Crédit:

La xénophobie à l’épreuve des savoirs

10984467_965446803495710_3987300010385032301_n« salut je suis un jeune camerounais vivant au cape où j’étudier l’archicteture a l’université de Hayttville, déja une semaine que nous vivont dans la peur totale sur ces photo prise hier un ivoirien et un congolais brûlé vif par les Tamtamsboys de soweto ils les acusent juste d’avoir travaillé en aidant aux usages de bien garre leurs véhicules devant l’hyper macché Macdonals j’aime mon pas le cameroun et je trouve les 2ans qu’il me reste ici beaucoup trop long car les actes de racisme radicale qui me font mal dormir dépuis un mois qu’ils on repris des actes de vageance. Merci pour le soutien moral merci ». C’est ce cri d’alerte et de cœur de Morelle Merlina posté dans un forum facebook par Raoual Michel le 16 avril dernier qui m’interpelle.

Les défis manqués de la nation de l’arc-en-ciel

Afrique du Sud, seul pays du continent à avoir connu la ségrégation raciale sous la forme la plus perfide, la plus saugrenue et la plus hideuse qu’on puisse imaginer, porte encore, jusqu’à nos jours, les balafres de ces moments à la fois amers et tristes de son histoire, de celle de l’Afrique pour ne pas dire de toute la race noire. Des scènes de violences xénophobes que nous vivons actuellement dans ce pays sont d’une cruauté abyssale et d’une monstruosité à nulle autre pareille à tel enseigne qu’elles ont obligé toute la classe politique, le président Zuma lui-même et toute la société civile à se lever pour dire en cœur : « NO XENOPHOBIA » à travers des manifestations populairement grandioses. Cette indignation publique de la société sud-africaine toute entière face à la sauvagerie et à la barbarie humaine qui ne sont que la face hideuse du monde moderne devenu « loup pour l’homme » suffit-elle de nos jour pour que le pays de l’arc-en-ciel devienne un terreau du vivre ensemble ?

Des réactions diverses et spontanées observées chez les Camerounais à travers les médias et sur internet démontrent avec stupéfaction comment la colère et l’émotion se sont emparées de la tempérance. Les purulents venins déversés sur ces sud-africains considérés jadis comme un peuple frère sont à la dimension de l’espoir que les Camerounais avaient pour la solidarité africaine. C’est surtout dans les réseaux sociaux que la virulence teintée de déception se faisait sentir. Et justement, les propos de ma compatriote Doris Andréa, visiblement dans tous ses états, ont montré comment il reste jusqu’ici difficile de cerner avec beaucoup plus d’objectivité scientifique, cette société dont l’humanité a foutu le camp. Les questions posées par cette internaute sont pleines de bons sens, qui m’interpellent et appellent à une analyse profonde :

Comment comprendre que les Sud-africains noirs qui ont passé toute leur vie dans ce pays à justifier leur médiocrité et leur fainéantise actuelle par cette histoire triste qui date de plus de 50 ans puissent se retourner contre les personnes de leur race qui ont eu d’autres nationalités suite à la volonté du colon à diviser l’Afrique pour mieux régner ? Comment peut-on brûler vif ou décapiter ses semblables africains qui ont quitté leur terre à la recherche du bien-être dans leur pays d’accueil sous prétexte qu’ils s’approprient de leur boulot, opportunités, etc. ? Comment comprendre que ceux qui expliquent leur retard cognitif et intellectuel par la victimisation qui frise parfois le ridicule puissent reproduire de façon cruelle les traitements qui leur ont été infligés pendant des décennies, à leurs semblables qui se sont longtemps lamenter sur leur sort ?

Pour être plus simple, cette colère de Doris Andréa est compréhensible vu l’espoir qu’elle avait fondé dans la perspective de voir en l’Afrique du Sud un exemple palpable et concret d’intégration africaine sous les plans racial, ethnique, religieux, sexuel, etc. selon les vœux de feu Nelson Mandela, par ailleurs Prix Nobel de la paix. D’où le qualificatif de « pays de l’arc-en-ciel ». La violence des mots et des expressions témoigne donc de cette déception qui l’emporte. Pour elle, « ces questions sont des équations insolvables car l’on ne peut appréhender les motifs de leurs actes que si l’on est dépourvu de bons sens ».

10383923_871971616174419_5219869565846271747_n« Un homme qui a faim n’a plus de personnalité »

Les événements de xénophobies sud-africaines et que l’on observe aussi bien en Guinée Equatoriale contre ses voisins les plus proches, les scènes de racisme observés dans la plupart des pays du Maghreb contre les africains noirs et même des actes de tribalisme que nous vivons ici mêmes entre nous les Camerounais, en m’exaspérant m’interrogent. Ces interrogations vont donc au-delà de la xénophobie qui n’est qu’un prétexte dans cette analyse, car les scènes de xénophobie, de racisme, d’homophobie et de tribalisme suivent la même logique. Ces inquiétude de Doris Andréa témoignent de l’état de déliquescence dans laquelle notre société toute entière est plongée et m’amènent à préciser ici les ambiguïtés de la problématique de l’identité africaine, ou même de l’identité tout court. Qu’est-ce qui fonde notre identité ? Est-ce la peau ? La langue ? La religion ? Ou encore l’appartenance à un même continent, un même territoire ? Ou même encore le fait d’être les descendants d’un même ancêtre ? Ou simplement le fait de partager la même histoire, la même vision du monde, les mêmes projets d’avenir ? En quoi est-ce que les Africains doivent-ils se sentir frères et sœurs ? La question liée à la recherche de l’âme africaine pourrait trouver sa réponse dans cette problématique de l’identité qui me semble être le socle par lequel la solidarité et l’humanité ont un ancrage théorique.

A mon avis, « la famille constitue l’un des lieux privilégiés pour saisir la manière dont s’articulent, selon une foule de modalités, l’individuel et le collectif, pour rendre compte de la complexité des processus de reproduction humaine et sociale, de socialisation et de construction de l’identité » Quel que soit l’angle de l’analyse abordée pour donner un sens au sens, c’est-à-dire pour humaniser la société, pour rendre habitable notre planète, on trouvera que notre explication heurtera toujours celle qui veut que nos sociétés deviennent ou sont la résultante d’une hybridité de plus en plus réelle à travers des renouvellements conceptuels de la famille. Un petit tour dans les nouvelles conceptions sociologiques de la famille nous amènera à faire le constat selon lequel celle-ci n’est plus considérée comme une entité stable, figée, donc, biologique. Le renouvellement des problématiques de la famille dans les sciences sociales est d’une importance capitale pour une meilleure compréhension du concept d’identité.

En sociologie, la famille est la plus petite entité de la société comme l’atome en est de la matière, en physique et en Chimie. La famille est le noyau d’une société, dira-t-on. Le concept d’identité sociale ou collective part d’abord d’un fait d’appartenance à… Ainsi, le fait d’appartenir à une famille est un lien d’appartenance, puisque l’origine familiale à elle seule donne à tout individu ses attributs : l’ADN, la race, la langue, la religion, le village, les ancêtres, la culture et que sais-je encore ? Avec le temps, le concept de famille a subi des mutations profondes en commençant, au sens propre comme au figuré, par sa définition et sa dimension. Ainsi, nous sommes partis de la famille élargie à la monoparentalité en passant par des familles homosexuelles, des familles biologiques ou des familles sociologiquement constituées.

Il est donc fort à craindre, selon les nouvelles problématiques de la famille, que ces différentes mutations influencent aussi celle de la notion de l’identité. Pour être concret, si, par la loi de l’adoption, vous pouvez faire d’un enfant votre fils alors qu’il n’est pas sorti de vos entrailles, il serait aussi logique de ne pas considérer à juste titre le revers de la médaille qui consiste à concevoir aussi qu’un enfant sorti de vos entrailles ne soit pas votre fils. La conséquence de cette logique est ceci : ce n’est pas parce que quelqu’un est du même sang que vous, de la même race que vous, ou je ne sais quoi d’autre, que vous allez forcément vous identifier à lui et vice-versa. Donc, à la question de Doris de savoir « comment peut-on brûler vif ou décapiter ses semblables africains ? » je poserai la suivante : est-ce que les sud-africains noirs (le peuple Zoulou en particulier) considèrent-ils les autres africains noirs comme leurs « semblables » ? Voilà où devrait commencer nos interrogations. Il faut dire qu’il serait urgent et voire nécessaire que les Africains reviennent sur cette notion d’identité collective (Appartenance à la race noire par exemple) qui feraient d’eux des personnes automatiquement solidaires. Pour l’histoire, il faut noter que l’holocauste était perpétré par des Blancs contre d’autres Blancs, de même que les épurations ethniques en Europe de l’Est et plein d’autres exemples illustrent la barbarie du Blanc contre lui-même. La xénophobie n’est donc pas le propre de l’homme Noir.

En conclusion, les signes de la modernité qui agitent les hommes et les civilisations sont aussi divers que, comme le dis si bien Basile Ngono, « le bouleversement des équilibres démographiques planétaires et les mutations climatiques, la globalisation des échanges économiques et culturels, l’émergence de nouvelles modalités de connaissance et de communication, les innovations du numérique et de la robotique ». Les institutions, comme la cellule familiale, subissent ces chamboulements et ces agitations du monde moderne. L’identité sociale, corollaires des mutations de la cellule familiale n’est plus et ne sera plus distinctive par des signes objectifs et scientifiquement observables, c’est-à-dire innée, naturelle ou biologique, mais elle sera de plus en plus sociale, sociologique, donc. « Ces « formes identitaires » contingentes et relatives sont inséparables des stratégies identitaires permettant de gérer cette dualité entre les « identités pour soi » (Identités individuelles), construites dans les biographies individuelles, et les « identités pour autrui » (Identités sociales ou collectives) attribuées par les institutions et leurs agents ». Et c’est Kuate Fotso Christian qui l’illustre si bien en précisant que le mot « Afrique » ne devrait plus renvoyer à cette sorte de communauté qui relèverait de l’illusion : « L’Afrique, dit-il, en tant que continent, est d’abord fait d’États, de Nations dont les identités respectives sont une réalité vraiment tangible ».

Devrions-nous envisager d’autres perspectives théoriques en faisant appel, à d’autres schèmes d’intelligibilité ? A l’évidence, c’est oui et c’est la solution, me semble-t-il. Il faut constater avec amertume que notre humanité traverse une période terrible de son histoire où la peur de la destinée devient de plus en plus pressante. Avec plus de 25% de taux de chômage, l’Afrique du Sud, comme d’ailleurs beaucoup d’autres pays africains, subit de plus en plus les affres de la pauvreté. Et comme « ventre affamé n’a point d’oreilles », nous ne sommes de loin de dire, avec les mots de feu Monseigneur Jean Zoa, archevêque de Yaoundé, qu’« un homme qui a faim n’a plus de personnalité ». Les rationalités politiques et économiques deviennent donc insuffisantes pour rassurer tout le monde face à cette dérive. Notre société, du fait des nouveaux types de comportements mus par l’incertitude de l’avenir, appelle à d’autres postures théoriques. A ce titre, Basile Ngono, fondateur du Centre d’éthique Edmund Pellegrino, nous fait un clin d’œil sur la notion de l’éthique à travers son « Pôle Éthique publique et gouvernance ». Selon cet anthropologue, la construction d’une Afrique fondée sur les valeurs est le seul gage du vivre ensemble. Une culture fondée sur des valeurs restera la bouée de sauvetage de cette Afrique qui patauge.

Tchakounte Kemayou

Partagez

Auteur·e

tkcyves

Commentaires

nicolas ngoy
Répondre

seeing things like burning a human being that is horrible unbenefic i will never travel for sud africa