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La présidentielle camerounaise du 7 octobre et la guerre des chiffres

Après de la déclaration du candidat Maurice Kamto sur sa victoire à la présidentielle du 7 octobre 2018, beaucoup d’eau a coulé sur le pont. En fait, cette déclaration a entraîné des réactions diverses qui ont fusées de toutes parts. Les plus virulents ont été celles des autres candidats comme Joshua Osih, Cabral Libii, Franklin Ndifor et Serge Espoir Matomba. Ils ont, pour la plupart, condamné cette déclaration en la trouvant prématurées et inopportunes. A côté de ces réactions, il y a la guerre des chiffres qui n’arrêter pas polluer la Toile. La communication et la diffusion des tendances étant interdite par la loi, difficile chez les Camerounais, de supporter un délai de 15 jours maximum pour la proclamation des résultats.

La dernière actualité vient d’une supposée fuite d’information en provenance de la Commission nationale de recensement général des votes (CNRGV) qui a remis sa copie ce lundi 15 octobre. C’est l’avant dernière étape d’un long processus post-électoral qui va prendre sa chute au Conseil constitutionnel habilité à proclamer les résultats définitifs. Le conseil dispose d’un délai de 5 jours maximum pour étudier les recours et proclamer les résultats. Entre-temps, les états-majors des candidats, les forums des réseaux sociaux et toute l’opinion nationales spéculent sur les chiffres qui comporteraient même des erreurs flagrantes d’arithmétique.

Nous vous livrons ici deux analyses de deux journalistes sur la guerre des chiffres. En attendant la proclamation des résultats, que va-t-il se passer ?

Biya largement en tête suivi de loin par Kamto (Alex Gustave Azebaze)

Selon des sources concordantes à la Commission nationale de recensement général des votes (CNRGV) qui a achevé ses travaux hier nuit, le président Biya arriverait largement en tête des 9 candidats avec plus de 70% de voix. Bien qu’un peu moins des 78% de 2011, il est suivi par Maurice Kamto. Avec légèrement moins de 15% des suffrages valablement exprimés, le candidat du Mrc réaliserait néanmoins un meilleur résultat que le candidat du SDF John Fru Ndi, qui avec un peu plus de 10% était arrivé 2e en 2011.

Avec chacun moins de 10%, les autres candidats suivraient dans l’ordre ci-après : Cabral Libii de Univers avec un peu plus de 6% ; Joshua Osih du Sdf avec moins de 4% ; Adamou Ndam Njoya de l’Udc avec un peu plus de 1%. Les autres notamment Garga Haman Adji (ADD), Ndifor Frankline Afamwi (MCNC), Serges Espoir MATOMBA (PURS) ferment le banc avec moins de 1% chacun. Malgré son désistement l’avant veille du scrutin en faveur du Pr KAMTO, l’ancien bâtonnier Akere Muna dont ELECAM a refusé de retirer les bulletins de vote, est classé, naturellement en dernière position.

18 requêtes au total ont été introduites. 17 demandant l’annulation totale de l’élection et une souhaite l’annulation partielle

Ces résultats quasi officiels ne sont néanmoins pas définitifs. Ils ne le seraient qu’après l’examen et les décisions sur les différents recours enregistrés depuis jeudi au greffe du Conseil constitutionnel dans le cadre du contentieux électoral qui s’ouvre incessamment, en principe au plus tard demain lundi 15 octobre 2018.

À ce sujet, 18 requêtes au total ont été introduites. 17 demandant l’annulation totale de l’élection et une, celle du Pr Maurice Kamto, souhaite l’annulation partielle dans quelques dizaines de localités situées dans 7 régions du pays.

En attendant le Conseil Constitutionnel pour les résultats officiels et définitifs

Parmi ceux qui demandent l’annulation totale, il y a deux introduits par les candidats Cabral Libii et Joshua Osih. Les 15 autres recours sont ceux de sieur Bertin Kisob, actuellement détenu à la prison de Kondengui dans le cadre de la crise anglophone. Il avait déjà tenté en vain de voir sa candidature être acceptée pour cette présidentielle. À l’époque son dossier – qui ne contenait pas le certificat de versement du montant exigé de la caution ni la preuve qu’il est investi par un parti ayant des élus encore moins les 300 signatures requises pour les candidatures indépendantes – avait été recalé. « Une candidature pour la farce » avaient alors soutenu certains analystes.

Le Conseil Constitutionnel devrait rendre son verdict dans les 72h suivantes. Probablement entre mardi 16 octobre et jeudi 18 octobre 2018. Ainsi les résultats définitifs de la présidentielle pourraient être proclamés plusieurs jours avant le 22 octobre 2018

Dans un entretien avec la presse jeudi dernier, le directeur général de ELECAM, Eric Essousse avait déclaré qu’aucun recours n’avait de chance de prospérer. Faut-il donc à la lumière de cette déclaration considérer comme définitives ces données sur les résultats compilés et obtenus par nos soins auprès de personnes ayant pris part aux travaux de la CNRGV ?

Selon un de ses membres ayant requis l’anonymat, le Conseil Constitutionnel devrait rendre son verdict dans les 72h suivantes. Probablement entre mardi 16 octobre et jeudi 18 octobre 2018. Ainsi les résultats définitifs de la présidentielle pourraient être proclamés plusieurs jours avant le 22 octobre 2018, date butoir, selon le code électoral qui donne 15 jours maximum à cette institution pour proclamer les résultats. Précision importante : les décisions de cet organe juridico-politique national sont définitives donc non susceptibles de recours. Du moins au plan du droit interne camerounais.

Le temps de la guerre des chiffres (Serge Aimé Bikoï)

Certes, les travaux de la commission nationale de recensement général des votes étaient publics, mais, prendre la décision de publier, ex-cathedra, les résultats de l’élection présidentielle, travail qui est dévolu au conseil constitutionnel, instance ayant le rôle de la publication des résultats, il y a, sans conteste, anguille sous roche.

En effet, lorsque le candidat à la présidentielle du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) s’est autoproclamé vainqueur le 8 octobre 2018 sans, toutefois, faire évocation de pourcentage qu’il a obtenu et de ceux de chaque prétendant à la magistrature suprême, il y a eu une levée de boucliers du kaléidoscope gouvernemental et de certaines catégories sociales et politiques tant Maurice Kamto a été châtié, stigmatisé, invectivé et roué de coups au sens du registre de la violence symbolique connu de tous dans le champ politique.

ces chiffres confortent les partisans du parti au pouvoir

Maintenant que certains acteurs politiques et des journalistes rendent publiques les statistiques électorales de la commission nationale de recensement général des votes, l’on n’observe guère cette contestation générale tant ces chiffres confortent les partisans du parti au pouvoir, qui souhaitent, de surcroît, l’éternisation au pouvoir du fils de Mvomeka’a.

Certains directeurs de publication des journaux dont nous sommes, d’ailleurs, en train de lire, in extenso, l’édition de ce jour, ont fait cas de ces résultats au mépris de la violation du secret du travail de cette instance et au mépris de la violation des principes, préceptes et règles du Code électoral.

Incontestablement, nous nous acheminons quasiment vers le même scénario, dont le point de chute est la proclamation de Paul Biya vainqueur de la présidentielle 2018

La publication des travaux de la CNRGV n’est pas, en réalité, une nouveauté puisque, lors de l’élection présidentielle de 2011, Ernest Peukeho, à l’époque mandataire du Bric (Bloc pour la reconstruction indépendante du Cameroun) était le premier à publier les chiffres de la commission nationale de recensement général des votes. Chiffres qui donnaient l’homme du 6 novembre 1982 vainqueur. Toute chose qui avait, en effet, été corroborée lorsque la cour suprême, faisant office de conseil constitutionnel, avait rendu publics les résultats au demeurant.

Incontestablement, nous nous acheminons quasiment vers le même scénario qu’en 2011

Incontestablement, nous nous acheminons quasiment vers le même scénario, dont le point de chute est la proclamation de Paul Biya vainqueur de la présidentielle 2018. En décidant donc de publier, comme cela est fait depuis samedi, 13 avril 2018, les chiffres de la commission nationale de recensement général des votes, l’enjeu consiste, ipso facto, à engager le débat autour de la validation ou non desdits chiffres que certains mandataires ayant participé aux travaux battent en brèche. C’est, d’ailleurs, la raison pour laquelle d’aucuns récusent et contestent ces résultats en attendant le déroulement du contentieux post-électoral ce mardi, 16 octobre 2018.

Quelle est donc l’opportunité de la publication des chiffres de la commission nationale de recensement général des votes à quelques jours du verdict du conseil constitutionnel ? Sans préjuger de la connaissance de l’opinion des uns et des autres dans l’agora, il s’agit de jeter un ballon d’essai sur le terrain, le dessein étant de savoir si ces chiffres rencontrent l’assentiment du bas-peuple. Pourtant, ces statistiques sont fort contestées par plus d’un. Si Clément Atangana et ses pairs légitiment ces résultats in fine, la démographie électorale l’accréditera-t-elle?

Wait and see !

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Auteur·e

tkcyves

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