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La montée du jihad en Afrique : le top 10 des groupes islamistes

Le continent Africain est, depuis plus de deux décennies, confronté aux jouxtes  des mouvements islamiques dits révolutionnaires. Les pays comme la Somalie, le Mali, le Kenya, l’Algérie, le Nigéria et le Cameroun, pour ne citer que ceux-là, continuent de subir les frasques de la sauvagerie des groupuscules de gens, surtout de jeunes adolescents, qui se revendiquent d’une nouvelle vision du monde par le respect de la Charia. Puissamment armés ces groupes ont généralement pour cible le gouvernement, l’équipe dirigeante. La bataille entre les deux camps (groupes d’insurgés d’une part et l’autorité gouvernementale de chaque pays d’autre part) se manifeste par des attentats terroristes suicides à la bombe, des sites historiques sacrés détruits et des centaines de milliers de civils déplacés et enlevés. Au fur et à mesure que le temps passe, la capacité de ces groupes islamiques à diviser les pays pour finalement s’emparer de vastes territoires a fini par céder la place à une instabilité politique à telle enseigne que la perspective de l’émergence d’un militantisme islamique et d’une exacerbation des tensions dans le reste du continent est devenue très préoccupante. Le sommet de l’Union Africaine (UA) tenue à la fin de la semaine dernière à Malabo en est une illustration palpable. La question sur l’objectif de ces groupes islamiques ne se pose plus puisque l’application de la Charia est leur leitmotiv. Reste alors la question de savoir, qui a intérêt à ce que la Charia s’applique ? Pour aller plus loin, la religion peut-elle être une raison suffisante pour mobiliser autant d’énergie en vue d’imposer au monde leur volonté par la force ? D’où alors la question : Qui se cacherait derrière ces groupes terroristes ? Pour mieux saisir cette problématique trop complexe dont ce cadre n’est pas approprié, je me propose de mettre en exergue ici la question du militantisme islamique en Afrique. J’entends par militantisme ici une nouvelle forme ou une résurgence d’une vision du monde face à l’incapacité des idéologies dominantes à gérer les questions fondamentales de la justice sociale. Avant d’y répondre dans le deuxième billet, je vous propose de revisiter un panorama de 10 groupes islamiques non exhaustifs et très importants pour comprendre la suite.

Des combattants shebab au sud de Mogadiscio, le 5 septembre 2010. (Photo Feisal Omar. Reuters)
Des combattants shebab au sud de Mogadiscio, le 5 septembre 2010. (Photo Feisal Omar. Reuters)

1. Boko Haram (Nigéria)

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Crédit Photo: www.solarnews.ph

Né en 2002 au Nigéria, pays de plus de 160 millions d’habitants, ce groupe terroriste, basé principalement au Nord-Est, est alors composé de simples étudiants dont l’idéologie principale était tout naturellement : le rejet « d’un enseignement perverti par l’Occidentalisation ». Ainsi, Boko Haram se définit comme d’un Peuple engagé dans la propagation de l’enseignement du Prophète et du jihad. Le leader spirituel, Mohammed Yusuf, est l’incarnation même de cette pensée idéologique et Abubakar Shekau qui est le commandant de bord et qui font de ce groupe l’un des plus dangereux en Afrique par les Etats-Unis. Mohammed Yusuf c’était le gourou et le chouchou qui, en 2009, a été tué par la police nigériane. Après cette mort, c’est désormais le seul gourou Abubakar Shekau qui a durci le ton et qui dirige les opérations. Ce n’est qu’en ce moment-là que Boko Haram a changé son discours et son mode opératoire s’est transformé en attentats et en enlèvements sans oublier que son objectif est d’imposer la charia dans les 36 Etats du Nigéria où 12 Etats suivent déjà le pas.

2. Ansaru (Nigéria)

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L’apparition officielle du groupe Ansaru remonte en juillet 2012. Le véritable nom du groupe est : « Jama’atu Ansarul Muslimina Fi Biladi Sudan » qui signifit : « L’avant-garde pour la protection des musulmans en Afrique noire ». Jeune groupe dirigé des mains de maître par le gourou et personnage encore méconnu du nom d’Abu Ussamata Al Ansari. Ansaru est un groupe dissident de Boko Haram. Comme un communiqué d’Ansaru l’indique lui-même, les deux groupes se battent pour un même objectif : « L’instauration d’un État islamique dans le nord du Nigeria et même dans l’ensemble des 36 Etats ». Si les objectifs sont les même, pourquoi alors cette scission avec le groupe-mère Boko Haram ? C’est encore ce même communiqué qui précise en ces termes : « Nous sommes engagés dans la même bataille, mais avec différents leaders ». Il faut quand même le préciser, les deux sont aussi différents de par leur idéologie car Ansaru est plus tolérant et moins radical que Boko Haram sur certains aspects de la spiritualité et de par leur idéologie jihadiste.

3. AQMI (Algérie)

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AQMI signifie : « Al-Qaida au Maghreb islamique ». Né en 2007 suite à l’intégration du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) au sein d’Al-Qaida d’Oussama Ben Laden. GSPC est donc GSPC un vieux groupe qui existe depuis 1998. Et depuis 2004, AQMI est dirigé par Abdelmalek Droukdal, alias Abou Moussab Abdelwadoud. L’objectif principal de ce groupe avait pour champ d’action le Vieux Continent (Europe). Incapable de conquérir un terrain inconnu, Abou Moussab Abdelwadoud s’est vu réservé l’ensemble du Sahel, de la Mauritanie, du Tchad, du Mali, du Niger et du Nigeria, en bref de tout le Sahel et le Sahara. C’est donc un groupe qui peut agir partout puisqu’il est maintenant considéré comme la branche d’Al-Qaida pour l’Afrique maghrébine et de l’Ouest. Organisé autour de deux Katibas (Unités administratives et dirigeantes d’AQMI) qui sont dirigés par l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, alias Khaled Abou El Abbas, est également surnommé « Mister Marlboro » du fait de son implication dans la contrebande de cigarettes (La katiba de l’Ouest) et par Abid Hammadou, alias Abdel Hamid Abou Zeïd (La katiba de l’Est). La chute du régime de Mouammar Kadhafi est pour beaucoup dans l’implantation et la progression d’AQMI fin 2011. Bien structuré à partir de ce territoire, AQMI représente un danger et une menace pour l’ensemble de la région sahélienne, de la Mauritanie au Tchad en passant par l’Algérie et le Niger.

4. MUJAO (Mali)

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Crédit photo: idata.over-blog.com

Le Mouvement pour l’Unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (Jamat Tawhid Wal Jihad Fi Garbi Afriqqiya) est né en 2011 d’une scission d’avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et est dirigé par le Touareg Ahmed Ould Amer. La dissidence a donc lieu pour deux raisons au moins : le désaccord sur le partage de butins des rançons des prises d’otages au sein de la branche saharienne d’AQMI d’une part, et d’autre part la concentration du leadership sur le seule territoire Algérien fait naître la volonté de créer un autre mouvement concentré sur l’Afrique de l’Ouest. Ce qui fait dire à certains analystes que le MUJAO est un sous-traitant d’AQMI créé pour opérer en Afrique de l’Ouest. En janvier 2012, un leader du groupe connu comme porte-parole, le nommé Hamma Ould Mohamed Kheyrou, alias Abou Qumqum, annonce les couleurs dans un enregistrement vidéo posté sur Internet, en dévoilant les objectifs de cette nouvelle entité à savoir : « Imposer la charia dans toute l’Afrique de l’ouest » et déclare, en passant, la guerre à la France et déclarant que l’un des objectifs est de «frapper le cœur de la France ».

5. Al Mouakaoun Be Dam (Algérie)

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www.45enord.ca

La Katiba de l’Ouest, unité administrative d’AQMI qui est dirigé par Mokhtar Belmokhtar a créé, en 2012, un groupe dissident d’AQMI appelé Al Mouakaoun be dam et qui signifie : « Les signataires par le sang ». Certains analystes estiment même que c’est un simple changement de nom puisqu’il conserve sa propre structure : katiba (unité combattante) appelé les « Moulathamounes ». Le gourou leader de ce groupe a le mérite de donner à son mouvement une réputation personnelle et qui fait de lui un personnage mythique. Mokhtar Belmokhtar (MBM) – alias Khaled Abou El Abbas, « Le borgne » (il a perdu un œil en Afghanistan en 1991/Belaouer) ou Mister Marlboro – est né en 1972. Nanti d’une lourde expérience en Afghanistan, il rentre en Algérie en 1993 et rejoint les Groupes islamiques armés (GIA) afin de poursuivre le jihad contre les autorités algériennes et il lui est alors confié la responsabilité de la zone saharienne. Cette mythique personne ne laisse personne indifférent, même chez ses paires. MBM développe de nombreuses activités criminelles et fait passer le business (trafics, kidnappings, tueries, etc.) avant ses convictions politico-religieuses, ce que lui reproche régulièrement  la direction du GSPC, puis d’AQMI.

6. Ansar Eddine ou Ansar Dine (Mali)

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Crédit photo: www.lefigaro.fr

Né en 2012 vers le Nord du Mali, le groupe Ansar Eddine (défenseurs de l’Islam) est plus berbère qu’arabe, donc, les Touaregs islamiques. le noyau dur est constitué par la famille de la tribu des Ifoghas . Son dirigeant, Iyad Ag Ghaly, est considéré comme l’incarnation de l’aile le plus radical. Son objectif principal, c’est l’autonomie de l’Azawad (région du Nord-Mali) et son principal fiel est Kidal. C’est donc un groupe sécessionniste. Considéré comme le mouvement clé de la guerre du désert, Ansar Eddine est réputée pour sa stratégie du silence. Le gourou Iyad Ag Ghaly a plusieurs faits d’arme à savoir : a participé à la guerre au Liban contre Israël, aux opérations commandos contre l’armée tchadienne, a survécu à un bombardement de F-16, a échappé cent fois à la mort, etc. Iyad Ag Ghali est le fils d’un homme très pieux et maître de Kidal. Ce chef touareg a côtoyé les hommes de la Dawa au Niger, des piétistes pakistanais, des missionnaires du retour aux sources de l’islam. Comme tous les chefs conservateurs des tribus, il se désole de voir les jeunes Touaregs se livrer à la débauche, d’abandonner la morale traditionnelle, de s’abandonner à la déliquescence des mœurs et par ricochet perdre leur identité. Du coup, la formule magique pour le nouveau dévot est de croire que seule la charia peut lutter contre ces maux tels que : l’insécurité, le désordre et la corruption.

7. MNLA (Mali)

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Crédit photo: www.algerie1.com

Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) est créé en 2011 suite à l’intégration des Touaregs au Mouvement national de l’Azawad. Il serait quand même difficile de parler de MNLA sans faire allusion au colonel Mouammar Kadhafi. De son vivant, le colonel avait de très fortes ambitions dans les années 1970 : devenir le « Guide », non seulement de la « Grande Jamahiriya (République) arabe libyenne populaire et socialiste », mais aussi de toute l’Afrique entière. Ambitions justifiées quand même compte tenu du très flatteur potentiel pétrolier de la Lybie. Le colonel ne pouvait pas y parvenir sans une armée composée d’hommes solides et robustes. Il a donc ciblé les Touaregs qui sont un peuple réputé pour leur tradition de guerriers, qui sont minoritaires, qui ont été marginalisés par les pouvoirs centraux de leurs pays respectifs et pour toutes ces raisons, ont été pour la plupart intégrés l’armée libyenne. Le mariage de raison avec le colonel Kadhafi et les Touaregs va chavirer malheureusement au cours de 2011 lorsque le colonel sera combattu et tué par la France à travers la communauté internationale dans une guerre démarrées à Benghazi. Après la chute du colonel, ces soldats Touaregs prennent la fuite vers le Mali où ils trouvent sur place le Mouvement national de l’Azawad et décident de l’intégrer en changeant le nom. La particularité du MNLA est qu’il est un groupe qui a des positions idéologiques très ambigües.  Le fait qu’il soit laïc et à la fois proche d’Al-Qaïda est tout de même surprenant puisque ses hommes lutteront aux côtés d’Ansar Eddine et d’AQMI en janvier et en mars 2012 pour revendiquer l’indépendance du Nord du Mali et où les villes Maliennes comme Ménaka, Aguelhok, Tessalit, Kidal et Gao seront prises et aux côtés des troupes françaises et d’un contingent ouest-africain sous mandat onusien en janvier 2013.

8. Shebab (Somalie)

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Crédit photo: static9.nguyentandung.org

Officiellement formé en 2006 et dirigé par Ahmed Abdi Godan alias Mukhtar Abu Zubair, le Shebab qui signifie « jeunes » en arabe (al-Shabaab, en référence à leur recrutement auprès de la jeunesse), est issu d’une insurrection contre les troupes éthiopiennes au secours de l’armée Somalienne pour renverser l’Union des Tribunaux Islamiques qui contrôlaient la capitale Mogadiscio. Cet échec contre les Shebab, ne démobilisera pas l’armée Somalienne qui, en plus de l’armée éthiopienne, recevra le soutien de la Force de l’Union africaine (Amisom) épaulée par les États-Unis en 2011. D’ailleurs, tous les pays qui ont participé à cette attaque de l’Amisom sont aujourd’hui menacés d’attentats et d’enlèvements par les Shebab, à l’exemple du Kenya, de l’Ouganda et de l’Ethiopie. Tandis qu’AQMI est la branche d’Al-Qaïda pour l’Afrique maghrébine et le MUJAO pour l’Afrique de l’Ouest, Le Shebab l’est pour l’Afrique de l’Est et il a été rallié à Al-Qaïda en février 2012. C’est leur capacité de nuire à grande échelle qui leur valut ce statut malgré leur repli en zone rurale après avoir été chassé de Mogadiscio par Amisom.

9. Katibat Ansar Al-Charia (Tunisie)

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Crédit photo: www.webdo.tn

Selon le site tunisie-secret.com, le chef d’Ennahda, Rached Ghannouchi est le vrai fondateur de cette organisation terroriste. Seifallah Ben Hassine, alias Abou Iyadh en devient le chef en mars 2011 après la révolution du Jasmin. Cette organisation a probablement été créée en janvier 2011 à Londres, officiellement après le retour de son fondateur en Tunisie. A la suite de la chute du colonel Mouammar Kadhafi en Libye, les enquêtes ne permettent pas d’identifier les auteurs des attaques du consulat américain de Benghazi que Ansar Al-Charia nie. Leur objectif : d’abord, instaurer un Etat islamique en Libye ; ensuite, imposer la charia comme seule et unique source de législation en Libye et enfin, que la justice applique la charia immédiatement. Pour y parvenir, Ansar Al-Charia adopte les mêmes stratégies que celles utilisées en Tunisie à savoir : la provocation, le spectaculaire et la médiatisation. La particularité du groupe Ansar Al-Charia est qu’il est composé de quelques centaines d’hommes seulement : de 200 à 300 personnes. Curieusement, ce groupe est tellement imposant que la stabilité et la paix en Libye ne pourraient se faire sans lui.

10. Al Mourabitoune ou Groupe des Mourabitounes de l’Azawad-GMA (Mali)

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Crédit photo: graphics8.nytimes.com

En août 2013, deux groupes terroristes ont annoncés à l’Agence Mauritanienne de l’Information (AMI) leur fusion. Il s’agit du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (Mujao) dirigé par le Touareg Ahmed Ould Amer, et le mouvement dirigé par l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, les « Moulathamounes ». Dans ce communiqué de fusion, on peut y lire : « Le ‘’Mujao‘’ (de Ahmed Ould Amer) et les ‘’Moulethemoune » (de Mokhtar Belmokhtar) annoncent leur rassemblement et leur fusion en un seul mouvement qu’ils appellent les  ‘’ mourabitoune » pour unifier les rangs des musulmans autour d’un même projet, du Nil à l’Atlantique ». L’objectif est donc clairement mentionné. Selon le site djazairess.com, en plus de leur lien avec Al-Qaïda, « Tous font partie des groupes armés islamistes qui ont occupé le nord du Mali pendant plusieurs mois en 2012, avant d’en être chassés à la suite d’une intervention internationale dirigée par la France à partir de janvier 2013 ».

En conclusions à cette brève historique non moins exhaustive des groupes terroristes opérant en Afrique, la question qui effleure l’esprit de moult observateurs est celle de savoir quel est le lien exacte entre ces différents groupes ? Je serai tenté de dire, sans risque de me tromper, que tous ont un lien avec le puissant et l’indétrônable Al-Qaïda de Ben Laden. Pour nous convaincre, empruntons ici les propos de Marc-Antoine Pérouse De Montclos, chercheur à l’Institut de Recherche pour le développement (IRD) qui affirme, dans un article de Clara Beaudoux, qu’« il n’y a pas de lien opérationnel, mais en revanche il y a des convergences, un peu de circulation des hommes » généralement dans l’entraide et la formation. Pour mieux étayer son propos, il va plus et explique en ajoutant : « Il faut distinguer ce qui relève de convergences tactiques : le fait que cela coûte moins cher d’acheter à plusieurs des armes, et d’autre part une coordination stratégique qui ferait qu’il y aurait une sorte de commando central au Nord-Mali, où on aurait appuyé sur un bouton pour demander à Boko Haram d’aller enlever des Français : ça non ». Cette problématique ne manque pas d’intérêt dans la mesure où un probable regroupement entre ces associations, comme viennent de le faire le MUJAO et les Moulathamounes, serait très « inquiétant » selon les termes du général Carter Ham, le commandant de la mission Africa Command des Etats-Unis (Africom) à la BBC. Cela confirme encore plus la montée visiblement effrayante des groupes islamiques en Afrique et même dans le monde. Les questions sur les raisons et la progression et le militantisme islamique au sein des populations africaines feront donc l’objet d’un autre billet.

Inch’Allah !

Tchakounté kemayou 

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tkcyves

Commentaires

Fabienne Huillet
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Merci pour toutes ces infos, voici une bonne lecture. J'ai appris différentes choses en vous lisant, merci à vous. Fabienne Huillet www.neonmag.fr