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Élections : et si la France inspirait le Cameroun ?

La France politique vient de vivre en l’espace d’un mois deux grands événements majeurs de son histoire : les élections présidentielles et législatives. Le monde entier, et plus particulièrement le Cameroun, a été subjugué par cette frénésie chère aux grandes démocraties. En dehors du réglage et de l’organisation, ces démocraties suscitent également quelques appréciations. Malgré les défauts qu’elles peuvent avoir, elles réussissent surtout à faire ressortir une aspiration populaire. Même si les démocraties sont diverses et ne se ressemblent pas, ce qui reste important, c’est cette qualité.

Elections législatives en France
Résultats des élections législatives en France. Matango Club. Crédit photo : L’internaute

Les trois leçons des élections en France

Ces victoires en l’espace de quelques semaines ont permis d’avoir trois enseignements.

Primo : le plébiscite de Macron

Ces élections renforcent l’absolu pouvoir du président de la république Emmanuel Macron. L’élection présidentielle du 7 mai 2017 a consacré la victoire d’un candidat âgé de 39 ans. Quant aux législatives du 18 juin 2017, le mouvement du président Macron dénommé La République en Marche a battu les records de l’espérance. Sur les 577 sièges de l’assemblée nationale, le LREM s’en sort avec 308 députés.

Deuzio : la fin du classique

Ces élections confirment davantage la dégringolade, pour ne pas dire, la fin d’un cycle pour les partis politiques classiques. Ainsi, la montée des mouvements comme la République En Marche (LREM) et la France Insoumise ne signe-t-elle pas la mort du parti socialiste et du parti Républicain ? C’est certainement l’oeuvre d’Emmanuel Macron dont la mission est de mettre en cause le système partisan. Puisque c’est sous son règne qu’il est possible de voir dans le même gouvernement « des socialistes, des Républicains, des centristes, côte à côte et non plus face à face » dixit France Culture.

Les partis tels que le Parti socialiste et les Républicains ont eu des sueurs froides. Le premier avec 29 députés (son pire score depuis l’avènement de la 5eme république) et le second, avec à peine 113 députés, très loin des 223 de la dernière législature, se considèrent désormais comme des parias de la république en France.

Tertio : la montée de la jeunesse

La surprise vient surtout des élus âgé de moins de 30 ans. Ainsi, depuis 1958 où le record a été battu avec 10 députés jeunes, la Ve République enregistre 28 députés vingtenaires. La LREM, encore elle, rafle 18 sièges sur 28 élus. Il faut préciser que 756 candidats de moins de 30 ans étaient en lice. Sans oublier que 5 candidats étaient âgés de 18 ans.

Pour aller plus loin dans l’analyse, les électeurs peuvent opter pour la jeunesse quel que soit le parti. L’exemple de la 10e circonscription du Pas-de-Calais est parlant. Ainsi, celui qui est désormais considéré comme le plus jeune députéLudovic Pajot, affrontait Mme Deschanel, candidate de LREM. Ce jeune de 23 ans était pourtant le candidat du Front National (FN). Même si cette circonscription est le bastion du FN, il n’en demeure pas moins vrai que le peuple est capable de faire confiance à la jeunesse quelque soit son bord idéologique.

L’âge électoral : 18 ans en France, 20 ans au Cameroun

Il ne s’agit pas ici de faire une comparaison les deux pays sur le mode de gestion politique. L’objectif ici est de mettre en évidence les cadres environnementaux et réglementaires qui pourraient inciter les jeunes. Quelques analystes ont déjà fait cette remarque selon laquelle les jeunes camerounais s’engagent moins en politique. Les raisons de ce désengagement sont multiples. Mais, l’une d’elle qui revient plus dans les critiques est bel bien la gérontocratie. C’est la perpétuation de la vieille garde aux affaires. Elle consiste à embrigader les jeunes en les renfermant dans le carcan des faire-valoir.

En jetant un coup d’œil sur les textes, notamment la loi électorale (N° 2012/001 Du 19 avril 2012), tandis que l’âge électoral est fixé à 20 ans, en France on vote à partir de 18 ans. Pendant ce temps, la majorité pénale est fixée paradoxalement à 18 ans et celle civile reste encore maintenu à 21 ans. Autrement dit, à 18 ans, un jeune est pénalement condamnable alors qu’il ne peut pas encore choisir ses dirigeants. Cette majorité électorale était fixée à 21 ans depuis l’indépendance. Et ce n’est qu’à la révision constitutionnelle du 16 décembre 1991 qu’elle a été revue à la baisse. Ce débat sur l’âge électoral ne date pas d’aujourd’hui.

L’émergence d’une nouvelle classe d’homme politique

Ce blocage au niveau de l’âge électoral n’est pas le seul handicap pour l’émergence d’une nouvelle classe politique. L’on a depuis longtemps décrié cette main mise de la vieille garde politique. En effet, depuis l’avènement des indépendances en Afrique, les nouveaux dirigeants étaient des jeunes. Il était convenu qu’après le départ des colons, les pays devraient être confiés aux jeunes administrateurs coloniaux de l’époque. De même que les premiers dirigeants, certains vieux présidents actuels ont été dans les arcanes du pouvoir étant très jeunes (entre 25 et 40 ans). Paradoxalement, il devient presque difficile voire impossible aujourd’hui de s’engager trop jeune au Cameroun.

En plus de cette caporalisation de la vieille garde au niveau du pouvoir, les partis politiques ne sont pas en reste. Depuis les années 1990 où le multipartisme a été légalisé après son interdiction en 1966, les partis politiques sont dans la même logique. La plupart qui sont entrés dans l’arène politique grâce à cette loi, garde jusqu’aujourd’hui le leadership vieux de plus de 26 ans. Même si le contexte avec la France ne peut pas s’identifié avec le Cameroun, ne peut-on pas s’interroger sur la nécessité du renouvellement de cette classe politique ?

Quel sens donner à l’abstention aux élections en France ?

Que peut_on dire du taux impressionnant de l’abstention qui devient l’une des formes les plus affinées d’expression politique en démocratie ? Au delà de la victoire de la LREM on peut observer une population indécise. Le taux d’abstention qui est au dessus de la moyenne (57,4%) révèle la désaffection de la population vis à vis du politique. C’est le taux record jamais réalisé depuis 1958. On peut ici se prononcer sur la fin de la cinquième république. La LREM est un mouvement qui peut prendre fin à tout moment car il n’est encré sur aucune idéologie véritable mis à part l’hyper utilisation du marketing politique.

Ramené à notre contexte, c’est à dire celui du Cameroun, il y’a lieu de se demander si la démocratie revêt les mêmes vertus dans tous les pays où elle est choisie comme modèle de gouvernance politique ? Ce taux d’abstention observé en France, est vu au Cameroun sous un autre angle. La désaffection proviendrait non pas du taux d’abstention, mais du taux du refus d’inscription sur les listes électorales.

Qu’est ce qui bloque le renouvellement politique au Cameroun ? Est ce la jeunesse de notre État ou l’immaturité de notre citoyenneté ? Rendez-vous dans le prochain billet pour tenter de répondre à cette question.

Ce billet a été rédigé avec le concours du juriste Laurent Dubois Njikam à qui je transmet mes remerciements.

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Auteur·e

tkcyves

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