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Chronique de la situation de la presse écrite camerounaise

Je me rappelle ces années de braise (de 1990 à 1992) où les journaux se vendaient comme de petits pains dans tous les coins de rue de Douala et de Yaoundé, et même dans l’arrière-pays. Je me rappelle aussi… Oui, je me rappelle vraiment, et avec nostalgie, ces moments où ma passion pour la lecture s’était révélée lorsque, au lieu de m’acheter des sucreries ou amuse-gueules comme le faisaient les enfants de mon âge (Pendant mes années de lycée), je courais au kiosque à journaux loin de la maison pour acheter mon trihebdomadaire ou magazine préféré (Le Messager et Jeune Afrique Magasine). A mon jeune âge, la lecture pour moi c’était un loisir, un passe-temps. Malheureusement, je ne suis pas né dans une famille de lecteurs. Je n’avais donc pas accès aux livres pour me cultiver à la lecture. Mais, seulement à défaut de lire les livres trop coûteux pour moi, je me rabattais sur les journaux. La presse camerounaise a donc connu une effervescence telle que les tirages avoisinaient les 80.000 à 100.000 exemplaires par titre et par numéro. A l’époque, c’était même considéré comme une banalité. Aujourd’hui, pour tirer 5.000 à 10.000 exemplaires est considéré comme un exploit ! Je suis incapable, comme beaucoup de camerounais aussi, de m’offrir, pardon ne vous moquez pas de moi, un seul titre par mois, voire par an, je voulais plutôt dire que je n’achète plus les journaux. Pour des raisons diverses, la presse écrite camerounaise connait une décrépitude criarde. Comment en est-on arrivé là ?

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Pendant ces années de braise donc, le contexte était donc favorable à cette éclosion de la presse écrite. Le vent des libertés de l’Est a été le facteur majeur que beaucoup d’historiens considèrent comme précurseur des libertés en Afrique noire. Les peuples, restés longtemps sous le joug des dictatures et du totalitarisme depuis les indépendances, ont saisi la balle aux pieds pour faire plier les régimes gérontocrates et barbares. D’où le concept de « Conférence nationales » réclamée à cor et à cri à travers les « Villes mortes » que certaines villes africaines ont connu. Les camerounais plus avisés commencent à comprendre que l’heure est venue de changer complètement des habitudes de consommation car l’information devenait désormais une ressource indispensable à l’épanouissement des citoyens responsables et épris de liberté. Le besoin d’informations se faisait ressentir et, la bourse et le panier de la ménagère aidant, chacun se mit donc à la lecture des papyrus considérés comme outils de vulgarisation et de préparation de ce citoyen qui doit être toujours prêt à choisir les hommes et à assumer ses choix personnels.

Ce besoin grandit de plus en plus avec l’évolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) dans le monde. Comme le multipartisme en politique, les NTIC ont connu aussi leur multipartisme que j’appellerai ici le « multimédiatisme ». Que je suis prétentieux ! C’est donc grâce la promulgation de la loi sur la communication sociale que le multimédiatisme prend son ampleur. Nous avons notamment les télévisions qui se perfectionnent et se modernisent. La chaîne de télévision nationale (CRTV) est la seule dans l’environnement des médias au Cameroun, mais les câblodistributeurs inondent des ménages d’images des chaînes étrangères. Actuellement, plus d’une vingtaine de télés privées arrosent le pays. Et encore, à cette époque, la CRTV lance les radios FM avec une qualité du son semblable au disque CD. Là aussi, les radios privées se comptent en centaines aujourd’hui, y compris les radios communautaires. Les outils informatiques ne sont pas en reste. Leur implantation dans le paysage des NTIC prend de l’ampleur à tel point que les cybercafés deviennent des lieux les plus fréquentés des jeunes. J’exagère quand même hein… L’entreprise à capitaux public, CAMTEL, principal et seul fournisseur de l’internet (Vente en gros et en détail), connait une concurrence des deux opérateurs de la téléphonie mobile « démocratisent » l’accès à internet à travers le téléphone. Ce qui relevait d’un mythe avant leur arrivée. Ce qui a fait que, CAMTEL, en plus de la vente en gros (Il est le fournisseur de ces deux opérateurs actuels), s’est aussi livré à la vente en détail, comme le font ses clients. Ce n’est qu’au Cameroun que ce genre de concurrence déloyale est possible. Mais, ça se comprend ; puisqu’ils font de la téléphonie filaire. La presse écrite camerounaise, plus florissante à l’apparition de ces outils, se heurte désormais à un challenge qui est celui de s’arrimer à la donne. Certains promoteurs de la presse écrite voient donc le danger venir et se lancent très rapidement à la conquête du marché médiatique radio-télévisé qui restait encore vierge. Les ressources de la radio et de la télé de ces promoteurs pouvaient aussi permettre d’éviter la mort subite de la presse écrite. Il n’y a qu’à voir comment le patron du « Le Messager », le feu Pius Njawé qui n’avait pas réussi à ouvrir sa radio à cause des « coups bas » comme il le disait lui-même, peinait à se maintenir debout.

Pour dire vrai, tout ce que j’ai relevé plus haut : le vent de l’Est, le multipartisme et le multimédiatisme, au lieu de constituer un atout pour son développement, vont finalement jouer de salles tours à la presse écrite camerounaise. Et si je vous parlais encore de la crise économique, de la dévaluation du franc CFA, sans oublier la double diminution des salaires des fonctionnaires qui avaient vu leur revenus réduit de plus de la moitié, vous serez alors prêts à jurer que ces patrons-là sont trop forts. Moi-même je ne croyais plus à leur survie. Que dalle ! Même l’Etat ne leur facilite pas la tâche avec les « Aides à la presse » bidonne donc la maigreur fait plutôt pitié à cette aide qu’à la presse elle-même. Ah ! J’oubliais que j’étais dans une République bananière. Passons. La presse écrite camerounaise est donc confrontée au problème financier qui ne lui donne pas l’opportunité de répondre aux exigences techniques et technologiques liées à son développement. Comment cette presse évolue-t-elle alors dans cet environnement malgré son handicap ? Quel sont les éléments que nous pouvons tirer de la technologie et qui empêchent le développement de cette presse ? Ces questions feront l’objet de mon prochain billet que je me ferai le devoir de publier dans quelques jours.

Tchakounte Kemayou 

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