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Cameroun : Yaoundé sous l’effet des « caméras espions »

Le 15 mars dernier, La Commission indépendante contre la corruption et la discrimination (COMICODI), une organisation non gouvernementale et dont les activités sont orientées dans la défense, la justice sociale et la non-discrimination, a fait parvenir au premier ministre une correspondance dans laquelle elle s’inquiète de cette frénésie sur l’installation de plus de 350 caméras de surveillance dans la ville de Yaoundé.

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La Direction générale de la sureté nationale (DGSN), avec le partenariat de la société CAMTEL (Cameroon Telecommunication), le partenaire technique chinois HUAWEI et la Communauté Urbaine de Yaoundé (Mairie de Yaoundé), initie depuis le début de l’année l’installation de 350 caméras miniaturisées de surveillance dans la ville de Yaoundé qui devrait s’achever à la fin du mois de mars pour poursuivre avec la ville de Douala. Dans le site de Cameroon-Tribune, journal gouvernemental, cet instrument est décrit comme « … des dispositifs semblables à des lampadaires solaires,[…] implantées dans des coins de la ville de Yaoundé. Ces lampadaires sont constitués d’un poteau sur lequel est fixée une plaque rectangulaire. Sur cette dernière est suspendue une caméra qui fonctionne en continu grâce à la combinaison entre énergie électrique et solaire. Les images prises par les caméras sont enregistrées et retransmisses à travers des écrans disposés dans une salle de contrôle à la DGSN ». La raison principalement officialisée est le souci de garantir au maximum l’ordre et la sécurité des citoyens de Yaoundé. Ainsi, tout est donc mis en place pour intimider les hors-la-loi, vandales, pickpocket, violeurs, braqueurs et autres fauteurs de troubles. Les grands coins les plus visés sont par exemple : carrefour de la poste centrale, carrefours Ngousso, carrefour Ekounou, carrefour Warda/Capitole, carrefour Mvog Mbi, carrefour Kolbisson, carrefour Etoudi, carrefour madagascar, carrefour Tsinga/palais des congrès, carrefour de la mort/Ekouldoum.

Les voix s’élèvent déjà partout dans l’opinion publique, soit pour encourager l’initiative comme les habitués des coins chauds de la capitale, soit pour décrier cette action qui n’est pas jugée opportune comme ces associations de la société civiles et plus particulièrement la COMICODI qui a alors pris les devants le 15 mars dernier. Elle affirme ne pas comprendre « véritablement le sens, l’utilité, et la destination de ces caméras, qui de toute évidence, se présentent de façon grossière, encombrante ». La COMICODI s’interroge donc sur le mobile du choix entre les caméras de surveillance, la construction des échangeurs qui rendraient la ville moins pénibles aux citadins, le remplacement des lampadaires vétustes, comme ceux des poteaux en zinc du capitole près du parc Sainte Anastasie et de ceux du boulevard du 20 mai qui donnent la nausée, les feux de circulation dans la ville de Yaoundé. Les lampadaires et plus particulièrement les feux de circulation sont devenus désuets et inexistants. Ce qui rend la circulation difficile, « … livrée à l’anarchie la plus parfaite et chacun circule à sens et à contresens ». Dépassées par les événements, même les agents de la police ne font plus l’affaire. La ville de Yaoundé, comme celle de Douala, sont de véritables bordelles et restent « … handicapées, défaillantes en infrastructures de base, plongées dans l’obscurité, l’anarchie tentaculaire et la régression accélérée ».

Tandis que le COMICODI croit savoir que les raisons de ce choix très bizarre reposent sur le fait que beaucoup voit « … les caméras espions installés à Yaoundé, comme une autre affaire de commissions sur des gros marchés qui font imposer des projets non prioritaires au pays, juste pour faire manger quelques gens puissants ou rusés », d’autres opinions estiment connaitre les véritables motivations de ces « caméras espions ». En effet, l’insécurité qui règne en Centrafrique et gagnerait les régions du Sud et de l’Est du pays, et la peur d’être envahi par les attaques de Boko-Haram dans les régions du Nord du pays rendent le pouvoir de Yaoundé très fébrile ces derniers temps. La visite avortée et taxée de rumeur plus tard du président Godlove Jonathan du Nigéria pour Yaoundé annoncé par certains journaux privés au Cameroun puis la visite (non encore officielle) de Paul Biya, président Camerounais annoncée à Malabo (Guinée Equatoriale) pour les jours qui viennent sont des signes qui ne trompent pas. Ces visites ne sont pas le fait du hasard car elles entrent nécessairement dans le cadre de l’actualité à savoir l’insécurité internationale et transfrontalière qui est susceptible de déstabiliser les Etats de l’Afrique centrale. Le pouvoir de Yaoundé a donc peur des incursions étrangères dans la ville à tout moment et veut donc se préparer à la répression. Voilà donc ce qui peut paraitre inexplicable pour les non-habitués des régimes totalitaires dont la seule préoccupation est le statuquo politique. Il faut le dire, pour finir, que les villes de Douala et de Yaoundé sont tout de même en retard en matière de développement d’infrastructures par rapport aux villes semblables et de même statut comme Malabo, Abidjan, Dakar et Libreville. Et le COMICODI de conclure amèrement que « Yaoundé doit quitter le statut d’un grand village où l’on arrange juste quelques pistes comme à Ekounou, pour entrer dans le statut d’une ville moderne où l’on trouve de grands boulevards bien éclairés avec des lampadaires modernes des feux et des échangeurs. L’installation même de un million de cameras espions et grossiers de surveillance ne fait pas une ville moderne. C’est l’inverse ».

Tchakounte Kemayou 

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