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France-Cameroun : Les frasques et les remous d’un sentiment anti-français (2)

braves-incidents-cameroun-baa3dA la suite du premier billet de cette série, l’un des remous qui a secoué l’opinion lors de la visite de François Hollande à Yaoundé a été justement le génocide que le Cameroun a connu dans la Sanaga Maritime et la région de l’Ouest, sans oublier la problématique de la monnaie (Le FCFA). Depuis quelque temps déjà, et notamment depuis la sortie de l’ouvrage « Kamerun! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (1948 – 1971) » fait des choux gras de la presse, la France est harcelée par le public qui veut savoir ce qui s’est réellement passé.

Troisième trahison : la violation du statut du Cameroun

La visite éclair de François Hollande au Cameroun, comme c’est le cas avec tous les chefs d’Etat Français qui viennent ici, a été une occasion de rouvrir cette plaie béante inguérissable qu’est ce contentieux historique sur la violation du statut du Cameroun conféré par la Société des Nations (SDN) et les Nations Unies (ONU) par les deux Etats coloniaux (France et Angleterre). Ce sont des questions qui fâchent.

Dans leur intention hégémonique, les ex-colonies ne trouvaient pas leur intérêt à respecter ce statut de Mandat et de tutelle dont le Cameroun bénéficiait après le départ de l’Allemagne à cause des deux guerres mondiale. Contrôler et avoir le monopole du pays en empêchant l’autonomie dont devrait jouir le Cameroun grâce à ce statut, mettre hors d’état de nuire tous les leaders nationalistes appelés « maquisards », propulser ceux qui étaient contre l’indépendance et l’unification du pays prônées par Um Nyobe à la tête du pays, sont des faits d’armes que l’opinion met à l’actif de la France, particulièrement.

A l’ère des nouvelles technologies, les utilisateurs des réseaux sociaux s’en délectent à cœur joie et prennent désormais conscience de l’ampleur du problème. Cette pression de l’opinion est tellement forte que François Hollande n’a pas pu résister au point d’avouer qu’il y a eu des « répressions » perpétrées par son pays « dans la Sanaga Maritime et dans le pays Bamiléké ». Avant d’arriver au terme « génocide », il faut dire qu’un pas a été franchi tout de même : l’avouer n’est pas suffisant, mais c’est déjà ça de gagner.

Quatrième trahison de la France : l’assassinat des leaders nationaux et le génocide

C’est ainsi qu’une promesse a été tenue pour l’ouverture des archives sur ce pan de l’histoire. Cette reconnaissance officielle est donc suffisante pour taire les sceptiques qui avaient des doutes sur l’implication de nos ancêtres Gaulois. Inutile donc de donner des détails sur la mort des leaders upécistes tels que les Um, Ouandié, Moumié, Ossendé et les effets du napalm utilisés à l’Ouest (« Pays Bamiléké »), sans oublier les têtes coupées des « maquisards » accrochées en plein carrefour à Bafoussam.

L’ouverture, promise par Hollande lui-même, des archives ne viendra pas fondamentalement changer un iota de tout ce que l’histoire a eu à révéler sur les tueries perpétrées par la France. L’aveu de Hollande a ceci de positif qu’il témoigne du changement de cap dans la position officielle de la France sur cet épisode tragique de l’histoire camerounaise. Donc, contrairement au billet intitulé La tournée de François Hollande en Afrique, rien de nouveau n’a été dit, Hollande vient de créer un buzz. Pour cet auteur, « François Hollande est venu dire les mêmes choses qui arrangent la France : rien n’a donc changé. La forme des expressions peut-être, mais le fonds est resté le même ». Le peuple camerounais, loin d’être satisfait, a obtenu de la France sa volonté manifeste de faire la lumière. En attendant donc que les modalités d’accès aux archives soient connues, c’est une victoire pour le peuple camerounais, comme le dit si bien mon compatriote Daniel Yagnye : « L’aveu du président français est une victoire… Une toute petite victoire… Mais, une victoire quand même, puisque les grandes victoires viennent à partir des petites ».

Cinquième trahison de la France : le compte d’opération logé au trésor français

Avant les indépendances des pays francophones ou ceux appartenant à la zone du FCFA, la France, dans son optique de paternalisme, par peur de perdre « ses » territoires Africains, a décidé, le 9 septembre 1939, d’instituer l’application des principes et mécanismes de la Zone Franc constitués de : la parité fixe, la convertibilité illimitée, la libre transférabilité et la centralisation des réserves de change dans un compte d’opérations à Paris. Par ce principe, les avoirs extérieurs en or et en devises de celles-ci revenaient de droit à 100% à l’Etat français. A cette période, la puissance coloniale avait raison, dira-t-on d’un ton narquois. Passons.

Après les indépendances survenues, pour la majorité des pays Africains, en 1960, plus particulièrement au Cameroun, il devient sans équivoque que les pays Africains, ayant acquis leur indépendance devraient, raisonnablement avoir droit à leur indépendance monétaire. Ce n’est qu’une logique de bon sens, sinon le terme indépendance n’aura pas de sens. Contrairement donc à ce qu’on aurait pensé, cette politique monétaire a été maintenu par la France qui, à travers des accords viciés de coopération monétaires, retient, non 100% comme précédemment, mais entre 65 à 50% des avoirs extérieurs en devises de quinze pays africains. Ce sont des retenus qui sont obligatoirement donnés en dépôts dans les comptes d’opérations au trésor public français.

A moins d’être le fou de la république, il serait actuellement absurde de penser que la France doit, par devers elle, au nom de je ne sais quel principe des Droits de l’Homme, gérer la monnaie des pays dits « indépendants » sous le prétexte qu’ils seraient incapables de garantir sa fiabilité comme si les Français aiment les Africains plus qu’eux-mêmes au point de ne pas vouloir leur mort. Comment donc ne pas croire aux écrits des économistes tels que le Professeur Nicolas Agbohou dans Le franc CFA et l’Euro contre l’Afrique publié en 1999 et plus longtemps avant lui, au Professeur Joseph Tchuindjang Pouemi, dans Monnaie, servitude et liberté publié en 1981 où il est bien établi que les pays d’Afrique de la zone franc doivent désormais penser à se défaire de la monnaie de la servitude.

En conclusion : Les enjeux du sentiment anti-français ?

Cette série de récriminations est le résultat d’une frustration que les Camerounais nourrissent dans le cœur. Elle va jusqu’à la négation linguistique de ce que le Cameroun a en héritage. La langue française est déniée pour revenir à la nostalgique colonisation allemande qui n’était aussi différente de nos ancêtres les Gaulois. Beaucoup de Camerounais commencent déjà à prendre l’habitude de revenir à l’orthographe allemande « Kamerun » au lieu de celle française « Cameroun ».

L’upéciste Daniel Yagnye fait partie de cette catégorie de subversifs et précise ici ce sentiment anti-français veut dire :

Il n’existe pas de sentiment anti-français au Kamerun. Les Kamerunais n’ont aucun intérêt à haïr la France ou un autre pays. Les Kamerunais sont en train de se mobiliser pour la solution du Contentieux Historique avec la France et la Grande Bretagne. Les Kamerunais sont dans leur DROIT et veulent être les seuls et uniques maîtres de leur pays. Ils veulent leur souveraineté et disent à la France que le Kamerun n’est pas la France. C’est cette légitime aspiration contre laquelle la France s’emploie et se déploie plusieurs décennies dans notre pays qui provoque des réactions naturelles Kamerunaises puisque les français tiennent, avec leur franc CFA et etc… à faire du Kamerun leur propriété définitivement.

C’est parce que les français agissent contre cette aspiration des Kamerunais en ne voulant pas partir de notre pays (ou bien en choisissant d’y rester comme de simples étrangers) que ses citoyens interprètent ces légitimes émotions patriotiques des Kamerunais comme un sentiment anti-français.

Tchakounté Kémayou

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