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France-Cameroun : les frasques et les remous d’un sentiment anti-français (1)

Au terme d'une annus horribilis riche en déboires politiques et personnels, 2015 sera l'année des risques électoraux mais aussi des chances de sursaut pour François Hollande, dans l'attente de résultats économiques tangibles toujours absents à mi-mandat. /Photo prise le 18 décembre 2014/REUTERS/Charles Platiau
François Hollande. /Photo prise le 18 décembre 2014/REUTERS/Charles Platiau

La visite, ou comme aiment le dire certains Camerounais pour ironiser, l’escale du président Français à Yaoundé le 3 juillet dernier n’a pas fini de secouer les chaumières. L’arrivée d’un président de la République française en Afrique francophone et au Cameroun et en particulier a toujours été une occasion pour les leaders politiques et d’opinion de sortir de leurs gonds pour, disent-ils, alerter sur la nature des relations qui ont toujours marqué l’histoire des deux pays.

La particularité des relations que la France a avec le Cameroun demeure dans le fait que celui-ci avait un statut qui ne lui permettait pas d’être géré comme une colonie. La France, dans ses velléités d’hégémonie, bafouera plusieurs règles d’égalité et d’équité propres aux principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée le 10 décembre 1948 à Paris. Du statut de mandat à l’indépendance en passant par le statut de tutelle, les relations entre les deux pays ont toujours été perçues par l’opinion comme des relations de paternalisme, pour ne pas dire du maître et de l’élève, mieux de l’esclave. Les Camerounais ont toujours eu des remords au regard de l’histoire des relations qui lient leur pays à la France coloniale. Ces remords sont pour la plupart liés aux accords bilatéraux et multilatéraux qui, malgré l’indépendance du Cameroun, donnent à la France des pouvoirs insidieux. J’ai fait ici un effort de synthèse en relevant quatre faits historiques fondamentaux non exhaustifs qui restent, pour moi, considérés comme des points d’ombre, voire des trahisons dont la France a le devoir de se prononcer pour rester, aux yeux de tous, comme le pays des droits de l’homme.

Les quatre trahisons seront réparties sur trois billets. Il sera donc question ici d’insister sur la violation, par la France du statut que la Société des Nations et des Nations unies ont fait du Cameroun un pays entièrement à part, dont la gestion devrait être différente des colonies. Les prochains billets seront donc consacrés aux problématiques du génocide et à celle de la monnaie. Hollande a vraiment créé un « buzz ». C’est chaud devant…

Première trahison de la France : la violation du statut du Cameroun

Le 1er janvier 1960, c’est la date d’indépendance du Cameroun.

  • Une parenthèse : Certains diront que cette date ne concerne que l’indépendance du Cameroun francophone, car le pays étant sous la tutelle des Nations unies confié à la France et à l’Angleterre, les leaders de la partie anglophone n’ont jamais pris en considération cette date. Là, c’est un débat qui n’est pas encore clos. Passons.
  • Une observation : Contrairement aux principes du protectorat et de la tutelle, il est établi que, par ses pratiques d’assimilation, la France considérait alors le Cameroun comme une colonie contrairement aux accords du mandat (1914-1946) et de la tutelle (1946-1960) de la Société des Nations et des Nations unies pour des raisons, évidemment, d’intérêts machiavéliques.

Disons tout simplement que cette date est officiellement considérée comme le départ de la France coloniale du Cameroun. Comme le veut l’accord de la tutelle, la France, pays colonisateur, devrait se retirer complètement du territoire occupé pour laisser la place à la population appelée à se prendre désormais en charge elle-même. Compte tenu des intérêts que le colon devait préserver, il devenait utopique de croire à un départ complet et définitif.

Deuxième trahison de la France : l’octroi d’un pseudo indépendance

Cette trahison n’est que la conséquence de la première. La violation du statut du Cameroun était un signe qui ne trompait pas. Jusqu’aujourd’hui, c’est cette illusion du départ définitif de la France du Cameroun qui meuble les débats. Lorsqu’on sait avec quelle violence le peuple camerounais a obtenu cette indépendance, avec quelles violence la France a réprimé toutes velléités de liberté, on a de fortes et pertinentes raisons de penser qu’elle n’est pas complètement partie. Cette conviction est nourrie par les accords que ce pays colonisateur a pris soin de signer avec les gouvernants du Cameroun « indépendant ». Ces gouvernants-là étaient pourtant contre l’indépendance. Pourquoi ce sont des adversaires de l’indépendance qui sont récompensés à la place des leaders qui la revendiquaient ? Voilà l’une des questions auxquelles la France devra répondre tôt ou tard.

Certains des ces accords sont tenus secrets. Ils sont considérés a priori comme des closes devant lier un partenariat d’égal à égal entre d’une part la France et un pays comme le Cameroun et d’autre part entre la France et un ensemble de pays. Aujourd’h’ui, ils sont remis en question par l’opinion qui estime que la comédie a assez duré. Généralement, ces accords sont des partenariats économico-financiers et militaires. Pourquoi de tels types d’accords ? Parce que la richesse en ressources naturelles de l’Afrique et du Cameroun en particulier ne pouvait laisser la France indifférente. Elle a besoin des ses richesses pour son économie, son industrie notamment militaire. De plus,  la docilité et la stabilité des régimes et des systèmes gouvernants en Afrique garantiraient la « paix » nécessaire pour faire fonctionner l’exploitation des ressources, et donc, feraient l’affaire de la France.

En bref, ces accords sous le sceau du « partenariat » ressemblent fort bien à une allégorie. Le « paternalisme » est le type de relation qui sied. La France, avec ses moyens de pression de l’époque, va imposer un chef d’Etat devenu premier président du Cameroun (Amadou Ahidjo, de regretté mémoire). Evidemment, ce président, tout comme les dirigeants du pays et ce, jusqu’à nos jours, sont considérés comme des Camerounais qui ne travaillent pas pour l’intérêt de leur pays.

Disons, in fine, que, après cette date de la fameuse indépendance, la France a un pied dehors et un autre dedans, comme un bandit qui sort la nuit pour ses opérations nocturnes et entre dans sa coquille au lever du soleil pour passer inaperçu.
A la semaine prochaine pour la troisième trahison consacrée à la problématique du génocide de ce que beaucoup appellent désormais le « génocide ».

Tchakounté Kemayou

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tkcyves

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