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Mort du Camerounais Albert Ebossè : Le peuple Algérien est-il raciste ?

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Souvenez-vous de mon billet « Cameroun : la mort du footballeur Albert Ebossé fait des vagues » où les Camerounais exprimaient leur colère en estimant que la mort de leur compatriote en Algérie lorsd’un match perdu est un fait indéniable du racisme. Cette thèse avait été avancée par la conviction qu’ont les Camerounais selon laquelle les Algériens mentaient sur les faits et les circonstances de la mort du footballeur après une autopsie algérienne. La contre-autopsie camerounaise récemment publiée vient renforcer cette conviction et conforte l’opinion du racisme dont fait preuve les pays du Maghreb et plus particulièrement de l’Algérie. Une analyse plus poussée m’oblige à revenir sur cette accusation de racisme que l’Etat algérien veut faire porter la responsabilité au peuple Kabyle, supporters incontestables de la JS Kabylie.

 

Bref rappel des faits révélés par la presse algérienne

Albert Ebossè, footballeur international, attaquant camerounais de l’équipe de la JS Kabylie, décède au stade du 1er-Novembre à TiziOuzouà la fin du match contre l’équipe de USM d’Alger le 23 août 2014. Dès la fin du match perdu par la JS Kabylie, les supporters de cette équipe envahissent la pelouse en signe de colère et de mécontentement. Ils « envahissent une tribune en surplomb du tunnel menant aux vestiaires et arrosent les joueurs de pierres et de morceaux d’ardoise récupérés sur un chantier proche du stade, alors que ceux-ci se précipitent sous le tunnel pour se mettre à l’abri » (L’express). Sentant que cette version semblait ne pas satisfaire l’opinion, les autorités algériennes ont vite fait de réaliser une autopsie pour calmer les esprits.

Autopsie algérienne : versions contradictoires

Le président de la JS Kabylie, Mohamed-Cherif Hannachi, se lance précipitamment dans les explications des circonstances de la mort du joueur en parlant d’un « arrêt cardiaque ». Cette version est tout de suite bottée en touche par une deuxième. C’est celle du procureur de la république qui évoque plutôt une hémorragie. Cette hémorragie, en se référant aux faits ci-dessus, est due à un « objet lourd et contondant ». Pour lui, il est donc indéniable que ce genre d’objet, trouvé aux abords du stade et servant à un chantier non loin de là, cause inévitablement la mort à celui qui pourrait en être en contact par la tête. Puis vient une troisième version. C’est celle du ministre des Sports, Mohamed Tahmi, deux semaines plus tard. En se référant au rapport d’autopsie, il parle de « morceau d’ardoise tranchante »que les spectateurs ou plutôt les supporters de la JS Kabylie ont trouvé au stade. Entre « arrêt cardiaque », « objet lourd et contondant » et « morceau d’ardoise tranchante », il faut bien faire la différence et dire exactement et qu’on dise à l’opinion de quoi il est question.

A la suite de ces versions, quelque voix se sont fait entendre, et plus particulièrement celle de Joseph Antoine Bell, pour dénoncer ce qu’elles ont appelé « mensonge ». Ce mensonge sur les faits et donc des circonstances de la mort vient du fait que le lieu du décès du joueur a été modifié. Les caméras et les photos montrant Ebossè couché sur la pelouse du stade sont trompeuses et induisent l’opinion nationale et internationale en erreur. Pour Joseph Antoine Bell, Ebossè a été attaqué dans les vestiaires et non sur la pelouse où il a été transporté d’urgence afin d’être transporté par l’ambulance quelques minutes après. Ce qui est donc contraire aux différentes versions des autorités algériennes. La famille du joueur évite de se mêler aux émotions et souhaite attendre le corps afin d’y voir claire. Après les obsèques, beaucoup d’interrogations ont fusé sur l’état que le corps de la victime présentait au moment de son inhumation. Raison pour laquelle une autopsie est demandée par le père du défunt, André Bojongo.

La contre-autopsie camerounaise

Le Dr. FOUDA Fabien et le Dr. MOUNE André apportent des précisions sur les circonstances de sa mort (Source : Cam-foot).

Après avoir fait l’inspection du corps, la palpation du corps et l’examen radiologique, l’autopsie camerounaise conclut que :

« Mr. Albert EbossèBojongo est décédé des suites d’une agression brutale avec poly traumatisme crânien. Nous rappelons pour cela :

Sur le crane :

1-Une embarrure de la calotte ; 2-La fracture des os de la base ; 3-La fracture des vertèbres cervicales.

Sur l’épaule gauche :

Une luxation et une fracture masquée de la clavicule du même côté ».

Il est donc évident, pour les docteurs Fouda et Moune, que le corps présentait « des signes de luttes » et des coups de « matraque à la tête ». Ces termes, utilisés à dessein, montrent bien que l’autopsie algérienne, selon les médecins camerounais, est faussée et par conséquent, les faits tels que révélés par la presse algérienne, sont faux.

Ces résultats ravivent donc les commentaires dans l’opinion camerounaise qui avait estimé que leur compatriote avait été assassiné. Du coup, les débats sur la perversité et l’agressivité des peuples d’origine maghrébine se font voir au grand jour. C’est comme si les Camerounais voulaient dire haut ce qu’ils pensaient tout bas. Le peuple maghrébin et les arabes en général ont toujours été considérés comme des personnes violentes envers les noirs, extrémistes dans leurs actes. Il y a donc comme un déclenchement des refoulements du subconscient qui s’est relâché et a fait remonter la colère.

Le peuple algérien est-il réellement raciste ?

Puisque j’estimais déjà, à travers mon billet dons allusion est faite plus haut, que l’opinion des Camerounais sur le racisme des algérien était clarifiée, le rebondissement de l’affaire Ebossè à travers la publication de la contre autopsie camerounaise ne me donnait aucune raison de revenir sur cette actualité. Tôt le matin du samedi 20 décembre dernier, un lecteur m’envoie son point de vue sur le racisme en Algérie que je trouve intéressant. Ce point de vue vient donc modifier complètement mon opinion sur le racisme en Algérie sans toutefois nier les faits sur les manifestations de ce fléau.

Ce que j’ai eu à percevoir dans les écris de Mon lecteur qui se nommerait Sam, c’est que le racisme est une construction du politique comme le tribalisme l’est pour le Cameroun. Il parle plutôt du racisme d’Etat en Algérie semblable au tribalisme d’Etat pratiqué au Cameroun. Rien à voir alors avec le racisme qu’on imputerait au peuple algérien que je respecte, par-dessus tout.

En fait, les intentions des autorités algériennes sont donc malsaines dans la mesure où, comme le dit Sam,

en faisant croire que c’étaient les supporters kabyles qui avaient assassiné Ebossé avec un jet de pierre, l’Etat algérien cherche à faire croire au monde entier que les kabylessont en réalité de gros racistes

à travers leur club mythique JS Kabylie. Faut-il le mentionner d’emblée, que le peuple Kabyle est lui-même une victime du racisme que l’Etat veut lui imputer. En fait,

l’objectif est donc de neutraliser le discours kabyle qui cherche à dénoncer le racisme dont ils sont victimes et discréditer ainsi la lutte des kabyles pour leur émancipation de ce pouvoir algérien fondamentalement raciste

L’Etat algérien veut donc faire porter la responsabilité de la mort d’Albert Ebossè sur son dos des Kabyles à travers son équipe mythique la JS Kabylie et faire comprendre au monde entier que c’est le peuple Kabyle qui est raciste. Le site internet du journal français « L’express », citée d’ailleurs plus haut, formule cette situation embarrassante du peuple Kabyle en estimant que:

cette défaite, face à un sérieux rival pour la conquête du titre de champion qui échappe depuis de nombreuses années à la JSK (JS Kabyle, ndlr), suscite alors la rage de plusieurs groupes de supporteurs. Car plus qu’un club de football, la JSK est le porte-drapeau de l’identité d’une région rebelle

Dans la même logique, s’il comprendre l’assassinat du français Hervé Gourdel,Sam ne se fait pas prier pour le dire sans mots voilés :

c’est exactement la même logique qui a amené à l’assassinat d’Hervé Gourdel en Kabylie par des « terroristes islamistes », sachant que la Kabylie a toujours été fondamentalement hostile à l’islamisme qu’elle a combattu depuis les débuts de la lutte de libération algérienne à travers le mouvement des Oulémas, précurseurs du fondamentalisme islamique algérien. Pour briser l’image de la Kabylie, l’Etat algérien a implanté ses terroristes repentis dans les mosquées de Kabylie. Les logements sociaux des grandes villes sont prioritairement attribués aux islamistes, repentis ou non

Comme on peut donc le constater, cette contre autopsie camerounaise ne vient pas seulement satisfaire l’opinion des Camerounais sur le mensonge des autorités algériennes, sur la réalité du racisme en Algérie, mais elle vient surtout donner au peuple Kabyle son innocence dans cette « Affaire Ebossè », comme il convient désormais de l’appeler. Sam partage ce sentiment à travers ces mots :

Dans l’Affaire Ebossé, depuis le début, les gens savaient en Kabylie qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas dans cette affaire, la preuve est aujourd’hui révélée au grand jour. Ce ne sont pas les supporters kabyles de la JSK, injustement accusés, qui ont tué Albert Ebossé mais bel et bien des barbouzes au service de l’Etat algérien et du détestable Hannachi sévissant en véritable proxénète dans le mythique club de la JSK pour le compte de l’Etat algérien. Car tout le monde sait que la JSK a longtemps été le terrain d’expression de la contestation identitaire kabyle. Par conséquent, la JSK était à détruire absolument et c’est Hannachi qui a été chargé de cette scélérate mission

Au-delà du fait que le peuple Kabyle est intrigué par le comportement de l’Etat algérien, le peuple camerounais, du moins ceux qui sont émus par ce décès brutal, sont autant intriqué par le comportement de l’Etat camerounais qui ne semble pas s’émouvoir en demandant des comptes à l’Etat algérien sur la sécurité de ses ressortissants. Pour preuve, j’ai été scandalisé d’entendre, au journal de 20H à la télévision d’Etat (CRTV), le reporter dire, à propos de l’ambassadeur d’Algérie en fin de séjour, que : « L’ambassadeur Algérien quitte le Cameroun avec les bénédictions du président du sénat Camerounais » alors que des unes des journaux tant nationaux qu’étrangers, font état du meurtre d’un Camerounais légalement admis (puisque travailleur, footballeur) en terre Algérienne.

Contrairement à ce que beaucoup d’observateurs auraient pensé, les événements comme cette « Affaire Ebossè » devraient déjà créé un incident diplomatique. Partout ailleurs, une demande d’explication aurait été officiellement adressée à cet ambassadeur qui quittait le Cameroun avec les bénédictions du Sénat ! Comme d’habitude, la sécurité des compatriotes camerounais n’ébranle et n’ébranlera jamais l’Etat camerounais comme celle des Kabyles l’est moins.

TchakountéKémayou

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Auteur·e

tkcyves

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