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Mida : les leçons d'une "escroquerie de grande envergure" éventrée par le gouvernement camerounais

Sept mois après le lancement de ses activités à Ahala, une localité situé dans l’arrondissement de Yaoundé 3ème, la Mission d’intégration et développement pour l’Afrique (Mida) ferme définitivement ses portes. La Mida était considérée comme une entreprise financière de placement. Le communiqué du ministre de la communication qui met fin aux activités de l’entreprise remet au grand jour révèle quatre leçons tirées à la suite de cette vaste escroquerie.

Le sociologue Serge Aimé Bikoi nous livre ici une analyse de la situation qui met en exergue les quatre leçons tirées après la fermeture de Mida. Il est à noter cependant que l’analyse que le sociologue nous livre ci-dessous nous montre le niveau de déliquescence de la société camerounaise en manque de repère. Elle est prompte à prendre des risques face à un environnement dont les opportunités de sortir du chômage sont assez morbides.

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Le logo officielle de la Mida, entreprise accusée d’escroquerie par le gouvernement camerounais. Crédit photo : Mida

Affaire Mida : chronique de la fin d’une aventure mêlée d’esbroufe et de clandestinité

Un laxisme qui a fait a fait perdurer l’escroquerie

Le ministre de la Communication (Micom) a suspendu, ce samedi, 21 avril 2018, les activités de la Mida (Mission d’intégration et développement pour l’Afrique). Après sept mois d’activités, le gouvernement monte au créneau pour sanctionner une structure qualifiée, finalement, a posteriori, de clandestine. D’après le communiqué de Issa Tchiroma Bakary rendu public ce jour (le 21 avril 2018, ndlr), le gouvernement camerounais dit suspendre les activités de ce qu’il présente comme étant une structure clandestine, dénommée la Mida. Le porte-parole du gouvernement, signataire dudit communiqué, explique que l’État s’engage à indemniser les jeunes camerounais adhérents de la Mida, estimés à plus de 8000 selon cette organisation.

L’interventionnisme du gouvernement, sept mois après la mise en route des activités de la Mida, incline à questionner les lenteurs, voire les pesanteurs administratives d’un État prompt à réagir, mais qui n’est jamais enclin à l’action au moment opportun. Cette organisation clandestine aurait due être suspendue depuis septembre 2017, période au cours de laquelle ses activités ont été étrennées sans que les autorités administratives ne viennent au devant de la scène, comme ces derniers jours, pour sonner le glas de cette escroquerie maffieuse. Mais au regard du fait que le Cameroun est un macrocosme où il règne, ce que le Sociologues de la régulation sociale, appellent « l’État-spectacle », l’État s’offre dans une scène de théâtralisation. Question de stopper les activités illicites et clandestines, lesquelles avaient droit de cité depuis sept mois. Quelle inertie!

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Première leçon : les autorités administratives seraient-elles mêlées à cette escroquerie ?

La première leçon à tirer de cette suspension est liée au constat de la conflictualité des rapports de pouvoir et d’autorité entre le premier adjoint préfectoral, qui accordait une onction aux cérémonies de remise de parchemins aux séminaristes en fin de formation, et le Préfet du département du Mfoundi, dont la réaction, sur les colonnes de Cameroon tribune (Quotidien gouvernemental, ndlr), du 17 avril 2018, est intervenue sur le tard. Jean-Claude Tsila (le préfet du Mfoundi, ndlar) ne savait-il pas que la Mida exerce depuis septembre 2017 sur l’étendue du triangle national pour sanctionner, fortuitement, la suspension des activités et apposer des scellés au siège de cette structure à Ahala ?

Sans conteste, il y a l’angle de la politisation de ce contentieux entre les autorités, dont le bas-peuple, généralement dindon de la farce, ne débusque pas les tenants et les aboutissants. Sinon, comment comprendre l’accréditation, par le Sous-préfet de l’arrondissement de Yaoundé IIIème, de la déclaration des manifestations publiques organisées par la Mida durant sept mois sans que ce fait curieux n’interpelle le numéro 1 de la région du Centre ? Il y a, sans doute, anguille sous roche. Certaines autorités administratives ont-elles été corrompues pour avaliser les événements de cette organisation désormais clandestine ? Le Cameroun est formidable. Vivons seulement comme qui dirait!

Deuxième leçon : un laxisme administratif qui ne rend pas service au peuple

La deuxième leçon , indissociable de la première, est relative à la permanence des pesanteurs bureaucratiques des autorités officielles, lesquelles activent, mieux optent pour le paradigme du pourrissement pour, in extremis, réagir au lieu d’agir au premier abord. C’est sur ces entrefaites que certaines grilles de lecture postulent la thèse suivant laquelle le temps de l’État n’est pas celui du peuple, encore moins celui des populations. Le temps du Président, maître-censeur et penseur du système n’est pas celui du bas-peuple. L’État met, certes, du temps à agir-ce qui est une tare-, mais il agit toujours tout compte fait dans l’optique de la sauvegarde de l’intérêt général.

Troisième leçon : une jeunesse perdue qui a besoin d’un désenvoûtement

La 3ème leçon est liée au processus d’avilissement et d’ensauvagement des jeunesses du pouvoir qui, confrontées à la paupérisation, à la relégation et au misérabilisme ambiants et chancelants, sont happées comme des bêtes de somme, des moutons de Panurge dans une aventure entremêlée d’esbroufe et d’escroquerie à grande échelle, dont elles ne cherchent pas à appréhender les non-dits. C’est le corollaire de l’intérêt accru pour le gain facile.

Dépenser 12.500 Fcfa à l’entrée et percevoir 60.000 Fcfa à la sortie de la formation, souscrire à cette formation à 125.000 Fcfa et obtenir, curieusement, la somme de 600.000 fcfa au sortir de cette formation après un mois ressemble à la construction d’une illusion dans un odyssée, où tout est rose sans scrupule. Dire que 8.000 personnes qui plus est des jeunes n’ont pas questionné la provenance des fonds, mieux ce procédé de la captation faramineuse des ressources pécuniaires est assimilable, à s’y méprendre, à une scène d’envoûtement collectif aux relents spiritualiste et magico-mystique, dont les gourous promoteurs détiennent, seuls, le secret. Ah pauvreté quand tu nous tiens!

Quatrième leçon : pourquoi les Camerounais ne tirent-ils pas de leçon après tant d’expériences d’escroquerie

La quatrième leçon est liée à la mémoire courte d’une catégorie de Camerounais qui ne sait toujours pas tirer les leçons des turpitudes de certaines structures ayant mis en route, par le passé, quasiment le même levier opérationnel de la roublardise. En effet, Famm-Cameroon, Leadership Academy, le Pid sont des trois organisations qui avaient, antérieurement, procédé à l’esbroufe en flouant des grappes d’individus au mépris des conséquences préjudiciables encourues par plus d’un.

Famm Cameroon (Fondation pour l’assistance maladie et maternité Cameroon) est une Organisation non-gouvernementale (Ong) qui, lancée en 2002, avait été présentée par la promotrice comme une panacée à la sécurité sociale au Cameroun. Elle avait alors mobilisé de milliers de personnes, mais coup de théâtre, le rêve s’est estompé et cette structure avait été trainée devant les instances judiciaires compétentes pour « usurpation de fonction, détournement de deniers publics, refus de déclarer les impôts et refus de reverser les cotisations à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps). Le montant des cotisations sociales collectées auprès de plus de 2800 employés est évalué à 1,3 milliards de Fcfa.

Que reproche-t-on à la Mida ?

La Mida, en ce qui la concerne, a été épinglée et est accusée, par le Préfet du Mfoundi, « d’existence illégale, d’usurpation de fonctions, de corruption de la jeunesse, de port illégal d’insignes et d’uniformes militaires et d’escroquerie par appel au public ». Quelques années après, le feuilleton Leadership academy, dont les activités avaient été interdites en octobre 2000 par le ministre de l’économie et des Finances (Minefi) de l’époque, avait fait des vagues. Soupçonnée, en effet, d’être une société écran, cette institution d’épargne a été sommée de fermer ses portes. Leadership Academy, dont le principal promoteur fut un expatrié, s’était vu refuser l’agrément par la commission bancaire de l’Afrique centrale, invitant les clients potentiels à lui confier leur épargne pour des intérêts mirobolants. Décidément, des concitoyens ne tirent pas toujours les leçons du passé!

Serge Aimé Bikoi

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tkcyves

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