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Pourquoi Camer-Co subit la foudre des internautes camerounais

Le 27 avril 2018, une Camerounaise, Mme Tankoua Joyce, a été « suspendue de tous les vols sur l’ensemble du réseau de la compagnie jusqu’à nouvel avis ». Le passager Tankoua Joyce a été identifiée par le personnel comme la responsable d’un « incident qui porte atteinte à l’image de marque de Camer-Co » pour avoir « retiré le coussin d’assise du siège ». Elle a photographié ce siège et l’a balancé sur les réseaux sociaux. Cette décision du Directeur Général de Camer-Co, Ernest Dikoum, qui manifestement a surpris les Camerounais, n’a laissé personne indifférent. Du coup, les internautes se sont acharnés sur la compagnie et ses dirigeants.

Pour beaucoup, c’est une décision qui n’est pas appropriée. Tout comme les photos prises par Mme Tankoua, la décision du M. Dikoum, contrairement à ce qu’il veut faire croire, ne rehausse pas l’image du Cameroun. Elle est plus liée à l’incompétence des dirigeants de Camer-Co. Nous sommes donc ici en face d’une communication de crise où un client manifeste son ras-le-bol face à la détérioration des conditions de voyage. Mais la « Note de service » de la direction générale tend plutôt à démontrer le contraire en parlant d’acte « volontaire » de destruction du siège.

Les internautes n’ont donc pas hésité à parler de manipulation de la direction générale pour justifier les mauvaises qualités de service à bord des vols de Camer-Co. Il faut avouer que c’est une situation que les Camerounais avaient l’habitude de reprocher à Cameroon Airline (Camair), la défunte compagnie qui a fait ses beaux jours avant sa chute. Elle était d’ailleurs devenue célèbre par son appellation « Air Peu-être » pour ses retards légendaires. C’est ce qui explique le scepticisme des Camerounais sur la bonne foi de Ernest Dikoum qui cherche « maladroitement », avec la nouvelle compagnie Camer-Co, à redonner au Cameroun cette image d’antan qu’elle a perdu depuis belle lurette.

https://twitter.com/Nath_Yamb/status/988717281076269056

La mauvaise « tactiques commerciales » de Camer-Co ?

Une professionnelle du tourisme réagit à cette décision en la qualifiant de « tactiques commerciales » inappropriées dans un contexte de concurrence très rude. La professionnelle Alice Tchomte va plus loin et réserve à Camer-Co le même sort que son aîné Camair. Elle s’adresse au Directeur Général Ernest Dikoum sur sa page Facebook en ces termes :

En tant que citoyenne camerounaise et professionnelle du Tourisme et des Voyages, je m’insurge contre vos manœuvres anti-commerciales qui ternissent davantage l’image de notre compagnie aérienne nationale que vous êtes censé diriger et ramener à un niveau supérieur lui permettant de rivaliser en terme de qualité de service et satisfaction du client, avec un concurrent ayant une très bonne renommée internationale à l’instar de ETHIOPIAN AIRLINES!

  • Madame Joyce Tankoua, n’était ni en état d’ébriété, ni sous influence de stupéfiants, lorsqu’elle a pris ledit vol.Madame Joyce.
  • Tankoua n’est pas une terroriste.
  • Madame Joyce Tankoua n’était pas à sa première expérience en tant que passager aérien, ni sur le vol CAMAIR-CO, ni sur une autre compagnie.
  • Pour ces 3 points, Madame Joyce Tankoua n’avait et n’a aucune raison de  » VOLONTAIREMENT RETIRER LE COUSSIN D’ASSISE DU SIEGE » comme vous le prétendez dans votre note de service, pour expliquer votre puérile décision, indigne d’un homme de votre acabit!

Nous camerounais et notamment moi, avions été fiers de votre parcours dans la compagnie aérienne « EMIRATES » dans laquelle vous avez occupé le poste de Directeur. Mais, par cette note de service que vous semblez avoir signé, vous vous retrouvez au bas de l’échelle des dirigeants des compagnies africaines.

« THE CUSTOMER IS ALWAYS RIGHT  »
Où donc avez-vous mis ce slogan commercial que vous connaissez si bien et avez fait appliquer lors de vos précédents postes de dirigeant à l’international?

Ne savez-vous pas que nos avions ont effectivement quelques soucis tels que ces coussins qui ressortent de leurs sièges et qu’il incombe au personnel aérien d’essayer avec tact, de rassurer le passager plaignant, en le mettant à l’aise puis d’en informer la hiérarchie pour rapidement régler le problème en se procurant du matériel de qualité et non de demeurer dans la vétusté, source de danger?

« Le client est Roi », Monsieur Dikoum et il a le droit de se plaindre du mauvais service rendu.

Sachez que par cette note, vous avez lancé un appel à tous les passagers de CAMAIR-CO, pour prendre en photo ou en vidéo, tous les nombreux couacs de la compagnie que vous dirigez!

Fort heureusement, vous n’avez pas le pouvoir de supprimer l’air qu’on respire sur l’étendu du territoire Camerounais! Madame Joyce Tankoua, d’autres passagers et moi aurions été victimes de votre abus de pouvoir…

A moins de vouloir mettre la clé sous le paillasson, vous feriez mieux de rectifier au plus vite, vos tactiques commerciales!

Alice Tchomté

La sanction de Mme Tankoua doit « servir de leçon »

A la suite de nombreux griefs portés à l’encontre de Ernest Dikoum sur les réseaux sociaux, une employée de Camer-Co s’est vue obligée de réagir. Selon Yolande Bodiong, une ex-employée de Camer-co, toute compagnie a le plein droit d’exclure un passager de ses vols pour « destruction d’un matériel ». Voici en substance, sa réaction sur sa page Facebook :

Je peux comprendre que certains camerounais soient choqués par cette décision du Directeur Général de Camair-Co. Parce que ça relève de l’inédit au Cameroun.

La réglementation internationale en matière de transport aérien est claire: Un passager qui tient des propos injurieux à un membre d’équipage, ou qui détruit ou participe à la destruction d’un matériel doit purement et simplement être débarqué par le commandant de bord à l’immédiat avec rapport à l’appui si toute tentative de raisonnement du passager ne le calme pas.

Ce rapport donne le droit à la direction générale après enquêtes et témoignages des autres passagers et après une fois de plus avoir pris attache avec le passager concerné pour conciliation. Si infructueux, la compagnie se réserve le droit d’appliquer les sanctions conformément à la réglementation internationale en matière de transport aérien.

Le Directeur Général de Camair-Co a posé un acte courageux qui doit servir de leçon. Avoir des droits ne vous donne pas le droit au libertinage.

Des sièges endommagés dans un avion les rend simplement inoperationnels et ne sont pas vendus. Par contre les coussins y sont toutefois maintenus simplement parce que ce sont des moyens de flotaison en cas d’amerrissage et plus encore.

Dénoncer C’est bien, filmer les sièges C’est bien. Mais déplacer un coussin pour faire une photo C’est interdit.
Et connaissant mes collègues et la patience qui les caractérise face aux passagers désagréables, cette dame a dû pousser le bouchon trop loin. Elle mérite cette sanction pour que ça serve de leçon.

Par Yolande Bodiong, Ancienne hôtesse de l’air a Cameroon Airlines et cadre de Camair-co

Camer-Co : une question de survie face à la concurrence

A la suite de ces deux réaction, il faut dire que la compagnie aérienne nationale camerounaise est confronté à de réels soucis. Comme le dit si bien Ernest Dikoum et Alice Tchomte, c’est de l’image du Cameroun dont il est question ici. Détruite par la défunte Camair qui faisait face à un problème de sa gouvernance, il faut maintenant trouver la meilleure stratégie pour l’améliorer.

La meilleure stratégie passera-t-elle par l’application stricte des mesures internationales face aux clients vexés et impatients de voir Camer-Co retrouver l’image d’antan de la Camair ? Il est évident que certaines compagnies ont déjà eu à appliquer cette décision d’exclure les passagers de ses vols. Mais, il est également vrai que ces compagnie, à l’instar de British Airways, ne sont pas dans une situation de reconquête d’une clientèle camerounaise perdue à la suite de la mauvaise gestion de la Camair.

Ici, Camer-Co a besoin d’un souffle nouveau. Elle a besoin de redonner aux Camerounais le goût de voyager avec leur compagnie nationale, ce chauvinisme dont il se gargarisaient en 1979 lors de la naissance de la Camair. Dans cette pression à la recherche de son blason perdu, seule la compétence peut résoudre l’équation. C’est important, voire nécessaire pour rassurer les Camerounais et éviter des coups fourrés sur la Toile en tirs groupés. On ne saurait jamais si bien le dire.

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Auteur·e

tkcyves

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