projet de Garvey. Au fait, ceux qui ne voient que des aspects négatifs du projet seraient sérieusement marginaux qu’il serait ennuyeux de leur prêter la moindre attention. Au fait, dans leur argumentation, ils se rapprochent plus aux « utopistes » à la seule différence que le projet doit être abandonné purement et simplement.

En bref, les « garvéyistes » sont quotidiennement tancés, par des « utopistes » et les « pessimistes », de vouloir faire du continent Africain un terroir d’exutoire des programmes politiques teintés d’extrémisme et d’extrême-droitisme. Il sera donc question ici de nous interroger sur la nature du conflit entre les trois camps. L’Afrique étant le continent qui a connu dans son histoire : 1-les pires moments de la barbarie humaine, 2-la destruction de son patrimoine historique les plus envieux de la planète, et j’en passe, devrait avoir une population, quoique diverse et diversifiée par l’influence civilisationnelle outrancière, humainement solidaire et tolérante. Qu’est-ce qui peut donc expliquer cette opposition entre les Africains devant un projet qui a pourtant pour ambition de leur rendre cette dignité bafouée ?

Deux paradoxes pour un même diagnostic

Les théories afrocentristes orientent leurs analyses dans trois domaines d’intervention considérés comme capitaux : le politique, le socioéconomique et le culturel. Le politique étant le domaine par excellence des transformations les plus radicales dans la société, le choix de ce champ pour mener le combat de la liberté du peuple noir est évident et guidé par deux paradoxes qui sont considérés comme des jalons sur lesquels repose l’argumentation des uns et des autres des trois camps.

1-Le paradoxe développementiste :
Par rapport aux autres continents, les retards observés dans les développements culturels, socioéconomiques et politiques accumulés par les pays Africains après les indépendances ne sauraient se justifier compte tenu de la richesse du continent en ressources diverses. Le décalage entre les potentialités en ressources (naturelles et humaines) du continent et le niveau de vie des populations est la conséquence d’une mauvaise répartition ou redistribution des richesses nationales. L’incompétence et la mauvaise foi de l’élite dirigeante sont mises en cause. Comme si cela ne suffisait pas, il règne à la tête de ces Etats une dictature, voire un totalitarisme sans précédent et qui persiste jusqu’à nos jours. Il ne fait donc plus l’ombre d’aucun doute que ce retard multiforme est le résultat d’un mauvais choix des hommes appelés à gérer ces ressources des jeunes Etats. Question : A qui incombe la responsabilité du choix de ces dirigeants incompétents et malhonnêtes ?

2-Le paradoxe géostratégique :
En observant minutieusement la carte du monde, trois constats sont tout de suite visibles : 1-géographiquement, l’Afrique est au centre du globe, stratégiquement, c’est une position qui lui permet de jouer le rôle de pivot incontournable dans les échanges multisectoriels internationaux ; 2-la Chine se considère comme le centre du globe, d’où son nom « Empire du milieu » et ; 3-l’Occident est aussi considéré comme le centre du globe sur le plan du développement économique et technologique moderne, tandis que les autres régions du monde sont désignées comme la périphérie. Les activités de la production scientifique, du développement économique et culturel sont réparties de manière extrêmement inégale dans les différentes régions du globe. Le monde est alors vu comme une pyramide ou un échiquier (Zbigniev Brzezenski ) dont le sommet pour le premier et le centre pour le second est représenté par l’Occident. C’est donc l’Occident qui contrôle tout. D’où l’appellation « eurocentrisme ». Les deux dernières centralités, la Chine comme l’Occident, considérées comme des puissances mondiales, sont la résultante d’une construction idéologique et hégémonique, d’un travail de fond à la conquête des espaces de contrôle des pouvoirs dans l’échiquier mondial. Mais, l’Afrique dont la nature a tout donné, ne réussit pas à jouir de ce privilège. Après ce constat paradoxal, Thierry Amougou (Universitaire, Belgique) s’étonne donc en posant la question suivante : Quel peut être l’atout majeur de la centralité géographique [et stratégique] du continent africain dans la construction de l’Afrocentricité comme projet panafricaniste ?

En résumé, les deux question précédentes amène au constat selon lequel l’Afrique possède tous les atouts pour se hisser au panthéon des puissances mondiales en matière de développement économique, technique, technologique, industriel, bref du développement scientifique qui a une corrélation étroite avec la disponibilité des ressources naturelles et de la matière grise (ressources humaines). Mais, le déséquilibre criard entre le niveau de développement du continent et la possession des ressources est suffisamment grave pour interpeller les noirs eux-mêmes en vue de le casser. Il faut donc briser le nœud gordien qui lie l’Afrique à un destin fatal et fataliste.

Pour ce faire, il convient donc d’abord d’identifier le ou les responsables de ce déséquilibre et ensuite de trouver l’angle d’attaque dans tous ces univers de postures scientifiques. Pour donner ou redonner à l’Afrique la place qu’elle mérite dans l’échiquier mondial, deux thèses s’affrontent.

Rendez-vous au prochain billet.

Tchakounté Kémayou

 

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