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Cameroun : au rythme des scandales sanitaires exposés sur la Toile

Un autre scandale a secoué les réseaux sociaux ce week-end au Cameroun suite à ce qu’on pourrait encore appeler « négligence médicale ». On aurait dit que le Cameroun, sans exagération, traverse en ce moment des périodes un peu troubles de son existence. En l’espace de trois mois, depuis le début d’année, janvier 2016, les hôpitaux publics de référence sont au devant de l’actualité nationale.

Au crépuscule du deuxième trimestre, janvier, février et mars ont été particulièrement mouvementés sur la Toile. Trois scandales rendus public particulièrement par les internautes ont révélés, aux yeux du monde, l’état de décrépitude du système de santé au Cameroun. On aurait même dit, pour les critiques les plus véhémentes, que ce système n’existe véritablement pas. Les femmes en couche sont particulièrement au centre des scandales. Victimes, victimisées ou coupables, elles ont ouvert la boîte de pandore du malaise au sein des officines hospitalières.

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Inutile de revenir ici sur le billet publié la semaine dernière (le 17 mars) montrant les tares du fonctionnement des officines publiques au Cameroun. Cependant, la récurrence des comportements peu orthodoxes du corps médical ne mériterait-il pas qu’on y revienne pour comprendre le processus de développement de cette actualité ? Il faut tout de même signaler que ces tares caractérisant le fonctionnement mercantile des hôpitaux développées en quelques lignes sont loin d’être exhaustives. Qu’importe, l’essentiel a été dit et le message, semble-t-il, a été entendu.

Alerte maximale : Les internautes au bout des nerfs à fleur de peau

Les Camerounais vivent en ce moment, disais-je, un autre scandale qu’on n’a pas fini de dire que c’était un autre de trop. Du lundi 21 au jeudi 24 mars dernier, Honorine Nkimih Nchi se fait hospitaliser à l’hôpital central de Yaoundé (HCY) après un accouchement difficile d’un quintuplet. Le cinquième ayant été déclaré pour mort, il a donc fallu sauver les quatre bébés restant. Le drame c’est que l’hôpital n’avait pas, selon les déclarations du couple Nkimih et du Pr Fouda (Directeur Général du HCY), de couveuses disponibles pour les rejetons sortis prématurément à cause du col ouvert complètement dilaté de leur maman mal en point. C’est une histoire qui a suscité des réactions violentes sur la Toile et qui a fini par obligé le Dr Roger Etoa, au nom du Réseau des Médecins de District du Cameroun (Remedic), à « débarquer » sur la Toile pour, selon ses propres mots, donner la « bonne information ». Selon ce médecin, en l’absence de son mari au moment des faits, la femme aurait-elle mal transmis les infos à celui-ci qui a été subitement « tenté de se victimiser en raison de l’antimédicalisme ambiant » que traverse le Cameroun actuellement ? Autrement dit, le scandale de Monique qui hantait encore l’atmosphère, était encore frais dans la mémoire. Le mari n’aurait-il pas profité de ce climat morose, de la méfiance qui règne entre le corps médical et l’opinion public, pour attiser la flamme et susciter l’émoi chez les internautes ?

Pour revenir au drame de Monique, le week-end des 12 et 13 mars dernier, l’on enregistrait un scandale qui a secoué la ville de Douala au point de mettre en ville en ébullition. Les manifestations de la diaspora autour des ambassades du Cameroun dans le monde, et plus particulièrement en France, au Canada, aux États-Unis et en Grande Bretagne, sont encore en train d’atteindre leurs apogées au nom de Monique. C’est dire comment l’âme probablement immortelle de cette jeune femme reste et restera encore dans les mémoires qui ne sont pas prêts de l’oublier de si peu. On en est encore, disais-je, à panser les plaies de Monique qu’une sordide histoire de bébé, j’allais dire de quadruplet, prématurément sortis et heureusement vivant, allait secoué la Toile.

La manière spontanée et véhémente avec laquelle une centaine de personnes s’est déplacée pour aller manifester leur colère devant l’hôpital Laquintinie de Douala a même fait dire à beaucoup que cette « secousse » allait réveiller la conscience professionnelle des médecins et infirmiers réputés dans la fainéantise. Que nenni ! Tout fonctionne comme si rien ne s’était passé avant, comme si les événements de Douala n’étaient qu’une feuille de paille. Cet autre scandale est une autre preuve que le mal est trop profond. Il est tellement profond que la seule bonne volonté des médecins, infirmiers et autres personnels du corps médical ne suffirait pas à éradique le vers tapit dans le fruit. Il s’avère, comme je l’avais déjà démontré, que le système de santé est pleinement en cause. Sinon, comment pourrait expliquer ce autre scandale qui a, au tout début de l’année, secoué la Toile et la presse et qui a entraîné la mort subite de la jeune médecin Dr Ngo Kana au cours du week-end des 09 et 10 janvier dernier ?

La feu Ngo Kana, enceinte, avait été trimballée de clinique en hôpital à la recherche d’un plateau technique capable de la prendre en charge. L’hôpital général de Douala (HGD) étant le plus indiqué, le médecin en service avait été obligé de refuser la prise en charge faute de liquidité immédiate pour payer la caution exigible avant toute intervention, urgente soit-elle. En fait, son mari qui ne possédait que d’une carte d’assurance était dans l’incapacité de joindre son assureur indisponible les jours non ouvrables. Dr Ngo kana, médecin, décède malheureusement après plusieurs heures de tractation. Si un personnel du corps médical n’est pas épargné par ce laxisme fonctionnel, que peut-on penser du sort d‘un individu lambda ? Un médecin négligée par ses collègues ! Cela ne s’apparente pas seulement à un simple scandale que d’aucuns ont tôt fait de le considérer comme un vrai crime organisé. Pas aussi différent de ce que la ville de Douala avait connu au cours de la semaine du 30 janvier au 03 février dernier : le corps de la fillette Eva, disparue le 30 janvier, a été retrouvé le 02 février sans sa tête. Le Cameroun a particulièrement connu un moment de frayeur où les internautes, de témoignages en témoignages, diffusaient des messages qui donnaient froid au dos.

Et si Vanessa Tchatchou avait raison !

Pourtant, quelques années auparavant, la Toile et la presse vivaient une histoire rocambolesque qui avait aussi, en son temps, défrayé la chronique. Une adolescente de 17 ans vivait des moments les plus terribles de son existence en tant que femme. Elle venait, selon ses témoignages et celui de sa génitrice qui était à ses côtés pour gérer sa souffrance psychologique, de voir disparaître son bébé à peine sorti de ses entrailles. Nous sommes le 20 août 2011 à l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Ngousso à Yaoundé, jour de la disparition du bébé et relayé par la presse et la Commission Indépendante contre la Corruption et la Discrimination au Cameroun (Comicodi) le 23 août.

C‘est la première fois que les réseaux sociaux camerounais sont secoués par un scandale dont l’ampleur était sans précédent. Cette affaire de bébé volé de Venessa Tchatchou avait même conduit la pauvre ado devant les juges qui avaient été saisi de l’affaire suite à la plainte déposée par l’avocat de la famille. Les défoulements les plus spectaculaires et les opinions et les témoignages plus ou moins invraisemblables ont occupés la Toile pendant plusieurs mois d’affilé. Que n’a-t-on pas entendu ? Certains accusaient l’adolescente de vouloir duper l’opinion. Il lui a été reproché sa jeunesse qui, pour beaucoup, devrait l’éloigner des actes sexuels pour se consacrer à ses études. D’autres ont poussé le bouchon plus loin en la stigmatisant d’être une mère porteuse, d’être vendeuse de bébé, entre autres accusations.

Cette affaire de bébé volé de Vanessa avait, à cette époque, l’avantage damener les acteurs à s’interroger sur les vrais problèmes : la sécurité des pavillons maternels des hôpitaux du pays et par ricochet la prise en charge des femmes enceintes. Elle a démontré, au vu et au su de tous que la corporation avait plein de brebis galeuses qu’il était temps d’extirper du corps médical. Mais, les pourfendeurs aux critiques faciles ont dilué le débat sur la malhonnêteté de Vanessa à telle enseigne que l’affaire du bébé volé a vite fait d’entrer dans les oubliettes non sans compter sur la volupté perspicace du non moins célèbre ministre de la Communications, Issa Tchiroma, surnommé ces derniers temps de « perroquet national ». La célèbre version que l’opinion a retenu de ce perroquet est celle révélant au monde entier que les restes du bébé considéré comme appartenant à Vanessa et qu’elle avait avoué ne pas reconnaître comme étant son rejeton au regard de son sexe différent de celui que les infirmiers lui avaient présentés, ne peuvent plus être analysé pour déterminer l’ADN à causse de leur détérioration. Il était question de prouver à l’opinion que ce bébé mort et enterré était celui de l’adolescente afin d’établir la responsabilité de l’hôpital. En fin de compte, la magistrate accusée d’avoir volé le bébé de Vanessa a échappé à la justice pour des raisons jusqu’ici inconnues, malgré la pression de Jean-Claude Shanda Tonme, président du Comicodi.

Ces multiples scandales mis sur la place publique par les internautes ont tellement fait des vagues à tel point que les médias et les autorités en ont été seco. Avec la faiblesse des partis politiques et de la société civile, les réseaux semblent-ils être la voie incontournable de pression sociale face à la récurrence des problèmes d’eau, d’électricité et de prise en charge sanitaire ? Autrement dit, les Camerounais sont-ils suffisamment organisés pour mener les mouvements sur le terrains à travers les alertes sur le virtuel ?

A suivre…

Tchakounté Kémayou

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