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Comment le bibliobus Street-CLAC de Yaoundé m’a séduit

Un après-midi de février 2016, je débarque dans la capitale, Yaoundé, ville aux sept collines. Il est environ 15 h 30 quand le bus que j’avais emprunté entre à la gare à Mvan pour le débarquement. Le soleil d’aplomb de la ville sillonne le paysage et scintille encore dans le ciel. Pendant que je déambule à la recherche d’un taxi pour mon lieu de séjour, je vis comme un éclair passé devant moi, un grand bus, dont le design, ne m’a pas laissé indifférent. Interloquée, ma voisine de bus, puisqu’on ne s’était pas encore quitté en attendant de me trouver un taxi, qui m’observait me lança tout d’un coup : « tu ne sais plus lire ? C’est le CLAC ». « Le CLAC ? De quoi s’agit-il ? » Lui rétorquais-je.  « C’est la bibliobus. La bibliothèque mobile », répondit-elle. Je suis donc allé, durant mon séjour, à la découverte de cette affaire qui venait de me séduire.

Une belle affaire, ce CLAC !

Créé en 2007 par le Camerounais Charles Kamdem Poeghela, le CLAC intitulé Centre de Lecture et d’Animation Culturelle (CLAC) de Yaoundé est l’une des rares structures vouées à la formation et à l’éducation à travers le livre. Sa vocation première est la formation et la sensibilisation par les outils didactiques aussi divers que variés issus de la technologie de dernière génération. Ce centre est aussi un véritable lieu de rencontres. Principalement concentré sur la vulgarisation de la lecture, il est, de ce point vu, considéré comme l’une des principales structures de la capitale qui donne de la matière aux jeunes pour, à la fois, la recherche et le loisir. C’est en cela que le centre occupe une place de choix dans l’environnement de la diffusion des connaissances par le livre.

Le livre : une opportunité

Le Cameroun est un pays dont la culture de l’écriture, de la lecture, de l’édition, bref du livre, est encore considérée comme un luxe. Les plus gros consommateurs du livre tels que les élèves, les étudiants, les enseignants, les chercheurs ont toujours eu recours à des acrobaties les plus rocambolesques pour trouver un ouvrage qui répond véritablement à leurs attentes. En ce sens, toute initiative, quelle qu’elle soit, s’avère être salvatrice. Pour bien illustrer la portée d’un tel projet, il faut mettre en exergue le taux d’accès aux livres. Les couches les plus concernées pour une politique plus poussée d’accès aux livres sont les enfants scolarisés ou non. Ainsi, en dehors des Instituts Français de Douala et de Yaoundé qui ne sont particulièrement pas spécialisés pour l’éducation et la recherche d’une part et des bibliothèques universitaires qui ne sont pas toujours mises à jour pour répondre aux exigences scientifiques de la recherche d’autre part, le Cameroun ne possède véritablement pas de bibliothèque digne de ce nom. Avec une bibliothèque dans ses locaux, le CLAC décide d’aller plus loin afin de toucher le maximum de personnes.

Le Street-CLAC : de quoi s’agit-il ?

street_clac-1441872934Le CLAC a mis en place, depuis 2015, un concept fort évocateur et qui n’est pas encore dans les habitudes locales : la bibliothèque mobile ou encore appelée « bibliobus ». En partenariat avec la Bibliothèque Sans Frontière (BSF), le CLAC a, à sa disposition, un grand bus bien équipé et doté de tout le matériel nécessaire pour la recherche, l’éducation et la formation. Il s’agit entre autres, des livres, des tablettes, des ordinateurs connectés à internet, des vidéos-projecteurs, des écrans, des films et documentaires, des films d’animation, des CD-Rom, etc. c’est donc une véritable bibliothèque complète qui possède des milliers de fonds. Il existe aussi des animations culturelles et pédagogiques telles que des formations et des sensibilisations en ateliers et/ou en conférences éducatifs.

L’accès à un livre : une aubaine

Il y a au Cameroun des élèves et des étudiants qui finissent leur cycle de BTS ou de licence sans avoir eu la chance de lire, pour ne pas dire de voir un vrai livre. Je dis bien un vrai livre, pas la contrefaçon. Les bibliothèques universitaires manquent d’entretien et ressemblant, pour la plupart à un véritable musée abandonné juste pour la publicité. Du coup, les étudiants ne peuvent compter que sur les commandes via internet, et l’abonnement dans les bibliothèques en ligne pour les plus fortunés. Ceux-ci font alors des polycopies pour leurs paires qui ne tarderont pas à s’en abreuver au prix de rien. Voilà comment la plupart finissent leur cursus sans accès à un vrai livre. Il a fallu donc faire quelque chose.

L’innovation en toile de fond

À l’image des Instituts Français qui existent ici, le Street-CLAC est une véritable médiathèque. C’est-à-dire que c’est une bibliothèque dont les informations et les connaissances ne se trouvent pas seulement dans le support papier comme dans une bibliothèque classique. Les bibliothèques du 21ème siècle sont essentiellement dotées de données digitales. Celles-ci sont disponibles et consultables à partir de la bibliothèque numérique du centre ou encore à partir des bibliothèques via internet. C’est en cela que ce bibliobus est une véritable innovation au Cameroun. C’est aussi et encore une claque amère infligée aux structures universitaires qui tardent obstinément désespérément de s’arrimer à la nouvelle donne. Mais, pour le Street-CLAC, c’est plus que du digital…

…C’est la mobilité qui compte

Comme je le disais au départ, j’ai été frappé par le passage de ce grand bus à travers son design. Lorsqu’on m’a fait savoir que c’est une bibliothèque mobile, j’ai été surpris par ce concept convaincu qu’au Cameroun, c’était inimaginable. Et j’ai été plus obnubilé le jour où j’ai franchi pour la première fois les portes de ce centre situé à Mimboman. Une bibliothèque qui va vers les lecteurs, à la recherche des lecteurs, à la rencontre des lecteurs pour leur faire découvrir des merveilles du livre.

Le Street-CLAC est donc un projet conçu pour ceux qui pourront avoir des ouvrages aussi bien en papiers qu’en numériques. Parce que le bus viendra vers eux. Mais, il ne faudra pas se méprendre, le CLAC n’a pas trop misé sur cette couche estudiantine considérée comme la plus grosse consommatrice des savoirs. La plupart des fonds sont destinés à la jeunesse, aux enfants. Normal, puisqu’en plus de cette absence d’infrastructures qui éloignent les jeunes du livre, les jeunes n’aiment surtout pas lire. Il faut d’abord commencer par éduquer les tout-petits à la culture de la lecture.

Le déploiement du bibliobus

Malheureusement, eh oui, malheureusement, le Street-CLAC ne sera pas présent sur tout le territoire de Yaoundé vaste de plus de 3 millions d’habitants. Seuls les quartiers comme Mimboman, Essos, Anguissa, Nkomo, Soa, Ngoa-Ekellé, Omnisport, Ngousso, Nkondengui et Ekounou situés à l’Est de la ville, sont concernés. Pendant 4 à 5 heures, le bus immobilisé permettra aux animateurs et bibliothécaires de faire découvrir les merveilles du livre aux jeunes des quartiers populaires. C’est la couche la plus indiquée et vulnérable à l’accès du livre. Tout le matériel et le mobilier sorti du bus, les tables et les chaises pliables et modulables à souhait, sont disposés dans un espace libre d’accès et convivial. L’ambiance ressemble, vraisemblablement, à un marché de lecture.

MTN Cameroon marque son sceau

StreetClac (3)Évidemment, ce vaste projet innovant ne pouvait pas voir le jour sans la contribution des partenaires aussi variés que restreints. Charles Kamdem Poeghela a d’abord eu le soutien de l’ONG Bibliothèque Sans Frontière qui a eu l’amabilité de financer le transport du bibliobus de la ville de Villeurbanne, donatrice, jusqu’au port de Douala. C’est alors qu’à partir du 16 septembre, une campagne de foundraising dénommée « KissKissBankBank » a été lancée pour la collecte de 5000 € afin de financer son relooking : design, aménagements et mobiliers extérieurs. La campagne a tenu les promesses des fleurs puisque le design a réussi à me séduire.

Enfin, le CLAC n’a pas manqué du soutien des entreprises de droit camerounais dites citoyennes qui s’illustrent, depuis fort longtemps déjà, à des gestes aussi grands que le cœur peut l’être. En matière de logistique, MTN Cameroon, puisqu’il s’agit d’elle, vient en renfort avec des équipements haut standing : « une dizaine de tablettes tactiles ultras performantes, 01 groupe électrogène de 5.25 KVA, 02 ordinateurs portables de dernière génération, 01 téléviseur TV LED de 55’, 01 Lecteur DVD Blu RAY, et des enceintes portables VHF amplifiées », sans oublier la connexion internet illimitée et gratuite.

La cérémonie de remise de cet important don a eu lieu à Yaoundé au siège du CLAC le 25 février dernier a réuni autour de Charles Kamdem Poeghela, fondateur du CLAC et du Professeur Ebénezer Njoh Mouelle, membre du conseil d’administration de la Fondation MTN, un public circonstancié et chaleureux à la fois. Voilà qui viendra mettre du baume au cœur pour déclencher mettre en branle le bibliobus qui ne pourra, bien évidemment, se déplacer que grâce au soutien en carburant offert par l’entreprise MRS du richissime homme d’affaires Nigérian Aliko Dangoté.

Et la suite… ?

C’est à croire que le Street-CLAC est un projet accompli. Que non. Il faut le dire sans rechigner, un projet comme celui d’une bibliothèque est extrêmement lourd et endurant par le fait qu’il est sévèrement coûteux à l’entretien. Le challenge du CLAC ne s’arrêtera donc pas là, en effet. Il nécessite du personnel qualifié et salarié. C’est le pari à tenir pour un projet d’envergure humanitaire et social. Il faut féliciter l’initiateur et les partenaires qui, je l’espère, ne vont pas lâcher le Street-CLAC en si bon chemin en pérennisant leur soutien par l’enrichissement du fond de la bibliothèque appelée à s’adapter à la demande.

Tchakounté Kémayou

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