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Afrique du Sud : sanctionné dans les urnes, l'ANC devient un parti des ruraux

Là où il y a la démocratie, le parti au pouvoir cristallise l’expression de toutes les déceptions et mécontentements à l’occasion des élections. Et le peuple mobilisé fait le job.

Comme le Nigeria hier, avec la chute de la maison PDP et son porte-étendard Goodluck Ebele Jonathan, qui furent renvoyés du pouvoir par le peuple malgré une opposition pas porteuse d’alternative et incarnée par un ancien leader putschiste, le général Buhari reconverti à la démocratie à la tête de l’APC, l’Afrique du Sud vient de nous donner l’exemple de ce que le peuple doit toujours avoir le dernier mot au travers des urnes. A l’issue des élections municipales de mercredi dernier, le quasi parti unique de feu Nelson Mandela a vu ses suffrages baisser de près de 10% sur l’ensemble du territoire. Il passe des 63% des voix rassemblées lors du dernier scrutin législatif, à quelque 54% sur l’ensemble du pays. Un recul historique !

Jacob Zuma, symbole de la déliquescence de la gouvernance ANC

Significatif de l’étiolement manifestement irréversible de l’African National Congress (ANC) dirigé par un Jacob Zuma dont les scandales personnels, ceux de son gouvernement et de son entourage proche, qui ont traversé les frontières sud-africaines, le parti historique perd la capitale Pretoria.  Comment ne pas aussi mentionné les autres villes comme Port Elizabzeth et la symbolique ville ex bastion anti-apartheid de Mandela Bay, la 6e ville au profit de l’Alliance démocratique qui, arrivant en tête chaque fois, conserve Cap Town la 3e vile sud-africaine et à dominance blanche avec une majorité absolue de 66%. L’ANC n’arrive en tête dans la capitale économique Johannesburg, qu’avec moins de 46% et ne devra son maintien à la mairie que grâce à une coalition municipale. Plus significatif encore : l’ANC qui se maintient bien dans les zones rurales perd néanmoins à Nkandla, localité d’origine de Jacob Zuma où s’est noué le scandale de la réfection contestée de sa résidence de campagne avec des fonds publics.

Au final, l’ANC se recroqueville pratiquement dans les zones rurales. De fait, 22 ans après les premières élections multipartites et multiraciales, le parti anti-apartheid paie le prix d’une gouvernance insouciante de son élite. Elle fait ainsi le lit d’un prochain retour au gouvernement des libéraux de l’Alliance démocratique (AD), héritière des anciens tenants du pouvoir blanc qui ont stratégiquement porté à leur tête un cadre noir: Mmusi Maimane. Avec les coups de boutoir du parti radical de gauche formé par Julius Malema, l’ex leader des jeunes de l’ANC, arrivé en 3e position, sera le faiseur des rois dans les grandes municipalités. Poussé à l’extérieur du fait de ses critiques contre l’élite prébendiers post-apartheid, EFP de Julius Malema avait toujours juré la perte de Zuma. Aujourd’hui, l’avenir s’annonce incertain pour le plus vieux parti politique africain en activité.

Quel recours pour succéder à ce Jacob Zuma, cramé ?

Les résultats de ce scrutin local qui pourraient accélérer l’alerte de la perte durable de la suprématie de l’ANC devraient aussi accélérer les luttes internes au sein de ce parti dans l’optique d’assurer sa survie. En mars dernier, lorsque Mme Nkozasana Dlamini Zuma annonçait sa décision de ne pas solliciter un nouveau mandat à la tète de la commission dé l’Union Africaine où elle avait été ‘exilée » par son ex mari, qui redoutait sa crédibilité interne, nombre d’analystes subodhoraient un désir de sa part de retourner jouer un rôle de premier plan dans la politique interne sud-africaine. Le report en juillet dernier des élections de son successeur et la prorogation pour 6 mois de son mandat jusqu’en janvier 2017 laisse totalement ouverte cette hypothèse de son retour comme recours. Cyril Ramaphosa, actuel 2eme vice président amené lors du dernier congrès et pressenti comme le dauphin du Président Jacob Zuma peine à faire l’unanimité tant la base populaire le considère comme l’exemple achevé de cette élite noire post apartheid qui s’est enrichie au détriment de la construction des équilibres économiques, sociaux voire culturels en faveur de tous. L’éloignement de l’ex épouse de M. Zuma, qui garde pourtant une image de réformatrice après ses passages assez réussis aux ministères de la santé, des affaires étrangères et de l’intérieur dans les gouvernements Thabo Mbeki et Jacob Zuma, aurait alors fort à faire. Le prochain congrès de l’ANC attendu au second semestre 2017 ne sera pas un long fleuve tranquille pour l’élite du parti. Bien au contraire.

Alex Gustave Azebaze

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