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Coup de gueule : Cameroun, la République des ivrognes ?

11828557_10204521822558177_9002303259967423929_nLe Cameroun est un pays « for-mi-da-ble » comme aime si bien le dire mon ami Ecclésiaste Deudjui. Un pays où les grandes agglomérations comme Douala et Yaoundé, pour ne citer que ces deux-là, manquent cruellement d’espace de détente au point où ce sont des bars qui raflent la vedette en lieu et place des jardins, des plages, des espaces de jeux pour enfants, etc. En dehors du bois Anastasie de Yaoundé considéré comme un lieu de repos verdoyant et calme, les deux villes sont réputées pour leurs bars et boîtes de nuit.

La balade comme distraction : un parcours de combattant ?
A vrai dire les trottoirs n’existent même plus à Douala. Si vous voulez faire une marche seul ou en famille, vous n’y parviendrez que lorsque vous aurez décidé d’affronter cet exercice qui s’avère périlleux. Oui, difficile est la marche lorsque les trottoirs sont occupés par les petits commerçants dans un contexte de débrouillardise : maïs, plantain et prune à la braise, call-boxeurs, quincaillers ambulants qui encombrent les rues avec leur pousse-pousse, voitures garées, mécaniciens et que sais-je encore ? Quand ce ne sont pas les commerçants, ce sont plutôt des transports publics comme des bens-kineurs ou des taximen qui peuvent vous faucher. Ils sont toujours là à faire des dépassements à droite comme à gauche, soit pour éviter des nids d’éléphants en pleine chaussée, soit pour pourchasser un client qui risque de leur échapper ou encore pour fuir les contrôles de police ou du fisc. Pendant cette période de pluie, il faut être chanceux pour ne pas recevoir en pleine figure l’éclaboussement des eaux stagnantes qui puent les immondices.

Où sont les parcs et les jardins publics ?
Voulez-vous vous reposer, prendre un peu d’air naturel dans un lieu calme, tranquille  en compagnie de la famille ou d’amis ? Ici à Douala particulièrement, aller dans un parc ou jardin relève de l’utopie. Il n’en existe presque pas. La mairie de Douala IVe avait choisi d’aménager un jardin au  cœur de Bonabéri. Mais, le comble c’est qu’elle l’avait fait là où va passer la prochaine pénétrante ouest !

Voilà ce qui prouve même que le développement de la ville de Douala n’est pas coordonné, organisé encore moins pensé. Il y a seulement deux ans à peine cette infrastructure avait été inaugurée par « Son Excellence » Monsieur le gouverneur de la région du littoral. Comment comprendre donc qu’un jardin ait été conçu sur le tracé d’un ouvrage routier décidé depuis belle lurette ? Aucun arrondissement des six que compte le département du Wouri n’a de parcs, de jardins pour que la jeunesse se défoule, pour que les familles se baladent, pour que les travailleurs décompressent, pour que les amoureux s’aiment.

Le seul parc, c’est à Bonanjo, au centre administratif qui est situé à des dizaines de kilomètres des quartiers populeux et populaires. Avec ce sombre tableau, il ne reste plus qu’une chose aux pauvres populations comme distraction : lever le coude.

Les bars, la bière, l’alcool à tout bout de champ
C’est ainsi que les bars pullulent dans tous les quartiers. Toutes catégories : plein air, petite salle, salle climatisée et écran plat. On s’abreuve de foot anglais, de feuilletons brésiliens et de Nollywood à la con, ou en écoutant des musiques qui sont des véritables invites à la débauche. Et on connait la capacité des Camerounais à offrir de la bière ou alors à en demander « une ». Ajouter à ce tableau les capsules gagnantes, l’argent de la corruption. Ajoutez-y le « soa », le poisson braisé, le tiercé, le pari foot, etc. Voilà comment on se distrait dans ma ville.

Et on parle d’émergence, de performance, bien-être, paix. Ce tableau est le lot de presque toutes les villes camerounaises. Y compris le Yaoundé, véritable « zone industrielle » des bars. Des bars qui ouvrent à l’aube.

Avec ce désordre, on ne fait plus la différence entre un bar, un snack, une boîte de nuit, une vente à emporter. Partout, on boit même à 7 h du matin, on danse, on jubile, même à midi. Personnellement, des fois je regarde ma montre à deux fois pour être sûr que je suis dans le bon créneau horaire. Dans mon esprit probablement tordu on danse en soirée et généralement les week-ends et dans des endroits qu’on appelle boite de nuit, « BT » pour les habitués.

Le peuple se vautre dans la luxure, l’alcool, les musiques obscènes. Résultat, on peut voler un bébé par mégarde, négligence des parents et bizarrement très peu s’en émeuvent. C’est comme si on avait volé une baguette de pain dans une boulangerie. Vous n’entendrez jamais, eh oui, jamais des cris, des soulèvements populaires pour réclamer que justice soit faite et châtier les criminels. Pire encore, on peut être libéré faute de preuve, pour avoir été innocenté par le tribunal compétent après avoir été retenu en prison pendant plus de cinq ans.

L’autre jour, sur la route nationale N°1 appelée pompeusement « axe lourd Douala-Yaoundé » (il faut rappeler ici qu’après plus de 50 ans d’indépendance il n’existe d’autoroute nulle part au Cameroun encore moins celle qui relie les deux grandes villes), au niveau du village Matoumba, la route était entièrement bloquée. Un camion d’une société brassicole a fini sa course sur un obstacle. Les villageois se sont rués vers les casiers de bière déversés à même le sol emportant casiers et  bouteilles de bière. Les voyageurs n’étaient pas en reste. Ils sortaient de partout : des bus, des cars d’agence de voyages, des voitures, et que sais-je encore. Du plus grand au plus petit, tout le monde se servait à volonté. Ceux qui n’avaient pas la chance de se servir pouvaient en acheter au prix « spécial promo accident » comme l’a si bien dit mon frérot Romain Roland Kouotou qui a vécu la scène, hébété. L’autre curiosité est le fait que tous ces gens ne boivent pas souvent la bière king qualifiée de mauvaise qualité parce que c’est une bière camerounaise. Cette attitude ou ce comportement social me rappelle le drame de Nsam à Yaoundé survenu alors que la population accourait se servir du carburant déversé suite à un accident de véhicule qui transportait un produit dangereux. Le pire qui est arrivé arriva. Aujourd’hui, plus personne ne s’en souvient.
Est-il possible que les autorités camerounaises fassent un projet de loi sanctionnant de tels comportements irresponsables ? Non, elles sont plutôt préoccupées à terroriser les automobilistes avec leurs radars pour les soutirer 25.000F cfa pour excès de vitesse.

Tchakounte Kemayou avec Romain Roland Kouotou et Patrice Kuissu

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Auteur·e

tkcyves

Commentaires

Serge
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Heureusement qu'il y a les feuilletons brésiliens... :)

Ecclésiaste Deudjui
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Monsieur Yves Tchakounte, ceci est votre tout meilleur article...
pas de rêve dans ce pays, mais plutot une exhortation à la débauche et à la vénalité. voici le Cameroun qui nous héberge, et donc le seul refude devient la bière et les spiritueux