Dans la première partie de ce billet, j’expliquais quelques démarches dans la compréhension des « marches blanches ». Ces manifestations initiées par le MRC de Maurice Kamto (actuellement en prison à Yaoundé) se veulent pacifiques. Elles ont été initiées justement à la suite de la présidentielle entachée d’irrégularités. Au-delà de la revendication de la « victoire volée » de Maurice Kamto, candidat d’une coalition de l’opposition, son objectif est de mobiliser le peuple camerounais autour d’un idéal : la justice. Elle commence donc par le rétablissement de Maurice Kamto dans ses droits. Malheureusement, les « marches blanches » sont considérées par les détracteurs du MRC comme des actes de vandalisme d’origine tribale. D’où la « tribalisation » du débat politique au Cameroun. De quoi s’agit-il?
Bamiléké et Bulu à couteau tiré
Cependant, depuis cette présidentielle, un climat malsain entaché de la « tribalisation » du débat politique, et qui a toujours existé, revient en surface. Un climat sociopolitique tendu et « tribalisé » qui consiste à prendre pour cible la population, le peuple d’une région particulière. La méthode est simple : accuser, indexer une personne, un leader d’un parti précis, d’agir, d’avoir pour ambition politique de prendre le pouvoir au nom de son groupe ethnie en particulier. Ce qui ressemblerait à un délit par le simple fait que les autres groupes ethniques se sentiraient à l’écart d’une lutte qui a l’ambition d’être nationale, rassembleuse de toutes les tendances tribales et culturelles confondues.
Les Bamiléké, puisqu’il s’agit d’eux, peuples originaires de la région de l’Ouest Cameroun où est originaire Maurice, est pris pour cible par les thuriféraires du pouvoir de Yaoundé. Les Bulu, peuple de la région du Sud Cameroun, où est originaire Paul Biya, 86 ans, au pouvoir depuis 1982, se sentent indexés et acculés par des accusations sur la gestion chaotique du pays durant 37 ans. Pour s’en défendre, ils se noient évidemment dans cette accusation en ciblant les Bamiléké de vouloir s’accaparer du pouvoir sous le prétexte que c’est à leur tour d’en jouir. Les militants et les partisans du MRC et originaires de plusieurs régions du pays s’en défendent.
En fait, le parti de Paul Biya, le RDPC et ses pourfendeurs, mobilisent la fibre tribale en indexant les Bamiléké pour s’acheter des faveurs de l’opinion nationale. C’est dans ce contexte de « tribalisation » que les les marches blanches sont considérés par le pouvoir de Yaoundé comme une marche révolutionnaire initiée par les Bamiléké dont le but est de renverser le pouvoir politique tenu par les Bulu.
Pourquoi le MRC ne lâchera pas
Le MRC et ses alliés organiseront-ils toujours les marches blanches malgré tout ? C’est une évidence que les manifestations vont continuer si les leaders et les manifestants restent toujours emprisonnés. Même si leur libération n’est pas la seule revendications des marches blanches, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle galvanise plus les militants et sympathisants. Le pouvoir de Yaoundé ne s’aurait embastillé plus de 500 personnes, constituées non seulement de leaders mais des manifestants, surtout des non manifestants appréhendés au hasard dans les rues, et s’attendre à une accalmie. Ces arrestations constituent surtout un objet de motivation. Inutile et impossible donc d’imaginer les militants et sympathisants observer une trêve voire être habités par un quelconque découragement.
En dehors du « Holt-Up Electoral », d’autres revendications se sont greffées à la liste à savoir : l’appel au dialogue pour la résolution de ce qu’on appelle aujourd’hui « la crise anglophone » avec à la clé une guerre civile dans les régions d’expression anglaise (Nord-Ouest et Sud-Ouest), l’adoption d’un code électoral consensuel, l’exigence d’une enquête et des sanctions à la suite du retrait de l’organisation de la CAN 2019 au Cameroun pour scandale dans la gestion des infrastructures, etc. Au finish, nous assistons maintenant aux revendications de divers ordres et qui ne se limitent pas au Holt-Up.
Marches blanches : marches des Bamiléké ?
Le RDPC, parti au pouvoir, nourrit dans l’opinion, depuis plus de 5 ans, des idées de déstabilisation par une ethnie. Ainsi, après la présidentielle, les marches blanches sont considérées par certains non pas seulement comme une stratégie de déstabilisation du pouvoir de Paul Biya, mais comme un complot de groupe ethnique Bamiléké contre le groupes ethnique Bulu au pouvoir. Les marches blanches prennent donc une connotation ethnique et tribale. Nous avons vécu ces scénarios pendant la présidentielle.
Ce constat est évident à l’observation des origines ethniques des manifestants arrêtés les 26 janvier, 1er et 8 juin 2019. Même si l’on peut considérer que les villes en mouvement ont une grande proportion de la population Bamiléké, il faut également préciser que les manifestants arrêtés à Bertoua le 8 juin et à Maroua le 26 janvier ont curieusement été libérés quelques heures après. Pour quelles raisons ont-ils été libérés ? La réponse semble évidente. Quelques observateurs essaient déjà d’assimiler la stigmatisation Bamiléké et celle vécue par les populations des deux régions d’expression anglaise (Nord-Ouest et Sud-Ouets). En plus de ces deux régions anglophones, ça fera en plus une région, celle de l’Ouest Bamiléké qu’il faut ajouter ajouter à la liste des groupes ethniques qui subissent des représailles du fait de leur appartenance ethnique.
Déstabilisation du pouvoir par les Bamiléké
Les partisans du parti au pouvoir de Yaoundé sont formels : Maurice Kamto est une figure manœuvrière de l’élite Bamiléké qui estime que, après les régions du nord (1960-1982) et les régions du centre-sud (1982 à nos jours) c’est à son tour de gouverner. Par conséquent, l’échec à la présidentielle a été très mal digéré et la voie la plus facile d’arriver au pouvoir c’est de susciter la réaction de la communauté internationale. La guerre qui a lieu en ce moment dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest vient tout simplement renforcer cette conviction sur la volonté du MRC de voir intervenir la communauté internationale sur la situation sociopolitique. La remise en cause des résultats de la présidentielle placerait Paul Biya en mauvaise posture. D’où l’idée de la déstabilisation du pouvoir détenu par Paul Biya, originaire du Sud, de l’ethnie Bulu hanterait les esprits des pourfendeurs.
A travers les marches blanches, les Bamiléké chercheraient donc des raccourcis pour arracher le pouvoir. La guerre civile et les marches blanches sont distillées dans l’opinion par le pouvoir de Yaoundé comme des stratégies de déstabilisation par les groupes ethniques des régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Ouest.
Aujourd’hui, la tension est de plus en plus lourde sur la situation sociopolitique du pays. Nous en sommes déjà à imaginer un positionnement des Bamiléké dans une logique de défense comme cela a été le cas dans les régions dites anglophones.
Commentaires