Crédit:

Comprendre le positionnement des acteurs dans la crise anglophone au Cameroun

L’un des avantages qu’aura apporté la crise anglophone au Cameroun, c’est justement le réalignement des acteurs. C’est une forme de positionnement ou ré-positionnement des acteurs et des leaders politiques, des analystes et des chroniqueurs. Pour dire autrement, c’est une crise qui donne l’occasion à chacun de s’exprimer en dévoilant au grand jour ses opinions et convictions.

Toute crise a donc cela de particulier : dévoiler à l’opinion la position claire de chaque acteur politique et de certains leaders. L’occasion est alors venue de découvrir les vrais visages de certains et leur alignement idéologique qui ne faisait l’ombre d’aucun doute. Il sera question ici de donner les détails sur les différents camps de positionnements des discours des acteurs. Les lignes de démarcation de chaque discours montreront au grand les réalités du changement tant convoité.

Les journaux, acteurs partisans du statut-quo
La presse écrite profitant de la crise anglophone pour se lancer dans une campagne de dénigrement et de sabotage du fédéralisme par les journaux qui sont des acteurs partisans du statut-quo. Matango Club

Depuis le début de la crise anglophone, les Camerounais ont construit trois champs de manifestation de la crise. Les champs de manifestation sont des espace de mobilisation et d’expression sur le déroulement de la crise. Tandis que les uns sont sur le champ du terrain de mobilisation, les autres s’illustrent, soit, comme des observateurs, soit, comme des activistes à travers la Toile et les médias audio-visuels. Ces deux derniers semblent particulièrement intéressants pour une raison simple. Les débats noués autour de la crise font l’objet d’une cristallisation autour des positions idéologiques sur l’avenir politique du Cameroun.

Qui sont d’abord les acteurs de la crise ?

La crise, autrefois corporatiste s’est investie de plus en plus sur le champ politique. On peut donc distinguer trois catégories d’acteurs : les manifestants, les leaders, les penseurs-activistes, les observateurs et les fonctionnaires. Chacun d’eux joue un rôle précis dans l’évolution positive ou négative du la crise.

Les acteurs et leurs positions

Chez les manifestants et les leaders, trois camps se neutralisent : les fédéralistes, les sécessionnistes et les républicains. La zone géographique des manifs se trouve dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest d’expression anglaise. Les deux premiers catégories d’acteurs sont les plus nombreux puisque ce sont eux qui ont déclenché la crise. Par contre, il serait actuellement difficile de faire la distinction entre les fédéralistes et les sécessionnistes. Car, ceux-ci, avec le pourrissement et la dégradation de la situation, ont largement pris le dessus. Ainsi, le positionnement des fédéralistes a évolué vers la sécession.

Chez les observateurs (ceux qui n »émettent aucune opinion) et penseurs-activistes, il existe également trois camps. Ils sont répartis en positionnements identiques que ceux ont été identifiés chez les manifestants. Sauf que la proportion pour chaque catégorie est inversée. Ici, par contre, les fédéralistes et les républicains sont plus nombreux. Il serait par contre plus difficile de faire la distinction entre les républicains et les fédéralistes. Théoriquement, les huit régions d’expression française et les Camerounais (Anglophones et Francophones) de la diaspora représentent les champs d’expression de ces acteurs. Les Anglophones de la diaspora sont plutôt adeptes de la sécession.

Les autorités administratives jouent ici le rôle de gestionnaires de la crise. Ils s’illustrent par des méthodes caractérisées de zèles. Elles sont pointées du doigts comme celles par qui la crise le dialogue doit être enclenché. Curieusement, les multiples échecs et tentatives de dialogues divisent l’opinion sur leur réelle volonté de voir un dénouement heureux de la crise.

Le contenu des alignements des acteurs

Il est cependant utile de préciser ici que le temps a favorisé l’évolution des positions qui se sont de plus en plus endurcies. Ainsi, on a donc des positions qui, au départ, plus conciliantes sont devenues trop radicales. Aujourd’hui, le sécessionnisme a pris du terrain chez les Anglophones tandis que les Francophones évoluent vers vers le fédéralisme. Cette évolution des positions n’est pas du goût des autorités dont l’objectif, visiblement, est de laisser pourrir la situation pour faire reculer les positions ou maintenir le statu-quo.

Il existe quatre camps de positionnement

Les républicains sont ceux qui soutiennent le pouvoir de Yaoundé. Ils sont unanimes aux dénouement de la crise par le strict respect des dispositions de la constitution de 1996. Celle-ci prône l’État unitaire avec une décentralisation comme mode de gestion de la cité.

Le fédéralisme, par contre, est une option qui n’est pas du tout nouvelle au Cameroun. Il était en vigueur dans la constitution de 1961. Cette option va au-delà de la décentralisation et donne un réel pouvoir parlementaire et exécutif aux régions.

La sécession, à son tour, donnée marginale, est presque devenue une option à prendre dorénavant au sérieux. Les menaces séparatistes, prônées par le SCNC, sont de plus en plus visibles. Aujourd’hui, le groupe sécessionniste se fait appeler « Southern Cameroons/Ambazonia ».

Le dernier camp me semble un peu complexe. C’est celui des partisans du statut-quo actuel. Ces partisans sont à la fois, les autorités administratives et les membres du parti au pouvoir. A la suite de la victoire à la présidentielle de 2011 remportée par Paul Biya, c’est le camps de ceux qui ont été chargé d’implémenter la constitution de 1996. Une constitution qui fait du Cameroun un « État unitaire décentralisé ».

Le double-jeu des partisans du statut-quo

En fait, la décentralisation c’est l’autonomie de gestion des régions avec un réel pouvoir d’indépendance budgétaire. En fait, c’est de quitter l’État unitaire centralisé vers l’État unitaire décentralisé. Cette politique, en vigueur depuis 1996, n’est toujours pas appliquée. Pourquoi ? Pour les autorités de Yaoundé, la peur de se départir des prérogatives décisionnelles freine l’application de ces dispositions constitutionnelles. Ici, les partisans du statut-quo se confondent avec les républicains. Les deux prônent l’application de la décentralisation, mais les partisans du statut-quo jouent un double-jeu.

Les trois positionnements de l’opinion, décentralisation, fédéralisme et sécession, sont proposés pour renverser le statut-quo. Ils sont aussi considérés comme des options de dénouement de la crise anglophone. Cependant, chacune d’elle étant porteuse d’enjeux qui pourraient mettre en péril le pouvoir de Yaoundé, on comprend dès lors le choix du pourrissement de la situation. Mais, ce qui fait problème, justement, c’est le positionnement des Francophones dits progressistes ou modérés depuis le début de cette crise.

Qui sont les francophones (fédéralistes ?) dits « modérés » ?

Même s’il est difficile de savoir la proportion des francophones favorables au fédéralisme par rapport aux républicains, il n’y a cependant aucun doute que les anglophones en sont majoritairement favorables. 

Le camp des fédéralistes est beaucoup plus complexe que celui du statut-quo. Depuis les deux dates sanglantes (22 septembre et 1er octobre 2017), le flou qui persistait pour faire leur distinction s’est de plus en plus estompé. Il faut alors distinguer les fédéralistes radicaux (solidaires des Anglophones) et les fédéralistes dits « modérés ». Ces derniers sont considérés comme des républicains dits « progressistes ».

La tendance est à la confusion entre les républicains et républicains progressistes (ou fédéralistes modérés). Cette confusion est semblable à celle qu’on fait entre les partisans du statut-quo et les républicains. Pour les républicains progressistes, l’accent doit être mis à l’application de la constitution de 1996. Puis, progressivement, le fédéralisme pourra être implémenté à dose homéopathique. Les républicains progressistes se retrouvent généralement chez les Francophones. Pourquoi ces progressistes se disent solidaires des revendications anglophones, mais se désolidarisent des combats qui vont avec ? Ou alors,  comment sont-ils différents des fédéralistes radicaux solidaires des manifestants anglophones ? La réponse est à chercher dans leur espièglerie.

La mauvaise foi entretenue par ces « progressistes »

Les progressistes ou modérés affichent, depuis le début de la crise, des positions carrément ambiguë. Ils disent être d’accord pour le fédéralisme, mais se désolidarisent des méthodes du « ghost town ». Ils se sont toujours illustrés par leur souhait incessant au retour au calme pour la simple raison qu’ils veulent la paix. Plus encore, ils insinuent que personne ne peut défier l’autorité de l’État. Pour cela, quiconque ne se plie pas aux injonctions de l’autorité mérite la morts. Ils se fichent pas mal des victimes des balles réelles des soldats. Ils entretiennent un discours de diabolisation envers les manifestants en les qualifiant de « sécessionnistes » et « anti-patriotes », de « terroristes », de « chiens », de « Biafrais » qui méritent la mort.

Pour eux, l’application des mesures fortes (police, justice) pour rétablir l’ordre et la paix à tous les prix doit être perpétuée. Depuis le début de cette crise, ils sont dans une posture de diabolisation de la crise. Leur souhait, d’ailleurs, c’est de voir l’échec de la crise pour se donner bonne conscience d’avoir alerté les manifestants Anglophones. Ils continuent de pérorer sur la force de l’État qui, pour eux, détient le monopole de la violence légitime.

En fait, ils scandent l’ouverture des écoles. Plus même, ils disent aimer les enfants plus que les parents de ces enfants. Ils disent qu’il faut protéger l’avenir de ces enfants alors que les enseignants estiment que cet avenir est en péril. De quel avenir parlent donc ces progressistes-modérés ? Ils sont convaincus que les parents maintiennent leurs enfants à la maison par la peur et la contrainte. Pour preuve, la vague d’élèves qui fuient les régions anglophones pour aller s’inscrire dans les régions francophones est le signe que les populations vivent dans la terreur. Comment expliquer donc ces liesses populaires observées le 22 septembre et le 1er octobre ? Ces populations ont-elles été manipulées ?

Discours biaisé ?

Curieusement, ce discours des progressistes-modérés n’est pas loin de celui entretenu par les autorités, partisans du statut-quo et les républicains. Du coup, le discours des fédéralistes est brouillé pour laisser croire à l’opinion que les Anglophones veulent à tous les prix le pouvoir en brandissant la sécession comme un objet de chantage.

Pourquoi les Francophones sont-ils si méchants au point de se réjouir de la morts des Anglophones ? Au fait, comment expliquer cette différence de comportement de deux populations de langue différente, mais qui vivent ensemble ?

Le déterminisme culturel des acteurs

La nécessité de reconnaitre la spécificité des problèmes Anglophones au Cameroun est un préalable. Le respect des spécificité de la minorité devrait alors être de soi, puisque garanti par le droit international. En dehors du fait de sa minorité, les Anglophones sont un peuple de réfractaire à la soumission.

Il faut bien se rappeler que les populations des régions anglophones du pays ont, pendant de nombreuses années, de 1919 À 1961, soit environ 50 ans, vécu sous le système de l’ « indirect rule », où avec leurs autorités coutumières, elles géraient les affaires de leur localité sans attendre que les ordres viennent de la capitale. Ils n’ont pas subi la colonisation française qui a développé, dans la partie francophone, cette culture de la soumission quasi-religieuse, à la moindre autorité de l’État (au prétexte que tout pouvoir vient de Dieu). Nos compatriotes anglophones peuvent donc être plus mal à l’aise que les francophones dans cet État au fonctionnement de plus en plus centralisé, là où les francophones peuvent être tolérants, sinon carrément heureux.

Atangana Mebara, Ancien Secrétaire Général de la Présidence de la République, incarcéré pour détournement de deniers publics.

Les progressistes-modérés francophones sont en fait dans le déni

Les autorités administratives qui gèrent la crise continuent, coûte que coûte, à multiplier des stratégies de dénouement. D’échec en échec, elles se sont heurtées aux barrières qui ont empêché un début de dialogue franc et sincère. Curieusement, les progressistes continuent de crier au complot de déstabilisation en oubliant qu’ils ont affaire à un gouvernement d’incompétents.

– Ils ont commencé le dialogue avec le consortium, et quand ils se sont rendu compte que les leaders ne voulaient pas céder au chantage, ils ont capitulé,
– Ils ont alors saboté le dialogue avec le consortium,
– Ils ont mis les leaders du consortium en prison en espérant que la peur allait dissuader les Anglophones,
– Ils ont cru que l’intimidation allait marcher comme ils l’ont fait en 1990 et en 2008,
– Ils sont allé en rang dispersé dans la zone anglophone pour négocier, le résultat a été catastrophique,
– Ils sont aussi allé rencontré la diaspora pour négocier, l’accueil a été désastreux,
– Ils ont alors libéré les leaders du consortium en espérant que ça allait calmer les Anglophones,
– Ils sont maintenant allés négocier pour une troisième fois dans la zone anglophone, et l’un des leaders du consortium, en voyant le dos du nageur, a tout simplement dit « Niet, Nada, vous mentez ».

Nous sommes maintenant dans l’impasse.

Pour une première fois dans ce pays, une population, j’allais dire, les Anglophones réussissent à soumettre la bande du tyran au pas. Il a fallu l’existence des Anglophone dans ce pays pour réussir ce challenge : malmener les autorités imbues et zélées. Et je suis très content de ce qui leur arrive. Il n’y a que des Francophones qui son incapables de comprendre que ce sont les Anglophones qui tiennent le bon bout, je veux dire, qui tiennent le bâton du pèlerin. Je n’ai jamais vu les autorité aussi dépassées par les événements.

Partagez

Auteur·e

tkcyves

Commentaires