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Pratique du bénévolat : principe fondateur du changement en Afrique ?*

L’Afrique est mue aujourd’hui par des luttes politiques de libération qui ne laissent personne indifférent. Les théories foisonnent et se dissipent finalement pour laisser place à l’action. Car c’est elle qui est le sôcle du changement. C’est une évidence, d’ailleurs, pour l’écrivain Patrice Nganang qui donne à l’action une existence d’origine sociale, ou mieux du socialisme pour ne pas de la Gauche. Pour lui, il n’en démeure pas moins vrai que, depuis la nuit des temps, l’histoire du monde a toujours montré que c’est l’action sociale qui fille de la libération ou mieux fille de la révolution. Comment se manifeste donc cette l’action sociale en Afrique ? Je vous livre ses réflexions en quelques lignes ci-dessous.

Les travaux lors de la construction du pont par les bénévoles de Generation Change à Yaoundé
Les travaux lors de la construction du pont par les bénévoles de Generation Change à Yaoundé

Il ne faut pas seulement penser l’action, il faut penser le changement. Voila la tâche de notre génération, et donc de la pensée active. Grâce a celle-ci, je peux dire ceci sans peur de me tromper : le bénévolat n’est pas seulement possible dans notre pays, il est aussi la seule politique vraiment viable qui terrassera le clientélisme. C’est que, et cela je l’ai toujours dit, le clientélisme est le squelette de la tyrannie qui nous a pris en otage. Le clientélisme dans ses multiples formes – cronysme, patrimonialisme, prébendisme. Il sera toujours impossible de penser le changement sans l’installer d’abord dans un principe radicalement opposé à ce qui est vécu chez nous par la tyrannie. Voila pourquoi les premières tentatives de remise en cause du bénévolat ont questionné déjà la possibilité pour moi de le rendre possible au pays : « le Camerounais ne le peut pas ». Or cela est faux, plusieurs chantiers faits par des Camerounais, à Yaoundé, à Douala, ont démontré devant tout le monde, et je parle ici de milliers de Camerounais mis en branle, ont démontré que quand, mis sur la tâche et quand convaincu du bien-fondé de celle-ci, le Camerounais s’y met volontairement. Les secondes tentatives auront été de démontrer que parmi ceux qui sont mis en branle autour de moi, il y’en a qui sont payés, et donc, le principe même ne marche pas du tout. Ce serait croire que tout principe qui met en branle des êtres humains doit être aussi parfait dans sa formulation que dans sa manifestation. La navigation pragmatique du bénévolat est la condition même de sa faisabilité, cela est une évidence politique.

Les jeunes d’aujourd’hui veulent l’action. Rien de moins. Le point est cependant celui-ci – une ligne de démarcation est tracée, doit être tracée entre d’une part le clientélisme, ses exégètes et ceux qui chez nous en font un système, qui veulent lui bâtir des institutions légitimantes, et c’est ce que j’appellerai la Droite; et d’autre part ceux qui fondent notre vécu libéré dans le bénévolat comme pratique politique, et qui dans ses manifestations multiples, bénévolat, semi-bénévolat, volontariat, trouvent la pratique d’une nouvelle politique. Ceux-la, il est facile, il sera toujours facile de les mettre a Gauche. La Droite et la Gauche se sont toujours, historiquement disputés le champ social, le champ de l’action sociale et donc humanitaire, et ici il s’agit moins d’étiquette que de pratique politique des plus anciennes, et de combat politique des plus anciens. Le clientélisme en fait nous remonte a l’ancienne Rome, tandis que le volontariat nous plonge dans les batailles de la Révolution française – les sans-culotte. Pour ce qui est de l’Afrique, de nos traditions, il s’agit tout simplement de puiser dans le substrat culturel qui a produit des joyaux comme le palais de Njoya a Foumban pour se rendre compte combien le bénévolat est inscrit dans notre culture – le shuutu en est le principe. Politiquement, la pratique du bénévolat nous retrouve dans les actes publics des leaders révolutionnaires comme Che Guevara, Thomas Sankara, Jerry Rawlings, mais aussi dans ceux de leaders de la Nouvelle Gauche Africaine.

C’est qu’il y a une Gauche qui se structure pas a pas a travers l’Afrique – et les mouvements Y’en a Marre au Sénégal, le Balai citoyen au Burkina Faso, Filimbi en RDC, et bien sur en Tunisie et partout ailleurs, nous ont montre combien le bénévolat est un acte politique inscrit dans une nouvelle forme de politique. Cette politique est sociale autant que populaire. Elle est humanitaire, et de ce fait, elle est révolutionnaire. Il sera toujours impossible de trouver du novateur dans la corruption, parce que c’est justement de son système qu’il faut se séparer. Mais la cuisse du peuple est fertile, l’histoire éternelle des batailles étant le testament de son potentiel, et je le dis toujours : on ne pourra jamais payer un peuple pour le libérer. Mieux : un citoyen ne pourra jamais attendre d’être payé, afin d’œuvrer à sa libération. Parole bien simple qui, me disait-on il y a deux ans, ne trouverait pas de raisonnante au Cameroun. Et pourtant, et pourtant notre pays est bien fertile, est totalement fertile pour telle communion, a d’ailleurs par Mboua Masson, déjà une théorie écrite du bénévolat (1994). Le champ social est le paradis de notre libération, et mes compatriotes n’ont aucune limite a s’y investir. Il suffit de leur demander de se mettre à la tâche, de s’y mettre pour qu’ils se donnent totalement, je dis bien totalement, afin que le bien commun, afin que le bien-être soit réalisé. Le potentiel citoyen de chacun de nous, la force révolutionnaire de chacun de nous est une évidence indiscutable qui, elle, se trouvera toujours à Gauche, comme le clientélisme se trouvera à Droite. L’Histoire est et demeure mon seul témoin.

Par Patrice Nganang

*Le titre est de moi

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tkcyves

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