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France-Cameroun : Les frasques et les remous d’un sentiment anti-français (3)

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Source: https://www.kamerun-lesite.com/

Pour boucler la série de billets relatifs au sentiment anti-français qui règne au Cameroun, il serait important de revenir sur la question des archives détenues par la France, que j’ai évoquées à la deuxième partie de cette série. Il s’avère, comme le dit l’écrivain Enoh Meyomesse, qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Contrairement à ce que revendiquent les Camerounais, il appartient au Cameroun de mettre à la disposition du public ses archives que personne ne connait et qui n’existeraient même pas, puisque celles de la France existent, mais ne sont pas connues du grand public.

Dans une autre tribune, L’historien Jacob Tatsitsa, coauteur de « Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique 1948 – 1971 » (Éditions La Découverte, 2011) et le philosophe Achille Mbembe auteur de « Critique de la raison nègre » (Édidtions La Découverte, 2013), estiment plutôt que l’essentiel à l’heure actuelle, c’est la reconnaissance et la réparation comme c’est le cas pour le Kenya, et récemment de la Namibie.

Voici, dans son intégralité la position de l’écrivain Enoh sur l’ouverture des archives françaises sur la « répression » pendant les périodes pré et postcoloniale publiée sur son site personnel.

La question des archives du Cameroun

Depuis que François Hollande, lors de sa visite à Yaoundé, a évoqué la question des archives du Cameroun détenues par la France, toute l’intelligentsia camerounaise est en émoi. Il ne se passe plus de jour sans qu’une chaine de télévision nationale n’évoque cette question, n’organise un débat sur le rôle de la France dans la répression du mouvement nationaliste de la fin des années 1950 au début de celles 1960.

Pour notre part, nous estimons qu’il ne s’agit-là que d’une minuscule tempête dans un petit verre d’eau. Pourquoi ?

1/- Le Cameroun ne dispose pas d’archives particulières en France. Non. Il existe des archives de la France, tout court, avec une section « France d’Outre-mer », simplement, car l’histoire du Cameroun, de 1914, date de l’arrivée de ce pays sur notre sol, à 1960, date de la proclamation de notre indépendance, fait partie de l’histoire de France. Elle n’en est pas distincte. Ces archives ont toujours été disponibles. Nous les avons toujours consultées à volonté du temps où nous étions étudiant en France. A ce jour, la section « France d’outre-mer a été délocalisée à Aix-en-Provence ». Tout le monde peut continuer à les consulter. Mieux encore, elles se trouvent même sur le net. En voici le lien : https://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/eg

2/- Le discours d’Hollande, ceci, il faudrait que les Camerounais le sachent, a été, en grande partie, rédigé par l’Ambassade de France à Yaoundé, et du reste communiqué par avance à Paul Biya, tout comme celui du président camerounais l’a été également communiqué par avance au président français. Telle est la pratique protocolaire. C’est le service diplomatique du pays à visiter qui connait mieux la sensibilité locale. Il ne fait pas ainsi l’ombre d’aucun doute que le personnel de l’Ambassade de France à Yaoundé, étant parfaitement au courant des récriminations camerounaises incessantes sur la guerre d’indépendance matée par l’armée française, y a fait allusion dans le discours du numéro un français, pour faire plaisir aux Camerounais, et le moins que l’on puis dire, est que cela a fait mouche. A preuve, l’émoi qui s’est emparé de ceux qui se disent des intellectuels ou des militants politiques dans notre pays…

3/- Seul le volet militaire des archives françaises est indisponible pendant une période de trente ans. Or, les troupes françaises ayant cessé leurs opérations au Cameroun en 1965, ce pan des archives de la France d’outremer est de ce fait disponible depuis … 1995 ! Telle est la loi en France. Mais, les Camerounais le savent-ils ? Donc, François Hollande, par Ambassade de France interposée, n’est venu, tout simplement, qu’enfoncer une porte déjà ouverte depuis 20 ans déjà ! Tant pis pour notre ignorance.

4/- Le fait que cette question des archives du Cameroun, à la suite du discours d’Hollande, vienne secouer le Cameroun, traduit simplement à la fois la monumentale ignorance et la paresse qui habite ceux qui se disent des intellectuels au Cameroun.

Tout ce qui précède nous amène à poser la question fondamentale suivante : qui déjà consulte les archives du Cameroun qui se trouvent aux archives nationales à Yaoundé ? Nous sommes au regret de répondre que, 1/- des étudiants qui rédigent des mémoires ; 2/- des fonctionnaires qui recherchent des arrêtés d’intégration ; 3/- des chercheurs étrangers, essentiellement des européens. C’est tout. En conséquence, après tout le vacarme qui est produit actuellement depuis le passage de François Hollande au Cameroun, simple effet de mode, il n’y aura guère un nombre significatif de Camerounais qui prendront la peine de se rendre à Aix-en-Provence pour lire quoi que ce soit. Lorsque nos « intellectuels » vont en France, c’est pour faire du shopping, et rien d’autre. Ils ne perdent nullement leur temps dans des bibliothèques et des autres centres de documentations…

Pour conclure : Hollande dans la tradition de la gauche française

La gauche française, il faudrait que les Camerounais le sachent, a toujours été anticolonialiste. Voici un extrait d’un discours de Léon Blum, premier homme de gauche ayant accédé au pouvoir en France. C’était en 1936 : « Notre opposition de principe au colonialisme (…) se fonde sur la raison essentielle que je viens d’exposer. Tous tant que nous sommes, nous avons trop l’amour de notre pays pour ne pas désirer l’expansion de sa pensée. Tous, nous souhaitons le développement, la propagation de la pensée française, de la civilisation française. Mais nous n’avons jamais admis et je suis sûr que nous n’admettrons jamais que l’occupation militaire soit le véhicule sûr et fécond soit de la pensée, soit même de la force colonisatrice. La pensée de la France, la civilisation française, c’est par d’autres moyens que nous voulons la voir s’étendre dans le monde ».

Tchakounte Kemayou

Source : https://www.enohmeyomesse.net/

 

 

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Auteur·e

tkcyves

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