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Présidentielle au Cameroun : la bataille de communication entre les pro et anti Maurice Kamto

Le candidat à la présidentielle d’octobre prochain, Maurice Kamto, goûte à sa première expérience politique. La présidentielle au Cameroun est une période de tensions permanentes. Elle ravive les passions et les émotions dans l’opinion à travers la Toile et les médias classiques. C’est la principale caractéristiques des périodes électorales.

A l’approche de la présidentielle d’octobre 2018, les partis politiques ce sont déjà mis en branle. Cette course à la magistrature suprême est marquée par des rivalités entre les acteurs politiques. D’une part, entre les partis politiques de la majorité présidentielle et ceux de l’opposition. Et d’autre part, entre les différents partis politiques de l’opposition. Pour ce dernier cas qui nous intéresse ici, la tension entre les partis politiques de l’opposition met au centre des polémiques, le leaders Maurice Kamto, président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC).

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Maurice Kamto, Président du MRC et candidat déclaré à la présidentielle d’octobre 2018 au Cameroun. Crédit photo : MRC

Pourquoi Maurice Kamto fait-il l’objet de tant de fixation pour cette présidentielle au Cameroun ?

Le Cameroun a toujours eu à passer des moments de vives tensions marquées par une situation particulière à la veille des échéances électorales. Depuis le retour du multipartisme en 1990, les élections présidentielles pluralistes de 1992, 1997, 2004 et 2011 ont, chacune, toujours été marquées par un serpent de mer : la coalition des partis politiques de l’opposition. Si celle de 1992 a été un succès pour le moins éclatant avec Ni John Fru Ndi comme candidat de la coalition de l’opposition, cette expérience hante toujours l’opinion. Les expérience ratées de 1997, 2004 et 2011 ravivent encore les tensions au point où certains laisseraient croire que l’opposition doit encore passer par cette option de coalition pour espérer une alternance. Il serait toutefois naïf de ne pas penser que dans cette derrière idée de coalition se cache le mythe de Sisyphe :  la quête du leadership.

Les partis politiques de l’opposition veulent construire un leadership à l’image de Ni John Fru Ndi, leader charismatique, en 1992. C’est ce que les idéologues du MRC de Maurice Kamto ont compris. Un projet de société conçu autour de l’idéologie du social-libéralisme est le socle sous lequel se fonde le leadership. Libérer l’homme, libérer la parole pour permettre la confrontation et exploser les talents. C’est dans la concurrence des talents que le développement est possible. Pour y arriver, la stratégie du MRC est évidente : se livrer à la bataille communicationnelle semblable au concept de la guerre de l’information.

Les conséquences de cette stratégie communicationnelle

La bataille communicationnelle a cet inconvénient qu’elle expose le leader et le livre à la vindicte. Maurice Kamto, en s’exposant, s’attend à recevoir des coups de massue. Cette bataille communicationnelle choisi par le MRC n’est pas naïve. Elle est fondée sur l’objectif de la propagande politique de son idéologie. Cette propagande est exercée dans un contexte de frustration de nombreux Camerounais face à une opposition sclérosée de 26 années de batailles sans succès. Le MRC, né seulement en 2012, n’a donc pas de choix que de se lancer dans la conquête d’occupation du terrain politique pour rattraper le retard qu’il a avec les autres partis politiques de l’opposition qui sont là depuis 1990. L’enjeu est donc grand et pour une première participation à la présidentielle, Maurice et son parti le MRC n’ont pas droit à l’erreur.

Mais avant d’y arriver, Maurice Kamto fait face aux griefs de ses détracteurs les plus féroces à travers les médias et sur la Toile. Cette bataille communicationnelle a lieu entre les pro et les anti Maurice Kamto. Voici quelques morceaux choisis, et pas les moindres, où les deux camps se livrent une lutte féroces qui a lieu généralement sur les réseaux sociaux.

Maurice Kamto, un « nain politique »?

La plupart des griefs balancés contre le leader du MRC sont focalisés sur sa modique expérience sur le plan politique. En effet, les détracteurs s’attardent sur le fait que Maurice Kamto n’a aucune expérience politique. Selon eux, le leaders fait son entré en politique lors de sa nomination en tant que Ministre Délégué auprès du Vice-Premier Ministre, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux de décembre 2004. Pourtant, il est établi que Maurice Kamto avait été le Directeur de campagne du candidat de la coalition de l’opposition de la présidentielle de 1992. Pour rappel, les résultats de la présidentielle donnait Paul Biya vainqueur avec 40% contre Ni John Fru Ndi, son suivant avec 36%. Ce résultat, jusqu’ici, est contesté par toute la classe politique de l’opposition qui estime avoir remporté la partie.

Ce score de 36% de l’opposition à la présidentielle reste pourtant une victoire pour beaucoup d’observateurs pour deux raisons. D’une part, il est le plus gros score jamais engrangé par un leader de l’opposition au cour des scrutins suivants. D’autre part, jamais, l’opposition camerounais n’a été aussi soudée pour faire face à un seul ennemi : le parti politique (UNC-RDPC) au pouvoir depuis l’indépendance du Cameroun oriental en 1960. La force politique du leader du MRC de Maurice Kamto peut donc se mesurer à partir de cette période inédite dans l’histoire de l’opposition au Cameroun. Pour des raisons que l’on ignore, il n’y a plus eu de coalition des partis politiques de l’opposition. Plus grave encore, après cette expérience, Maurice Kamto s’éclipse.

Repli stratégique ?

Maurice Kamto avait-il vraiment pris congé de la politique ? La mémoire courte de certains leur fait oublier cette période où le leader fait son entrée dans le gouvernement de Paul Biya en décembre 2004. Il y a passé sept ans et démissionne en novembre 2011 pour lancer le MRC en août 2012 à Yaoundé. Maurice Kamto n’est donc pas un « nain politique » comme d’aucun peuvent penser. Depuis l’avènement du multipartisme, il est trempé dans la politique.

Maurice Kamto, un « pion du système »?

Ce séjour de sept ans comme Ministre délégué dans un gouvernement de Paul Biya fait-il de Maurci Kamto un homme du système ? Cet argument avait été soulevé par ses détracteurs en son temps. Aujourd’hui, il est, avec le temps, tombé dans la désuétude totale. Il faut d’ailleurs expliquer ici comment Maurci Kamto arrive dans un gouvernement d’un tyran. Au fait, Il entre au gouvernement à la faveur de la gestion du dossier de Bakassi dont les détails se trouvent dans une édition Hors série du quotidien camerounais La Nouvelle Expression du 14 novembre 2002. Ce dossier a également été traité par le magazine Jeune Afrique Économie n° 374 de Novembre-Décembre 2004.

Cette affaire Bakassi a pour origine la remise en question des frontières héritées de la colonisation. Son origine date de 1993 où le Nigeria viole le territoire camerounais par une invasion de la presqu’île riche en pétrole. La Cour Internationale de Justice (CIJ) est saisie en 1994 par les soins de deux intellectuels camerounais, Luc Sindjoun et Joseph Owona. Le rejet du dossier par la CIJ oblige le gouvernement camerounais à faire appel à Maurice Kamto, juriste international, malgré le refus de ces deux derniers. La CIJ accepte finalement le dossier du Cameroun, quatre ans après, en juin 1998.

Comment Maurice Kamto se retrouve-t-il au gouvernement ?

C’est Constantin Boyo Guehoada qui répond en ces termes :

Pendant toute la procédure ainsi que les négociations avec la partie adverse, il fallait à chaque fois signer les documents officiels ; mais la tête de proue du dossier [Maurice Kamto] n’avait rang et qualité pour le faire. Quand bien même il aurait été mandaté pour le faire, mais par courtoisie pour la partie adverse, qui ratifiait les documents par leurs ministres, il fallait tout de même que nos signataires aient la stature de ministre. Les multiples déplacements du ministre de la justice uniquement pour apposer une signature n’arrangeait pas non plus les choses. C’est pourquoi l’homme aux manettes du dossier depuis longtemps devrait lui-même signer les documents officiels ; d’où l’importance de se voir doter d’un titre de ministre. C’est pourquoi Maurice Kamto sera nommé quelques temps plus tard ministre délégué à la justice.

Ce passage de la vie politique de Maurice Kamto est souvent critiqué pour son rôle au gouvernement lors de crise socio-politique dite « émeute de la faim » de février 2008. Pour l’heure, l’information qui filtre concernant ces émeutes, est que celles-ci sont à l’origine de la démission de Maurice Kamto du gouvernement.

Le MRC, ce « petit parti » peut même gagner quoi ?

L’autre grief, et pas le moindre, est celui de réduire le MRC au parti nombriliste. Il devenait prétentieux, pour le MRC qui a vu le jour en août 2012,  de se livrer au combat des municipales et législatives de 2013. Ainsi, à l’issue des scrutins du 30 septembre 2013, un an après sa création, le parti enregistre un score mitigé de 1 siège sur les 180 aux législatives et 19 conseillers municipaux sur les 10626 que comptent les 360 communes du pays. Les critiques fusaient de toutes parts pour qualifier le MRC d’un minuscule parti qui n’est pas différents des autres. Comme pour dire que le parti vient juste jouer au figurant.

Ce score du MRC lui a valu des pamphlets pas du tout honorables de la part d’un agrégé des droits publics qui fustigeait Maurice Kamto de « mauvais perdant » dans un article daté du 30 octobre 2013. Ce même agrégé, James Mouangue Kobila, enseignant à l’Université de Douala, ne tarit pas de quolibets en continuant à tirer à boulets rouges sur Maurice Kamto. Ainsi, à la suite de la convention du MRC du 13 au 15 avril 2018, un autre pamphlet du même enseignant qualifie déjà la candidature de Maurice à la prochaine présidentielle de ‘candidature vouée à l’échec« .

Le défi politique, mais aussi psychologique

Il faut donc le dire pour bien situer le débat : Maurice Kamto et son parti font face à un défi. Ce défi est justement de montrer au yeux des détracteurs que le « maigre » score obtenu après un an d’existence n’était juste qu’un point de départ. Les législatives et les municipales à venir doivent donner l’occasion au MRC, non seulement de démontrer son leadership, mais aussi et surtout de clouer au pilori ses détracteurs. Comme on peut le constater, cette bataille ne se joue pas uniquement sur le plan communicationnel, mais elle est surtout psychologique.

Le MRC, le parti de la « secte bahamiste » ?

C’est l’un des critiques les plus virulentes balancées sur Maurice Kamto et son parti. En fait, Maurice Kamto est né le 15 Février 1954 à Bafoussam, chef lieu de la région de l’Ouest. Il est également originaire d’un village, pas loin de Bafoussam, Baham. Ses adversaires ont vite fait de le réduire à un leader du village. D’où le vocable réducteur de « secte bahamiste ». Les critiques vont d’ailleurs plus loin en lui collant les qualificatifs les plus ubuesques : parti « ethno-fasciste », « parti tontine« , etc.

Une fois encore, c’est un enseignant d’université qui est maîtrise de la propagande anti-Kamto. Mathias Eric Owona Nguini s’illustre depuis quelques temps à des propos plus que provocateurs envers le candidat à la présidentielle Maurice Kamto. Cette rivalité a pris une ampleur telle que les propos de Owona Nguini sont désormais considérés comme un acharnement sur un leader politique.

Le positionnement académique ?

A l’origine de toutes ces batailles entre les enseignants (Kamto, Mouangue Kobila et Owona Nguini), se cache une guerre de positionnement académique sous le sceau de la communication politique. Il se trouve que les militants et sympathisants du MRC sont les plus présents sur la Toile et plus particulièrement les réseaux sociaux. Leur présence et leur réaction promptes à toutes invectives font d’eux des « colériques » qui ne laissent rien passer. C’est donc le parti politique le plus présent sur le net. A travers leur nom de profil sur Facebook, les anti Maurice Kamto ont vite fait de deviner leur origine ethnique. Selon eux, la majorité des militants et sympathisants du MRC serait originaires de la même ou du même ethnie que le leader.

Cette forte présence sur les réseaux sociaux est une situation que le Cameroun n’avait pas connu avant. Au point où les détracteurs qualifiait le MRC du « parti de Facebook ». Nous sommes donc partis de la « secte bahamiste » au « parti de Facebook ». La dernière trouvaille des griots c’est de réduire Maurice Kamto par son grade académique.

« Je suis universitaire, Maître de conférence comme Maurice Kamto »

La dernière polémique et toujours pas la moindre, fait état du rang académique de Maurice Kamto. Cette bataille livrée sur la Toile a lieu dans un contexte de délit de faciès en matière de compétences juridiques. En fait, c’est dans la gestion du dossier sur l’affaire Bakassi citée plus haut que la polémique sur le grade universitaire de Maurice Kamto rejaillit en surface. Le refus de Joseph Owona, géniteur de Owona Nguini, de faire appel à Maurice Kamto pour la gestion juridique du dossier de Bakassi, est le centre névralgique de la polémique.

Owona Nguini n’a de cesse de présenter Maurice Kamto comme un « Maître de conférence » : « Je suis universitaire, Maître de conférence comme Maurice Kamto ». Ce qui a irrité un Camerounais, Pascal Aubry Bilong, qui considère cette annonce de Owona Nguini comme une baliverne.D’où sa mise au point suivante :

Joseph Owona est Chancelier des ordres académiques en 1988 lorsque Maurice Kamto retourne au pays. Joseph Owona empêche Maurice Kamto, agrégé des facultés françaises en 1988, de passer Professeur Titulaire au Cameroun tel que le prévoyait la loi, en le rétrogradant Maître de Conférence. Le Professeur Maurice Kamto, qui est très attaché à l’application de la loi, avait porté plainte contre l’Université devant le tribunal administratif et avait remporté le procès.

Pour terminer

Il se passe donc que la fixation sur la personne de Maurice Kamto par Mathias Eric Owona Nguini est le résultat d’une haine qui ne date pas d’aujourd’hui. Elle date de depuis l’époque où Joseph Owona, le géniteur de Mathias Eric Owona Nguini était ministre de l’enseignement supérieur.Cette haine est visible également en 1994 lors de l’affaire Bakassi.

Les griefs d’Owona Nguini sont-ils donc une suite logique d’une haine congénitale ?

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tkcyves

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