Crédit:

Portrait-robot des camerounais qui écument les réseaux sociaux (1)

1926.jpg22222Le monde camerounais des réseaux sociaux est aussi divers que multiple. Une étude de la personnalité des Camerounais qui fréquentent régulièrement des forums montrerait, à coup sûr, des surprises à n’en plus finir. Je me suis amusé à concevoir une série de catégories à la suite d’une simple observation des fréquentations des forums camerounais Facebook, Yahoo, Linkedin, etc. Une étude sur la personnalité de ces différentes particularités, à travers un portait sociologique aurait eu le génie de faire remonter à la surface ce que cache, justement, la Toile aujourd’hui.

Ouvrons une parenthèse sur la problématique de la personnalité de ceux qui inondent internet pour dire qu’elle n’est pas une mince affaire d’autant plus que ce qui est en toile de fond reste précisément la question de la sécurité. Connaitre qui se cache derrière chaque manipulation, chaque publication est scientifiquement concevable et n’est plus considérer comme une atteinte à la personne privée du genre « fouiner dans la vie privée des gens ». Avec cette préoccupation lancinante de la lutte contre le terrorisme qui prend de plus en plus de l’ampleur, la problématique de la sécurité internet entraînera à la longue, à coup sûr, la suppression de la notion de la vie privée.

La limite scientifiquement décevante d’une telle approche est formulée sur la quasi-inaccessibilité de la grande majorité à la Toile. Comment cela peut-il se comprendre ? Si on estime que ceux qui visitent la Toile au plus une fois par semaine ou même par mois à cause des raisons financières, il serait incongru de les mettre dans la catégorie des « silencieux ». Ici, la définition du silencieux étant : « celui qui voit et ne dit rien ». Voilà justement la limite la plus dangereuse d’une telle étude.

C’est donc une analyse qui demande beaucoup plus de rigueur et de prédisposés théoriques intellectuellement coûteuse. Ce n’est donc pas l’objet de cette chronique. C’est juste une parenthèse que je referme donc après vous avoir montré les enjeux d’une telle étude du portrait sociologique des internautes.

Cette catégorisation est, pour le répéter, le fruit d’une simple observation personnelle et ça ne saurait être considéré comme une conclusion définitive. Pourquoi ne pas vous suggérer de participer, dans le commentaire, en donnant une catégorie qui vous passera par la tête.

La première partie que je vous propose ci-dessous est consacrée aux catégories des internautes caractérisés par leur propension à la rationalité. Leurs interventions et réactions sont des textes construits qui ne souffrent d’aucune ambiguïté. Ces internautes sont des Camerounais qui ont des positions claires, nettes et tranchées sur les sujets d’actualité de l’heure.

Les intellos

C’est la catégorie qui m’enchante tout de suite quand je visite un forum dans les réseaux sociaux camerounais. Ils appartiennent, généralement, au monde universitaire. Ce sont aussi des personnes de la classe des professions libérales. Facilement identifiables par leur propension à la critique conceptuelle de l’actualité. Bien que la compréhension ne soit pas à la portée de tous, leurs écrits sont beaucoup plus riches en culture générale qu’en approches théoriques, contrairement à ce que d’aucuns peuvent penser. Ils interviennent sporadiquement et ne prennent position que pour défendre leur orientation intellectuelle. Leur défaut, cependant, c’est de voir les autres de haut et ignorent vachement des réactions qui ne sont dignes d’intérêt que de leur minceur intellectuelle. Si vous dites quelque chose d’insensé, soit ils vous remettent à l’ordre à défaut de vous ignorer, soit alors ils vous excluent carrément et poliment en vous « bloquant ». Ils sont furieux et colériques face aux critiques qu’ils jugent « stériles » et « acerbes ».

Les apprentis érudits

Ils sont dans tous les sujets et pas en tant qu’experts, mais comme maîtres à penser. Au Cameroun, les mauvaises langues nomment ce genre de personnes les « sabi tout » (ceux qui savent TOUT). Ils ont l’art de s’imposer dans tous les débats, tous les sujets, même les plus philosophiquement complexes pour ne pas dire ce qu’ils ne maîtrisent pas. On a l’impression qu’ils sont à la recherche d’une quelconque reconnaissance ou renommée ou encore quelque chose de ce genre. Dans tous les cas, le seul indice pour les reconnaître est simple : on les voit apparaître sur tous les sujets, sans exception. Généralement, les maîtres dans ce jeu choisissent des pseudos ou fausses photos de profil. D’autres encore possèdent plusieurs profils. Ils interviennent dans un débat avec un profil précis, puis dans un autre avec un autre profil et ainsi de suite. Pour eux, le seul indice pour les remarquer, c’est leur mode d’écriture. Mais alors, ils sont toujours prêts à semer le désordre quand ça leur chante.

Les politiciens et les politicards

Ils sont facilement identifiables par le fait de leurs aveux. Ils clament haut et fort d’être membre de tel ou tel parti politique, qu’il soit du pouvoir ou de l’opposition. Ils sont toujours en campagne, supportant ou critiquant les leaders politiques au pouvoir ou de l’opposition. Ils rédigent leur billet en invectivant un leader ou une action commise par l’un d’eux et se revendiquent d’être la solution à tous les problèmes des Camerounais en détresse. Pour les opposants au régime, tout tourne autour de la mauvaise gestion du pays. Vous parlez défaite des lions Indomptables de football, ils vous rétorquent que c’est parce que le président de la République n’est pas allé à tel ou tel sommet de l’Union Africaine. Je ne saurais parler des opposants sans faire un clin d’œil à leurs pendants : les propagandistes du régime au pouvoir. Ils considèrent toujours leurs détracteurs comme des malfaisants, d’éternels pleureurs, les victimes et bannis du système ou encore des mendiants qui cherchent désespérément leur quote-part du gâteau national. Il vous suffit d’afficher les photos du tramway nouvellement construit à Addis-Abeba, ils prennent ça comme un affront et ils bondissent sur vous tout de suite comme un lion qui veut dévorer sa proie. En guise de réaction, ils publient les photos d’un rare échangeur de Yaoundé nouvellement construit pour le passage de leur président de la République de l’aéroport à M’voméka ou même les photos d’un bel immeuble appartenant à un riche homme d’affaires Bamiléké à Douala. Comme pour dire que Douala et Yaoundé sont aussi, sinon plus belles qu’Addis-Abeba. Ça s’appelle la « contre-publicité ».

Les traditionalistes, panafricanistes, adeptes du khémitisme

Ce sont les plus rationnellement radicaux sur la Toile. Pour eux, l’Afrique doit désormais se libérer du joug des colons. La pensée unique, le rationalisme, l’eurocentrisme, bref, la spiritualité et la civilisation occidentale est la véritable cause de la pauvreté du continent. Leur posture théorique et méthodologique est simple : si l’Afrique, avec les langues française, anglaise, arabe, espagnole et portugaise, avec les religions chrétiennes et musulmanes, avec la monnaie étrangère (le FCFA), etc. n’arrive pas à sortir de la galère, il est donc temps de tourner la page, de passer à autre chose. C’est une logique qui ne repose que sur un retour au mode de pensée, à la spiritualité ancestrale pour puiser les ressources intellectuelles dont l’Afrique a besoin pour penser son développement. Une étude de personnalité de ce type de Camerounais montre qu’ils sont hantés par la déception. La haine qui les habite est liée au fait que la contradiction entre les potentialités naturelles et humaines du continent et sa dépendance économique (en nourriture, en technologie) ne s’explique pas. Selon eux, depuis l’abolition de l’esclavage et la fin de la colonisation, les puissances occidentales tiennent encore l’arène des pouvoirs politiques en Afrique. Ils ont un seul mot dans leurs écrits : révolution. Il ne s’agit pas d’une simple révolution d’alternance, mais d’une révolution semblable à celle de 1789 en France. Il n’y a qu’à voir comment ils envahissent les réseaux sociaux en professant des jurons et des malédictions lorsqu’une armée étrangère débarque dans un pays dans le cadre d’une mission de l’ONU pour la paix. Cela ressemble, pour eux, à une annexion.

Les « conscientisateurs »

Vous vous demandez surement avec quelle gymnastique j’ai réussi à trouver ce mot. Vous venez là, d’avoir pleinement raison. Je cogitais un peu entre les termes « activistes » et « moralisateurs » et je me suis résolu à créer mon propre terme. Dans cette catégorie se trouvent des personnes dont la plus grande partie du temps sur internet est basé sur l’enseignement, la conscientisation et le foundraising. À ne pas donc confondre avec la catégorie des intellos. On retrouve les conscientisateurs aussi bien dans le monde universitaire que partout ailleurs. Les domaines du social, de la santé et de l’éducation sont les plus sollicités. La lutte contre pollution, le soutien aux orphelins, aux enfants handicapés, aux prisonniers, la prise en charge des malades et la construction des salles de classe, etc. sont autant d’actions de bénévolats qui suscitent et mobilisent un certain nombre de volontaires acquis à la cause. Cette catégorie à laquelle votre serviteur que je suis appartient est une école de véritable prise de conscience de la fragilité de l’être humain. C’est une école qui m’a beaucoup formé et m’a permis de comprendre le sens de la vie, de l’existence. Elle m’a permis de connaitre les potentialités qui sont les miennes afin d’être conscient de mes limites. Sociologue de formation, la totalité de mon expérience professionnelle est entièrement basée sur plus d’une dizaine de participations actives aux actions de bénévolats. Aujourd’hui, je n’arrive même pas à imaginer à tel point, en tant que personne handicapée, je suis capable de réaliser des choses extraordinaires dont j’étais prédisposé incapable. Ces expériences, en plus d’être professionnelles, sont devenues ma passion, le sens ma vie. C’est alors une véritable école d’existentialisme.

A suivre….

Tchakounté Kemayou

Partagez

Auteur·e

tkcyves

Commentaires