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Cameroun : qui se cache derrière Boko Haram ?

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Le BIR (Bataillon d’Intervention Rapide) en action

C’est depuis février 2013, date de l’enlèvement à l’Extrême-Nord de la famille des sept Français, les Moulin-Fournier, que la présence de la secte Boko Haram a été officialisée au Cameroun. Dès lors, l’actualité camerounaise est dominée par des rapts et des attaques incessantes. Les populations terrorisées sont en émoi et complètement déboussolées à cause des incursions quotidiennes, revendiquées ou non, des hommes armés. Du coup, les hypothèses et les théories diverses fusent de toute part pour cerner les origines mystérieuses de ces attaques.

La polémique est d’abord née suite à la publication de l’article de Fanny Pigeaud sur Mediapart.fr intitulé « Cameroun : Paul Biya, après plus de trente ans de règne, est confronté à une rébellion ». Dans cet article, l’auteur démontre tour à tour l’hypothèse selon laquelle le Cameroun se trouvait face à une révolte venue de la partie septentrionale. Avant Fanny Pigeaud, beaucoup de journalistes camerounais affirmaient cette fameuse thèse de la rébellion armée qui aurait deux origines. La première thèse répandue par ceux que j’appellerai les « Panafricanistes » et largement diffusée par les médias comme Afrique Média qui voient une mainmise des puissances étrangères en l’occurrence celle de la France. La seconde thèse se fonde plutôt sur un complot des élites des régions du Nord pour déstabiliser le régime de Paul Biya.

La thèse du complot de la France : le corps diplomatique se défend

Les tenants de cette thèse fondent leur position sur la volonté hégémonique des puissances coloniales, comme la France, à maintenir le continent africain dans son giron. Les analystes invités sur les plateaux des médias (Afrique Média) orientent leurs argumentaires sur les drames passés et que subissent encore le Mali, la Côte d’Ivoire et notamment la Libye.Un pays, où ces mêmes Français et surtout les Etats-Unis qui disaient apporter la paix et la démocratie dans ce pays se sont rétractés, laissant le pays dans une tourmente et un déséquilibre indescriptible. Sinon, comment comprendre que le président français François Hollande ait rencontré quelques leaders camerounais lors de sa visite au Tchad les 18 et 19 juillet dernier ?

10583869_10152619434911131_2082723243560779159_nPendant ce temps, les réseaux sociaux ne sont pas en reste et les Camerounais donnent leur avis sur ce qu’on appelle désormais la guerre contre Boko Haram. Les fins limiers du renseignement ne se gênent pas pour diffuser les informations selon lesquelles Boko Haram serait une création pour les uns (Guy Simon Ngakam) et une instrumentalisation pour les autres (Roufaou Oumarou) de la CIA  avec deux sous-traitants : la France et la Norvège. Ce dernier pays contrôlerait des églises luthériennes et des hôpitaux « norvégiens » notamment à N’Gaoundéré et à Meiganga au Cameroun. Le Qatar, la Syrie, la Turquie et l’Arabie saoudite plus précisément la famille Al Saoud et quelques pays du Golfe sont aussi soupçonnés d’entretenir des relations avec les groupes terroristes qui mettent à mal la paix dans le monde et notamment en Afrique. Il est donc naïf, pour ces analystes de croire que les missionnaires évangélistes et messianiques ont un rôle purement humanitaire en Afrique. Ce n’est pas par hasard que, jadis, « l’église précéda ou accompagna partout les colons » (Guy Simon Ngakam).

L’attaque de la localité de Gambaru dans la nuit du jeudi 4 septembre 2014 a largement été commentée, car c’est une énième tentative d’infiltration à destination de Fotokol. Pour la première fois, l’armée camerounaise a utilisé des canons de 150mm et des chars, rasant totalement sept positions de la secte. Le bilan est de plus d’une centaine de morts a indiqué le ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary. Il a annoncé par ailleurs que les autorités ont identifié deux cadavres d’homme d’origine touarègue : Abdoulkader Al badre et Abdallah Ibn Oumar. D’autres analystes poussent le bouchon plus loin en affirmant que ces deux Touareg sont des Français.

Boko Haram attaque, attaque et attaque encore en annexant les villes nigérianes. La secte s’est-elle engagée à faire de même au Cameroun ? Mais, qu’est-ce qui fait la force de cette bande de terroristes ? Quelles sont les vraies raisons de la lâche faillite de l’armée nigériane devant les fanatiques de Boko Haram ? La réponse nous vient de Guy Simon qui affirme que toutes les rébellions qui ont eu lieu en Afrique jusqu’ici ont révélé deux parallèles : 1- « Lorsque l’armée régulière est en bonne posture, une force étrangère intervient pour soutenir le mouvement armé, généralement sous le prétexte de protéger les civils ou pour empêcher l’armée régulière d’utiliser les armes lourdes. Ce fut le cas pour la Libye et la Côte d’ivoire. En Syrie, c’est la coalition sino-russe qui maintient l’équilibre, les renforts étrangers aux rebelles leur permettant de résister jusqu’ici » ; 2- « Généralement, les armées régulières sont vite dominées et le pays fait appel aux mêmes forces qui soutiennent les rebelles ailleurs. C’est le cas en RDC, en Irak présentement ou (dans une certaine  mesure) en Ukraine. Ce fut le cas en Afghanistan, en Turquie avec le PKK (avant l’arrestation de son leader par la CIA et son transfèrement à Istanbul comme gage de l’utilisation de l’espace aérien turc pour la deuxième guerre d’Irak). Ce fut le cas au Mali, au Tchad en 2008 lorsque le palais de Ndjamena fut encerclé par les rebelles. Ce fut le cas aussi en RCA ». Sans doute que le Nigeria et le Cameroun adoptent, pour le moment, la stratégie de la résistance. Attendons de voir la suite.

Ce climat de suspicion n’a pas fait plaisir à la France qui a réagi par l’entremise de son corps diplomatique à Yaoundé. Le 2 septembre 2014,  Christine Robichon signe un communiqué dans lequel elle donne la position officielle de la France qui condamne avec la plus grande fermeté les attaques perpétrées par le mouvement terroriste Boko Haram dans le nord du Cameroun et affirme : « Le président de la République François Hollande n’a pas rencontré de représentants camerounais lors de sa récente visite au Tchad les 18-19 juillet 2014, ainsi que certains articles le rapportent de façon inexacte ». Cette position n’a toutefois pas convaincu tout le monde.

La thèse d’une rébellion armée : les élites du RDPC se déchirent

Boko Haram serait la conséquence d’une désintégration du régime RDPC  (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) quand les élites de la partie Nord ont voulu « reprendre » le pouvoir que les élites de la partie Sud du pays ont confisqué depuis 32 ans déjà. C’est depuis 1982 que le président Amadou Ahidjo (originaire de la partie Nord), premier président du Cameroun à céder le pouvoir à son premier ministre, successeur constitutionnel qu’était Paul Biya (originaire de la partie Sud). Un coup d’Etat manqué avait eu lieu en 1984 dont l’ex-président Amadou Ahidjo avait été soupçonné d’être l’instigateur. Du coup, une chasse aux originaires de la partie Nord a créé une stigmatisation des élites de cette partie du pays. Cette propension à penser que ces élites pourraient prendre leur revanche un jour est toujours sur les lèvres. C’est ce qui a fait dire à Fanny Pigeaud qu’il y a des complicités dans le sérail présidentiel pour déstabiliser le régime. Marafa Hamidou Yaya, ancien ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, actuellement en prison pour détournement de deniers public, est cité nommément dans l’article comme faisant partie de cette nébuleuse. Cet acharnement contre les personnes originaires de la partie Nord est loin de s’arrêter.

10612894_803928853004734_6870221844143817950_nLe 31 août 2014, lors d’une réunion du RDPC à d’Obala dans le département de la Lékié, une élite de la localité en l’occurrence Henry Eyebe Ayissi, ministre délégué à la présidence chargé du contrôle supérieur de l’Etat, réunit quelques cadres du parti. A l’issue de cette rencontre, ils signent une motion de soutien dénommée « L’Appel de la Lékié » accusant les élites de la partie Nord de pactiser avec le Diabe. Cet « Appel de la Lékié » s’insurge contre « La secte islamiste Boko Haram au Cameroun et à l’incitation à la guerre des religions, notamment chrétienne et musulmane, qu’elle vise à susciter et à entretenir dans [le] pays », et contre les « complices de Boko Haram, principalement dans les régions septentrionales du Cameroun, et à leurs stratégies sournoises ou leurs tentatives d’incitation à la partition du territoire national, à la lumière des développements fort regrettables enregistrés dans d’autres pays ou régions du continent africain ». Sans surprise, une personnalité originaire de la partie du Nord réagit. Cavaye Yeguié Djibri, le président de l’Assemblée nationale dénonce avec ferveur ce qu’il appelle les « basses manœuvres de nature à ternir l’image de toute une partie du pays » où les populations sont surnommées péjorativement les « Nordisses ». Selon Cavaye Yeguié Djibril qui écrit sa correspondance avec les symboles et les sceaux de la République du Cameroun qui figurent sur l’en-tête, les élites de la Lékié militent plus pour la division et la partition que pour la construction. Cette sortie du PAN n’a d’ailleurs pas été du goût de certains pontes du régime qui ont tout de suite censuré cette lettre en refusant de la diffuser à la CRTV (Cameroon Radio and Television).

Ces positions continuent de bouleverser tout le pays et certains se désolidarisent allant jusqu’au ridicule : le député originaire de la Lékié Jean-Marie Nga kounda qui avait signé l’« Appel » s’est rétracté, affirmant avoir signé sans prendre le soin de lire. Certaines élites de la partie Nord ne se reconnaissent pas dans le communiqué de Cavaye Yeguié Djibril qui a pourtant bien mentionné qu’il le faisait au nom des élites « Nordisses ». Voilà donc ce qui faire dire aux analystes que ces deux positions zélées traduisent cette tendance à la recherche de positionnement politico-clientéliste. Les agitations des élites qui sont considérées comme les « créatures » reflètent bien le fond abyssal qu’est le Cameroun du créateur et le prince tyrannique.

Les effets collatéraux du rançonnage

Il est sans doute incontestable que le Cameroun sert de base arrière d’une activité terroriste de Boko Haram qui est plus actif au Nigeria. Le concept de base arrière ici serait flou si l’on n’y prend pas garde. La secte Boko Haram a sans doute compris que la France est le pays au monde qui libère les otages par la rançon. Et Abubakar Shekau a donc décidé de se spécialiser dans la prise d’otage des Français pour financer ses activités. Les régions du Nord-Cameroun étant « fertiles » grâce aux sites touristiques qui s’y trouvent, l’accent est donc mis par la secte pour diriger leurs tentacules vers le Cameroun. Boko Haram sous-traite donc ses activités de rapt au Cameroun. Qui sont donc ces sous-traitants camerounais ? Pourrait-on se demander.

Les rapts sont organisés par les Camerounais qui après livrent les otages à la frontière où la secte réceptionne le « colis » contre paiement. Mission terminée donc pour les Camerounais qui  servent de relais pour des transits comme les rapts, la livraison des armes et autres munitions parfois venant du Tchad. Les facteurs concourant à la création de la rébellion à savoir : « Villages camerounais désertés par la population et l’armée, circulation d’armes, absence de l’armée nigériane de l’autre côté de la frontière qui offre une possible base arrière, stigmatisation permanente d’une communauté, errance des rebelles centrafricains et tchadiens dans le secteur, jeunesse désespérée, etc. » Ceux qui soutiennent la thèse d’une rébellion « disent seulement qu’elle avance masquée sans jamais lui attribuer une attaque, encore moins des revendications. Pourtant plusieurs villages ont déjà été occupés par des éléments de Boko Haram. Et dans la partie camerounaise du Lac Tchad, cette secte contrôle tout le secteur adossé à sa base de Saguir dont les villages Kamouna, Dombaré… »

Cette version tend à démontrer que les rébellions en Afrique n’ont pas pour coutume d’agir masquées. Ce mode d’opération de Boko Haram au Cameroun semble rendre service au président Biya qui en tire les rentes et les dividendes politiques. En effet, Paul Biya avait pris l’habitude de payer les rançons aux terroristes. Les otages libérés devenaient donc un objet de propagande devant l’opinion et surtout auprès de ses maîtres occidentaux. La plus vieille dictature et tyrannie d’Afrique trouvait donc l’occasion d’augmenter sa cote de popularité et de sympathie.

Pourquoi Boko Haram s’attaque au Cameroun au risque d’être confondu avec une rébellion comme le soutiennent certains analystes ? La réponse est toute simple : parce que  Paul Biya a décidé de ne plus payer la rançon à ses partenaires. Les incursions de la secte au Cameroun ne peuvent donc qu’être considérées comme des effets collatéraux. Au sommet de l’Elysée consacré à la question Boko Haram au mois de mai dernier François Hollande a-t-il réitéré sa volonté aux présidents africains présents de ne plus payer les rançons ? Cette version semble se justifier sinon comment comprendre la déclaration de guerre de Paul Biya à Boko Haram.

L’indifférence de Paul Biya, ses prises de parole qui devraient être régulière en temps de « guerre totale » amènent certains Camerounais à adopter des positions radicales.  L’analyste Guy Simon Ngakam estime que ce régime illégitime ne parviendra pas à éradiquer le terrorisme et préconise de passer à l’action : « Il faut plutôt profiter de la situation de déstabilisation en cours pour renverser le régime et engager un combat sans limites pour la libération totale des pays de la sous-région.  Patrice Nganang pour sa part ne passe pas par quatre chemins pour demander aux soldats camerounais de faire comme au Mali : « Déserter ».

Tchakounté Kemayou

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Commentaires

Marylene
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Bonjour,
Il est plus que temps de s'unir pour renverser le régime Biya. Le Cameroun a besoin d'ue véritable révolution. Il ne faut plus de mafia à la tête de ce pays. Finissons-en avec la dictature des loges, avec le magico-anal l'obscurantisme, le satanisme, l'idolâtrie, la prévarication au sommet de l'État. C'est tout cela qui entraîne la malédiction du Cameroun depuis plus de cinquante ans. Les malheurs du Cameroun remontent à la trinité satanique formée par Ahidjo, Aujoulat et Biya caractérisée par leur homosexualité (rituelle) et leurs régimes de cruauté et de mensonges. Conspuons ce passé douloureux et honteux pour écrire dans la dignité des pages nouvelles de notre avenir. Faisons tabula rasa de tout le mal que nous ont apporté ces deux imposteurs que furent Ahidjo et Biya pour que le Cameroun renaisse de ses cendres.

aboubakariabdoulaye
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je dementi tes propos oui paul biya a dure au pouvoir on le qualifie dun dictateur democrate mais tes propos sont hyperbolique est mensongeres surtout en faveur de ahidjo