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Fab Fondja : Blogueur camerounais victime de son patriotisme

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Fab Fondja Amougou, de son nom de profil sur le réseau social Facebook est en garde à vue au Secrétariat d’Etat à la Défense (SED), prison secondaire de la prison centrale de Kondengui à Yaoundé, depuis le 26 septembre 2014. Le blogueur camerounais engagé est accusé d’avoir créé une page Facebook dénommée « Armée Camerounaise » dans laquelle les informations sur les exploits avérés ou non de l’armée camerounaise, au front avec la secte Boko Haram, étaient diffusées.

La lutte contre la secte Boko Haram qui sévit dans les régions du Nord Cameroun oblige le gouvernement camerounais à lancer un cri de cœur à la population pour une union sacrée contre la secte. Comme il est de coutume en temps de guerre, les informations sont une denrée précieuse et en tant que panafricaniste engagé qui ne fait pas toujours confiance aux informations diffusées par les médias internationaux (RFI, France24, BBC, CNN, etc.), Fab Fondja  a donc eu l’idée ingénieuse de créer une page Facebook qu’il nomme « Armée Camerounaise ». C’est ainsi que les informations de premières mains sur les exploits des soldats camerounais contre la secte étaient diffusées et la mention « Organisme gouvernemental » avait l’air de rassurer les plus sceptiques. Tout le monde a cru comprendre que l’Armée camerounaise, considérée comme la « grande muette », s’ouvrait enfin au public. Mais, le hic est qu’en créant cette page Facebook, Fab Fondja n’a pas mesuré les conséquences de la diffusion des informations dont il n’avait pas le contrôle et qu’il les attribuerait, de mauvaise foi, au gouvernement camerounais.

Une enquête a été ouverte et le coupable a été retrouvé. Le Lieutenant-colonel Badjeck , porte-parole de l’armée camerounaise, fait interpeller le sieur Fab Fondja pour deux motifs : 1-il a usurpé le nom « Organisme gouvernemental » dont il n’est pas employé et dont il n’a pas qualité ; 2-Parler au nom de l’arméen’est pas une mince affaire surtout au moment où l’ennemis du moment fait tout pour avoir la moindre info sur l’armée camerounaise.

Fab Fondja est passé aux aveux et la seule solution qui lui reste c’est justement de trouver cette astuce magique qui le délivrera des griffes de la « grande muette ». A l’ère des nouvelles technologies, ce chef d’accusation semble nouveau dans le paysage juridique et du coup, à travers les réseaux sociaux, les camerounais, et plus particulièrement les juristes, nourrissent les débats dans l’interprétation de la loi pour trouver une porte de sortie et permettre à Fab Fondja, pris dans la nasse de la tyrannie du régime de Yaoundé, de recouvrer sa liberté.

Le point de vue du juriste Charly Noah : l’imposture de l’Armée camerounaise et le non-respect des procédures légales  

De l’arrestation arbitraire et du chef d’accusation « usurpation du titre » :

Du point de vue strictement processuel (droit), Fab Fondja a été enlevé en date du 26 septembre. Ce qui fait plus d’une semaine. Comment comprendre que l’on retienne une personne sous le régime de la garde à vue pendant plus d’une semaine, alors que le code de procédure pénale prévoit 24h que seul un juge peut renouveler ?

Que reproche-t-on à Monsieur Fab Fondja Amougou ? On parle d’usurpation, mais usurpation de quoi ? Il a fait usage de quel titre, de quelle identité ou de quelle qualité pour en tirer quel bénéfice ? Si le principal grief se résume à la notion de « usurpation », c’est un chef qui s’effondre par devant un juge siégeant pour connaitre. En l’état et sous toutes réserves, usurpation est un concept que le droit pénal ne connait que s’il s’accompagne d’éléments objectifs pour que le fait soit connu. Autrement dit : 1-il ne suffira pas que l’on prenne mes noms et prénom pour que le chef d’usurpation soit établi : il faut, par ordinaire que tu aies utilisé mon identité dans le dessein de nuire, soit aux fins, notamment de diffamer, d’attenter à mon honneur, de viser un quelconque bénéfice ; 2-la constatation d’une infraction n’est pas du ressort de l’armée. Le législateur a donné compétence exclusive à une autorité, seule compétente pour qualifier les faits. Le lieutenant-colonel Badjeck nous bassine avec le chef d’usurpation mais sans pour autant nous dire qui a qualifié les faits. C’est même un préalable lié à la naissance de l’infraction : en droit, trois éléments satisfont la naissance d’une infraction, que sont : Légal, Matériel, et Moral. En l’espèce, commençons par l’élément Légal : selon le droit positif camerounais quel est le mécanisme qui interdit d’utiliser ou de parler au nom de « Armée camerounaise » ?

De la liberté de communiquer au nom de l’armée camerounaise :

« Armée camerounaise », nom de la page en question, n’est protégé nulle part et par personne pour qu’il soit de cette sorte interdit de créer et parler au nom d’une page nommée « Armée camerounaise ». De sorte qu’ici, l’élément constitutif de l’infraction supposée n’est pas rempli.

« Armée Camerounaise », du point de vue strictement juridique, est un concept et donc, insusceptible d’être protégé. Seules les unités linguistiques sont protégées. Autrement dit, il ne faut pas confondre « Ministère de la Défense » et « armée camerounaise ». Le premier est une entité protégée, en tant qu’elle est ce qu’on appelle « unité linguistique ».  Le deuxième n’est qu’un concept dont tout citoyen lambda peut librement se prévaloir. En claire, tout camerounais peut créer une entreprise, l’appeler « Armée camerounaise » et parler en son nom, sans que cela ne tombe sous le coup de l’article 216 du code pénal. De plus, cet article du code pénal est difficilement applicable ici, puisque manifestement les trois éléments pour constituer une infraction sont défaillant, au premier rang desquels l’élément « Légal ». De sorte qu’il n’est nulle part dit qu’il est interdit de créer une page Facebook sur le nom de « Armée camerounaise » et de l’animer avec des informations (publiques) provenant du Ministère de la Défense. Autrement dit, le Principe de nulla puena sine lege est manifestement bafoué. J’entends, le principe de nullum crimen, nulla puena sine lege découle du droit constitutionnel et c’est dans ce sens qu’il convient de faire attention au moment de faire l’interprétation de l’article 216. En outre, L’article 15 du Pacte International du 16 décembre 1996 relatif aux droits civiques et politiques est l’un des mécanismes qui encadre ce principe et le contenu dudit article suffit à lui tout seul pour dire que les actes de Monsieur Fab Fondja Amougou ne tombent pas sous le coup du 216 du code pénal.

De la qualité des informations diffusées :

Il est généralement admis que l’on peut tout à fait tenir des propos ou entreprendre des actions qui ne sont pas de notre fait mais il faut pour cela, se baser sur qu’on appelle « la preuve de la vérité ». En outre, La preuve de la vérité de Fab Fondja Amougou pourrait être admise et être fondée sur le fait que les informations qu’il publie sur sa page sont déjà connues du public. Que dès cet instant, il ne tombe plus sous le chef de divulgations de fausses informations, en ce sens qu’il n’aurait pas été (conjectures) le premier à rendre public certaines infos. Sous ce qui précède, Fab Fondja peut tout à fait apporter la preuve de sa bonne fois, notamment en établissant qu’il avait de sérieuses raisons de croire à la vérité de ses allégations après avoir fait consciemment tout ce qu’on pouvait attendre de lui, eu égard à sa situation personnelle (c’est un patriote), pour s’assurer de leur exactitude et les considérer comme établies. Et pris sous cet angle (là j’ai volontairement élargi le champ au cas où il reconnaîtrait une quelconque faute), le dossier de la cause est largement à la portée d’un avocat qui a la maîtrise du sujet.

Pour conclure donc, le juriste s’insurge contre ces méthodes d’intimidations qui ont pour but de réduire le camerounais au silence. Si l’Armée veut que le Camerounais Lambda respecte la loi, qu’elle prêche par l’exemple, en ce sens qu’elle aurait dû présenter Monsieur Fab Fondja Amougou à un Juge au terme des 48h de garde à vue. Nous sommes le 06 octobre 2014, c’est à dire plus d’une semaine que Fab Fondja Amougou est en garde à vue.

Le point de Maître Augustine Pauliane Boum : le plaidoyer sur la réfutation de « l’intention criminelle » comme porte de sortie

De l’arrestation arbitraire :

La responsabilité du créateur d’une page web ne peut être écartée au motif de ce qu’il ne serait pas l’auteur des informations y distillées. Elle peut être engagée tant sur le plan pénal que civil. Pour ce, il faudrait qu’il soit établit qu’au moment où il créait sa page il savait en toute connaissance de cause ce à quoi celle-ci servirait non forcement en terme de qui y publierait des informations, mais aussi et surtout de ce qui sera publié. Dans le cas de l’espèce nous ne pouvons, malgré notre compassion pour Fab Fondja, balayer du revers qu’il savait pertinemment ne serait-ce que le type d’informations qui seraient publiées sur cette page. La jurisprudence va plus loin en précisant que l’ignorance ne peut être prise en compte comme moyen de justification que lorsqu’elle est invincible. La leçon à tirer porte sur la prudence des concepteurs et webmasters quant à la vérification des informations circulant sur les sites qu’ils ont conçus.

Du chef d’accusation « usurpation du titre » :

Pour ce qui est de l’infraction d’usurpation, il faut se poser les questions suivantes: 1-qui est juge de l’objectivité des éléments constitutifs de l’infraction? 2-Existe-t-il une commune mesure d’objectivité? 3-Quel est la portée de la puissance publique inhérente à l’Etat, au gouvernement, ainsi qu’à leurs démembrements? 4-Tout citoyen peut-il parler au nom de l’Etat sans avoir été mandate? 5-Existe-t-il une protection autre que celle émanant de la puissance de l’Etat et ses suites? Les réponses à ces questions te permettront d’établir si l’élément matériel de l’infraction tient.

L’autorité à qui la loi a donné compétence a besoin d’éléments pour établir sa conviction même si au finish elle est intime d’où la nécessite d’une enquête. Maintenant qu’on est d’accord sur ce que la conviction du juge est intime, il serait incongru d’affirmer avec conviction et facilement que Fab Fondja est innocent motif pris de ce que l’infraction d’usurpation ne tient. Pour commettre une infraction il existe un modus operandi. Il faut donc éviter de se limiter à la simple utilisation du vocable « Armée camerounaise » car celle-ci constitue un moyen de commission de l’infraction. Il n’existe certes pas de texte qui extenso interdit l’utilisation de ce vocable, mais il existe bien une disposition du Code pénal (article 216) qui prévoit un emprisonnement de six mois a cinq ans celui qui s’immisce dans les fonctions publiques, soit civiles, soit militaires, ou accomplit les actes de l’une de ces fonctions. A moins de prouver le contraire, l’armée camerounaise relève bien la chose publique. Dans ce cas, c’est indéniablement à une autorité compétente qu’il revient le droit de distiller les informations la (l’armée) concernant. Fab Fondja en fait-il partie? Non à ce que je sache. Le chef d’infraction n’est point définitif et peut être requalifié.

De la liberté de communiquer au nom de l’armée camerounaise :

L’utilisation du terme « Armée Camerounaise » ne constitue pas à proprement parler l’infraction, mais l’un des éléments par lequel cette infraction a été perpétrée. En outre, l’énoncé clair des textes de loi et l’interprétation qui en est faite constitue un tout. L’application des textes de loi ne se fait pas à l’aveuglette et au mot-à-mot.

De l’intention criminelle :

Pour ce qui est de l’intention criminelle, elle constitue la porte principale de sortie de Fab Fondja Amougou. Sur ce, il faut éviter, à chaud, d’affirmer qu’on ne pourra point l’établir au point d’en conclure que l’infraction n’est pas constitué. En outre, s’il faut réfléchir par hypothèse : imaginons que Fab Fondja ait agit en bande organisée et que des aveux surviennent de ses complices, dès lors, il y a donc effectivement eu intention d’atteinte à l’honneur. Comment dédouanerait-on aussi facilement Fab Fondja Amougoue dans ce cas de figure ? Compatissons mais restons froid quant à la lecture des faits.

En conclusions : L’aveu et la clémence comme le point de salut de Fab Fondja Amougou, victime de son patriotisme

En conclusion, beaucoup de camerounais se laissent finalement convaincre que Fab Fondja a fait preuve de naïveté et d’infantilisme, comme l’affirme le lieutenant-colonel Badjeck : « Fab Fondja Amougou est plus un illuminé en mal de sensation, un inconscient perdu qu’autre chose ».  Pour se sortir d’affaire, l’accusé doit, soit se disculper d’être membre d’une nébuleuse, soit dire qui sont ses complices, si il y en a, et quels étaient leurs réels desseins afin de recouvrer sa liberté (Jean-Michel H. Ndongo-Seh).

Il est quasi évident que Fab Fondja n’est qu’une victime de ces propagandes fascistes pseudo patriotiques (je dis pseudo parce qu’on voit clairement que ça peut nuire aussi, comme en Côte-d’Ivoire) et autres pseudo Panafricanistes qui ont pris en otage la plus part des fora Camerounais et érigent en héros quiconque profères des inepties révolutionnaire d’anti-occidentalisme primaire (primaire parce qu’il n’y a qu’à les voire faire le pied de grue devant les ambassades) ; Victime du culte de l’agitation qu’on fait passer pour de l’action, victime du « Nous on pose des actes sur le terrain pendant que vous critiquez » même si ces actes ne vont pas souvent au-delà de la diversion et du tapage publicitaire et égocentrique ; Victime de sa propre turpitude dont nul ne saurait se prévaloir car beaucoup adorent diffuser certains infos pour le goût du scoop et du sensationnel et qui s’avèrent après douteuses et invraisemblables, mu dans le délire (pseudo)Panafricanistes.

Soutenons Fab Fondja au nom de la présomption d’innocence puisqu’on ne peut se targuer de connaître le fond de son cœur. Plaidons coupable par ignorance et apprenons à dire en face et en toutes cordialité à ces nouveaux prophètes de « L’éveil (cacophonique) de l’Afrique » qu’ils n’ont pas l’apologie du Panafricanisme ni du patriotisme, que certaines « actions » (agitation plutôt) sont plus préjudiciables que profitables et qu’on a beau mesurer la taille de nos cravates sur Facebook, il n’en demeure pas moins que nos idées ne sont que des proposition et non des ordres ou des panacées (Narcisse Teggy).

Tchakounté Kemayou

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Auteur·e

tkcyves

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